«Pognon de dingue» : quand Emmanuel Macron parle cash des pauvres et de la prévention

 

Bonjour

A chaque jour ses tweets doublés de vidéos. Cette fois on innove avec les images d’un président de la République peaufinant un futur discours en usant d’un langage que l’on aurait, jadis, qualifié de charretier. Quand il s’agissait de motiver chevaux, ânes et mulets.

« On met un pognon de dingue dans les minima sociaux et les gens ne s’en sortent pas »,  s’est ainsi enflammé, dans la nuit du 12 juin au 13 juin 2018, Emmanuel Macron quelques heures avant le discours qu’il doit tenir devant le congrès de la Mutualité française, à Montpellier – une prise de parole « stratégique ».

Aucune fake news, ici : les images ont été tweetées par sa directrice de la communication, Sibeth Ndiaye. « Le président ? Toujours exigeant. Pas encore satisfait du discours qu’il prononcera demain au congrès de la Mutualité, il nous précise donc le brief ! Au boulot ! », commente sa conseillère en postant la vidéo sur Twitter.

Le président de la République :

 « Je vais faire un constat qui est de dire : on met trop de pognon, on déresponsabilise et on est dans le curatif. Toute notre politique sociale, c’est qu’on doit mieux prévenir – ça nous coûtera moins, ensemble – et mieux responsabiliser tous les acteurs (…)  Les gens pauvres restent pauvres, ceux qui tombent pauvres restent pauvres. On doit avoir un truc qui permet aux gens de s’en sortir. Par l’éducation… 

« Il faut prévenir la pauvreté et responsabiliser les gens pour qu’ils sortent de la pauvreté. Et sur la santé, c’est pareil. Tout le système de soins que je veux repenser, c’est aller vers plus de prévention pour responsabiliser, y compris les acteurs de soins (…) C’est dans ce contexte-là qu’on fait le reste à charge zéro. (…) C’est une politique de responsabilité car tout le monde va au pot, (…) je demanderai des efforts aux mecs qui font des lunettes, aux types qui font des verres… »

« Là, c’est cohérent. Sinon vous n’aviez pas de fil directeur…, lance-t-il à ses collaborateurs à propos du discours qu’ils lui proposent. C’était de la lasagne à la feta avec de la paella ! »

Bonne conscience

Cette sortie présidentielle mûrement calculée survient une semaine après les informations  du Canard Enchaîné quant aux 7 milliards d’économies envisagées par Bercy sur les aides sociales. Informations démenties par Agnès Buzyn, une ministre des Solidarités et de la Santé apparaissant gênée par le sujet autant que soudain isolée au sein du gouvernement.

A l’aube du 13 juillet, et avant même le discours officiel présidentiel de Montpellier, RTL a interrogé Thierry Beaudet, président de la Mutualité française.

« Dans une vidéo publiée mardi 12 juin, Emmanuel Macron annonce: « On met un pognon de dingue dans les minimas sociaux et les gens ne s’en sortent pas ». Partagez-vous l’analyse présidentielle ? » demande RTL. Réponse :

 « J’ai entendu ses propos, nous considérons qu’on ne met pas trop d’argent dans le système de protection sociale et de santé, mais ce qui est sûr c’est que chaque euro dépensé doit être un euro utilement dépensé … Il faut être efficace et mettre l’accent sur la prévention. Pour maitriser les dépenses de santé, il faut développer la prévention, faire une vraie révolution : passer de l’assurance maladie à l’assurance santé. »

 -Vous êtes d’accord avec Emmanuel Macron ?

 -Avec des nuances, parce que moi je considère qu’il n’y a pas toujours de responsabilité à mal se comporter en matière de santé. La prévention doit d’abord s’adresser aux populations qui sont éloignés d’une démarche de soin … Il faut vraiment mettre l’accent sur ceux qui pour des raisons sociales, économiques ou culturelles sont éloignés du système de santé. »

S’intéresser de très près au plus pauvres, en somme. Des pauvres qui ne diraient pas non à des lasagnes à la feta avec de la paella. S’intéresser à eux et ne pas les condamner parce qu’ils « se comportent mal » quant à leur santé. Précisément parce qu’ils vivent sous le seuil de l’acceptable, sans connaître le prix de la bonne conscience.

A demain

Ebola en France : François Hollande discourt. Prise des températures Conakry – Roissy

Bonjour

Trouver les mots.

Comment faudra-t-il dire qu’il y a urgence pour être, enfin,  entendu ? Urgence à se protéger bien sûr, mais aussi urgence à aider ceux qui meurent d’Ebola au Libéria, en Sierra Leone, en Guinée. Qu’il y a urgence et que la France dirigeante, la France politique, dort. La France et le Vieux Continent à l’unisson (Royaume-Uni excepté).

Que c’est, de ce côté de l’Atlantique, un spectacle désespérant, un dilution mortelle de la notion d’urgence et d’entraide, une atonie qui ne devrait raisonnablement pas pouvoir durer. Mais qui dure – au delà du raisonnable, de l’acceptable. Et que le temps passant on en viendra bientôt à parler d’indécence.

Agressivité US renforcée

Face à l’urgence épidémique, la Maison Blanche a fait savoir que le président Barack Obama a annulé tous ses déplacements pendant deux jours. Il multiplie les déclarations. Il promet une réponse « beaucoup plus agressive » pour éviter de nouveaux cas après la contamination de deux soignantes aux Etats-Unis. Il déploie des forces sanitaires militarisées au Libéria. Il appelle le monde occidental à le rejoindre. Il vient d’organiser une visio-conférence avec la chancelière allemande Angela Merkel, le président français François Hollande et les chefs de gouvernement britannique et italien David Cameron et Matteo Renzi. Voici ce qu’en dit le Palais de l’Elysée et qui n’entre guère en résonance avec l’urgence.

« S’agissant de l’épidémie d’Ebola, l’ensemble des dirigeants ont fait part de leur solidarité avec les pays touchés et appelé à la mobilisation de la communauté internationale et de l’Union européenne, en étroite coordination avec les Nations Unies, l’OMS et les pays concernés.

Le président de la République a annoncé que la France répondrait favorablement à la demande guinéenne de construction de nouveaux centres de traitement anti-Ebola, en plus de celui en cours de déploiement à Macenta, en Guinée forestière. Il a fait part du déploiement de personnels de la protection civile pour mener des actions de formation auprès des autorités guinéennes.

François Hollande a par ailleurs indiqué que la France allait mettre en place un dispositif de contrôles à l’arrivée des vols en provenance de la zone touchée par le virus. »

Ordre des médecins

François Hollande  s’exprimait aussi, aujourd’hui, devant le Conseil de l’Ordre des médecins (la vidéo de son intervention est ici). Voici ce qu’il a dit sur Ebola :

« Sommes nous vraiment bien protégés contre les épidémies ? Et nous pensons tous en cet instant au virus Ebola. Hier j’ai eu par les moyens de la technologie ce qu’on appelle une visio-conférence avec le président Obama, la chancelière Merkel, le Premier ministre britannique, il y avait aussi le premier ministre italien, et tous se mobilisaient, et tant mieux, pour que toutes les dispositions soient prises à l’échelle des pays qui sont d’abord touchés, les pays de l’Afrique de l’Ouest et également par rapport aux menaces qui nous concernent tous.

Sans doute que la mobilisation a trop tardé, mais la France, elle, a pris toutes les précautions. Encore aujourd’hui, au moment même où s’ouvre votre congrès, les transports aériens font l’objet d’une vigilance particulière, avec des contrôles au départ et à l’arrivée. De la même manière la France a, pour la Guinée, mis en place plusieurs centres de traitement, et je veux saluer ici les organisations humanitaires, notamment Médecins Sans Frontières, sans lesquelles il ne serait pas possible d’agir.

J’ai moi-même décidé avec la ministre de la Santé, le ministre de la Défense, que nous pourrions installer un centre pour soigner au cœur de la forêt guinéenne. Mais faut-il aussi que des médecins, des personnels soignants se rendent sur place, donc nous avons fait en sorte que les conditions d’évacuation de ces médecins et de ces personnels puissent être assurées.

Et je veux ici les saluer et les remercier pour l’action qu’ils mènent dans ces pays avec les risques que chacun connaît. La France a également envoyé des éléments de la protection civile pour que nous soyons également dans l’encadrement des personnels guinéens pour faire face à ces dangers. Sommes nous pour autant totalement prémunis ? Ce serait être audacieux que de le dire. Alors nous faisons en sorte que si un cas devait apparaître, nous puissions le traiter et le guérir et ce fut déjà le cas puisqu’un personnel soignant qui était au Libéria et non pas en Guinée a pu non seulement être traité mais être guéri. Voilà les interrogations que se posent nos compatriotes. »

Symptomatique

On retiendra cette formule, symptomatique, et qui résume admirablement la lecture gouvernementale française :

« Sans doute que la mobilisation a trop tardé, mais la France, elle, a pris toutes les précautions ».

Avec, en pleine résonance, cette mesure répétée en boucle sur les ondes médiatiques : la France « affine son dispositif anti-Ebola ». À partir de samedi 18 octobre au matin, les passagers en provenance de Conakry, en Guinée, seront contrôlés à leur arrivée à l’aéroport de Roissy. La Croix Rouge sera à la manoeuvre.

.Passerelle

France Info : A partir de samedi, ce sera systématique : tous les passagers, arrivant de Conakry, la capitale de la Guinée, auront droit (sic) à une prise de température sur la passerelle de débarquement, donc avant leur entrée dans l’aéroport. En cas de fièvre supérieure à 38 degrés, les personnes seront immédiatement prises en charge par l’équipe médicale de Roissy, avec l’appui de la Croix Rouge et de la Protection Civile.

Christelle Martin, la secrétaire générale de Force Ouvrière Aéroport de Paris : « Ce n’est pas ça qui empêchera qu’on ait des cas en France ou dans d’autres pays. Ils ciblent les vols arrivant des pays où il y a des foyers mais on a quand même beaucoup de correspondances – notamment par Bruxelles– donc si c’est uniquement organisé sur la France ce n’est pas ça qui empêchera la propagation de l’épidémie. »

Et encore : « Nous avons demandé en comité d’hygiène que l’ensemble du personnel au contact avec le public soit informé. On a demandé des équipements de protections pour les salariés en contact avec le public, des gants, des masques, mais pour l’instant on ne les a pas. »

Marisol Touraine : « Les passagers recevront, en outre, dans l’avion un « questionnaire de traçabilité » destiné à permettre de « retrouver les gens si on a besoin de les contacter après » ».

Trouver les mots. Les bons. Et vite

A demain

Ebola : Paris « va réfléchir» à aider la Guinée. Les infirmiers français sont inquiets

Bonjour

Face à l’épidémie meurtrière la France pourrait, peut-être, se mobiliser. Qui sait ? Elle va « réfléchir ».  Elle réfléchit aussi à l’idée de mieux se protéger des passagers arrivant directement des vols de Conakry (Guinée). Ces deux informations réunies, cet immobilisme affiché, cet effacement français sont, au fond, d’une tristesse infinie. (1)

Palais de l’Elysée

Une fois encore c’est Marisol Touraine, ministre de la Santé, qui prend la parole. Elle vient de le faire, lundi 13 octobre, à la sortie du Palais de l’Elysée. Elle participait à un « rendez-vous » qui  réunissait, outre le Premier ministre Manuel Valls, six membres du gouvernement autour de François Hollande.

Conclusion : le gouvernement va « réfléchir ».  La réflexion gouvernementale est menée sur deux plans. D’abord sur l’hypothèse de « l’envoi de moyens humains et matériels supplémentaires en Afrique de l’Ouest pour lutter contre l’épidémie d’Ebola ». Ensuite sur « l’instauration de contrôles sanitaires à l’arrivée des vols directs en provenance de Conakry ».

Eventualité

«Nous allons réfléchir à l’envoi de professionnels de santé et de structures de soins et de traitement supplémentaires au-delà de celles qui ont déjà été annoncées», en Afrique de l’Ouest et «tout particulièrement en Guinée», a déclaré la ministre de la Santé aux journalistes qui l’attendaient.

« Nous réfléchissons à l’éventualité d’un développement des contrôles à l’arrivée des vols directs de Conakry (…) si la situation appelle ce type de mesure», a-t-elle  précisé.

Il y a six mois

Et puis Mme Touraine a eu ce mot : « Lorsque ce sera le cas, nous vous informerons». Elle en a eu un autre, dans la foulée : promettre  « la transparence » aux Français.

On se souvient peut – être  (c’était il y a six mois) que Marisol Touraine avait convié  la presse à l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle pour faire le point sur Ebola. Pourquoi Roissy en ce début d’avril ? Tout simplement pour parler de Conakry, Guinée. De l’aéroport de Conakry, pour être plus précis. Un aéroport international où des équipes médicales françaises allaient été déployées  « pour limiter au maximum » le risque d’une arrivée sur le sol français du virus Ebola apparu en Afrique de l’Ouest.

De Conakry à Roissy

Mme  Touraine convoquait alors la presse pour dire que ces mesures hors du commun avaient été prises tout en  assurant qu’il s’agissait simplement de mesures « de précaution ».  « Des équipes de l’Institut Pasteur et des médecins d’organisations non gouvernementales sont sur place pour surveiller la manière dont se déroulent les embarquements : ce sont des procédures jugées les plus efficaces face au risque lié à un virus » expliquait-elle alors.

Six mois plus tard elle précise que les contrôles de température seront peut-être aussi bientôt organisés à l’arrivée des Conakry-Roissy. Au titre de la précaution. «Le président de la République a souhaité marquer cette mobilisation forte du pays», a résumé la ministre de la Santé.

Omerta

La mobilisation et la précaution : on les retrouve aujourd’hui chez les infirmiers hospitaliers.  Le Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI) a dénoncé lundi 13 octobre le « silence des pouvoirs publics » concernant Ebola.   « Omerta sur Ebola ? Alors qu’elles sont en première ligne, en France les infirmières n’ont aucune information des autorités ! », fustige le SNPI-CFE-CGC dans un communiqué. En France, les infirmiers « manquent cruellement d’informations » de la part du ministère, des agences régionales de santé (ARS), des hôpitaux.

Carences méprisantes

« Que faire quand un cas suspect se présente ? Dans les hôpitaux, nous avons du matériel d’isolement simple, mais pas adapté à un cas avéré d’Ebola. Où trouver le matériel, à qui s’adresser ? », s’interroge le syndicat. « Face aux carences méprisantes des autorités qui [les] considèrent visiblement comme des agents d’exécution et non des professions de santé de première ligne », le syndicat infirmier a mis en ligne des informations sur son site Internet.

Il faut mettre ces interrogations en parallèle du document dont nous avons révélé les principales conclusions sur Slate.fr. Un rapport qui détaille les failles du tissu hospitalier français quant à cette nouvelle menace. Un rapport que ne peut ignorer la « task force » interministérielle que le gouvernement a jugé indispensable de créer.

A demain

(1) Dans la soirée du lundi 13 octobre le Palais de l’Elysée a publié le communiqué suivant:

« Le Président de la République s’est entretenu par téléphone, ce soir, avec le Président OBAMA de l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest et de la lutte contre Daech en Irak et en Syrie. S’agissant de l’épidémie d’Ebola, François HOLLANDE et Barack OBAMA ont souhaité une mobilisation accrue de la communauté internationale et de l’Union européenne, en étroite coordination avec les Nations Unies, l’OMS et les pays concernés.

Le Président de la République a annoncé que la France répondrait favorablement à la demande guinéenne de construction de nouveaux centres de traitement anti-Ebola, en plus de celui en cours de déploiement à Macenta, en Guinée forestière. Il a par ailleurs indiqué que la France réfléchissait à la mise en place de contrôles à l’arrivée des vols en provenance de la zone touchée par le virus.

Les deux chefs d’Etat ont confirmé leur détermination à lutter contre Daech dans le cadre de la coalition internationale. Ils ont exprimé leur volonté commune de renforcer le soutien international à l’opposition syrienne modérée. Ils ont confirmé leur engagement de soutenir les nouvelles autorités irakiennes et les forces engagées en première ligne contre Daech.»,

Le gouvernement Valls est formé. Avec une assez grosse surprise: personne à la Santé !

Bonjour

On l’attendait : il est là (1) comme on peut le voir ici. C’est un gouvernement de « combat ». Le premier gouvernement Valls est composé de dix-sept membres (Manuel Valls compris). Benoît Hamon hérite du ministère de l’Education. Il remplace Vincent Peillon, qui ne fait pas partie de la nouvelle équipe gouvernementale. Pierre Moscovici est également évincé de Bercy, Arnaud Montebourg étant nommé ministre de l’Economie, du Numérique tout en conservant le portefeuille du Redressement Productif.

« Le fait d’être une femme, pour partie »

Marisol Touraine est nommée ministre des Affaires sociales, elle qui était jusqu’ici ministre des Affaires sociales et de la Santé.  Discrète depuis quelques semaines Mme Touraine tenait à conserver son poste. Les atomes étant ce qu’ils sont avec le nouveau Premier ministre, on pouvait pur elle craindre le pire. Pourquoi est-elle restée ? Le Monde avance assez méchamment  « le fait d’être une femme, pour partie ».

Des  secrétaires d’Etat seront  bientôt nommés. On attend bien évidemment celui qui héritera de la Santé. Non pour des raisons de pré carré. Mais parce que la « santé », est l’une des priorités fixées par François Hollande, président de la République le lundi 31 mars. Comme on peut le voir ici. Le second pilier du gouvernement , avait dit François Hollande devra être  « la Sécurité sociale avec la priorité donnée à la santé ».

C’est dire si cette absence surprend, étonne, interloque. Les paris sont ouverts. Sera-ce le Dr Jean-Marie Le Guen , lui qui l’espère tant ?

A demain

(1) Voici la composition du gouvernement dirigé par Manuel Valls, annoncée mercredi 2 avril au matin par le secrétaire général de l’Elysée, Pierre-René Lemas:

– Premier ministre: Manuel Valls

– Ministre des Affaires étrangères et du Développement international: Laurent Fabius

– Ministre de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie: Ségolène Royal

– Ministre de l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche: Benoît Hamon

– Ministre de la Justice, garde des Sceaux: Christiane Taubira

– Ministre des Finances et des Comptes publics: Michel Sapin

– Ministre de l’Economie, du Redressement productif et du Numérique: Arnaud Montebourg

– Ministre des Affaires sociales: Marisol Touraine

– Ministre du Travail, de l’Emploi et du Dialogue social: François Rebsamen

– Ministre de la Défense: Jean-Yves Le Drian

– Ministre de l’Intérieur: Bernard Cazeneuve

– Ministre des Droits des femmes, de la Ville, de la Jeunesse et des Sports: Najat Vallaud-Belkacem

– Ministre de la Décentralisation, de la Réforme de l’Etat et de la Fonction publique: Marylise Lebranchu

– Ministre de la Culture et de la Communication: Aurélie Filippetti

– Ministre de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt, porte-parole du gouvernement: Stéphane Le Foll

– Ministre du Logement et de l’Egalité des territoires: Sylvia Pinel

– Ministre des Outre-mer: George-Pau Langevin

 

Euthanasie : le chemin de croix français est désormais pavé

C’est François Hollande en personne qui l’a solennellement annoncé. Après Jean-Claude Ameisen (Comité national d’éthique) ce sera Marisol Touraine (ministère de la Santé) qui héritera du dossier. Une loi est programmée. Avant la fin de cette année.

On ne connaît pas la fin, évidemment. Qui la connaît ? Une certitude pourtant : il faudra un jour faire le chemin inverse. Comprendre comment François Hollande aura réussi faire progresser le sujet selon sa volonté. On l’a vu pour le mariage dit « pour tous » (7000 unions célébrées en mairie depuis mai 2013). On le voit aujourd’hui pour la fin de vie. Les transformations sociétales ne lui font nullement peur. Mieux il semble bien qu’il y prenne un plaisir certain. L’éthique plus que l’économique.

Hier 14 janvier, dans le décor compassé de la Salle des Fêtes du Palais de l’Elysée( inaugurée en 1889 pour recevoir les festivités de l’Exposition Universelle) le président de la République française a répondu à la « presse ». Et il a ouvertement parlé de la fin de vie. Un sujet qui devrait être réglé avant la fin de son quinquennat.  François Hollande a déclaré ceci (texte officiel):

Sans polémiques

« Dignité encore des personnes sur un tout autre domaine. Je pense au débat sur la question de la fin de vie. Encore quelques cas particulièrement douloureux sont apparus dans l’actualité. J’avais commandé aujourd’hui [sans doute s’agit-il d’une coquille] un rapport très tôt dès mon arrivée. Le Comité consultatif d’éthique me remettra ses conclusions dans les prochaines semaines. La ministre de la Santé fera les consultations nécessaires pour qu’un accord, un accord le plus large possible puisse être trouvé sur un texte de loi.

Je souhaite que ce texte puisse être élaboré sans polémiques, sans divisions et simplement dans l’idée qu’un cheminement est possible pour rassembler toute la société. Il s’agit de permettre à toute personne majeure et consciente, atteinte d’une maladie incurable provoquant une souffrance psychologique, physique insupportable et qui ne peut être apaisée, de pouvoir demander, dans des conditions strictes, une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité. »

Lors de la campagne électorale pour l’élection présidentielle le candidat François Hollande avait déclaré: «Je proposerai que toute personne majeure en phase avancée ou terminale d’une maladie incurable, provoquant une souffrance physique ou psychique insupportable, et qui ne peut être apaisée, puisse demander, dans des conditions précises et strictes, à bénéficier d’une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité

Une réflexion démocratique

Les mots ne changent pas. Le contexte si. D’une part parce que le président fait appel (comme le faisait son prédécesseur dans d’autres domaines) à des faits divers pour justifier la nécessité d’une modification de la loi (1). Ensuite parce que plusieurs éléments sont intervenus depuis l’élection. Certains vont à contre-courant de la volonté présidentielle de « l’assistance médicalisée » (que l’on peut lire comme « suicide médicalement assisté » et/ou « droit de mourir dans la dignité ».)

La démarche  présidentielle peut surprendre compte-tenu des diverses  entreprises menées  sur ce thème. En 2012 une commission de réflexion confiée par François Hollande au Pr Didier Sicard, président d’honneur du CCNE, avait mené une série de consultations ouvertes dans neuf villes et universités avant de remettre, en décembre, son rapport au président de la République. Par rapport à la loi Leonetti il préconisait une ouverture dans le sens d’une possible accélération de la survenue de la mort, «une grave décision prise par un médecin engagé en conscience, toujours éclairée par une discussion collégiale».

Douze feuillets et l’IFOP

En juillet 2013, le CCNE rendait, toujours à la demande de François Hollande, un avis (n°121) dans lequel il indiquait que la «majorité de ses membres recommandait de ne pas légaliser l’assistance au suicide et/ou l’euthanasie». Mais il est vrai qu’il s’agissait encore d’un CCNE reflet de l’ancienne majorité. En septembre la composition du Comité fut, comme le prévoit son règlement, profondément remaniée ce qui suscita de vives critiquesdes autorités religieuses et de personnalités de droite.

Plus récemment il y avait eu un pas de plus. Douze feuillets. Un document peu banal que l’on peut découvrirdepuis peu sur le site du Comité national d’éthique (CCNE). A en-tête de l’Institut français d’opinion publique (IFOP) il s’agit de l’«avis citoyen», conclusion de la «Conférence de citoyens sur la fin de vie». C’est aussi le fruit d’une initiative du CCNE, institution que préside Jean-Claude Ameisen depuis octobre 2012, après sa désignation par François Hollande (2).

Jean-Claude Ameisen accusé

Depuis sa publication cet «avis citoyen» alimente une polémique. On accuse Jean-Claude Ameisen d’avoir organisé une opération visant au final à faciliter la traduction dans la loi de l’engagement pris par François Hollande candidat à l’élection présidentielle.  Une accusation alimentée par les conclusions des dix-huit citoyens réunis par l’IFOP : «La possibilité de se suicider par assistance médicale comme l’aide au suicide constitue, à nos yeux, un droit légitime du patient en fin de vie ou souffrant d’une pathologie irréversible, reposant avant tout sur son consentement éclairé et sa pleine conscience».

Une accusation que réfute l’accusé. L’actuel président du CCNE défend le caractère «citoyen» de l’opération pilotée par l’IFOP en rappelant qu’en 2009 les débats et les conclusions des états généraux de bioéthique étaient dirigés par le cabinet de Roselyne Bachelot, ministre de la Santé  Jean Leonetti et la directrice de l’Agence de biomédecine. Où il est démontré que la réflexion biotéthique peut ne pas être très éloignée de la politique.

Les moyens et la fin

Et maintenant? Jean-Claude Ameisen annonce «avant la fin février» un rapport du CCNE sur l’ensemble du débat public sur la fin de vie entamé  il y a un an et demi avec la commission Sicard. François Hollande annonce que Marisol Touraine reprendra le dossier. La ministre de la Santé fera alors « les consultations nécessaires pour qu’un accord, un accord le plus large possible puisse être trouvé sur un texte de loi ».

On peut voir là un feuilleton démocratique avec fin programmée. On peut aussi y voir une incarnation de la question éternelle, celle  des moyens et de la fin.

(1) L’inverse est aussi possible. C’est ainsi que le médecin urgentiste de Bayonne Nicolas Bonnemaison, renvoyé devant la Cour d’assises pour l’empoisonnement de sept patients en fin de vie s’est dit, mardi 14 janvier,  « heureux » que François Hollande « n’ait pas oublié ses engagements de campagne », en souhaitant une « assistance médicalisée » à la fin de vie. « Je prends acte, je souhaite que la loi évolue dans de brefs délais et je suis heureux que le président n’ait pas abandonné ses engagements de campagne », a déclaré le Dr Bonnemaison, sollicité par une correspondante de l’AFP sur ce sujet.

Nicolas Bonnemaison, 53 ans, doit comparaître devant la cour d’assises des Pyrénées-Atlantiques en juin prochain pour l’empoisonnement de sept patients en fin de vie, des actes qu’il a assumés, estimant qu’il devait juste mettre fin à des souffrances extrêmes. Il devra répondre de « sept cas d’empoisonnement sur personnes vulnérables, constitués par le fait d’administrer des substances de nature à attenter à la vie d’autrui ». Il encourt  la réclusion criminelle à perpétuité.

Selon le Dr Marie-Pierre Kuhn, médecin anesthésiste hospitalier à Bayonne et membre de son comité de soutien, « 500 médecins ont contesté sa radiation devant le Conseil de l’Ordre national dont vingt agrégés, professeurs d’universités ». En octobre 2013, ce comité avait comptabilisé plus de 57.000 signatures de personnes  soutenant ce médecin. Il y a un an près de 250 médecins ont envoyé une lettre ouverte au président de la République pour demander que soit suspendue la radiation de l’urgentiste bayonnais du conseil de l’Ordre. Ils demandaient au président du conseil de l’Ordre des médecins Michel Legmann, à François Hollande et aux ministres de la Santé et des Personnes âgées Marisol Touraine et Michèle Delaunay la «suspension immédiate» de cette mesure ». Sans suite.

(2) Sur ce sujet, on se reporter à notre chronique publiée sur le site Slate.fr. On peut la trouver ici.

Un « gros coup de blues ». Est-ce bien légitime ?

Le Palais de l’Elysée n’utilise pas un mot français. Veut-il parler de bleus à l’âme, de cafard, de bluette, d’énorme déprime, de stress post-traumatique ? De profonde neurasthénie, d’insondable mélancolie? Voire de nostalgie ? Que dira le bulletin médical ? Des précisions s’imposent.

Aujourd’hui nous sommes tous à l’heure de Paris. Regards fixé sur les ambulances de l’Elysée. Et aujourd’hui plus que jamais l’heure est au blues. Au « gros coup de blues ». Une entité sans existence psychiatrique officielle. Comment ne pas se répéter ? Dans les dépêches d’agence on trouve des variantes. L’« énorme déprime » par exemple. Où les conséquences de l’infortune d’une femme (Bernard Pivot, nouveau président de l’Académie Goncourt, 20 heures de France 2, dimanche 12 janvier 2014). L’infortune ? C’est daté mais crédible. Le blues ? Pourquoi pas ? Mais de quoi est-il donc le nom, ce terme anglais appliqué à la Première Dame de France ?  Existe-il un blues français ? Sommes-nous bel et bien, avec elle,  in the doldrums ?

Cafard (toujours sale)

Blues sonne nettement mieux que le sale  cafard hexagonal. Traduirait-on que l’on parlerait de bleus à l’âme.  Le blues, on connaît la musique.  C’est le moral à zéro, les sables mouvant de la neurasthénie. Dans le meilleur des cas c’est la mélancolie.  Mais coup de blues ? La victime est aux antipodes du coup de foudre. C’est le coup de canif dans le contrat, le coup de grisou dans les replis de l’âme, le coup de torchon psychique. C’est, ici, le dernier coup de théâtre d’une pièce tweetée qui n’en manque pas. Mais c’est aussi un pari : coup de tonnerre ou coup d’épée dans l’eau. Feydeau ou Racine.  Le coup tordu qui précède celui du balai.

Du sérieux

Mais qui a parlé de « coup de blues » ? Avec ce blues, c’est du sérieux , comme le résumait, il y a quelques heures,  Le Monde :

« L’Elysée confirme les informations du Parisien selon lesquelles Valérie Trierweiler est hospitalisée. La compagne de François Hollande a été admise à l’hôpital vendredi après-midi pour un « gros coup de blues » après la révélation dans le magazine Closer d’une liaison entre le chef de l’Etat et la comédienne Julie Gayet. Valérie Trierweiler, 48 ans, journaliste et mère de trois enfants, devrait quitter l’hôpital lundi, a précisé son cabinet.

L’hebdomadaire avait annoncé, peu après 23 heures jeudi 9 janvier sur son site, une édition spéciale pour le lendemain « révélant dans un dossier spécial de sept pages les photos de la relation »« L’amour secret du président », annonce la « une ». Officiellement, le chef de l’Etat a pour compagne la journaliste Valérie Trierweiler après avoir longtemps vécu avec Ségolène Royal, avec qui il a quatre enfants. »

Stress post-traumatique

Déjà on appelle des psychologues au chevet du non-dit. Des urgentistes, voire des analystes. On ouvrira la Bible- DSM5. Un extrait offert par l’Association canadienne pour la santé mentale :

« Les moments pénibles font partie de la vie. Nous devons tous affronter des périodes difficiles telles que le deuil d’un être cher ou des conflits d’ordre personnel ou professionnel sans pour autant cesser de vivre. Il arrive parfois qu’une personne subisse une expérience à la fois si inattendue et si éprouvante qu’elle continue d’en subir les séquelles longtemps après l’événement. Les personnes dans cet état subissent souvent des rappels d’images (flashbacks) et des cauchemars où elles revivent les situations d’effroi qui sont à l’origine de leur traumatisme. Elles peuvent même devenir émotivement désensibilisées. Si cet état persiste plus d’un mois, on parle alors de trouble de stress post-traumatique. »

De vagal à bluette

Chacun sait donc ce qu’il en est de l’explication à cette hospitalisation en urgence. Où sommes-nous donc, ici ? C’est assez simple : dans le grand flou des diagnostics médicaux qui masquent l’indicible. L’affaire n’est certes pas nouvelle. Sauf rebondissement dramatique (annoncé par bulletin médical officiel) elle sera à ranger aux côtés du malaise vagal du président précédent (Slate.fr, 2 août 2009).

Il faudrait toujours se méfier de l’Anglais. On nous dit que  blues viendrait de l’abréviation de l’expression  blue devils (diables bleus) que le français laïc désigne par idées noires.

Le temps venu des vapoteuses

En réalité il faut creuser : blue (et donc blues) serait le fruit du vieux français et signifierait « l’histoire personnelle » (il reste dans la langue française actuelle le terme bluette, qui est, pour tous les bluesmen, la signification du blues, une chanson à la première personne du singulier).  La bluette est « une petite œuvre légère sans prétention et empreinte de sentimentalisme » (voir ce mot).

Littré (qui ne se trompe jamais) cite ici Bernard Palissy :

« Après, je prenois une phiole pleine d’eau claire et voyois aussi des bluettes ou estincelles semblables à celles du cristal, [Palissy48] »

Psychologies féminines. Au rang des mots disparus on d’intéressera aussi à vaporeuse 1. C’était au temps où les grandes dames pouvaient avoir leurs vapeurs. Juste avant celles  des machines. Ces machines ont presque toutes disparu. Nous sommes au temps des vapoteuses.

1 « La philosophie des vapeurs » suivi d’une « Dissertation sur les vapeurs et les pertes de sang ». Edition présentée et annotée par Sabine Arnaud. Paris : Editions Mercure de France. Collection « Le temps retrouvé ». ISBN 978-2-71 52-2864-1. Nous avons fait une recension de cet ouvrage dans la Revue médicale suisse  On la trouvera ici.