Bonjour
A chaque jour ses tweets doublés de vidéos. Cette fois on innove avec les images d’un président de la République peaufinant un futur discours en usant d’un langage que l’on aurait, jadis, qualifié de charretier. Quand il s’agissait de motiver chevaux, ânes et mulets.
« On met un pognon de dingue dans les minima sociaux et les gens ne s’en sortent pas », s’est ainsi enflammé, dans la nuit du 12 juin au 13 juin 2018, Emmanuel Macron quelques heures avant le discours qu’il doit tenir devant le congrès de la Mutualité française, à Montpellier – une prise de parole « stratégique ».
Aucune fake news, ici : les images ont été tweetées par sa directrice de la communication, Sibeth Ndiaye. « Le président ? Toujours exigeant. Pas encore satisfait du discours qu’il prononcera demain au congrès de la Mutualité, il nous précise donc le brief ! Au boulot ! », commente sa conseillère en postant la vidéo sur Twitter.
Le président de la République :
« Je vais faire un constat qui est de dire : on met trop de pognon, on déresponsabilise et on est dans le curatif. Toute notre politique sociale, c’est qu’on doit mieux prévenir – ça nous coûtera moins, ensemble – et mieux responsabiliser tous les acteurs (…) Les gens pauvres restent pauvres, ceux qui tombent pauvres restent pauvres. On doit avoir un truc qui permet aux gens de s’en sortir. Par l’éducation…
« Il faut prévenir la pauvreté et responsabiliser les gens pour qu’ils sortent de la pauvreté. Et sur la santé, c’est pareil. Tout le système de soins que je veux repenser, c’est aller vers plus de prévention pour responsabiliser, y compris les acteurs de soins (…) C’est dans ce contexte-là qu’on fait le reste à charge zéro. (…) C’est une politique de responsabilité car tout le monde va au pot, (…) je demanderai des efforts aux mecs qui font des lunettes, aux types qui font des verres… »
« Là, c’est cohérent. Sinon vous n’aviez pas de fil directeur…, lance-t-il à ses collaborateurs à propos du discours qu’ils lui proposent. C’était de la lasagne à la feta avec de la paella ! »
Bonne conscience
Cette sortie présidentielle mûrement calculée survient une semaine après les informations du Canard Enchaîné quant aux 7 milliards d’économies envisagées par Bercy sur les aides sociales. Informations démenties par Agnès Buzyn, une ministre des Solidarités et de la Santé apparaissant gênée par le sujet autant que soudain isolée au sein du gouvernement.
A l’aube du 13 juillet, et avant même le discours officiel présidentiel de Montpellier, RTL a interrogé Thierry Beaudet, président de la Mutualité française.
« Dans une vidéo publiée mardi 12 juin, Emmanuel Macron annonce: « On met un pognon de dingue dans les minimas sociaux et les gens ne s’en sortent pas ». Partagez-vous l’analyse présidentielle ? » demande RTL. Réponse :
« J’ai entendu ses propos, nous considérons qu’on ne met pas trop d’argent dans le système de protection sociale et de santé, mais ce qui est sûr c’est que chaque euro dépensé doit être un euro utilement dépensé … Il faut être efficace et mettre l’accent sur la prévention. Pour maitriser les dépenses de santé, il faut développer la prévention, faire une vraie révolution : passer de l’assurance maladie à l’assurance santé. »
-Vous êtes d’accord avec Emmanuel Macron ?
-Avec des nuances, parce que moi je considère qu’il n’y a pas toujours de responsabilité à mal se comporter en matière de santé. La prévention doit d’abord s’adresser aux populations qui sont éloignés d’une démarche de soin … Il faut vraiment mettre l’accent sur ceux qui pour des raisons sociales, économiques ou culturelles sont éloignés du système de santé. »
S’intéresser de très près au plus pauvres, en somme. Des pauvres qui ne diraient pas non à des lasagnes à la feta avec de la paella. S’intéresser à eux et ne pas les condamner parce qu’ils « se comportent mal » quant à leur santé. Précisément parce qu’ils vivent sous le seuil de l’acceptable, sans connaître le prix de la bonne conscience.
A demain