Bientôt, les loups ne pourront plus croquer les agneaux, trop musclés, au fond de la forêt

 

Bonjour

Août 2016. L’éthique à la plage. Belle page du Monde signée de notre confrère Hervé Morin : « Jusqu’où manipuler le vivant ? ».  Vaste et vieille question renouvelée et pimentée par la technique « CRISPR» ce copié-collé du génome qui ouvre sur d’innombrables vertiges. Enfer d’utopies, jungle dystopiques et capitalistes, la redistribution des cartes génétiques connues depuis l’éternité.

Août 2016. Dans un monde raisonnable le sujet serait au cœur de tous les forums médiatiques, alimenterait des rencontres éthiques et citoyennes. Le président de la République l’évoquerait. Aujourd’hui le président est à la Lanterne, les comités d’éthique sont à la plage et les médias ne parlent que des politiques qui ne parlent que du burkini : l’interdire ou le laisser (fantasmatiquement) prospérer ?

Vaches belges et ovins danois

Août 2016. Glané dans les blés fauchés par Hervé Morin. Cela se passe à Nantes au sein de l’équipe d’Ignacio Anegon, directeur du Centre de recherche en transplantation et immunologie (UMR 1064). Une collaboration avec l’Institut Pasteur de Montevideo a permis de créer le premier « mouton Crispr-Cas9 » (de « mettre au point »… écrit Le Monde). « Cet ovin présente une musculature impressionnante, résultant d’une mutation de la myostatine, un facteur de croissance qui inhibe habituellement le développement musculaire ». «  Cette mutation existe dans la -nature, chez des moutons d’une île danoise, mais aussi chez une race de vaches belge, indique Ignacio Anegon. CRISPR a permis de la provoquer chez nos moutons bien plus rapidement qu’en passant par des croisements classiques. »

Elaborée il y a un an la recette nantaise est disponible ici : « Efficient Generation of Myostatin Knock-Out Sheep Using CRISPR/Cas9 Technology and Microinjection into Zygotes ». Une recette chinoise de lapin râblé plus que musclé est également depuis peu disponible : “Efficient Generation of Myostatin Gene Mutated Rabbit by CRISPR/Cas9”.

Manipuler le vivant et les brevets

Août 2016. Ces animaux seront-ils bientôt objet de méchouis musculeux ? « Aujourd’hui, ce n’est pas autorisé, note le chercheur. On ne peut pas les qualifier de transgéniques, car ils n’ont pas hérité d’un gène venant d’une autre espèce. Mais ils ont quand même été génétiquement modifiés. «  Subsiste aussi une incertitude sur la propriété intellectuelle, avec la bataille qui fait rage sur l’attribution des brevets concernant CRISPR. « Un -industriel nous avait contactés à propos de ce mouton musculeux, dit Ignacio Anegon. Mais quand il a compris qu’il ne pouvait pas le breveter, ça l’a refroidi. »

Août 2016. Jadis (une trouble histoire de breuvage) le loup croquait l’agneau de l’année au fond des forêts et sans autre forme de procès. Demain, animaux préservés, les loups n’auront plus les crocs pour des agneaux définitivement trop gros. Jusqu’où l’homme manipulera-t-il le vivant et  les brevets ? Quand ouvrira-t-il définitivement la porte aux loups qui ne sommeillent plus en lui ?

A demain

 

 

Comment le méningocoque est parvenu, lui aussi, à se transmettre lors de relations sexuelles

Bonjour

La bactériologie, elle non plus, n’est pas une science avare de surprises. Ainsi croyait-on tout savoir sur le méningocoque, ses méningites et ses septicémies. Méningocoque:

« Bactérie découverte par bactériologiste autrichien Anton Weichselbaum (1845-1920) ; elle responsable notamment de la méningite cérébro-spinale et de la méningococcémie. Le méningocoque est un germe fragile et la contagion se fait pratiquement toujours par voie directe, c’est-à-dire par la salive et les éternuements, elle peut se faire à partir de sujets sains, mais qui sont porteurs de germe. »

La salive, les éternuements, mais aussi le sperme. Au terme d’une fructueuse collaboration des chercheurs de l’Institut Pasteur, des universités allemandes de Würzburg, Münster et Greifswald, du Robert Koch-Institut et de l’Institut de veille sanitaire (InVS) viennent d’identifier un variant sexuellement transmissible du méningocoque. C’est une première, elle est détaillée dans « PLoS ONE » : “Evolutionary Events Associated with an Outbreak of Meningococcal Disease in Men Who Have Sex with Men

Cas franco-allemands

Il s’agit ici de résultats obtenus à partir des données issues de l’épidémie d’infections à méningocoques C de 2013 –une épidémie qui avait touché des hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (HSH) aux États-Unis et en Europe. Act-Up Paris, juillet 2013 :

« L’Agence Régionale de Santé de l’Ile de France a signalé, au cours du mois de juin, trois cas de personnes ayant déclaré une infection à méningocoque C. Ces cas sont survenus chez des hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH) et qui fréquentent des lieux de convivialités ou de rencontres au centre de Paris.

« 3 cas d’infections invasives à méningocoque (IIM) de sérogroupe C liées à des souches de phénotype identique ont été signalés en Ile de France entre le 13 et le 20 juin 2013 de chez des hommes homosexuels âgés de 29 à 46 ans.

Vigilance

 « Cette situation de 3 cas groupés ne constitue pas à ce jour une situation épidémique. Cependant des éléments épidémiologiques incitent à une vigilance particulière. En effet, une épidémie d’infection à méningocoque C a été observée entre 2010 et février 2013 chez des HSH dans la ville de New-York. Au total, 22 cas ont été décrits avec 7 décès. Il n’y a plus de nouveaux cas signalés depuis le 15 février 2013. 3 cas d’infections à méningocoque C sont survenus récemment en 2013 chez des HSH en Allemagne, un en février et deux en mai (contacts directs entre ces deux cas). Un cas d’infection à méningocoque chez un HSH a également été identifié en Belgique en mars dernier. »

Le Haut Conseil de la santé publique avait alors aussitôt élaboré de nouvelles recommandations vaccinales anti-méningocoques. Elles visaient  « les HSH vivant en Ile-de-France et qui allaient fréquenter les lieux de convivialité ou de rencontre gays parisiens ainsi que les HSH résidant en France et souhaitant se rendre à un ou des rassemblements gays organisés sur le territoire national ou en Europe ». L’étude  des souches isolées au cours de cette bouffée épidémique a permis aux chercheurs allemands et français de découvrir qu’il s’agissait d’une nouvelle souche invasive ayant évolué très récemment.

Adaptation anaérobique

Cette souche présente notamment des mutations qui lui permettent de se développer sans oxygène – un phénomène rarement observé chez les méningocoques mais qu’on retrouve chez le gonocoque. C’est là une évolution a priori inquiétante où l’on voit une souche bactérienne s’adapter à la transmission sexuelle – plasticité associée à un caractère hautement pathogène et à de nouvelles propriétés invasives. Il faut aussi désormais compter avec un nouveau réservoir humain de la bactérie ; les voies urogénitales venant s’ajouter au à celui, bien connu, dans la gorge.

L’émergence de la nouvelle souche « révèle que les méningocoques sont extrêmement souples et qu’ils s’adaptent efficacement à de nouvelles conditions » souligne Ulrich Vogel, responsable du laboratoire de référence des méningocoques de l’Université de Würzburg. La démonstration de l’existence d’un mécanisme génétique impliqué dans la transmission sexuelle du méningocoque C vient, s’il en était besoin, confirmer l’importance de campagnes de vaccination à destination des populations les plus à risque.

En pratique les chercheurs ont séquencé le génome entier de souches isolées dans des prélèvements urétraux efectués en 2013 – puis ils ont comparé la totalité des protéines exprimées à celles détectées dans des échantillons d’autres patients. En Allemagne et en France, les souches de méningocoques isolées appartenaient au même groupe (complexe clonal 11).

Inquiétudes

Tout cela ne manque pas d’inquiéter. Dr Muhamed-Kheir Taha, responsable du Centre national de référence des méningocoques de l’Institut Pasteur de Paris et premier signataire de l’étude :

« La présence de méningocoque dans les voies génitales, chez l’homme et chez la femme, est un phénomène qui a déjà été observé par le passé, mais il s’agissait toujours de souches très différentes les une des autres, qui n’étaient pas hautement pathogènes. Le méningocoque était simplement passé de la gorge aux voies respiratoires.

« Ce qui change avec notre étude c’est que nous avons une souche particulière qui appartient à une famille génétique hautement pathogène, hautement transmissible, avec des cas mortels et que l’on trouve dans les voies génitales, mais qui est également impliquée dans des infections invasives. »

« Pour qu’il y ait invasion il faut que la  bactérie passe « du côté obscur de la force » c’est-à-dire qu’il faut qu’elle traverse la barrière épithéliale et qu’elle passe dans le sang et s’y propage. La présence du méningocoque à la surface des muqueuses et une infection, mais pas une infection invasive. 2013 c’est l’explosion de l’événement mais cela fait probablement une dizaine d’années que le bactérie a commencé à se propager par voie sexuelle. »

Loin de la communauté gay

Après la première recommandation d’élargissement de la vaccination de 2013 dans la région parisienne celle-ci a été étendue, au delà de 25 ans, à toutes les personnes qui fréquentent les lieux de convivialité de la communauté gay, et pas seulement à la communauté homosexuelle ou aux HSH.

« Début 2016, cette recommandation a, en France, été prolongée jusqu’à la fin de l’année et étendue pour l’ensemble du territoire car on s’est aperçu que cette souche commençait à sortir de la région parisienne, et même à sortir de la communauté gay et HSH souligne le Dr Taha. On la trouve maintenant chez des gens qui n’ont pas du tout de lien avec la communauté gay. »

 

A demain

Religion – psychiatrie: un médecin doit-il dénoncer un patient en voie de «radicalisation»?

Bonjour

Qui nous dira ce qu’est la « radicalité »et la « radicalisation » ? Où sont passés les « radicaux valoisiens » ? Dans son infinie sagesse le Conseil national de l’Ordre des médecins se garde bien de nous éclairer sur le sujet. Pour autant il vient de publier une note « radicalisation » – Une note « repérée » il y a peu par 20 minutes, comme nous le dit Le Figaro – un petit document éclairant qui témoigne des grands troubles que nous traversons :

« De nombreux médecins sont désormais confrontés à des patients ou interlocuteurs manifestant des comportements relevant de la radicalisation et ne savent pas toujours comment gérer leur prise en charge.

Des journées de formation sur la prévention de la radicalisation ont été organisées à plusieurs reprises par le ministère de l’intérieur depuis juin 2014, à plus de 2 000 agents de l’Etat, des collectivités territoriales et à d’autres acteurs concernés par cette question.

Afin de faire bénéficier au plus grand nombre des enseignements de ces journées de formation, le Conseil national de l’Ordre des médecins rend accessibles plusieurs documents qui en sont issus : une note résumant les principaux enseignements des journées de formation pour les médecins en exercice ; un kit de formation réalisé par le Comité interministériel de la prévention de la délinquance (…) ; ne présentation plus spécifique du dispositif relatif à la protection de l’enfance, qui peut concerner les enfants en danger ou en risque de l’être. »

Questions d’internat

Parlons clairement : faute de pouvoir  la prévenir, et sans aller jusqu’à envisager de l’éradiquer,   comment faut-il la traiter la radicalisation ? Faut-il distinguer la radicalisation du fondamentalisme religieux ? Que diront, demain, les questions d’internat ? Pour l’heure il semble acquis que radicalisation est un syndrome devant associer : un processus progressif ; l’adhésion à une idéologie extrémiste ; l’adoption de la violence.

« Par radicalisation, on désigne le processus par lequel un individu ou un groupe adopte une forme violente d’action, directement liée à une idéologie extrémiste à contenu politique, social, ou religieux qui conteste l’ordre établi sur le plan politique social ou culturel » (Fahad Khosrokhavar)

Pour savoir s’il est confronté à un phénomène de radicalisation, le médecin doit identifier un faisceau d’indices que le CNOM résume dans un tableau que l’on peut consulter ici. Trois situations sont envisagées :

. Son patient est un proche d’une personne en voie de radicalisation. Le médecin doit alors lui conseiller de se rapprocher du Centre national d’assistance et de prévention de la radicalisation (CNAPR) au numéro vert 0 800 00 56 96.

S’affranchir du secret

Le médecin est face à un patient mineur en danger ou en risque de l’être. « La loi lui permet de s’affranchir de l’obligation de respecter le secret professionnel », a rappelé au Quotidien du Médecin  le Dr Jean-Marie Faroudja, responsable de la section éthique et déontologie au Conseil national de l’Ordre. Le médecin peut transmettre à la cellule de recueil des informations préoccupantes (CRIP) les éléments concernant le mineur en alertant les titulaires de l’autorité parentale au préalable (sauf si cela lui paraît contraire à l’intérêt de l’enfant). En cas d’extrême et d’urgente gravité, il peut saisir le procureur.

. Le médecin est face à un adulte en voie de radicalisation. « Il y a alors conflit entre sa déontologie et la non-assistance à personne en danger », constate le Dr Faroudja, qui appelle les médecins à se retourner vers les conseils départementaux, ou la section éthique et déontologie du CNOM, afin de faire du « cas par cas ».

Résumons, avec le Dr Faroudja : « Le secret médical est général et absolu, c’est un des piliers de la déontologie des médecins. Mais la loi prévoit des dérogations et permissivité dans certaines circonstances ». De ce point de vue la radicalisation ne renvoie pas à de nouvelles dérogations. Certes. Mais la radicalisation est-elle une pathologie ? Laurence Rossignol, secrétaire d’État chargée de la Famille vient de faire savoir qu’elle réunirait « dès janvier » un groupe de travail sur la prévention de la radicalisation.

Facteurs de risques

Dans l’attente on peut se reporter à l’entretien, assez décoiffant, accordé au Monde par  le Pr Kamaldeep Bhui, spécialiste de  psychiatrie à l’université Queen Mary de Londres. Cet homme étudie notamment les liens entre culture, origine ethnique et santé mentale chez les personnes issues de l’immigration. Appliquant les méthodes de recherche propres à la santé publique, il a cherché à identifier les facteurs de risque de radicalisation en interrogeant 608 personnes d’origine pakistanaise et bangladaise issues des milieux musulmans et vivant dans l’est de Londres et ainsi qu’à Bradford. Extraits :

« Je me suis intéressé à la phase précoce de la radicalisation : pourquoi des gens vivant dans une société qui leur apporte sécurité et éducation rompent-ils avec leur famille, et sont-ils prêts à sacrifier leur vie et à attaquer leur propre pays ? Nos conclusions vont à l’inverse de ce que nous attendions : les discriminations, la pauvreté et la religion ne sont pas particulièrement associées à la probabilité d’une sympathie pour le terrorisme. Les gens attirés par le djihad sont relativement riches et éduqués (…)

Nous avons aussi remarqué que les sympathisants de l’action violente ne disposent que d’un réseau social limité et se caractérisent par des tendances dépressives, une vision pessimiste de la vie. Ils peuvent être amenés à considérer les démonstrations de violence comme un moyen de régler leurs problèmes. Au total, 2,5 % de notre échantillon sont attirés par les protestations violentes, et entre 0,5 % et 1 % par les actes extrêmes. C’est peu, mais cela représente tout de même pas mal d’individus.

Si les terroristes font usage du langage religieux pour justifier leurs actes, notre enquête montre que ceux qui sont attirés par la violence ne sont pas particulièrement cultivés en la matière. Ce sont souvent des convertis ou des gens isolés qui essaient de se connecter à ce qu’ils croient être leur religion d’origine. On ne peut pourtant pas ignorer que la plupart des attentats ont lieu dans des pays musulmans, et que la plupart des victimes sont musulmanes.

Les terroristes cherchent à fracturer les sociétés occidentales et à provoquer une réaction de rejet des musulmans afin que ces derniers rejoignent leur cause. En se focalisant excessivement sur la religion, on risque de tomber dans leur piège. (…) »

Djihadisme et santé publique

La radicalisation une question médicale, le djihadisme une question de santé publique ? « Lorsque quelqu’un commet un crime, on se demande souvent s’il s’agit d’un malade mental, observe le spécialiste britannique. Chez les terroristes, c’est extrêmement rare, sauf pour quelques « loups solitaires ». Mais nous savons que les troubles se manifestent dès l’adolescence. Si nous sommes capables de repérer précocement des signes comme l’incapacité à se faire des amis, à débattre d’idées, à gérer une agression, on peut identifier des personnes qui peut-être commettront des attentats (…) Enseigner la cohésion, la confiance, la coopération, l’histoire de la pensée religieuse, l’éthique et la philosophie est une bonne chose. Mais intituler cela « lutte contre l’extrémisme » est ­assez désastreux. Il vaudrait mieux parler tout simplement de préparation à la vie ».

Le Pr Kamaldeep Bhui ajoute : «  Nos dirigeants devraient s’occuper de tous ces jeunes vulnérables dans les quartiers, dont tous ne sont d’ailleurs pas nés dans des familles musulmanes. Ils devraient donner des moyens aux services de prévention et d’aide. Certains adolescents perçoivent le terrorisme comme un remède à des problèmes qu’ils gardent secrets. De la même façon qu’on montre des images horribles pour prévenir la toxicomanie ou le cancer du poumon, il faudrait ­davantage exposer les ravages que ce type de dérive provoque chez les individus. »

Ce sont des propos britanniques. On peut penser qu’ils concernent aussi, au premier chef,  notre République.

A demain

 

Première mondiale : sept chiots créés par fécondation in vitro ont vu le jour après une grossesse pour autrui

Bonjour

Les spécialistes et les amoureux des chiens l’attendaient depuis des années : la maîtrise de la fécondation in vitro chez les chiens. C’est désormais possible. La première mondiale est rapportée dans la revue PLoS One à la date du 9 décembre 2015: « Live Births from Domestic Dog (Canis familiaris) Embryos Produced by In Vitro Fertilization ».

Beagle

Cette première est signée d’une équipe américaine dirigée par Alexander J. Travis (Baker Institute for Animal Health, College of Veterinary Medicine, Cornell University, Ithaca, New York). Elle est saluée nons sans humour par la BBC: “” World’s first IVF puppies born to surrogate mother dog 

Soit sept chiots beagle and cross-bred beagle-spaniel  nés d’une chienne porteuse. Une seule  portée mais trois couples « chien-chienne » différents. Fécondations in vitro et congélation des embryons : les techniques utilisées étaient similiaires à celles mises en œuvre depuis plus de deux décennies dans l’espèce humaine. « Nous avons sept chiots en bonne santé normale et heureux » a, comme ses collègues gynécologues-obstétriciens dans les mêmes circonstances, déclaré le Dr Travis.

Ivy, Cannon, Beaker, Buddy, Nelly, Red et Green

A la différence de l’espèce humaine les naissances avaient été gardées secrètes (les chiots sont nés cet été), condition indispensable à la publication scientifique. Et le monde entier apprend ainsi aujourd’hui l’existence d’Ivy, Cannon, Beaker, Buddy, Nelly, Red et Green. Le nom de la mère (porteuse) n’est pas donné.

C’est une première qui consacre de nombreux travaux et perfectionnements : depuis quarante ans l’espèce canine résistait à ce type de manipulation comme l’expliquent ici deux professionnels vétérinaires sur le site officiel du chien de race. Les chercheurs américains expliquent que leur travail permettra de sauver des races canines en voie de disparition, à commencer par le menacé African wild dog. Ils expliquent aussi que leur percée aidera à progresser dans la compréhension de certaines maladies génétiques communes à l’homme et aux chiens. Rien n’interdit non plus d’imaginer  que cette nouvelle maîtrise de la fécondité puisse donner lieu à des activités commerciales.

Copie conforme du défunt chien

Pour l’heure  ce secteur est dominé par le très controversé Hwang Woo-suk spécialiste sud-coréen du clonage, condamné pour avoir commis des fraudes dans ses travaux concernant l’espèce humaine.   En mai 2006 avait été  inculpé par les autorités sud-coréennes pour « fraude, détournement de fonds et violation des lois sur la bioéthique » puis  condamné à deux ans de prison en octobre 2009 pour « violation de la loi bioéthique du pays et le détournement de fonds publics ». Sa condamnation avait été confirmée en appel mais réduite de six mois.

Aujourd’hui le biologiste propose, pour 100 000 dollars, à de richissimes Chinois et Américains une copie conforme de leur défunt chien de compagnie, comme l’expliquait, il y a peu, Libération : « Clonage, les chiens à la chaîne de l’étrange M. Hwang ».

A demain

Grossesse : lorsque les futures mères fument, les enfants souffrent de troubles du comportement

Bonjour

Nous avons souvent écrit que l’Inserm trahissait sa mission de santé publique en ne travaillant pas la question du tabagisme. C’est une triste règle qui comporte quelques exceptions. Ainsi  des chercheurs de cette Institut viennent-ils (avec d’autres de l’Université Pierre et Marie Curie et en collaboration avec six CHU français) de faire une découverte originale autant qu’inquiétante – une découverte qui, en toute rigueur, devrait avoir des prolongements pédagogiques, médicaux et politiques – s’il existait, en France, une véritable politique cohérente de lutte contre le tabagisme.

Emotions troublées

Les auteurs de ce travail ont analysé les données d’exposition tabagique pré et post natales au domicile de 5200 enfants scolarisés en primaire. Ils révèlent que cette exposition est liée au risque de troubles du comportement chez les enfants – et tout particulièrement aux troubles dans le contrôle des émotions et des conduites. L’association est plus forte quand l’exposition au tabac a lieu à la fois pendant la grossesse et après la naissance. « Ces données révèlent le risque associé au tabagisme dans la vie précoce ainsi que ses répercussions comportementales lorsque l’enfant est en âge d’aller à l’école » souligne l’Inserm.

Ces résultats sont publiés dans la revue Plos One (1).

« Les conséquences de l’exposition au tabac sont largement documentées, rappellent les chercheurs. Celle-ci induit de nombreuses maladies dont l’asthme. Cependant, le rôle potentiel de la fumée de tabac ambiante (FTA) est beaucoup moins connu lorsqu’il s’agit de la relier aux problèmes comportementaux chez l’enfant. » C’est dans ce contexte que l’équipe d’Isabella Annesi-Maesano, directrice de recherche Inserm au sein de l’Unité 1136 « Instituit Pierre Louis de santé publique » (Inserm / UPMC) a examiné l’association entre l’exposition à la FTA dans la période pré et post natale et les problèmes de comportement chez les enfants.

Tabagisme in utero

Ces données proviennent des travaux menés dans six villes (Reims, Créteil, Strasbourg, Clermont Ferrand, Bordeaux, Marseille) et des données recueillies auprès de 5221 enfants d’écoles primaires. L’exposition prénatale (tabagisme in utero) et postnatale à la fumée du tabac à la maison a été évaluée à l’aide d’un questionnaire standardisé rempli par les parents. Les troubles du comportement ont quant à eux été évalués via le « Questionnaire des Forces et Difficultés (The Strengths and Difficulties Questionnaire, SDQ) » fréquemment  utilisé pour évaluer le fonctionnement comportemental et l’adaptation psycho-sociale chez les enfants. Il était lui aussi rempli par les parents.

En pratique les troubles émotionnels sont associés à l’exposition à la FTA à la fois pendant les périodes prénatale et postnatale – et ce pour 21% des enfants de l’étude. Des troubles de la conduite sont également associés à l’exposition à la FTA chez ces enfants. L’association existe aussi dans le cas d’une exposition prénatale ou postnatale seule (mais de manière moins prononcée).

Croissance neuronale altérée 

Les auteurs: « Ces observations semblent confirmer celles réalisées chez l’animal : à savoir que la nicotine contenue dans la fumée de tabac peut avoir un effet neurotoxique sur le cerveau. Pendant la grossesse, la nicotine de la fumée de tabac stimule les récepteurs acétylcholiniques et est à l’origine d’altérations structurelles du cerveau. Dans les premiers mois de vie, l’exposition à la fumée de tabac engendre un déséquilibre protéinique à l’origine d’une croissance neuronale altérée.  Nos données indiquent que le tabagisme passif en plus des effets sanitaires bien connus doit être évité aussi en raison des troubles comportementaux de l’enfant qu’il peut provoquer. »

Et maintenant, que fait-on ? Ou, plus précisément, qui fait quoi ? Les mêmes questions valent pour l’alcool et le cannabis. Elles n’épargneront pas les pères. Dans l’attente, quelques réponses seraient appréciées.

A demain

(1) “Postnatal environmental tobacco smoke exposure related to behavioral problems in children”  PLoS ONE 10(8): e0133604. doi:10.1371/journal.pone.0133604

Julie Chastang, Nour Baïz, Jean Sebastien Cadwalladder, Sarah Robert, John Dywer, Denis Andre Charpin, Denis Caillaud, Frederic de Blay, Chantal Raherison, François Lavaud, Isabella Annesi-Maesano

Dopage athlétique et dindons de la farce : la publication scientifique qui n’aurait jamais existé

Bonjour

Les médias anglais font mine d’enrager. The Sunday Times (George Arbuthnott, Jonathan Calvert and David Collins) comme la BBC. A les écouter on ne peut qu’être scandalisé ; une affaire destinée au blog « Rédaction médicale et scientifique » de Hervé Maisonneuve. Ni fraude ni malversation cette fois, mais un veto interdisant la publication d’une vérité scientifique. Un papier étouffé ? A coup sûr un nouvel épisode dans l’infini feuilleton de la traque au dopage sportif.

Le Sunday Times racontait ainsi, hier 16 août, que la Fédération internationale d’athlétisme (IAAF) avait bloqué la publication d’une étude sur le dopage – une étude selon laquelle un tiers des athlètes ayant participé aux Mondiaux de 2011 avaient eu recours à des méthodes prohibées pour améliorer leurs performances. En pratique des chercheurs de l’université de Tübingen en Allemagne avaient pu enquêter sur les athlètes de haut niveau lors des Mondiaux organisé à Daegu, en Corée du Sud, en 2011. Ils en auraient conclu qu’entre 29% et 34% des 1.800 participants à la compétition avaient violé la réglementation antidopage au cours des douze mois précédents.

« Ces découvertes démontrent que le dopage est extrêmement répandu parmi les athlètes de haut niveau et reste largement incontrôlé en dépit des dispositifs actuels de tests biologiques » aurait conclut l’étude. Les chercheurs allemands ont aussi indiqué au Sunday Times que la publication de leurs résultats avait été bloquée par l’IAAF.

Selon le journal britannique cette étude scientifique avait été financée par l’Agence mondiale antidopage (AMA), cette dernière ayant toutefois  donné à l’IAAF la possibilité de s’opposer à la publication – et ce en échange de « l’accès aux athlètes ». La confiance régnait, en somme. Puis, dans les mois suivant l’étude, il aurait été demandé aux chercheurs de signer un accord de confidentialité. Ces derniers critiquent désormais la volonté de la Fédération d’athlétisme d’enterrer leur travail.

« L’IAAF bloque. Je pense qu’ils sont parties prenantes avec l’AMA et qu’ils bloquent tout », a déclaré au Sunday Times Rolf Ulrich l’auteur principal des travaux.

Est-ce si simple ? Comme toujours dans les affaires de dopage le spectateur (journaliste ou pas) a désormais la désagréable impression de jouer le rôle de dindon de la farce. Il faut ici savoir que des fragments de cette étude avaient fuité aux Etats-Unis en août 2013. C’était alors dans le New York Times (Tim Rohan).  Il faut aussi écouter les précisions de l’IAAF. « Il ne s’agit pas d’une nouvelle histoire, elle a d’abord été relayée par la télévision allemande en 2013 et l’IAAF avait déjà réagi à ce moment là. « L’IAAF ne s’est jamais opposée à la publication de cet étude » réplique cette organisation qui ajoute qu’elle a, en revanche, toujours eu de « sérieuses réserves sur l’interprétation des résultats ». On lira ici la réponse de l’IAAF. Cette dernière explique encore avoir  soumis le travail à d’autres chercheurs, qui avaient également émis de sérieuses réserves. Ces réserves avaient ensuite été transmises aux chercheurs de l’université de Tübingen ; et l’IAAF indique qu’elle « n’a jamais eu de réponses de leur part ».

Une sorte de travail de relecture dans l’ombre en somme – avec le financier jouant le rôle que tient habituellement la revue sollicitée pour publication (1). Et les médias grand public utilisés pour l’organisation des fuites ? Le tout dans un contexte chargé avec la publication, il y a quelques jours, de la publication par le Sunday Times (associé à la chaîne de télévision allemande ARD) d’une enquête journalistique selon lesquelle une fraction importante des 5.000 athlètes contrôlés entre 2001 et 2012 présenteraient des valeurs sanguines « suspectes ou hautement suspectes ». Un travail également dénoncé (sur un mode mineur) par l’IAAF.

Les prochains championnats du monde d’athlétisme auront lieu à Pékin du 22 au 30 août.

A demain

1 Une lecture complémentaire très documentées est  proposée par Pierre-Jean Vazel (ancien athlète, entraîneur) sur son blog « Plus vite, plus haut, plus fort ;des corps et des records » . Extraits :

« Financée par l’Agence Mondiale Antidopage (AMA), l’étude a été soumise par l’université allemande à plusieurs revues à comité de lecture, sans succès, et refusée en premier lieu par la prestigieuse revue Science. Parallèlement, l’AMA aurait demandé aux universitaires de suspendre leurs démarches tant que l’IAAF n’aura pas eu connaissance du manuscrit et donné son accord pour publication. Depuis, la situation n’a pas évolué et l’IAAF a fait savoir aujourd’hui qu’elle n’a jamais eu de droit de véto et n’aurait de toute façon pas eu à l’exercer puisque l’étude a été recalée par les journaux spécialisés… Selon les spécialistes qu’elle a pu consulter, le protocole et l’interprétation de cette étude classée dans les sciences humaines serait contestable. Tübingen a tout de même réussi à publier en 2013 une autre recherche sur le triathlon, utilisant exactement le même questionnaire que pour l’athlétisme. Elle est consultable dans Plos One, une revue scientifique en ligne qui publie 70 % des articles soumis, beaucoup moins sélective que Science qui en accepte 10 %. 

(…) Le précédent « scoop » du Sunday Times, en collaboration avec la chaîne de télévision allemande ARD, datait du début du mois : 800 athlètes sur 5000 (chiffres arrondis) présentaient des anomalies dans leur passeport biologique sur la base des statistiques 2001 – 2012, soit environ 16 % de cas suspects. Un fait qu’aurait couvert l’IAAF. Or, les deux médias ont omis de préciser que l’IAAF avait justement publié elle-même il y a quatre ans, avec le laboratoire d’analyse suisse, une étude utilisant les statistiques de 2001 à 2009 : « Prévalence du dopage sanguin dans les échantillons collectés sur des athlètes élite« , dans la revue Clinical Chemistry. On peut y lire que « un total de 7289 échantillons sanguins a été collecté sur 2737 athlètes hors et en compétition internationales d’athlétisme. (…) La prévalence estimée du dopage sanguin allait de 1 à 48 % (selon les pays) et une moyenne de 14 % pour l’ensemble de la population étudiée. » 14 %, très proche donc des 16 % rapportés par l’ARD et le Sunday Times… Ignoraient-ils l’existence de cette publication ou l’ont-ils volontairement tue ? »

Cancers, rats, pesticides, OGM et conflits d’intérêts : la série Séralini est relancée

Bonjour

Tous les auteurs de feuilletons (de séries) cherchent le mouvement perpétuel. On se souvient peut-être de l’affaire Séralini. C’était  le 19 septembre 2012  « OGM-Monsanto : pourquoi le gouvernement français s’est affolée » (Slate.fr). Une histoire au départ assez invraisemblable, mêlant du scientifique, du politique et du médiatique. Une sorte de série franco-américaine qui partit en fanfare.

Nouvel Observateur

La Une du Nouvel Observateur, « Oui, les OGM sont des poisons ! »… des images de rats cancéreux… des journalistes dans la confidence au prix d’on ne sait quel pacte secret… des médias généralistes en grande excitation….  Et le gouvernement à l’unisson, expliquant «avoir pris connaissance des informations, rendues publiques aujourd’hui, sur l’étude menée par des chercheurs français, mettant en cause l’innocuité à long terme du maïs transgénique NK 603 sur les rats». Quand et comment le gouvernement avait-il pu «prendre connaissance» d’informations qui n’étaient pas encore rendues publiques?

L’étude «menée par des chercheurs français» n’était pas encore disponible sur le site de la revue américaine Food and Chemical Toxicology qui devait la publier. Toutes les institutions scientifiques de France et de Navarre mobilisées…  Des orages en cascade …

Libération

Au cœur de l’affaire le Pr Gilles-Eric Séralini (Université de Caen). L’affaire devait durer des mois. Pas de réelles conclusions, des opprobres réciproques. Un papier rétracté… ou pas… Ou republié… Des soupçons croisés de conflits d’intérêts… Un enkystement des positions. «Un désastre pour le débat public, sa qualité, sa capacité à générer de la décision politique et démocratique. C’est, pour l’instant, le résultat majeur de l’opération de communication organisée par l’équipe du biologiste Gilles-Eric Séralini, professeur de biologie moléculaire à l’université de Caen», analysait, d’emblée,  le journaliste Sylvestre Huet dans Libération rejoignant les analyses de Michel Alberganti publiées sur Slate.fr (voir le dossier).

Médiapart

Juin 2015 : voici que l’on reparle du Pr Séralini. Des causes voisines peinent pour l’heure  à produire les mêmes effets. Ce n’est pas le Nouvel Observateur mais Mediapart. Ce n’est pas Food and Chemical Toxicology, mais PLoS One. Et un gouvernement français qui à d’autres chats à fouetter.

Que peut-on lire sur Mediapart (18 juin) ? Ceci :

« Une nouvelle étude du Pr Séralini  a fait l’objet de pressions de la part du lobby des pesticides : alors qu’une revue (PLoS One) s’était engagée à publier cette étude dès aujourd’hui, la revue en question, sous des prétextes douteux, a reporté cette publication… L’étude en question est qualifiée de remarquable par les scientifiques qui en ont pris connaissance.

Son résultat est facile à comprendre : les animaux (dont les rats) utilisés dans les laboratoires reçoivent une alimentation dite standard-normale-hygiénique qui est en fait imprégnée de multiples toxiques (dont le Roundup, métaux lourds et OGM).  Il est donc impossible, dans ces conditions, de valider les études portant sur les effets de ces agents. (Voir ici le site Foodnavigator.com).

 Au travers de cet « incident » est confirmée la volonté du lobby des pesticides de « tout faire » pour s’opposer à la remise en question de l’innocuité de leurs produits (pesticides et semences-OGM). »

FR3 et France Inter

On peut voir ici un entretien accordé par le Pr Séralini sur FR3 où il met en cause la revue PLoS One. Le sujet a aussi été abordé sur France Inter dans l’émission « La tête au carré » qui invitait aussi le Pr Séralini. . Ecouter ici. Où l’on retrouve la même ambiance de bonneteau scientifico-médiatique…  des embargos qui devaient être levés … mais qui ne le sont pas… une revue qui publie… ou pas … qui fait parler d’elle à prix réduit… le dépit d’un chercheur qui rate une opération de communication … les soupçons… les lobbies… Et dans tout cela de bonnes raisons, dans un camp et dans l’autre, de se réjouir, de continuer un combat face auquel le citoyen laïc est comme perdu.

En substance le Pr Séralini et son équipe auraient découvert que toutes les études visant à évaluer la toxicité des OGM menées par Monsanto &C° seraient pipées. Etudes publiées dans les meilleures revues scientifiques mondiales. Ce serait, pour user d’un mot qui fut en vogue, énorme. Cela l’est-il ?

Cette nouvelle étude est-elle remarquable ? Comment le dire avant de la lire ? Sera-t-elle publiée un jour ? Ou, comme avant, brûlée place du Vieux marché, à Caen ?

A demain

Moustiques: le mystère de leur attirance pour certains humains en passe d’être résolu.

Bonjour

On n’est pas toujours piqué au sang par hasard. C’est souvent une question d’odeurs. C’est ce que tend à démontrer une étude qui vient d’être publiée dans Plos One, étude que l’on peut trouver intégralement ici. Un travail mené grâce à la collaboration de couples de vrais et de faux jumeaux. On ne dira jamais assez à quel point la gémellité a pu faire avancer la science génétique.

Ici on découvre que les vrais jumeaux présentent indubitablement la même attirance pour ces insectes femelles. Ce qui tend à démontrer que l’attirance n’est pas ici le fruit du hasard mais, si l’on veut bien nous pardonner, pour une large part celui de la fatalité.

Résultats intrigants

Les résultats sont qualifiés d’intrigants par les chercheurs britanniques qui sont cités par la BBC.  C’set la suite d’une troublante affaire de manipulation d’odeur qui visiblement trouble Smitha Mundasad, dela BBC, depuis un certain temps. Chacun, scientifique ou pas, a d’autre part fait l’expérience de ces attirances qui n’ont rien de réciproque.

Les auteurs de Plos One ont demandé et obtenu la collaboration de trente-sept paires de jumeaux, vrais ou faux. Ils ont aussi, pour leur étude pilote, bricolé une sorte de tunnel ventilé portant les odeurs (mieux vaut lire la publication pour saisir). Puis des essaims de moustiques ont été libérés dans la salle d’expérience. Sur la peau des  vrais jumeaux la répartition des moustiques prêts à piquer était uniforme. Et seulement chez eux.

Restes de l’Empire

Ce qui donne à penser que les insectes ont bel et bien des préférences odoriférantes qui les conduisent à des festins sanguins dirigés. Et si les fragrances sont d’origine génétique (pourquoi ne le seraient-elles pas ?) des gènes sont impliqués. Reste à savoir lesquels. C’est la mission que se sont donnés les généticiens passionnés d’entomologie.

La constitution de leur Empire a conduit les Britanniques à nourrir une véritable passion pour les insectes en général, les moustiques en particulier. « C’est la première fois qu’un socle génétique est ici démontré commente  le Dr David Weetman, professeur à l’Ecole de médecine tropicale de Liverpool. C’est une découverte nouvelle et intrigante. Mais les moustiques ne sont pas seulement attirés par les odeurs – des choses comme le dioxyde de carbone peuvent également jouer un rôle. Le bulbe olfactif de l’insecte est plus riche que l’on pouvait le postuler.

Banquet sanguin

Auteur principal de ce travail  le Dr James Logan (London School of Hygiene and Tropical Medicine) estime que s’il parvient à décrypter les variations génétiques individuelles qui font que certains sont plus piqués que d’autres il pourrait être possible de développer de nouvelles méthodes pour repousser la totalité des anophèles femelles en quête de leur banquet sanguin. Ce qui n’est pas rien.

A demain

Médecine moderne : demain les antibiotiques redeviendront automatiques. Voici pourquoi.

Bonjour

Si elle lit l’anglais et PloS One, la Cnam peut se préparer à mettre au tiroir ses vieilles réclames sur la non-automaticité de la prescription médicale d’une antibiothérapie. C’était un réflexe salutaire. Il va devoir évoluer.

Aidons la Cnam et notre Ameli. Voici la publication de PloS One.  Voici la version, plus simple mais publicitaire qu’en donne PR Newswire. Et voici comment l’ensemble est traduit par la BBC. C’est préliminaire mais c’est plus que prometteur : un simple prélèvement de sang pour faire la part entre une infection virale et une bactérienne. L’abstention médicamenteuse d’un côté, l’antibiothérapie (plus ou moins) ciblée de l’autre. Et bientôt un modèle portable pour les généralistes qui font encore des visites. Court-circuiter les onéreux laboratoires de biologie, souvent fermés la nuit. Tiers payant généralisé ou pas.

Graal microbiologique

Datée du 18 mars la publication de PloS One est signée de vingt-trois chercheurs israéliens travaillant dans différentes institutions d’Haïfa. Le travail a été financé par la société Memed Diagnostics. Menés sur plusieurs centaines de personnes les premiers tests de sensibilité et de spécificité sont hautement encourageants. Déjà un nom de marque : « ImmunoXpert™ »

« Ce travail répond à un problème vraiment sérieux, a commenté, pour la BBC, le Pr Jonathan Ball, spécialiste de virologie à l’Université de Nottingham Etre capable d’identifier une infection dès le début et   être capable de différencier entre une cause virale ou bactérienne est important. Cela va permettre une intervention clinique éclairée et minimiser la nécessité d’une utilisation inappropriée des antibiotiques, notamment avec une personne infectée par un virus. »

Le Pr Ball parle d’or. Il y a plus d’un siècle que l’on est à la recherche de ce Graal microbiologique. Précisément depuis que l’on sait que les bactéries et les virus existent.

A demain

Tabagisme : détecter, via le sang, le cancer du poumon des années avant. Mais encore ?

Bonjour

Comment s’y retrouver sans jamais hiérarchiser ? Une publication suit l’autre… et une autre… et une autre encore … sans jamais recontextualiser. Tout dans l’analytique et peu dans la synthèse. Le règne du parcellaire, le triomphe du confetti.

Dans d’autres espaces ce serait parler de Musigny ou du Clos des Corvées (monopole) en faisant une croix sur Chambolle, sur la Côte-de-Nuits, sur la Bourgogne, sur la Lotharingie et sur l’empire du pinot noir. Comment, dès lors, ne pas se perdre dans les obscurités des temps et des caveaux ?

Exercice

31/10/14. Exercice concret. Il est tiré d’un communiqué du service de presse de l’Inserm. Il nous apprend qu’une équipe de chercheurs de cet Institut « vient  d’effectuer  une avancée significative dans le domaine du diagnostic précoce des cancers invasifs ». Un travail qui, à l’instant même où ce texte est bouclé, paraît dans la revue Plos One (1). Travail dirigé par Marius Ilie et Paul Hofman.

Cette équipe montre « qu’il est possible de détecter, chez des patients à risque de développer un cancer du poumon, des signes précoces ». Signes précoces « sous forme de cellules cancéreuses circulantes ». Et ce « plusieurs mois et dans certains cas plusieurs années avant que le cancer ne devienne détectable par scanner ». Cette alerte « pourrait jouer un rôle clé dans la précocité de l’intervention chirurgicale, permettant ainsi de viser l’éradication précoce de la localisation primitive du cancer ». Un vrai, grand et beau sujet de santé publique compte tenu de l’extrême fréquence du cancer pulmonaire et des multiples obstacles que rencontre son dépistage par voie radiographique et scannographique, hélicoïdale ou pas.

Via le sang

On nous rappelle le contexte : des études menées chez l’animal ont clairement montré que les tumeurs invasives diffusent dans le sang des cellules cancéreuses. Et ce « depuis les toutes premières étapes de leur formation », « avant même que les tumeurs ne soient détectables par un examen d’imagerie ». On rappelle aussi à la presse que la possibilité d’identifier ces cellules-sentinelles est considérée comme un atout majeur dans « la course contre la montre » visant à détecter, et donc à traiter, précocement « le cancer ».

Précision : « les cellules cancéreuses circulantes sont extrêmement rares dans le sang, très hétérogènes et fragiles, et difficiles à extraire sans biais ni perte ».

Avant le nodule

Les auteurs ont ici  utilisé un test sanguin « issu de la recherche française » qui isole du sang « tous les types de cellules tumorales, sans perte et en les laissant intactes ». Mais encore ? Concrètement ? L’équipe a étudié un groupe de 245 personnes « sans cancer ». Et parmi elles 168 patients à risque de développer ultérieurement un cancer du poumon : des personnes souffrant de ce handicap majeur qu’est la  Bronchopathie Chronique Obstructive (BPCO).

Les participants ont systématiquement subi le test sanguin et les examens classiques d’imagerie. Via le test sanguin, des cellules cancéreuses circulantes ont été identifiées chez cinq personnes (3%), alors que l’imagerie ne révélait, chez eux,  aucun nodule pulmonaire.

Attente

Puis les chercheurs ont attendu. Et, chez ces cinq personnes, un nodule est devenu détectable entre un et quatre ans après la détection des cellules cancéreuses circulantes par le test sanguins. Ces malades ont été immédiatement opérées et l’analyse effectuée sur le nodule a confirmé le diagnostic de cancer du poumon. Mais encore ? Le suivi d’un an minimum après chirurgie n’a montré aucun signe de récidive laissant espérer que le cancer pulmonaire avait, dans les cinq cas, été éradiqué.

Aucun nodule n’a d’autre part été détecté chez les volontaires sans cellules cancéreuses circulantes et aucune cellule cancéreuse n’a été détectée dans le sang des sujets « contrôle » sans BPCO.

Eradiquer

Pour l’Inserm il ne fait aucun doute que la détection de ces cellules circulantes via ce test sanguin pourrait jouer un rôle clé dans la précocité de l’intervention chirurgicale, permettant ainsi de viser l’éradication précoce de la localisation primitive du cancer.

L’Inserm termine ainsi son adresse à la presse – sans évoquer la dimension commerciale du sujet (2) :

« Le cancer du poumon est parmi les plus meurtriers. Selon l’American Cancer Society (ACS), la survie de ces patients à un an est de 44% et à 5 ans elle est de seulement 16%. Seulement 15% de ces cancers sont actuellement diagnostiqués à un stade de maladie localisée. Sa détection précoce pourrait à la fois améliorer la survie des patients et permettre des économies de santé. La BPCO est la 3ème cause de décès aux US et sa cause principale est le tabagisme [plus de 80% des cas].»

Tabagisme.

C’est là une précision à la fois ultime et utile. On pourrait même, à cette occasion, rappeler que sans le tabac (et tout ce qui pousse ses esclaves à continuer à le consommer) ce dépistage sanguin ultra-précoce perdrait, non pas tout, mais beaucoup de son utilité. Il est vrai que l’on peut aussi voir dans le tabagisme comme une forme de fatalité fiscalisée.  Contextualiser, hiérarchiser, pour ne pas se perdre en chemin.

A demain

(1) “Sentinel” Circulating Tumor Cells allow early diagnosis of lung cancer in patients with chronic obstructive pulmonary disease  PLoS One

Marius Ilie, Véronique Hofman, Elodie Long-Mira, Eric Selva, Jean-Michel Vignaud, Bernard Padovani, Jérôme Mouroux, Charles-Hugo Marquette, and Paul Hofman

(2) Ce travail a été mené à partir du test ISET (« Isolation by Size of Tumor Cells ») de Rarecells Diagnostic fondée par Patrizia Paterlini-Bréchot, professeur de biologie moléculaire et cellulaire à l’université Paris-Descartes. Cette dernière donne un long entretien au Point (Sophie Pujas) qui annonce que ce test « sera commercialisé en France en novembre à destination des patients malades du cancer ».

Extraits :

« Ce qui a été démontré, c’est la possibilité de faire un diagnostic avant que le cancer ne soit diagnosticable par imagerie, sur simple prise de sang ! On sait très bien qu’un diagnostic précoce donne une chance beaucoup plus importante de sauver le patient. Nous avons l’exemple du frottis, le « pap-test », qui permet un diagnostic précoce. On sait maintenant qu’il permet de prédire 90 % des cancers du col de l’utérus. C’est le test, en médecine, qui a sauvé le plus de vie ! Le test ISET qui a été mis au point est une sorte de pap-test du sang. C’est un vrai espoir de modifier l’espérance de vie des patients atteints de cancer. (…)

 Sensibilité

Notre test possède cette sensibilité confirmée par d’autres chercheurs, et validée comme reproductible. Il a la capacité de détecter une cellule tumorale dans dix millilitres de sang, c’est-à-dire mélangée en moyenne à cent millions de globules blancs et cinquante milliards de globules rouges. Pourquoi s’est-on acharné à faire un test aussi sensible ? Parce que plus il est sensible, plus on peut arriver précocement dans le cours de la maladie. (…)

Nous travaillons sur le sujet depuis vingt ans. Notre premier article date de 1997, deux ans après que nous ayons commencé (…) Nous avons fondé Rarecells en 2009 pour avoir la possibilité de le commercialiser et de le faire étudier par d’autres. Il existe aujourd’hui plus de trente-cinq publications scientifiques de haut niveau utilisant le test ISET. C’est l’équipe du professeur Hofman qui a réussi le défi. Ils ont réalisé cette étude. Ils sont devenus les spécialistes mondiaux de la cytopathologie pour détection des cancers solides sur le sang.

Trisomie 21

(…)  le test arrive à isoler du sang des femmes enceintes des cellules trophoblastiques. Notre équipe, qui travaille aussi dans ce domaine, a réalisé une validation clinique et a publié plusieurs articles. La détection de la trisomie 21 par ce système est actuellement à l’étude. L’avantage de la technique, c’est la possibilité d’isoler du sang des cellules foetales, où se trouve l’ADN foetal pur, donc non mélangé à l’ADN maternel. Par rapport aux méthodes sur l’ADN plasmatique, notre méthode peut potentiellement faire le diagnostic de toute maladie génétique, alors que l’ADN plasmatique ne permet de détecter que la trisomie et d’autres aneuploïdies.

 (…) [La commercialisation]   se fera au rythme des aspects réglementaires et des validations scientifiques. Le test devrait être commercialisé avant la fin de l’année pour tous les patients avec un cancer déjà diagnostiqué. Car il permet de détecter précocement l’invasion tumorale, mais aussi de suivre les patients traités pour savoir plus rapidement quel traitement est efficace ou pas. Si le traitement est efficace, les cellules tumorales disparaissent du sang. Les patients opérés sont suivis actuellement par des méthodes d’imagerie. Mais quand les métastases apparaissent, c’est déjà souvent trop tard.

Biopsie liquide

Concernant l’application du test ISET en diagnostic précoce des cancers, donc chez des sujets apparemment sans cancer, nous voulons développer des tests plus complets permettant de déterminer l’origine du cancer par analyse des cellules tumorales circulantes. Ces nouveaux tests pourront également déterminer si ces cellules tumorales circulantes portent des mutations qui aident à choisir les nouveaux traitements ciblés sur simple prise de sang, sans besoin de biopsie, application appelée « biopsie liquide ». »

(…) C’est l’aboutissement de mon rêve le plus précieux ! Je considère avoir eu la chance d’arriver dans le domaine des CTC (Circulating Tumor Cells, les cellules tumorales circulantes, NDLR), de travailler en France entourée de groupes excellents. Au départ, je suis clinicienne oncologue. J’ai été très marquée par les patients que je n’ai pas pu sauver. C’était un but de vie, et voir que ce but commence à trouver sa voie, c’est extraordinaire ! Il reste à suivre cette voie, à la développer et à l’exploiter, mais toujours avec la rigueur scientifique et le souci du patient. On sait que le marché des CTC est énorme, il ne faut pas perdre de vue le but principal qui est de sauver des vies. Et cela sera strictement lié à la qualité scientifique des tests qui sont développés. »