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23 septembre 2019 : tous les projecteurs médiatiques français braqués sur la salle d’audience du procès du Mediator®. Un procès hors norme, gigantesque, battant tous les records. Les médias se copient à l’envi : une « affaire emblématique de santé publique », « l’échec des autorités sanitaires », des « liens incestueux entre l’industrie du médicament et certains experts scientifiques et hauts dirigeants français », quatorze personnes physiques et onze personnes morales, dont les laboratoires Servier et l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM).
« Tromperie aggravée » d’un côté ; de l’autre « homicides et blessures involontaires ». Sans oublier le nombre de parties civiles (près de 4 500), la durée (six mois programmés, soit, rappelle Le Monde (Emeline Cazi), « l’équivalent du procès de Maurice Papon en 1997 et 1998 ». , le nombre de Entre 1976 et 2009, cinq millions de personnes ont consommé du Mediator® prescrit par des médecins, délivrés par des pharmaciens. Un nombre de morts dont la liste n’est pas définitivement arrêtée et qui risque encore de s’allonger.
Et dans le paysage, atypique : Prescrire, mensuel qui vit le jour peu après la mise sur le marché de la funest spacialité des Laboratoires Servier. Prescrire indépendant dont la raison de vivre est très précisément aux antipodes du Mediator® mais qui (pourquoi ?) parle plus volontiers ici de « désastre » que de « scandale ». Prescrire qui donne aujourd’hui la parole à Me Charles Joseph-Oudin, avocat de 250 victimes. Comment ces dernières analysent-elles les responsabilités respectives de l’Agence nationale de sécurité du médicaemnt et des Laboratoires Servier ?
Qui était en charge du contrôle des titrages alcooliques ?
« Les victimes que je représente sont convaincues de la coexistence, comme les deux faces d’une même pièce, de deux grands cercles de responsabilité : d’un côté les sociétés Servier, de l’autre l’Agence française du médicament, qui n’est pas parvenue à s’imposer, par exemple, en 1999, en n’obtenant pas de la firme une étude sur la pharmacocinétique du benfluorex. Ces deux cercles de responsabilité se recoupent. Au milieu se trouvent, entre autres, certains experts de la Commission d’autorisation de mise sur le marché de l’Agence. Ces experts, qui en même temps conseillaient Servier, devront, au procès, répondre de « prise illégale d’intérêts ».
« Le volet qui les intéresse le plus est le délit de « tromperie » reproché à la firme. La question est très simple : la firme Servier a-t-elle correctement informé les médecins et les consommateurs de Mediator® (benfluorex) de sa dangerosité et de sa parenté avec d’autres dérivés de l’amphétamine, notamment sa métabolisation en norfenfluramine ?
En fait, dès 1993, une étude que la firme a commandée en Angleterre montre que le benfluorex se transforme en norfenfluramine, métabolite proche de deux autres médicaments de la même firme, la dexfenfluramine (Isoméride°) et la fenfluramine (Pondéral®).
« L’autorisation de mise sur le marché (AMM) d’Isoméride® et de Pondéral®, suspectés de porter atteinte aux valves cardiaques, est suspendue en 1997. Pourtant, comme le montre l’enquête des juges, la firme répond en 1999 aux autorités françaises n’avoir jamais analysé la pharmacocinétique de Mediator®. Bien que parent d’Isoméride® et Pondéral®, Mediator® n’est alors pas retiré du marché. L’existence de l’étude anglaise sera révélée en 2011 dans la presse et versée à la procédure judiciaire. »
Pour l’avocat « c’est comme si on interdisait le vin rouge pour les femmes enceintes parce qu’il y a de l’alcool dedans, et qu’on mettait dix ans à se demander si le vin blanc aussi contient de l’alcool ». Où l’on perçoit la puissance de la métaphore. Et où l’on se demande qui, en France, était alors en charge des contrôles alcooliques.
A demain @jynau