Antalgiques opiacés, esclavage pharmaceutique : un grand reportage dans les Appalaches

Bonjour

Karen Lajon. Profession : grand reporter au JDD. « Elle parcourt la planète depuis plus de trente ans et a couvert les principaux conflits contemporains, dit-on d’elle. Elle pratique un journalisme de terrain et donne la parole aux gens, loin de la communication officielle des gouvernements. »

Aujourd’hui elle signe « Les zombies des Appalaches ». La démonstration des vertus du reportage « de terrain », cette discipline journalistique que l’on dit en perdition. Epidémie amaricaine d’antalgiques opiacés ? On avait eu vent du scandale américain et de la culpabilité de Big Pharma –  et notamment Purdue Pharma, avec son tristement célèbre OxyContin. On savait que depuis les années 1990 la distribution-prescription  massive d’antidouleurs hautement addictifs avait fait des centaines de milliers de morts prématurées par overdose outre-Atlantique. On apprend ici comment des laboratoires pharmaceutiques ont délibérément ciblé les classes moyennes et inférieures blanches du « South East » désindustrialisé.

Karen Lajon, envoyée spéciale à Saint-Charles (Virginie), Welch (Virginie-Occidentale) et Louisville (Kentucky). Elle nous a mandé un long papier porteur des lumières que peut transmettre un grand reporter. Elle narre ce que l’on pourrait nommer « la malédiction des Appalaches ». C’est, écrit-elle, « une guerre qui ne dit pas son nom ». C’est là, dans un régal de montagnes et de forêts que s’est nouée « l’une des pires tragédies de l’histoire moderne américaine ». La Virginie-Occidentale : épicentre de la crise-scandale des opiacés, le « ground zero » de la hillbilly heroin. « Une métaphore de l’Amérique » écrit l’écrivain Ron Rash, auteur de deux nouvelles prémonitoires Back of Beyong et The Ascent.

Puis vinrent les révalations du Washington Post, en juillet dernier, fondées sur des données de la Drug Enforcement Administration (DEA). « De 2006 à 2012, une dizaine de grand groupes pharmaceutiques ont bel et bien ciblé la région des Apalaches, écrit Karen Lajon. ‘’Ils ont apréhendé ce territoire comme n’importe quel autre marché, s’insurge l’écrivain. Ils n’on jamais eu l’intention de soigner les gens, mais plutôt de faire un maximum de cash’’. » Un un maximum de casse humaine.

Le nouveau marché du Narcan®

Au fil de ce grand reportage on croise un autre grand écrivain, apallachien : David Joy. « Il y a toujours eu une culture de la drogue aux Eats-Unis, explique-t-il. Mais pour la première fois les classes moyennes et supérieures ont été touchées. Et l’on était plus dans le fun, mais dans le désespoir. Les grans industriels étrangers, aux Appalaches, nous ont colonisés. Ils ont pris le charbon, le bois, et maintenant la dernières ressources, les gens. » Une métaphore de l’Amérique, une métaphore du capitalisme, une résurgence de l’esclavage qui fiat un maximum de cash.

On découvrira, sous la plume de Karen Lajon les premières observations du Dr Art Van Zee, l’action du shérif Martin West aux chuassures remarquables de sophistication, et celle de Me Mark Troy, avocat de Charleston. Et partout ce mal rampant face auquel l’exécutif et les politiques sont ongtemps restés les bras ballants. Comme le rapporte un autre journaliste, du Guardian, Chris McGreal, auteur du remarquable American Overdose (Public Affairs), malheureusement non traduit en français.

On lira la suite de ce remarquable grand reportage et le quotidien des anciens narcodépendants, la distribution de seringues, celles et ceux qui carburent désormais à l’héroïne ou à la meth, la proposition faite du Narcan ® (naloxone) qui, comme on le sait, permet de « récupérer » des overdoses. Les ventes de Narcan® sont passée de 21 millions de dollars en 2011 à 274 millions en 2016. Nouvel esclavage. Après le scandale, le marché continue.

A demain @jynau