Greta Thunberg: les outrances du Dr Alexandre, les mots sans violence de Jean-Marie Le Clézio

Bonjour

On se souvient peut-être de ces lignes, glanées cet été dans le flots des tweets et signées du Dr Laurent Alexandre, 59 ans :

  @dr_l_alexandre : « Je ne suis pas jaloux de @GretaThunberg. J’aimerais pas (sic) avoir des TOC graves, une dépression infantile, un mutisme sélectif, un Asperger avec monoideation et des troubles alimentaires graves me conduisant à être minuscule! Je respecte l’enfant malade mais regrette sa manipulation »

Une fraction de la Toile s’indigne. Réponse du Dr Laurent Alexandre , :

« Je rappelle que ce sont les parents de @GretaThunberg qui ont révélé son dossier psychiatrique (pas moi). Et je pense que cela devrait être un délit de révéler le dossier médical de son enfant mineur ! Je trouve cela dégueulasse ! Signalez les parents de @GretaThunberg ».

Le Dr Alexandre n’était pas le seul à se déchaîner contre la jeune Greta Thunberg 1. Il y eut aussi, fort heureusement pour la médecine, une tribune publiée dans Le Monde signée du Dr Marion Robin, psychiatre pour adolescents à l’Institut mutualiste Montsouris et auteure d’« Ado désemparé cherche société vivante » (Odile Jacob, 2017).

Loin de l’urologue transhumanisant elle expliquait voir en Greta Thunberg, 16 ans, le symbole d’une jeunesse qui ne peut plus se permettre de rester en adolescence. Ou plus précisément cette psychiatre cherchait à comprendre ce qui se trame  au-delà de l’« effet Greta Thunberg », qui « insupporte certains adultes ».

Le sourire ironique des adultes

Et puis, aujourd’hui, dans Libération, un long texte signé de Jean-Marie Le Clézio,79 ans, prix Nobel de littérature 2008 :  « Greta Thunberg, la gravité de la Terre ». Extraits :

« Son visage nous est devenu familier. Elle est sérieuse comme on l’est quand on n’a pas encore 17 ans, elle regarde l’objectif sans ciller, elle lit ses discours d’une voix posée, dans un anglais parfait, ses nattes sages encadrent ses joues rondes, ses yeux nous fixent sans une hésitation, elle se tient bien droit, les bras le long du corps, elle ressemble un peu à une gymnaste, ou à une déléguée d’un groupe de collégiennes. Elle est devenue la combattante la plus crédible du mouvement de défense de notre planète menacée par le gaspillage des ressources naturelles et la disparition des espèces animales. Elle est reçue par les plus grands, des présidents, des directeurs d’industrie, des éminences des banques. (…)

« Elle dit que nous – les adultes, les responsables, les acteurs de notre monde égoïste et rapace -, nous n’avons rien fait, et que les enfants du futur nous demanderont des comptes. Elle dit même une chose plus terrible, que lorsque nous ne serons plus là, dans dix, vingt ou trente ans, elle y sera encore et que c’est à elle que les enfants demanderont des comptes. Elle nous accuse, de sa voix douce et calme, d’avoir oublié que la Terre nous est prêtée, pas donnée. Est-ce que nous pouvons l’entendre ? (…)

« Et il lui faut du courage, à Greta, pour affronter le sourire ironique des adultes. Pourtant, quand elle apparaît, sur nos écrans, dans les pages de nos journaux, avec son visage grave et ses traits doux, et qu’elle dit de sa voix de colère contenue que nous devons paniquer, que nous devons réagir, nous indigner, commencer la lutte, changer notre façon d’être, notre rapport au monde et aux animaux qui l’habitent avec nous, que nous devons nous inquiéter de l’absence des saisons, de la disparition des insectes et des oiseaux, du dépeuplement des mers et du blanchissement des coraux, de cette sorte de silence assourdissant qui s’étend peu à peu sur la planète nature, au profit des vacarmes des villes, du mouvement fébrile des hommes, de l’exploitation à outrance des richesses du sol et des forêts, comment ne pas ressentir un coup au cœur, un tressaillement, comment ne pas être envahi par la nostalgie du futur, à l’idée de ce que nous n’avons pas fait, de ce que nous avons laissé se défaire, de notre regard qui s’est détourné, du grincement cynique de nos égoïsmes ? Comment ne pas l’entendre ? (…) »

Comment dès lors, entendre les tweets du Dr Laurent Alexandre ?

A demain @jynau

1 Nau J-Y Greta Thunberg : pourquoi tant et tant de haines ? Rev Med Suisse 2019; volume 15. 1468-1469

Ecstasy : combien de temps avant qu’on l’utilise pour lutter contre la dépendance à l’alcool ?

Bonjour

Rien de tel qu’un bon verre pour aguicher les médias. Ainsi Le Monde (Raphaëlle Bacqué), depuis Biarritz et Espelette : C’est « à la demande de l’équipe de communication de la Maison Blanche », assure l’Elysée, que la First Lady américaine a goûté, chez un caviste basque, un verre d’irouléguy, alors même que son mari menace de surtaxer les vins français. Irouléguy : un goûteux timbre poste sur le chemin des pèlerins de Saint-Jacques ; deux cents hectares sur quinze commune ; classé AOC depuis 1970 ; rouge et rosés à base des cépages  tannatcabernet franc et cabernet sauvignon ; vins blancs issus de courbu blanc, du petit courbu B, de petit manseng et gros manseng.

Dans le même temps ou presque, à l’autre bout de la chaîne, The Guardian (Helena Blackstone) : « MDMA treatment for alcoholism could reduce relapse, study suggests. Researchers say drug is safe and appears more effective than conventional treatments ». Des informations glanées lors de l’International Conference on Psychedelic Consciousness (Londres, 16-18 août) – reprises et développées par Medscape France (Stéphanie Lavaud) : « Résultats prometteurs pour la 1re étude à tester la MDMA (ecstasy) dans l’alcoolisme ».

« MDMA » cette reine de la nuit 1 ? « Un ‘’revival’’ thérapeutique, rappelle Medscape. Ce produit qui a été largement utilisé de façon thérapeutique entre les années 70 et 1985. La molécule synthétique provoque des effets euphorisants et créé une vision positive et empathique des choses et des gens, ce qui lui a valu le surnom de ‘’pilule de l’amour’’. Si on ne sait pas exactement par quels mécanismes elle agit dans le cerveau, elle doit son action à un dérivé d’un produit actif tiré de la mescaline (la methylenedioxy-amphetamine or MDA). Moins hallucinogène et moins toxique que la MDA, la MDMA a connu son heure de gloire au sein du « Boston group ». A partir de 1976, ce cercle influant comprenant un chimiste, des personnes intéressées par la spiritualité et des chercheurs en intelligence artificiel du MIT (Boston), a répandu l’usage du MDMA à visée thérapeutique auprès de psychiatres et  de thérapeutes. Comme avec le LSD, l’usage a par la suite débordé le champ de la psychiatrie. Devenue très en vogue dans les clubs newyorkais en 1983, la MDMA a fini par être classée sur la liste des molécules « Schedule 1 » et interdite en 1985 par le gouvernement américain, même à titre médical. »

Aujourd’hui, donc, focus sur la maladie alcoolique. L’étude présentée à Londres portait sur huit semaines et comprenait deux sessions avec de la MDMA. Les auteurs rapportent une bonne tolérance du traitement, sans conséquences néfastes physiques ou psychiques chez les premiers participants à avoir terminé l’étude. Et The Guardian rapporte les résultats, non encore publiés, onze patients avec un suivi de neuf mois.

Zéro black Monday/blue Tuesday

« Nous avons une personne qui a totalement rechuté, revenant à sa consommation d’alcool d’origine, 5 personnes qui ne boivent plus une goutte d’alcool, et 4 ou 5 personnes qui boivent encore 1 ou 2 verres mais pour lesquelles ne s’applique plus le diagnostic de trouble alcoolique » a rapporté le Dr Ben Sessa, psychiatre, chercheur en neuropsychopharmacologie (Imperial College London) et premier auteur de l’étude. En utilisant ce que la médecine propose de mieux, 80% des gens boivent dans les trois ans qui suivent leur cure de sevrage. Et pas de black Monday ou de blue Tuesday, peu importe comment les ravers l ’appellent. De mon point de vue, [la descente que décrivent les ravers au lendemain et sur-lendemain de la prise] est un artefact du raving, mais ce n’est pas dû à la MDMA. »

Pour le Dr Ben Sessa, la MDMA n’a rien de dangereux, qui a été prescrite aux Etats-Unis (entre 1970 et 1985) et en Suisse (jusqu’en 1993) pour augmenter l’efficacité de certaines psychothérapies et qui est parfois utilisées dans le traitement du syndrome de stress post-traumatique. «Il reste désormais à étudier la possibilité de mener un essai clinique randomisé versus placebo, pour véritablement s’assurer de l’efficacité du traitement » souligne, sagement, Medscape. Peut-on raisonnablement espérer, manseng ou pas, que ces travaux puissent, aussi, être menés en France ?

A demain @jynau

1 Merlo S, Jamme S, Gatner B et al Drogues festives : quand « récréation » rime avec « consultation » Rev Med Suisse 2019; volume 15.1394-1396

Abcès aux urgences : révélations du Point, l’édito du Figaro, l’immobilisme d’Agnès Buzyn

Bonjour

Ne rien changer pour que rien ne change ? C’est la vingt-troisième année que nos confrères du « Point » (François Malye et Jérôme Vincent) publient leur « palmarès des hôpitaux et cliniques de France ». Un travail de Titan pour un résultat à bien des égards remarquable ; mille quatre cents établissements publics et privés et,respectivement, soixante-seize et quarante-quatre disciplines médicales et chirurgicales passés au tamis de leur méthodologie. Quelques approximations, peut-être, quelques grincements de dents parisiens, quelques irritations chirurgicales ou administratives … Mais l’essentiel semble une fois encore préservé : un document de référence. Nous sommes loin, ici, des injustices du Michelin ou de la perversité des notations via les « réseaux sociaux ».

« Sans surprise, les CHU cannibalisent cette année encore le haut du panier » observe Le Quotidien du Médecin . Le CHU de Bordeaux reprend la tête du classement devant le CHU de Lille et celui de Toulouse. Suivent les Hôpitaux universitaires de Strasbourg, le CHU de Montpellier et celui de Nantes. Valenciennes est le premier centre hospitalier du palmarès, à la 32e place. Le tableau d’honneur des cliniques subit en revanche des variations plus marquées qui illustrent l’effet de concentration du secteur. »

Tout changer pour que rien ne change ? « Le Point », cette année, innove : « Inédit, la liste des urgences qui manquent de médecins ». Nos méthodiques confrères se fondent sur les données du Centre national de gestion (CNG) – un organisme trop méconnu qui gère les carrières hospitalières. La cartographie présentée recense 277 services d’urgences avec près de 800 postes de médecins à pourvoir sur les 497 services de l’hôpital public. Qui dit poste vacant ne dit pas poste inoccupé, précise le CNG, les médecins intérimaires palliant grandement la désertification médicale dans les urgences de France. Ce qui n’est pas loin d’une forme de cautère sur une jambe en grande difficulté.

Faire la part du symptôme et de la maladie

Jambe de bois ? « A l’hôpital la crise des urgences s’enracine » titre aujourd’hui, à la Une Le Figaro. Et le plus vieux quotidien de France de jouer au médecin faisant la part entre la maladie et le symptôme. Ainsi l’éditorial hautement signifiant de Laurence de Charrette (nous soulignons):

« Le diagnostic est partagé : aux urgences, la crise est sévère. Mais la thérapie, elle, fait défaut. Les services craquent. À qui la faute ? Coupables, ces milliers de personnes qui, chaque jour, se rendent à l’hôpital pour y présenter de simples ‘’bobos’’ qui pourraient être pris en charge par la médecine de ville ? À l’évidence ! La ‘’régulation’’ des entrées aux urgences constitue indéniablement une des pistes majeures d’amélioration du système. Pourtant, une partie de ces ‘’patients’’, désormais renommés ‘’usagers’’, rétorqueront qu’on ne se rend pas aux urgences par plaisir et que, précisément, ils comptent bien sur l’hôpital pour évaluer leur état de santé. On aura beau regretter leur attitude ‘’consumériste’’, ils expliqueront, non sans quelque raison, que la médecine de ville vers laquelle on voudrait les orienter n’est pas équipée pour traiter tous les maux et que le serment d’Hippocrate semble s’y exercer essentiellement aux horaires de bureau.

« Fautive, la gratuité des soins ? Assurément. Malheureusement, l’idée d’imputer une partie plus importante de la facture aux patients, quitte à procéder à des remboursements a posteriori – idée régulièrement caressée par les politiques (François Fillon notamment) – suscite de telles protestations qu’elle semble durablement vouée à l’échec, quelles que soient ses vertus économiques et pédagogiques.

« Responsable, le système de tarification hospitalier, qui octroie aux établissements la même rémunération pour toute intervention et les pousse mécaniquement à ouvrir grand les portes des urgences? C’est certain, mais comment assurer la prise en charge de tous les malades dans d’égales conditions sans quelques artifices comptables?

« À y regarder de plus près, il apparaît que les urgences ne sont pas la maladie mais le symptôme d’un trouble beaucoup plus vaste qui touche l’ensemble du monde médical, dont l’exercice et la mission même se trouvent profondément affectés par les bouleversements sociétaux auxquels il est confronté: progression de l’individualisme et pression économique, vieillissement de la population, avènement de la technologie… Pour Agnès Buzyn, l’enjeu n’est pas seulement de désengorger les urgences, mais bien d’armer le système de soin face aux révolutions qui l’attendent. »

En Suisse, sortir des sentiers battus

Ne rien changer pour que tout change ? Le temps est sans doute venu de porter le regard au-delà de nos frontières. La France serait-elle le seul pays au monde à souffrir de ses urgences hospitalières ? « Chaque jour, en Europe, les services d’urgences accueillent près de 430 000 patients. Annuellement, ce chiffre représente 157 millions de personnes, soit un tiers de la population européenne, écrivent, dans un remarquable éditorial de la Revue Médicale Suisse 1, les Dr Pierre-Nicolas Carron et François Sarrasin, respectivement chez des urgences du CHUV de Lausanne et des HUG de Genève.   

Ces chiffres confirment indéniablement le rôle important et croissant des services d’urgences dans notre système de santé.3 Cette tendance s’observe dans l’ensemble des pays de l’OCDE, y compris dans nos hôpitaux, avec une augmentation annuelle de l’ordre de 2 à 3 % depuis le début des années 2000. »

Selon ces deux spécialistes ces chiffres témoignent également d’un changement d’habitude drastique au sein de la société, vis-à-vis de son accès au système de soins – et ce sans corrélation avec l’évolution démographique. Les patients revendiquent en effet de plus en plus un accès libre et exhaustif à des plateaux techniques polyvalents et spécialisés. L’immédiateté qui caractérise de nombreuses facettes de notre vie « moderne », tant professionnelle que privée, devient un critère décisionnel important. Voilà, enfin, une lecture qui nous fait sortir des sentiers battus.

Sans précipitation, nous y reviendrons.

A demain

1 Carron P-N, Sarasin F « Médecine d’urgence : répondre à l’accélération du temps ? » Rev Med Suisse 2019; volume 15. 1363-1364

Mystérieuse pathologie pulmonaire américaine: le vapotage est-il le coupable ou la victime ?

Bonjour

Depuis le 5 juin 1981 certaines alertes sanitaires américaines ne doivent plus être prises à la légère. Aujourd’hui, celle développée dans The Washington Post (Lena H. Sun and Lindsey Bever) : « Mystery lung illness linked to vaping. Health officials investigating nearly 100 possible cases ». Ou, en français, sur Vapingpost.com (Guillaume Bailly) :« Une maladie pulmonaire sévère causée par la vape ? »

Où l’on apprend qu’aux Etats-Unis quelques dizaines de personnes, principalement des adolescents, viennent d’être hospitalisés pour des troubles pulmonaires nécessitant parfois une admission en soins intensifs. Symptômes : toux, gênes respiratoires, douleurs thoraciques troubles digestifs. «Pour l’instant, le vapotage est le seul point commun entre toutes ces affaires, mais nous essayons d’étendre nos recherches pour déterminer avec certitude que nous n’oublions rien», a expliqué à l’AFP Thomas Haupt, spécialiste des problèmes respiratoires du service de Santé du Wisconsin. Cinq États sont plus particulièrement concernés : Californie, Illinois, Indiana, Minnesota et Wisconsin

Pour les CDC il n’existe aucune preuve cohérente que la cause soit d’origine infectieuse – ni même qu’il s’agisse d’une même entité pathologique. Les responsables reconnaissent qu’ils ne savent pas si les dispositifs de cigarette électronique (ou des ingrédients inhalés) sont en cause. Les patients avaient semble-t-il recours au vapotage de diverses substances : nicotine, marijuana, associations diverses. Soulignant l’inquiétude croissante dans l’opinion les responsables du CDC expliquent qu’ils organisent une surveillance spécifique dans l’ensemble du pays.

« La cigarette électronique a gagné en popularité au cours de la dernière décennie en dépit du peu de recherches sur leurs effets à long terme, souligne The Washington Post. Ces dernières années, les autorités sanitaires ont mis en garde contre une épidémie de vapotage chez les adolescents mineurs. La marque leader, Juul, a déclaré qu’elle assurait une veille et qu’elle disposait « des systèmes de surveillance de la sécurité robustes ». »

Beau titre et « putaclic »

Gregory Conley, président de l’American Vaping Association, qui défend les produits de vapotage, a quant à lui déclaré que chaque mois, environ dix millions d’adultes vapent de la nicotine sans problèmes majeurs. « Il semble beaucoup plus probable que les produits causant des dommages aux poumons soient des vapes de fabrication artisanale contenant du THC ou des drogues illégales, et non de la nicotine. » Un hypothèse réfutée par certains membres du corps médical.

« La législation américaine est de plus en plus sévère, orientant des consommateurs vers le marché noir, certains utilisent les e-cigarettes pour consommer de la drogue, ou bien, plus simplement, un lot présentant un problème, observe Vapingpost.com. Il convient de rappeler que les normes américaines en termes de vapotage sont, pour l’heure, beaucoup plus permissives que les européennes, mais qu’elles vont les rattraper, voire les dépasser, rapidement. » Et d’ajouter :

« Le problème est donc, peut être, causé par un produit du vapotage. Un parmi des millions consommés chaque jour par des vapoteurs à travers le monde, sans problèmes. Demander, par exemple, l’interdiction du vapotage en se basant sur cet exemple reviendrait à demander l’interdiction de tous les produits pouvant poser accidentellement des problèmes sanitaires.

« Que les causes soient l’inconscience, l’incompétence, la malhonnêteté, ou un simple accident, c’est possiblement un produit de la vape dans un secteur donné qui est en cause, et pas le secteur entier. Comme cela arrive toutes les semaines pour des produits de consommation courante.  Mais certains ne résistent pas à l’appel d’un beau titre, sans réfléchir aux conséquences pour toute une filière, et, plus grave encore pour ceux qui renonceront à cause de cela à se sevrer du tabac et en mourront. Parce que dans “putaclic”, il n’y a pas que “aclic”… »

A demain @jynau

 

Opium et Tramadol® : pour la première fois les forçats du Tour n’y ont plus droit. Pourquoi ?

Bonjour  

6 juillet 2019. Cette fois c’est bien l’été : L’Equipe est imprimée sur papier jaune (type Midi Olympique) et le Tour de France s’élance depuis le Manneken-Pis. On fête le centenaire du Maillot Jaune et le cinquantenaire victorieux de saint Eddy Merckx. On retrouve le vieux mythe sans cesse revivifié, on applaudit la course-poursuite du gendarme-sain et du voleur-dopé.  

L’Equipe, page 12, rayon antidopage, nous apprend que la nouveauté, cette année, c’est l’interdiction du Tramadol®. « Son usage est interdit par le biais du règlement santé » précise le quotidien sportif. Mais encore ? Que savoir sur ce médicament anti-douleur dérivé de l’opium développé depuis un demi-siècle mais qui existait depuis des millénaires sr le sol africain 1 ?

Tramadol® (chlorhydrate de tramadol) :  Traitement des douleurs modérées à intenses de l’adulte. La dose devra être adaptée à l’intensité de la douleur et à la sensibilité individuelle de chaque patient. La posologie minimale efficace doit généralement être utilisée. Douleurs aiguës : la dose d’attaque est de 100 mg (2 comprimés) suivie de 50 ou 100 mg (1 ou 2 comprimés) toutes les 4-6 heures sans dépasser 400 mg/24 h (8 comprimés). Douleurs chroniques :la dose d’attaque est de 50 ou 100 mg (1 ou 2 comprimés) suivie de 50 ou 100 mg (1 ou 2 comprimés) toutes les 4-6 heures sans dépasser 400 mg/24 h (8 comprimés). » Nombreux effets secondaires indésirables psychiatriques (notamment confusion mentale ou hallucinations) neurologiques (dont vertiges, somnolence et convulsions) et gastro-intestinaux (nausées et vomissements).

Perversité

« D’après les données de l’assurance maladie, près de dix millions de français ont eu une prescription d’antalgique opioïde en 2015, nous enseigne l’Agence nationale de sécurité du médicament. En 2017, l’antalgique opioïde le plus consommé en France est le tramadol puis la codéine en association et la poudre d’opium associée au paracétamol. Viennent ensuite la morphine, premier antalgique opioïde fort, l’oxycodone, à présent pratiquement autant consommé que la morphine, puis le fentanyl transdermique et transmuqueux à action rapide. »

Pourquoi interdire cet antalgique aux forçats de la route millésimés 2019 ? C’est une vieille histoire parfaitement racontée sur le site http://www.cyclisme-dopage.com. Uniquement pour des raisons de « santé », semble-t-il, plus que pour « lutter contre le dopage ». Et il semblerait, une fois n’est pas coutume, que l’Union Cycliste Internationale (UCI) est la première institution sportive à s’intéresser à la prévention via l’interdiction de ce dérivé de l’opium. Où l’on en conclut que, privés d’opium, les forçats du Tour 2019 souffriront un peu plus encore que leurs aînés. Pour la plus grande joie, cet été, des amateurs sur canapé.

A demain @jynau

1 Sur ce thème : Nau J-Y « L’arbre à tramadol existe : il prend racine en Afrique » Rev Med Suisse 2013; volume 9. 1862-1863

Homéopathie française : il y a bien mieux à faire que de se contenter de la «dérembourser»

Bonjour

15 mai 2019. La commission de la transparence de la Haute Autorité de santé doit adopter aujourd’hui un avis sur le déremboursement des spécialités homéopathiques auxquelles, dit-on, sont attachés vingt millions de Français – de sspécialités et une pratique médicale dénoncées depuis quelques mois comme une forme de supercherie. L’affaire a pris une tournure politique et après bien des atermoiements Agnès Buzyn a dû se rendre à la raison raisonnante : demander à la HAS (qu’elle a présidée) de faire le point scientifique sur un sujet qui, précisément, dépasse ce cadre 1. C’était, simplement, gagner du temps.

« L’homéo patit » ose le Libération du jour – qui ajoute, humour, « Les granules ont les boules ». A dire vrai les jeux sont faits et la Commission de la transparence de la Haute autorité de santé (HAS) ne saurait se dédire. Il s’agit là d’une instance scientifique composée de médecins, pharmaciens, spécialistes en méthodologie et épidémiologie, qui évalue les médicaments ayant obtenu leur autorisation de mise sur le marché lorsque le laboratoire qui les commercialise souhaite les voir remboursés par la Sécurité sociale.

Ses membres avaient déjà eu à réaliser l’évaluation de l’efficacité de quatre spécialités homéopathiques en vue de maintenir leur remboursement et, il y a un an glissaient dans leur avis un commentaire politique«La Commission s’étonne du maintien du taux de remboursement à 30% des médicaments homéopathiques à nom commun compte tenu du taux de remboursement à 30% voire 15% de médicaments ayant fait la preuve de leur efficacité ».

On attend avec le plus grand intérêt l’avis qui doit être adopté ce 15 mai  par la même Commission de la transparence – avis qui, dit-on, devra rester secret durant un certain temps. Pour « donner la possibilité aux industriels de l’homéopathie la possibilité de se défendre en appel».

Mélasse homéopathique

Sans l’attente, élargissons la focale et ouvrons le numéro daté de mai de la Revue Médicale Suisse (Rev Med Suisse 2019; volume 15.936-936). Et découvrons le texte de Jacques Dubochet , 76 ans, citoyen suisse, lauréat du Prix Nobel de chimie millésime 2017 pour ses travaux en cryo-microscopie électronique. C’est  aussi un spécialiste de « l’énergisation de l’eau ».  Il traite ici de l’importance que prennent les « médecines » alternatives de tous bords – et s’inquiète de la perspective où un marasme idéologique en vienne à étouffer la médecine scientifique basée sur l’évidence.

 Extraits :

« Oui, je m’inquiète, beaucoup. Homéopathie (je m’y intéresse depuis longtemps), acupuncture, médecine ayurvédique, bioénergies, énergisation de l’eau (c’est mon rayon), et aussi, pour être à la mode, l’horreur des ondes électromagnétiques qui nous rendent tous malades. Nous nageons dans une mélasse de fake sciences. Pourtant, l’homéopathie ne fait de mal à personne, l’énergie vitale de l’eau est très amusante, la 5G et la fuite technologique en avant, tant mieux si elle est un peu bloquée par la révolte populaire. Pourquoi s’en inquiéter ?

Parce que nous croyons que, pour progresser, pour que le monde se développe harmonieusement, il faut être raisonnable ; il faut accepter que la nature soit notre seul maître. Nous ne sommes pas assez intelligents pour inventer ses lois dans nos petites têtes. Les élucubrations d’esprits farfelus, même s’ils récoltent d’étonnants – et de détonants succès populistes, sont néfastes et dangereuses. »

Pour autant le Nobel n’entre pas en campagne contre les médecines alternatives, ni contre les douteuses croyances à propos du méfait des ondes.

« Il faut choisir ses combats. Les miens se rapportent à la convivialité, à l’éducation pour tous, à notre climat qu’il faut sauver et à la défense d’une médecine humaniste. Défense d’une médecine humaniste ! Nous sommes révoltés de voir la médecine squattée par la course aux profits portée par le trio des assureurs et des cliniques privées ainsi que par les lobbys des spécialistes. (…)  Revenons à l’homéopathie contre laquelle je ne lutterai pas. Pourquoi a-t-elle tant de succès ? Pourquoi même tant de médecins s’y adonnent-ils ? Une raison saute aux yeux. La première consultation homéopathique dure une heure peut-être. Une heure de questions. Comment vous sentez-vous, où avez-vous mal, la tête, plutôt à gauche ou plutôt à droite ? Ah, je vous ai entendu, je vois ! Mon expérience de Prix Nobeliste a plein d’aspects intéressants. Que croyez-vous qu’il se passe quand une personne que je rencontre apprend la nature de son partenaire ? On pourrait imaginer qu’il aimerait savoir en quoi celui-ci est spécial, quelle impression ça fait d’être reçu par le Roi, combien ça rapporte… ? Rien du tout, il parle ! Il raconte sa vie, il veut se faire écouter.

Alors, ne nous étonnons pas du succès de l’homéopathie et comprenons qu’elle répond à un vrai besoin que la médecine traditionnelle néglige de plus en plus. (…) Allez, on se bouge ! C’est urgent ! Viiiite ! Redonnons sa place prépondérante à l’écoute. C’est peut-être la meilleure voie pour que notre médecine redevienne humaniste. La mélasse homéopathique et co. retrouvera naturellement sa juste place. »

Politique et mélasse homéopathique. Agnès Buzyn lit-elle la Revue Médicale Suisse ?

A demain

@jynau

1 Sur ce thème : « La guerre de l’homéopathie touche peut-être bientôt à sa fin » Slate.fr 4 avril 2019

Cannabis : en consommer tous les jours augmente le risque de souffrir de troubles psychotiques

Bonjour

Ce n’est pas certes pas une surprise : depuis Moreau de Tours (1804-1884) et son célèbre « Du Haschisch et de l’aliénation mentale » (1845)  les liens entre cannabis et psychoses ne cessent d’intriguer 1 – mais aussi de nourrir de redoutables polémiques médicales autant que politiques.  A l’aube du troisième millénaire le sujet prend de nouvelles dimensions avec l’accélération à travers le monde (hormis en France) d’un phénomène sans précédent de dépénalisation/légalisation de la consommation de ce psychotrope.

Aujourd’hui, à verser au dossier, la publication d’un important travail dans The Lancet Psychiatry. D’où il ressort que (par rapport à l’abstinence) la consommation quotidienne de cannabis multiplie par 3,2 le risque d’être victime d’un premier épisode de psychose. Et ce risque est multiplié par 4,8 avec une consommation un quotidienne de variétés de cannabis à forte concentration (plus de 10%) en principe actif delta9-THC – variétés de plus en plus fréquentes sur les marchés officiels ou mafieux (Londres, Amsterdam ou Paris).

Mafias Sans Frontières

Les auteurs ont mené leur travail sur onze sites européens (et au Brésil) à partir des  dossiers de 901 personnes ayant souffert d’un premier épisode de psychose comparés à ceux de 1.237 personnes non touchées ; ce pour analyser et comprendre les facteurs de risque associés à l’apparition du trouble. Pour ces chercheurs il s’agit ici de la première preuve directe que la consommation de cannabis a un effet sur l’incidence des troubles psychotiques. Ils estiment que si les types de cannabis « à forte puissance » n’étaient plus disponibles, 12% des cas de premiers épisodes psychotiques pourraient être prévenus en Europe.

« Ainsi donc cette étude confirme le potentiel psychogène du cannabis pris quotidiennement et fortement dosé en THC chez des personnes vulnérables qu’il s’agisse de l’âge (jeunesse) ou de l’association à un trouble mental non encore diagnostiqué, résume le Dr William Lowenstein, président de SOS Addictions. Peut-être en va-t-il de même pour l’alcool.»

Pour le Dr Lowenstein cette étude confirme aussi tout l’intérêt d’une ‘’régulation’’ du cannabis. «Or nous avons au moins une certitude, dit-il. Ce n’est pas ‘’Mafias Sans Frontières’’ qui va baisser les taux de THC et ne plus vendre aux mineurs. »

A demain

1 Sur ce thème : L. Curtis P. Rey-Bellet M. C. G. Merlo « Cannabis et psychose » Rev Med Suisse 2006; volume 2. 31635. Et encore : « Consommation de cannabis et troubles psychotiques », extrait de Inserm (dir.). Cannabis: Quels effets sur le comportement et la santé?. Rapport. Paris : Les éditions Inserm, 2001, XII- 429 p. – (Expertise collective). – http://hdl.handle.net/10608/171″

 

Transhumanisme: le vrai-faux moratoire contre les futurs humains génétiquement modifiés

Bonjour

C’est une bien étrange tribune à lire dans Nature : « Adopt a moratorium on heritable genome editing » Auteurs : Eric Lander, Françoise Baylis, Feng Zhang, Emmanuelle Charpentier, Paul Berg « and specialists from seven countries call for an international governance framework » – un goupe de dix-huit biologistes et éthiciens de sept pays (Etats-Unis et Chine pour l’essentiel) 1.

Où l’on voit qu’officiellement  les signataires appellent à un « moratoire » sur l’utilisation clinique des nouvelles méthode d’édition/réédition  du génome sur des cellules germinales ou des embryons humains «pour produire des enfants génétiquement modifiés». On saisit d’emblée que cet appel fait suite à la récente et spectaculaire annonce, en novembre dernier, par le chercheur chinois He Jiankui, de la naissance de jumelles dont pù aurait modifié le génome afin de les rendre « protégées contre le VIH ». « Dans ce document de quatre pages, accompagné d’un éditorial, les experts exposent les raisons de leur demande et le cadre dans lequel CRISPR-cas9 devrait être utilisé, résume la Revue Médicale Suisse. Ils soulignent ne pas exclure pas définitivement l’utilisation de cette technique d’édition de génomes humains mais insistent sur le fait que toute transformation des cellules germinales exige que les conséquences à long terme aient été comprises, tant pour l’individu que pour l’espèce humaine. »

Un moratoire, en somme, pour mieux « ne pas exclure définitivement ». Orwell et sa novlangue rôdent et l’on ne peut pas ne pas songer à la conférence d’Asilomar organisée en 1975, déjà, par Paul Berg.

Il est désormais pleinement établi que le Chinois He Jiankui a transgressé toutes les recommandations en matière de modification du génome humain. «Non seulement il n’était pas en mesure de prouver qu’il pouvait maîtriser les conséquences de ces modifications sur la santé de ces enfants ni que celles-ci ne seront pas délétères par la suite, mais il n’avait en plus aucune autorisation pour le faire, souligne Catherine Bourgain (Cermes 3 – Génétique humaine et statistiques, recherche participative) membre du comité d’éthique de l’Inserm (elle a signé la tribune de Nature). En l’occurrence, la modification qu’il a réalisée n’est pas celle qu’il avait prévue à l’origine, il y a eu beaucoup d’incertitudes. Sans compter que l’intérêt d’un tel acte n’est pas du tout prouvé.»

« A moins que certaines conditions ne soient remplies »

Où l’on voit que si l’intérêt de l’acte devait être prouvé les condamnations de son auteur pourraient être aussitôt effacées. Une trentaine de pays, dont la France, interdisent déjà ce type de pratiques. «Ce n’est pas le cas aux États-Unis et en Chine, explique Catherine Bourgain au Figaro (Cécile Thibert). Par “moratoire mondial”, nous ne voulons pas dire interdiction permanente, précisent les signataires. Cela signifie plutôt que nous demandons la mise en place d’un cadre international dans lequel chaque pays, tout en conservant le droit de prendre ses propres décisions, s’engagerait volontairement à interdire l’utilisation de cellules germinales génétiquement modifiées à moins que certaines conditions ne soient remplies.»

Où l’on voit, enfin, que le moratoire ne vise pas les manipulations génétiques faites dans le cadre de recherches « tant qu’elles n’aboutissent pas à une naissance ». Et loin d’un interdiction définitive des humains génétiquement modifiés les auteurs réclament l’interdiction « temporaire » (cinq ans, par exemple) de ces modifications génétiques – sans oublier la mise en place d’une « institution internationale » dont l’objectif serait de vérifier la pertinence des décisions prises par les pays. «On touche à la création d’êtres humains, à la notion même d’humanité, fait valoir Catherine Bourgain. Cela pose des questions qui concernent tout le monde. Le débat doit avoir lieu de façon large et ouverte, pas seulement au sein de la communauté scientifique.»

« Les conséquences d’un acte sont incluses dans l’acte lui-même ». George Orwell est bel est bien parmi nous.

A demain

@jynau

1 Eric S. Lander is president and founding director of the Broad Institute of MIT and Harvard in Cambridge, Massachusetts, USA. Françoise Baylis is a university research professor, Dalhousie University, Halifax, Canada. Feng Zhang is a core member of the Broad Institute of MIT and Harvard. Emmanuelle Charpentier is founding and acting head of the Max Planck Unit for the Science of Pathogens in Berlin, Germany. Paul Berg is Robert W. and Vivian K. Cahill Emeritus Professor in the biochemistry department at Stanford University, Stanford, California, USA. Catherine Bourgain, Bärbel Friedrich, J. Keith Joung, Jinsong Li, David Liu, Luigi Naldini, Jing-Bao Nie, Renzong Qiu, Bettina Schoene-Seifert, Feng Shao, Sharon Terry,Wensheng Wei, Ernst-Ludwig Winnacker

Jeux d’argent et de hasard interdits aux mineurs ? De qui Bruno Le Maire ose-t-il se moquer ?

Bonjour

8 mars 2019. Actualité : la privatisation de la Française des Jeux (FDJ) entreprise hautement rentable se nourrissant de l’addiction d’une fraction croissante de citoyens devenus dépendants. Une affaire suivie de près par les buralistes, premiers concernés. Hier les députés ont donné leur feu vert au projet de privatisation de la Française des Jeux (FDJ), dans le cadre de l’examen en commission du projet de loi Pacte.

En première lecture, début octobre, l’Assemblée nationale avait autorisé le transfert au privé de la majorité du capital de la FDJ, actuellement détenu à 72 % par l’État, malgré de vives critiques de l’opposition dénonçant la logique économique de l’opération et les risques accrus d’addiction aux jeuxLe Sénat s’y était ensuite opposé en février.

Cohérence avec le tabac et l’alcool

Mais en démocratie force revient toujours à la majorité : via un amendement du gouvernement, défendu par le ministre de l’Économie Bruno Le Maire, les députés ont rétabli leur version en commission. Des sous-amendements, portés par le député Christophe Blanchet (LREM, Calvados), ont ajouté au texte des dispositions pour renforcer la protection des mineurs. En d’autres termes possibilité, via une future ordonnance, de la « mise en place d’une amende sanctionnant la vente ou l’offre » de jeux d’argent et de hasard à des mineurs.

Que croyez-vous qu’il arriva ? M. Le Maire s’est dit « favorable à renforcer toutes les garanties et les protections». « L’idée d’avoir une amende qui sanctionne la vente de jeux aux mineurs, c’est cohérent par rapport à ce que nous demandons aussi en matière de vente de tabac ou de vente d’alcool ».

Posons, avec tout le respect dû à un ministre de la République, la question à Bruno Le Maire : de qui vous moquez-vous ?

Dans le dernier Bulletin épidémiologique hebdomadaire François Bourdillon, directeur général de Santé ­publique France, use d’un euphémisme en écrivant, dans son éditorial  que « l’interdiction de vente aux mineurs peut être considérée comme non respectée ». Les derniers résul­tats d’une enquête officielle (Escapad – OFDT)  démon­trent qu’en France les mineurs de 17 ans et moins « n’éprou­vent aucune difficulté à s’approvisionner en alcool ». Ceux qui déclarent avoir bu des boissons alcooliques « les ont achetées en magasin pour 91 % d’entre eux ». Mieux : « ils sont 77,5 % à en avoir consommé dans un débit de boissons » précise François Bourdillon.

« En 2017, 85,7 % des adolescents de 17 ans ont déclaré avoir déjà bu de l’alcool au cours de leur vie. L’usage régulier d’alcool (au moins dix fois dans le mois) concernait un jeune sur dix (8,4 %) et 44 % des jeunes de 17 ans ont déclaré une alcoolisation ponctuelle importante (API) au cours du mois. La majorité d’entre eux (52,7 %) a déclaré n’avoir jamais eu à présenter de carte d’identité pour justifier de son âge lors d’un achat en bar ou en restaurant. »

Répression de l’ivresse publique

Or, et M. Le Maire ne saurait l’ignorer, le code de la santé publique, au nom de la « protection des mineurs » et de la « répression de l’ivresse publique » dispose qu’il est interdit de vendre de ­l’alcool à des mineurs de moins de 18 ans. La personne qui délivre la boisson peut ainsi exiger du client « une preuve de sa majorité », notamment par la production d’une pièce d’identité. Il est de même ­interdit d’offrir de l’alcool à titre gratuit à des mineurs dans les débits de boissons et tous commerces ou lieux publics. Et il est interdit de recevoir dans les débits de boissons alcooliques des mineurs de moins de seize ans qui ne sont pas accompagnés de l’un de leurs parents ou d’un majeur responsable.

Et M. Le Maire n’ignore pas qu’il en va de même pour les ventes de tabac chez les buralistes. Et ce alors que depuis 2003, en France, la vente de tabac est interdite aux mineurs. Afin d’évaluer l’application de cette mesure et pour connaître la perception des jeunes sur cette mesure, deux enquêtes ont été menées pour le Comité national de lutte contre le tabagisme. Il est apparu que 62 % des buralistes étaient en infraction et ont vendu du tabac à des mineurs de 12 et 17 ans – plus d’un tiers des buralistes ­acceptant de vendre du tabac à des enfants de 12 ans. Et 60 % des jeunes fumeurs ­indiquent qu’ils se procurent, sans difficulté, du tabac chez les débitants. Et ­faudrait-il rappeler que, conséquence ­immédiate de cet interdit bafoué, plus d’un jeune Français de 17 ans sur trois est, déjà, un consommateur de tabac ?

Où l’on comprend bien ici que, loin d’une politique de réduction des risques, nous sommes, compte tenu de ce que l’on sait des addictions, avec un pouvoir politique qui, par démission, mène de facto une politique d’amplification des risques. Qui se souvient que le candidat Macron avait fait de la prévention l’une des clefs de voûte de la nouvelle cathédrale politique qu’il entendait construire au sein d’un nouveau monde ?

A demain

@jynau

 

Dépressions : trente ans après le Prozac, voici Spravato®, la kétamine en spray nasal

Bonjour

« La Food and Drug Administration vient de donner son feu vert pour la mise sur le marché américain de l’eskétamine, nous apprend via la Revue Médicale Suisse, la newsletter des sociétés médicales cantonales romandes: (Stephany Gardier). Cette molécule sera réservée aux patients présentant une dépression résistante aux traitements standards. Le médicament sera disponible sous forme de spray nasal mais son usage devrait être restreint à un cadre hospitalier. En effet, l’eskétamine peut provoquer dans l’heure suivant son administration des effets secondaires importants (euphorie intense et sensation de dissociation notamment). Une demande d’autorisation de mise sur le marché a été déposée à l’Agence européenne du médicament fin 2018. »

Il s’agit ici de la spécialité Spravato® commercialisée par Janssen Pharmaceuticals, Inc. « C’est une évolution majeure dans le traitement de la dépression » a d’ores et déjà déclaré à l’AFP le Dr Pierre de Maricourt, chef de service de l’hôpital Sainte-Anne à Paris (qui a participé à deux des essais cliniques de phase 3 financés par Janssen, concernant les patients atteints de dépression résistante aux traitements habituels et la lutte contre les risques imminents de suicide chez les personnes déprimés). Ce sera a priori un traitement à délivrance hospitalière en raison de la nécessité d’une surveillance du patient dans l’heure qui suit l’administration du médicament. On ne le prend pas tous les jours et pas à la maison. »

La dernière évolution majeure dans le traitement de la dépression remonte à une trentaine d’années avec la mise sur le marché de la célébrissime fluoxétine (Prozac®). « Notre programme de recherche très complet sur l’eskétamine sous forme de spray nasal démontre un profil risques-bénéfices positif pour des adultes souffrant d’une dépression résistant aux traitements » actuels, a indiqué Husseini K. Manji, responsable des thérapies dans le domaine des neurosciences chez Janssen.

Spectaculaires effets secondaires

Il y a deux ans, à l’occasion d’une publication dans The Lancet Psychiatry,  Paul Keedwell, psychiatre à l’Université de Cardiff, déclarait : « la kétamine dans le traitement de la dépression est l’une des découvertes les plus excitantes en psychiatrie depuis des années. Cependant, plus de recherche est nécessaire ainsi qu’un registre qui permette aux chercheurs de partager de nouveaux résultats, positifs ou négatifs ». Un point de vue alors entièrement partagé, en France, par le Dr William Lowenstein, président de SOS Addictions.

L’eskétamine/kétamine antidépresseur agirait très vite – au bout de quelques jours – comparée à la plupart des autres spécialités commercialisés actuellement dans cette indication – qui peuvent mettre plusieurs semaines avant d’avoir un effet.

L’une des craintes suscitée par son utilisation réside dans les possibles et spectaculaires effets secondaires. En effet, la kétamine (utilisée en anesthésie-réanimation) est aussi surnommée « Special K », « Kit Kat » ou encore « vitamine K » ; c’est alors une drogue euphorisante intensifiant les perceptions sensorielles et pouvant conduire à des sensations de dissociation, de décorporation, de mort imminente.

Selon Janssen des effets secondaires de ce type ont été observés pendant les essais cliniques moins d’une heure après la prise du médicament – quand les patients étaient encore sous surveillance des équipes médicales – avant de se dissiper le même jour. Le Spravato® pourra être inhalé une ou deux fois par semaine précise le laboratoire – qui estime ne pas être inquiet quant au risque d’addiction. Ce qui reste à démontrer.

A demain

@jynau

1 En France la kétamine en tant que matière première est inscrite sur la liste des stupéfiants par l’arrêté du 8 août 1997. Ce classement était justifié par l’apparition de cas d’abus en milieu médical et l’émergence d’une consommation de kétamine dans les milieux festifs (« rave-party »), confirmée par une enquête réalisée en 2000 et 2001. Selon cette enquête, les produits impliqués, quand ils étaient identifiés, étaient le plus souvent des médicaments vétérinaires, plus fortement dosés que les médicaments à usage humain.