Bonjour
Plus Agnès Buzyn tardera, plus l’incendie anti-rationaliste gagnera. Plus le gouvernement atermoiera, plus les esprits s’échaufferont. Un nouveau stade a déjà été franchi : on ne parle plus seulement du déremboursement des spécialités homéopathiques mais bien de l’enseignement de cette pratique ; un exercice médical voué aux gémonies – traîné dans la boue par les esprits rationalistes ne voyant là, au mieux, qu’un effet placebo induit par de l’eau diluée dans de l’eau.
Objectif, donc, des « anti » : bouter l’enseignement
homéopathique hors des amphithéâtres médicaux – le chasser hors de l’Université.
Et certains médecins généralistes ne sont pas les derniers. Vendredi 5 juillet le Collège
national des généralistes enseignants (CNGE) a pris officiellement position.
Il l’a fait dans
une lettre adressée non pas à Agnès Buzyn, mais à Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur et
de la Recherche. Frédérique Vidal.
Le Pr. Vincent Renard, président
du CNGE, rappelle tout d’abord que des
enseignements d’homéopathie existent « encore » (sic) dans la moitié des facultés de médecine en
France et dans de nombreuses facultés de pharmacie.
« La Haute Autorité de Santé
a rendu l’avis qui était attendu quant au déremboursement, tellement la
situation est claire au plan scientifique. Cet avis corrobore l’avis de la
communauté scientifique nationale et internationale, le point ayant été très
bien résumé dans l’article de référence de la revue francophone de médecine
générale 1 écrit-il. Au-delà même de cet avis, l’absence de tout modèle
théorique sur lequel pourrait reposer l’homéopathie, invention datant du 18e siècle,
l’absurdité des contenus de la ‘’médecine homéopathique’’, des indications
comme des thérapeutiques, devrait imposer de protéger les étudiants contre ces
déviances pseudo scientifiques. »
« On ne peut pas à la
fois recommander à ces derniers des contenus fondés sur les données de la
science, imposer qu’ils soient formés à la lecture critique, et en même temps
leur proposer des enseignements véhiculant des aberrations grossières aux
antipodes de la démarche scientifique. Une enquête sur les contenus de ces
enseignements délivrés dans les murs des facultés serait la bienvenue car elle
aurait des conclusions accablantes si jamais elle était conduite 2.
Les médecins généralistes
universitaires sont très attachés à ce qu’il n’y ait plus de place pour
l’homéopathie à l’université. Ce type de pratique nuit principalement à la
médecine générale en détournant de jeunes médecins des bonnes pratiques et en
véhiculant une image archaïque de la discipline. La responsabilité de
l’université est également de ne pas encourager les patients dans de fausses
croyances qu’il convient de discuter avec empathie sans les accréditer ;
nous rappelons ici qu’un des produits homéopathiques les plus vendus est un
pseudo vaccin contre la grippe détournant les patients des thérapeutiques
efficaces.
La moitié des facultés de
médecine propose encore des diplômes universitaires d’homéopathie ainsi que
certaines facultés de pharmacie. Nous en demandons donc la suppression car il
serait aujourd’hui coupable de continuer à délivrer ce type d’enseignement par
l’Université, voire de délivrer des diplômes universitaires. Avec pour
objectifs l’intérêt de l’Université, celui des patients comme celui des
étudiants, nous comptons sur votre action. »
Agnès Buzyn n’a que trop tardé
Dans le camp adverse on s’active. « Il est important que l’homéopathie soit prescrite par des médecins et que son enseignement continue à être délivré dans un cadre universitaire », assurait, mi-juin, Charles Bentz, président du Syndicat national des médecins homéopathes français, lors de la présentation d’un « livre blanc » de l’homéopathie. Mieux encore les firmes (Boiron, Lehning et Weleda) associées aux organisations d’homéopathes, ce document préconise d’intégrer dans la formation des médecins, notamment généralistes, « un module d’enseignement sur les médecines complémentaires, dont l’homéopathie ».
Aujourd’hui cet enseignement n’est qu’optionnel et fait l’objet de diplômes universitaires (DU) ou interuniversitaires, (DIU). Certaines y ont toutefois renoncé et l’AFP a mené l’enquête. En septembre dernier, la fac de Lille avait suspendu le sien dans l’attente de l’avis de la HAS, et celle d’Angers l’avait carrément supprimé. Depuis, Lille a décidé d’abandonner définitivement cette formation de deux ans. Pour sa part l’université François-Rabelais de Tours a décidé de fermer la première année du DIU homéopathie. Mais la seconde année est « encore maintenue » pour « permettre aux étudiants de terminer leur cursus ». Tours proposait jusqu’ici ce DIU conjointement avec Poitiers… Que fera Poitiers ? A Bordeaux, l’homéopathie n’est plus enseignée depuis 2009.
A l’opposé d’autres facultés s’accrochent bec et ongles à leur diplôme d’homéopathie. Lyon-I qui propose un DIU en partenariat avec Brest et Reims, n’envisage pas sa fermeture « sans une demande officielle de la part de la Conférence des doyens ou du ministère ». « Les soins par l’homéopathie sont une réalité en France, il est donc du ressort de l’université de pouvoir accompagner des formations qui sinon seraient faites à l’extérieur sans aucun contrôle », fait valoir la faculté lyonnaise, voisine des puissants laboratoires Boiron. L’université de Strasbourg a déjà fait savoir qu’elle n’entendait pas mettre fin à son DU. Quant à Paris-XIII, elle, « attend une concertation entre tous les doyens de médecine pour une éventuelle prise de décision commune ».
Or les représentants des doyens des facultés de médecine et de pharmacie ont récemment jugé que l’homéopathie devait pouvoir continuer à être enseignée… Où l’on comprend que la rationalité n’est pas toujours, en France, la chose la mieux partagée au sein de l’Université.
Joint par Le Quotidien du Médecin le Pr Vincent Renard accuse : « La Conférence des doyens préfère que ces enseignements se passent au sein de l’université que dehors. C’est une très mauvaise stratégie. C’est comme si on intégrait les enseignements de l’astrologie à ceux de l’astronomie ».
Voilà un bon sujet pour cet été : pourquoi n’enseigne-t-on pas l’astrologie à l’Université ? Pour l’heure le gouvernement soupèse l’affaire du déremboursement avec ses trébuchets : Sibeth Daye, porte-parole tonitruante a expliqué sur RMC-BFMTV que la décision finale dépendait d’une « balance » entre les « considérations scientifiques et les conséquences sur l’emploi ». Aussitôt contredite, sur RTL, par Gérald Darmanin, ministre des Comptes publics. Agnès Buzyn n’a que trop tardé, l’incendie a gagné. Qui osera jouer les pompiers ?
A demain @jynau
1 Denis Pouchain, Gérard Le Roux, Vincent Renard, Rémy Boussageon, et le Conseil scientifique du Collège national des généralistes enseignants « Approches théorique, scientifique et réglementaire de l’homéopathie ». exercer 2018 ; 148 : 460-4.
2 Précisément: pourquoi cette enquête n’a-t-elle jamais été menée par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche ?