Pourquoi un homme devrait-il débourser 1.100 € pour savoir ce qu’il en est de sa fertilité ?

Bonjour

Payer pour engendrer. Nous évoquions il y a peu les 300 euros à verser pour « optimiser » le traitement médicamenteux d’une dépression – et ce via un test commercialisé par Eurofins Biomnis 1. On retrouve une situation similaire dans le champ des pathologies de l’infertilité masculine. Le sujet est traité par Science et Avenir (Camille Gaubert) : « Infertilité masculine : un nouveau test pour éclaircir les 70% de cas inexpliqués ». Un sujet repris sur le site Gènéthique.

Où l’on apprend que le CHU de Grenoble-Alpes propose depuis peu un test génétique qui permet d’analyser « en un temps record l’ensemble des centaines de gènes connus pour peser sur la fertilité masculine ». Les résultats de ce test permettent ensuite de « mieux orienter le couple » et de « limiter l’errance diagnostique »en cas de difficulté à concevoir. L’objectif est également à terme de « relancer une spermatogenèse fonctionnelle à l’aide d’une thérapie ciblée ». Une proposition de l’unité médicale de génétique de l’infertilité du CHU de Grenoble-Alpes :

« En France, 1 couple sur 8 éprouve des difficultés à concevoir. Dans la moitié des cas, ces troubles de la fertilité concernent l’homme, souvent pour une cause génétique. Et si on pouvait dépister les gènes en cause, afin de mieux orienter le couple et limiter l’errance diagnostique ? »

 « Face à ces couples, on propose d’abord un bilan biologique et clinique, afin de situer l’anomalie et de proposer la solution adaptée. Les causes de l’infertilité masculine peuvent être multiples : psychologiques, anatomiques, environnementales (obésité, tabac, infection, perturbateurs endocriniens…), mais pour le Pr Pierre Ray, responsable de l’unité grenobloise elles sont « principalement génétiques ». Pour cette raison, un test génétique comprenant quelques gènes connus pour leur implication dans la fertilité masculine est intégré au bilan. Mais seules 30% des infertilités masculines sont explicables grâce à ces tests de routine…. Laissant 70% des couples en mal de diagnostic. »

 Se projeter dans l’avenir

 « Le diagnostic est très important pour le couple, pour pouvoir se projeter dans l’avenir » explique à Science et Avenir le Pr Charles Coutton, responsable du laboratoire de génétique chromosomique du CHU Grenoble- Alpes. Selon lui l’identification plus systématique du défaut génétique à l’origine de l’infertilité au début du parcours de soins permettrait aux couples de gagner du temps – précieux quand il s’agit de fertilité – et d’accepter plus facilement la prise en charge la plus adaptée à leur condition.

« Ce sont ces 70% d’infertilité masculine encore inexpliqués qui ont motivé le partenariat entre le CHU de Grenoble Alpes, mondialement reconnu pour leur expertise en génétique de la fertilité, et le leader européen de la biologie médicale Eurofins Biomnis 1.

«Le tout nouveau test proposé par l’entreprise et utilisé par le CHU consiste en un séquençage haut débit de l’ensemble des exons du génome (l’ADN), c’est-à-dire les portions codantes des gènes. Les exons contiennent en effet plus de 95% des mutations connues à ce jour pour avoir un impact médical. L’originalité du test est que tous les exons sont séquencés, mais que seuls le millier connu pour être exprimé dans les testicules sera analysé. L’avantage est que la liste des gènes à examiner peut s’allonger à tout moment en intégrant les découvertes les plus récentes, sans avoir à re-séquencer : seule l’analyse devra être mise à jour. »

Une fois la cause génétique identifiée il reste tout un cheminement qui ne conduit pas, loin s’en faut, à un traitement à visée procréatrice. Ce sera, au mieux l’établissement d’un « pronostic de réussite pour les différentes options disponibles ». « Pour l’instant, précise Sciences et Avenir, ce test n’est disponible qu’à travers la collaboration du CHU Grenoble Alpes d’Eurofins-Biomnis, et n’est pas encore remboursé par la Caisse Nationale d’Assurance Maladie. Son coût, de 1.100 € est donc à la charge du patient. »

Pourquoi et jusqu’à quand ?

A demain

1 Eurofins Biomnis se présente ainsi : « Leader européen dans le secteur de la biologie médicale spécialisée, EurofinsBiomnis effectue plus de 32 000 analyses par jour sur un panel de plus de 2 500 examens, y compris les actes spécialisés pour lesquels il dispose de tous les agréments nécessaires. Fondé en 1897 par Marcel Mérieux, Eurofins Biomnis demeure l’acteur de référence en biologie spécialisée en France grâce à une innovation et un investissement technologique permanents, notamment dans les domaines de la biologie de la femme, de l’oncologie et de la médecine personnalisée, ainsi que de la génétique chromosomique et moléculaire. Plateforme européenne de la division Clinical Diagnostics du Groupe Eurofins, EurofinsBiomnis poursuit aujourd’hui son développement international. www.eurofins-biomnis.com

 

 

Cigarette électronique : l’Agence France Presse accusée de dissémination  de fausses nouvelles 

Bonjour

C’est, dans ce domaine, sans précédent connu. Les associations Aiduce et Sovape  viennent de faire savoir qu’elles ont, le 9 février, adressé un courrier circonstancié au président directeur général et à la directrice de l’information de l’Agence France Presse (AFP). Objet : « dissémination d’informations anxiogènes et fausses sur les produits du vapotage et plus généralement sur la nicotine et ses effets sur l’homme ».

« Le 1° février dernier, plusieurs de vos clients ont repris une dépêche AFP faisant état de risques de cancer associés au vapotage et d’une étude de la Faculté de Médecine de l’Université de New York. Cette dépêche a été soit reprise en l’état (Ouest France, Europe 1, RTL, etc.), soit publiée en y apportant des commentaires additionnels (Science et Avenir, France Inter, France TV, etc.) (…) Les conséquences de telles “fake news” reprises en une par les médias sur la base de la confiance qu’ils ont dans l’Agence sont graves aussi bien d’un point de vue sanitaire, que pour la tranquillité d’esprit des vapoteurs, et la réputation de l’AFP » expliquent-elles. Ces deux associations rappellent que dès la veille « des réactions d’experts étaient déjà disponibles » : Réactions sur sciencemediacentre.org. Elles ajoutent :

« De plus une simple lecture du papier avec une compétence scientifique minimale permettait de réaliser plusieurs anomalies dans des affirmations très éloignées des expériences réalisées, la démarche peu documentée et peu représentative, et la généralisation que les auteurs faisaient entre des phénomènes mal définis et une réalité humaine. D’autant plus que les affirmations de l’études allaient explicitement à l’encontre d’un consensus scientifique large confirmé sur plusieurs décennies. 

Triste journée et déni du ministère de la Santé

« Plusieurs journalistes l’ont démontré dans la journée même en publiant des articles correctifs après les contacts usuels avec des spécialistes, dans le même temps des autorités sanitaires et des instituts de recherche, en plus de scientifiques et médecins, publiaient des alertes face à ces titres racoleurs dangereux. Ce fut une triste journée pour la science, pour la presse, et pour la santé publique 1. »

À la suite de cette dépêche, les responsables de ces associations ont été contactés par des vapoteurs leur demandant s’il n’était pas plus prudent, par exemple, de reporter leur tentative de sevrage du tabagisme. D’autres ont été assaillis de questions, d’avertissements, voire de reproches par leurs proches et leurs collègues. C’est dire si les conséquences de la répétition sans précautions d’une information très contestable pourraient vite s’avérer dommageables pour la santé.

Et maintenant ? Aiduce et Sovape attendent de l’AFP une « correction ». Elles se proposent d’informer « les intervenants de l’Agence sur tout ce qui touche au vapotage » pour prévenir autant que faire se peut les poussées récurrentes de « fake science ». Où l’on mesure, une nouvelle fois, les conséquences du déni du ministère de la Santé et des agences sanitaires quant à la e-cigarette. Où l’on voit aussi  que, dans le secteur qui est le leur, ces deux associations « maintiennent une veille sur l’information scientifique, en liaison avec plusieurs experts ». Qui s’en plaindrait ? Que fera l’AFP à la réception de ce courrier ?

A demain

1 « Cigarette électronique et fake news : mieux vaut parfois lire Paris Match que les PNAS » Journalisme et santé publique, 31 janvier 2018

La démonisation de la cigarette électronique est l’une des incarnations de la «post-vérité»

 

Bonjour

Serait-ce, déjà, un « effet Trump » et son épidémie de « post-vérité »  ? Comment, sinon, expliquer que l’équivalent américain du Directeur Général de la Santé en soit arrivé là ? Nous évoquions il y a quelques jours la publication du rapport sur la cigarete électronique du Dr Vivek H. Murthy, Surgeon General des Etats-Unis.  On trouvera ce rapport à cette adresse :  https://e-cigarettes.surgeongeneral.gov/. Cet éminent responsable sanitaire y reprend les chiffres d’utilisation de cigarettes électronique chez les jeunes aux Etats-Unis. Il rappelle que les outils du vapotage ne sont pas anodins, que l’inhalation de nicotine expose à un risque de dépendance à cette substance. Il critique par ailleurs  les publicités agressives de l’industrie des cigarettes électroniques ciblant les plus jeunes.

Ce rapport est aujourd’hui devant des juges ayant autorité. Et il est dénoncé comme biaisé et partisan. On ne peut, comme il le fait, présenter  la cigarette électronique comme « un danger majeur pour la santé publique ». C’est refuser de comprendre qu’il y a là un levier puissant de réduction du risque tabagique. Ceci explique le nombre et la virulence des réactions d’experts en santé publique qui dénoncent le rapport du Dr Murthy,  réductionniste et politiquement partisan.

Rapport malhonnête

 Le paradoxe veut que, loin d’être colligées et analysées par les responsables des organismes sanitaires publics, ces réactions critiques le sont par le site des buralistes : « Cigarette électronique : un rapport américain alarmant, mais très contesté ». On y découvre, contacté par Sciences et Avenir, le Dr Lion Shabab (University College London) qui estime que le rapport adopte « une courte vue sur le potentiel de la e-cigarette en tant qu’outil de réduction des risques du tabagisme, tout en exagérant ses potentiels effets néfastes (…)  À l’inverse du tabac fumé qui utilise la combustion pour délivrer dans les poumons de la fumée contenant de la nicotine, du goudron et de nombreuses substances toxiques, les cigarettes électroniques ne brûlent pas de tabac. Il est donc trompeur de classer la e-cigarette comme un produit du tabac ».

 A ses côtés le Dr Lynne Dawkins (London South Bank University) regrette qu’« en choisissant de se concentrer sur les jeunes et d’ignorer que la e-cigarette est une alternative moins dangereuse pour les adultes fumeurs, le rapport se rend incapable de mesurer adéquatement la balance des bénéfices et des risques ». Pour le Pr Michael Siegel (Ecole de santé publique de l’université de Boston), « le rapport est scientifiquement malhonnête ». Sur son blog il souligne (une fois encore…)  que « le vapotage n’est pas une forme d’utilisation du tabac » et insiste sur la prévalence tabagique qui a atteint un niveau historiquement bas aux États-Unis.

Ces trois experts estiment que les effets de la nicotine sur le cerveau humain ne sont pas avérés, les seules données disponibles étant issues de recherches animales, essentiellement menées sur des rongeurs.

 Dans un monde idéal

 Dr Lion Shabab : « Il est clair que dans un monde idéal, les adolescents ne consommeraient ni cigarette ni e-cigarette. Mais la réalité, c’est qu’en dépit de décennies d’efforts pour réduire le tabagisme, le plus dangereux des produits du tabac – la cigarette – est encore un produit de consommation parfaitement légal ; alors même qu’il rend non seulement dépendant mais tue aussi ses consommateurs.

 « De fait, chaque année, des milliers d’adolescents commencent à fumer des cigarettes. Or, si les e-cigarettes peuvent détourner les adolescents du tabac fumé, elles auraient très probablement un effet bénéfique sur la population. Il faut savoir que l’usage quotidien de e-cigarettes chez les jeunes reste extrêmement rare, et est d’abord le fait de ceux qui fument déjà.

« En exagérant les dangers de la e-cigarette et en ignorant son potentiel d’outil de réduction du tabagisme, y compris chez les adolescents, le rapport du Surgeon General pourrait avoir des conséquences non souhaitées et conduire plus de jeunes vers des produits du tabac fumé ».

 En France le Pr Bertrand Dautzenberg ironise : Merci au Surgeon General US de suivre avec trois ans de retard l’attitude assez exemplaire qu’a eu la France en matière d’e-cigarette, malgré les tensions et les incompréhensions qui persistent ».

 Et en  Suisse, ce pays ami ? On peut ici écouter, sur la RTS, le réquisitoire calme et terrible du  Pr Jean François Etter (Université de Genève), fondateur du programme « stop tabac » en Suisse. C’est, selon lui un rapport biaisé et trompeur. Un rapport non pas scientifique mais bel et bien politique caractérisé par un refus idéologique de la politique de réduction des risques. On n’écoute jamais assez la Suisse. Pour l’heure, en France, c’est le grand silence.

A demain

«Cigarette électronique, danger majeur pour la santé publique »: nouvelle rafale médiatique

 

Bonjour

Orwell. Le bien c’est la mal. Le rassurant, c’est l’inquiétant. Dormez, je le veux. Sous des titres différents, le même texte alarmiste. On retiendra  Science et Avenir : « Les e-cigarettes représentent un danger majeur pour la santé publique » ou Paris Match  : « Les e-cigarettes représentent un danger majeur pour la santé publique, selon une étude ».

Si l’on peut, mieux vaut lire The New York Times: “Use of E-Cigarettes by Young People Is Major Concern, Surgeon General Declares”. Et, en  réplique le décryptage de l’expert  Kantantinos  Farsalinos :US Surgeon General declares e-cigarettes are a public health concern. But where is the evidence of harm?

Police française

L’actualité réside dans un rapport du Dr Vivek H. Murthy , Surgeon General des Etats-Unis (une forme de Directeur Général de la Santé).  Tout est dit ici : https://e-cigarettes.surgeongeneral.gov/. Le responsable sanitaire reprend les chiffres d’utilisation de cigarettes électronique chez les jeunes aux Etats-Unis. Il rappelle que les outils du vapotage ne sont pas anodins, que l’inhalation de nicotine expose à un risque de dépendance à cette substance. Il critique par ailleurs  les publicités agressives de l’industrie des cigarettes électroniques ciblant les plus jeunes.

Le Surgeon General des Etats-Unis fait son travail dans le contexte spécifique de ce pays. « Danger majeur pour la santé publique » ? En France plus de 30% des jeunes consomment, généralement  quotidiennement du tabac (qu’ils ne devraient pas pouvoir acheter chez les buralistes). Ils entrent ainsi sans difficulté aucune dans le monde esclavagiste du tabac. Que fait la police ? Où est la ministre de la Santé ?

Avec le temps ces jeunes endureront  les plus grandes souffrances pour réussir à se libérer de cet enfer toxique. Il arrivera alors que la cigarette électronique puisse les aider.  Où est, aujourd’hui,  le « danger majeur  pour la santé publique » ? Que pourrait nous dire, sur ce sujet, le Directeur Général de la Santé (français) ?

A demain

E-cigarette : elle nuirait au nez mais rajeunirait la fonction des poumons. Qui dit la vérité ?

 

Bonjour

Nouvelle attaque contre la cigarette électronique.  Cette fois c’est une publication de l’American Journal of Physiology : “E-cigarette use results in suppression of immune and inflammatory-response genes in nasal epithelial cells similar to cigarette smoke”. Publication que l’on peut retrouver ici, ou encore, vulgarisée, ici.

L’affaire commence à faire du bruit de ce côté-ci de l’Atlantique. « Vapoter des cigarettes électroniques ne serait pas sans conséquence pour la santé des poumons. Inhaler de la nicotine liquide modifierait le système immunitaire pulmonaire en altérant plus de gènes que la cigarette classique » résume-t-on sur le site de TopSanté. « Des toxicologues affirment que la e-cigarette modifie des gènes de l’immunité » annonce, en écho, Science et Avenir.

Cellules nasales

En substance un travail chercheurs universitaires américains mené sur 13 non-fumeurs, 14 fumeurs et 12 utilisateurs d’e-cigarette. Analyses sanguines et urinaires des niveaux de nicotine et de biomarqueurs témoins des  expositions au tabac. Trois semaines plus tard prélèvements d’échantillons cellulaires dans les voies nasales de chaque participant. Objectif : analyser l’expression de gènes impliqués dans les réponses immunitaires pulmonaires. Résultats : le tabac diminue l’expression de 53 gènes et la e-cigarette fait de même pour  l’expression de 305 gènes supplémentaires.

«La recherche suggère précisément que l’inhalation des liquides vaporisés via les e-cigarettes ne sont pas sans effets sur le niveau d’expression génique des cellules épithéliales. Cette inhalation entraînerait des modifications épigénétiques, c’est-à-dire d’expression des gènes et donc de production de protéines importantes pour la santé de nos cellules », explique le Pr Ilona Jaspers qui a dirigé ce travail.

« Cette étude a fait grand bruit depuis deux jours, nous a expliqué Jacques Le Houezec, président de Sovape.
Ses résultats doivent être relativisés par le fait qu’elle porte sur un petit nombre de sujets et que l’utilisation de la CE était relativement récente pour certains utilisateurs. De plus, et même si ces effets sont statistiquement significatifs, rien n’indique qu’ils aient un effet cliniquement significatif. »

Inserm absent

Jacques Le Houezec cite à l’inverse une étude longitudinale italienne 1 qui montre un effet bénéfique à long-terme (un an) de l’utilisation de la CE sur la fonction pulmonaire. « Même si cette étude est limitée dans son interprétation car réalisée à une époque où la CE utilisée était de première génération (cigalike) et que son efficacité pour aider les fumeurs à arrêter était limitée, il ressort que les fumeurs qui ont pu arrêter de fumer totalement, même s’ils ont continué d’utiliser la CE, ont vu leur fonction pulmonaire s’améliorer, sans événements indésirables notables » résume le président de Sovape.

Cette étude permet donc largement de relativiser une étude sur des cellules de la muqueuse nasale. Et ces deux études viennent, une fois de plus, mettre en lumière la tragique absence, sinon l’incurie, de la recherche publique et universitaire française sur un sujet de d’une telle importance en termes de réduction des risques.

A demain

1 “Changes in breathomics from a 1-year randomized smoking cessation trial of electronic cigarettes” Eur J Clin Invest. 2016 Jun 20. doi: 10.1111/eci.12651. [Epub ahead of print]

 

Non, le débat national de Marisol Touraine sur la vaccination n’est pas mort-né. Il est reporté

Bonjour

Ne jamais désespérer du politique ? Nous nous étonnions il y a peu du silence, pesant, de Marisol Touraine quant à l’un des sujets majeurs dont elle à la charge : le dossier à très haut risque des vaccins, de la vaccination et des remous multiples qu’ils suscitent.

Rappel : le samedi 1er août dernier la ministre de la Santé avait donné un entretien au Parisien. Elle y annonçait  un débat national sur la politique de vaccination. Objectif : enrayer une défiance grandissante à l’égard des vaccins. Elle précisait que ce débat national serait lancé avant la fin de l’année, après la remise, à l’automne, du rapport sur la politique vaccinale commandé à la députée Sandrine HurelEn mars dernier c’est Manuel Valls en personne qui avait missionné la députée. Mme Touraine indiquait aussi  que les  modalités du débat « restaient à fixer ». Elle promettait encore « une complète transparence ».

Les grands silences

Depuis, le grand silence. L’urgence était au paquet neutre, au tiers payant généralisé. En coulisse et sur la Toile les anti-vaccinaux, vrais ou mitigés, fourbissaient leurs armes. Un enfant, patient d’un pédiatre homéopathe, contracté le tétanos. Silence officiel. Le pédiatre vient d’être condamné. Silence. La distribution des vaccins est toujours perturbée dans les pharmacies d’officine. Silence. La pétition du Pr Joyeux adressée à la ministre de la santé atteindrait les 770 000 signatures. Silence.

Il y a quelques jours le mensuel Science et Avenir nous révélait que le rapport de la députée Sandrine Hurel  était « déjà sur le bureau de Marisol Touraine ». Qu’il « devrait l’inspirer » pour le grand débat public national dont personne n’avait plus de nouvelles. Fallait-il considérer que le grand débat annoncé est déjà mort-né ?

Après l’hiver

La réponse nous est aujourd’hui offerte dans les colonnes du Journal du Dimanche. Page 24, sous le billet (poussif) de l’humoriste Anne Roumanoff on trouve une « Opinion » signée du Pr Benoît Vallet, Directeur Général de la Santé. Ce haut fonctionnaire, anesthésiste-réanimateur de formation, explique  que quatre personnes viennent de mourir de la méningite C dans les départements de l’Allier, de la Creuse et du Rhône. Il rappelle aussi que la vaccination contre cette infection est recommandée pour les personnes âgées de 10 mois à 24 ans (une injection remboursée par la Sécurité sociale) ; 422 cas et 48 morts prématurées l’an dernier.

Le Pr Vallet écrit aussi (démentant Science et Avenir) que les conclusions du rapport de la députée Sandrine Hurel « sont attendues pour début janvier ». Et que le « grand débat national sera engagé au printemps ». Pas de retard de la ministre de la Santé, donc. Mais une députée qui a très certainement voulu remettre un rapport exemplaire. Le débat, dès lors, s’ouvrira après l’hiver.

A demain

Vaccinations : annoncé durant l’été par Marisol Touraine le «débat national» est-il mort-né ?

 

Bonjour

Dans sa livraison de décembre le magazine Sciences et Avenir annonce qu’il va nous dire « la vérité sur les vaccins ». Enfin. « Restaurer la confiance » titre l’éditorial de Dominique Leglu. On est bien en peine de dire quand elle a été perdue. Est-ce lors de la plus que triste «affaire du vaccin contre l’hépatite B » ? Lors de la vaccination à marche forcée contre le virus grippal de 2009 ?

Modernité administrée

On peut aussi ne voir là que des symptômes d’une cause plus profonde : l’expression d’un sourde angoisse collective contre la modernité ; une modernité vaccinale et médicale qui, paradoxe, a fait disparaître du paysage les fléaux épidémiques au cours du XXème siècle. Mais une modernité administrée, non expliquée, à celles et ceux qui en profitent. C’est dans ce contexte de progrès majeur que l’inquiétude émerge, que l’on s’interroge sur les adjuvants, leur composition et leur nocivité.

C’est dans ce contexte que l’on conteste le notion même d’obligation vaccinale, que des associations sont prises pour des causalités, que des avocats et quelques agitateurs intéressés attisent les inquiétudes. Et c’est aussi dans ce contexte que des pédiatres signent des certificats de complaisance. Qu’un tétanos en France pratiquement disparu ressort de terre et infecte un enfant « vacciné ».

Réhabiliter le geste vaccinal

Une fraction des généralistes ne sait plus qui croire. Une invraisemblable incurie bouleverse la distribution des spécialités vaccinales dans les pharmacies d’officine. On substitue comme on peut et les trois vaccinations obligatoires ne peuvent être pratiquées sans que l’on leur associe des vaccinations simplement recommandées. On comprend que sur un tel terrain puisse prospérer le discours d’une personnalité Janus comme celle du Pr Henri Joyeux (sa pétition à Marisol Touraine approcherait aujourd’hui les 770 000 signatures).

C’est dire la nécessité d’une refondation du pacte vaccinal ; un pacte incluant une réhabilitation (notamment financière) du geste vaccinal.Le samedi 1er août dernier la ministre de la Santé avait donné un entretien au Parisien

 Révélation et rappels 

Elle y annonçait  un débat national sur la politique de vaccination. Objectif : enrayer une défiance grandissante à l’égard des vaccins. Elle précisait que ce débat national toutefois serait lancé après la remise, à l’automne, du rapport sur la politique vaccinale commandé à la députée Sandrine HurelEn mars dernier c’est Manuel Valls en personne qui avait missionné la députée. Mme Touraine indiquait aussi  que les  modalités du débat « restaient à fixer ». Elle promettait encore « une complète transparence » :

« Ne rien cacher est la meilleure manière de combattre ceux qui jouent sur des peurs scientifiquement infondées. (…) Se vacciner n’est pas un geste de confort, ni uniquement un choix individuel. C’est un enjeu collectif. Les premières victimes du refus de vaccination sont les populations les plus fragiles, enfants, personnes âgées. Le risque est aussi de voir réapparaître certaines maladies contagieuses et mortelles, qui ont aujourd’hui complètement disparu. »

Aujourd’hui Science et Avenir nous révèle que le rapport de la députée Sandrine Hurel « est déjà sur le bureau de Marisol Touraine ». Il « devrait l’inspirer » pour le grand débat public national dont personne n’a plus de nouvelle. Ce rapport sera-t-il rendu public ? Faut-il considérer que le grand débat annoncé est déjà mort-né ?

A demain

Talons aiguilles : entre sexologie et orthopédie. Le cas de la grande Madonna

Bonjour

S’il fallait une actualité à la séduction mêlée de souffrance, nous nous saisirions de Madonna. La grande Madonna, 56 ans victime d’une chute spectaculaire (voir Slate.fr -les talons sont rouges) sur la scène des Brit Awards, mercredi 25 février. Une chute vertigineuse  alors qu’elle interprétait Living for Love. Une chute, dit-elle, due à l’immense cape  qu’elle portait pour son show. En réalité une chute qui pourrait devoir beaucoup à ses talons d’échassière monsialisée.

Résumons. Deux études scientifiques précisent les termes du dilemme auquel sont soumises de nombreuses femmes. C’est un remake fondé sur les preuves de souffrir pour être belle – prendre des risques pour séduire.

Voici l’affaire

La première étude vient d’être publiée dans le Journal of Orthopaedic Research. Elle a été menée par des chercheurs du département de chirurgie orthopédique du Stanford University Medical Center, en Californie. Les auteurs rappellent que l’arthrose du genou est une des principales causes d’invalidité, et qu’elle est plus fréquente chez les femmes que chez les hommes. Ils rappellent aussi que le port de chaussures à talons hauts a souvent été évoqué comme un facteur qui expliquerait cette différence entre les deux sexes.

Muscles du mollet

En 2010, des chercheurs britanniques et autrichiens avaient déjà travaillé sur cette question et avaient publié leurs observations dans The Journal of Experimental Biology. Ils avaient alors conclu que les femmes qui portaient régulièrement des talons hauts présentent une réduction moyenne de 13% de la longueur des fibres musculaires des mollets. Un tel raccourcissement peut-être dépisté à partir d’un simple test: couchées sur le ventre, l’angle du talon des porteuses de talons hauts est nettement plus prononcé que chez les autres femmes, du fait de leurs mollets plus courts. Autre test: ces muscles sont plus volumineux et plus tendus que la normale et les porteuses de talons hauts souffrent lorsqu’elles utilisent des chaussures plates.

Commentant ces résultats, le Pr Charles Faucher, spécialiste de médecine podiatrique  (Université du Québec à Trois-Rivières), estimait que les problèmes commencent avec des talons qui dépassent 4 cm, endommageant à terme les articulations et contribuant ainsi à l’apparition d’arthrose des genoux et des chevilles. «Pour se prémunir des risques associés au port prolongé des talons hauts, il faut chausser différents souliers et étirer régulièrement ses mollets», concluait alors le Pr Faucher.

20% de poids en plus

Les chercheurs californiens ont voulu à leur tour savoir de quoi il retournait: ils ont étudié les changements imposés à la cinétique du genou par la marche à talons hauts de grande ampleur. Ils ont aussi testé l’hypothèse selon laquelle la démarche imposée par ces talons correspondait à l’équivalent d’une augmentation de 20% du poids corporel. Ce travail a été mené auprès de quatorze femmes en bonne santé qui se sont portées volontaires pour être étudiées en utilisant soit des chaussures de sport plates, soit des chaussures à talons de 3,8 cm, soit des chaussures à talons de 8,3 cm. La démarche de ces femmes a également été étudiée lorsqu’elles portaient un gilet spécial d’un poids équivalent à 20% du leur. Grossir en voulant se hausser du pied, en somme.

Les chercheurs expliquent que nombre des changements observés avec l’augmentation de la hauteur du talon et du poids étaient semblables à ceux observés avec le vieillissement et la progression de l’arthrose. Ceci suggèrerait clairement que l’utilisation de hauts talons peut contribuer à un risque accru d’arthrose des genoux.

La rigueur impose toutefois de préciser que les auteurs n’ont pas suivi les participantes dans le temps, jusqu’à l’apparition de l’arthrose redoutée.

Potentiel de séduction (attractiveness)

Ce travail peut être rapproché d’une autre étude, française, qui cherchait à chiffrer le potentiel de séduction (sur les hommes) des talons hauts (portés par des femmes). Ce travail, publié dans les Archives of sexual behavior, a été mené par Nicolas Guéguen, professeur en sciences du comportement à l’Université de Bretagne-Sud (Vannes, département du Morbihan).

Il s’agissait, en pratique, d’expériences réalisées en Bretagne et révélant les différences de comportement chez les hommes en fonction de la hauteur des talons d’une femme (0,5 ou 9 centimètres), résumées par le mensuel Science et Avenir. Dans une première expérience, une femme de 19 ans devait demander à trente hommes croisés dans la rue, âgés de 25 à 50 ans environ, s’ils étaient d’accord de répondre à quelques questions sur l’égalité hommes-femmes. Le nombre d’hommes acceptant de répondre variait notablement: ils étaient 83% à accepter de répondre quand la femme portait des talons de 9 cm, 63% quand elle portait des talons de 5 cm, et 50% quand elle portait des semelles plates.

Gant « tombé du sac »

Autre question expérimentale: les hommes sont-ils plus disposés à aider une jeune femme qui porte des hauts talons qu’une femme sans talons? «Pour répondre à cette question, le chercheur a demandé à une jeune femme de faire tomber un gant de son sac à main au moment où elle croisait un passant, résume Science et Avenir. Résultat: 93% des hommes réagissaient dans les 10 secondes pour signaler la perte à une femme à hauts talons, contre 61% avec des talons plats. Quant aux femmes croisées dans la rue, elles sont 50% à signaler la perte dans les dix secondes, quelle que soit la hauteur de talons.»

D’autres expériences confirment une donnée généralement connue et facilement observable. Le chercheur Nicolas Guéguen a voulu vérifier si les femmes portant des talons hauts étaient plus facilement abordées dans un bar que celles n’en portant pas. 36 femmes, âgées entre 20 et 28 ans, se sont rendues dans un bar de la ville de Vannes (le week-end entre 20 h et minuit). Elles étaient vêtues de la même façon et avaient pour seule consigne de croiser leurs jambes de façon à ce que celles-ci soient visibles. Des talons de 9 cm correspondaient à un contact en moins de 8 minutes après l’entrée dans le bar. Il fallait en revanche attendre 12 minutes avec des talons de 5 centimètres et 14 minutes sans talons.

Célibat ou pas

Dernière question: observe-t-on une différence de l’«effet des talons hauts» sur les hommes célibataires et sur  ceux qui ne le sont pas? «Nous n’avons pas pu vérifier ce paramètre dans cette étude, car les participants ont été choisis au hasard dans la rue, a expliqué à Sciences et Avenir Nicolas Guéguen. Statistiquement, on peut déduire que le taux d’hétérosexuels célibataires et en couple est le même, tout comme celui des hommes homosexuels et hétérosexuels, mais évidemment une étude ultérieure devrait être menée pour le vérifier.»

Est-ce déjà le cas ? Y a-t-il ou pas un avenir aux talons plats ? Une croix sur les espadrilles? Qui nous dira ce que pense Madonna de tout cela ?

A demain

Une version de ce texte a initialement été publiée sur le site planetesante.ch

Qui dénoncera l’incurie benzodiazépines à la Journée Alzheimer (21 septembre) ?

Bonjour

Ce qui est vrai en Aquitaine n’est pas faux au Québec. Les consommations prolongées (et donc radicalement contre-indiquées) de benzodiazépines augmentent le risque d’apparition de maladie d’Alzheimer. Ce qui intéresse jusqu’au Los Angeles Times. Le fait est une nouvelle fois établi par une équipe bordelaise et une nouvelle fois publié dans une étude qui paraît aujourd’hui dans le British Medical Journal. La même équipe confirme ce qu’elle avait mis en évidence il y a deux ans dans le même BMJ.  Une confirmation ? L’affaire pourrait être lassante. Elle ne doit pas l’être. Plus que statistique c’est une affaire éminemment politique. Elle passionne quelques statisticiens. Les politiciens concernés aimeraient l’oublier. Il faut les aider à s’en souvenir.

Dirigés par Sophie Billioti de Gage (Inserm) les chercheurs de l’Unité « Pharmaco épidémiologie et évaluation de l’impact des produits de sante sur les populations » établissent  donc une nouvelle fois que la consommation prolongée de benzodiazépines (pendant trois mois ou plus) est  associée à un risque accru de développer la maladie d’Alzheimer (après 65 ans). Leur étude cas-témoins révèle que la force de l’association augmente avec la durée de l’exposition. Conséquence logique : « les chercheurs recommandent de contrôler la bonne utilisation de ces molécules en limitant les prises aux périodes pour lesquelles elles sont recommandées ». Certes. Mais encore ?

Dose-effet

On sait que les benzodiazépines sont (a priori) prescrites dans le cadre de symptômes anxieux et de troubles du sommeil. Pour une durée (recommandée) de quelques semaines. Après quelques polémiques impliquant Science et Avenir l’Unité Inserm 657 « Pharmaco épidémiologie et évaluation de l’impact des produits de sante sur les populations» avait montré il y a deux ans, sur une cohorte française, que les personnes consommant des benzodiazépines présentaient environ 50% plus de risque de développer une démence comparés à ceux qui n’en ont jamais consommé. Dans cette nouvelle étude, les chercheurs se sont attachés à confirmer l’association dans une nouvelle cohorte en étudiant en particulier la potentielle relation dose-effet.

« Les chercheurs ont étudié la base de données de la Régie d’Assurance Maladie du Québec (RAMQ) pour analyser le développement de la maladie d’Alzheimer chez un échantillon de patients âgés de plus de 66 ans résidant au Québec (Canada) et ayant eu une prescription de benzodiazépines, résume-t-on auprès de l’Inserm.  1 796 cas de maladie d’Alzheimer ont été identifiés sur une période d’au moins 6 ans. Pour réaliser l’étude cas-témoins, ils ont ensuite comparé chacun de ces cas avec 7 184 personnes en bonne santé dont l’âge, le sexe et la durée de suivi correspondaient. »

Suspicion renforcée

Les résultats montrent que l’utilisation de benzodiazépines pendant trois mois ou plus était associée à un risque accru (jusqu’à 51%) de développer ultérieurement la maladie d’Alzheimer.  « La force de l’association augmente avec la durée de l’exposition et avec l’utilisation de benzodiazépines à longue durée d’action, par opposition aux benzodiazépines à courte durée d’action » explique Sophie Billioti de Gage.

Que dire d’autre ? Que le lien de cause à effet n’est certes pas prouvé (l’affaire est utilement discutée sur le site de la BBC). Mais que  l’association plus forte observée avec des expositions à long terme « renforce la suspicion d’un lien direct possible, même si l’usage des benzodiazépines peut également être un marqueur précoce d’un état associé à un risque accru de démence ».

Effets délétères

L’Inserm ne manque pas de rappeler que le recours aux benzodiazépines « est fréquent et préférentiellement chronique au sein de la population âgée ». Et les auteurs d’inciter (les journalistes, les médecins et leurs patients) ) « à la sensibilisation et au respect des bonnes pratiques associées à leur utilisation telles que des prescriptions justifiées et de courte durée ».

« Cela permettrait de veiller à limiter l’utilisation de ces molécules à quelques semaines, une durée pour laquelle les chercheurs n’ont pas observé d’effets délétères sur le risque de démence ultérieur » nous explique, sagement, Sophie Billioti de Gage. Mme Billioti de Gage  fait sans doute œuvre utile. Sait-elle que la tâche est immense, comme en témoignent les données chiffrées et l’état des lieux de l’Ansm quant à la consommation des benzodiazépines ?

Tir à vue et lettre morte

Ansm: « Les temps d’exposition aux benzodiazépines sont parfois très supérieurs aux recommandations de l’autorisation de mise sur le marché  avec une utilisation annuelle de 4 à 5 mois pour les molécules hypnotiques et anxiolytiques. A noter qu’une proportion importante de patients les utilise en continu sur plusieurs années. »

Mme Billioti de Gage sait-elle que les prescripteurs se disent le plus souvent piégés par une demande confinant à l’addiction . Mme Mme Billioti de Gage est-elle informée du fait que les quelques tentatives écrites pour mobiliser le ministère de la Santé sont restées lettre morte  (« Benzodiazépines : « Le Monde » tire à vue sur le ministère de la Santé. Aucun effet ») ?

La « Journée Mondiale Alzheimer » est prévue pour le 21 septembre.  Il est peu vraisemblable que la ministre de la Santé publics y évoque l’affaire des benzodiazépines.

A demain

L’Alzheimer de « Science et Avenir », un an après

Publier ou périr. On sait que c’est la dure loi des chercheurs. Mais vit-on bien en publiant dans les marges ? Car publier à ses règles. Il faut d’abord faire connaître à ses pairs le fruit de ses travaux. Et ensuite en informer le « grand public » par les habituels canaux médiatiques. Certains font parfois le chemin inverse. Un exemple très grand public de ce chemin inversé.

Avec l’exposé d’un thème qui pourrait intéresser  les élèves de l’Ehesp et leurs enseignants  

 6 octobre 2011.

 Jean-Daniel Flaysakier, journaliste médical de France-Télévisions postait un billet musclé sur son blog docteurjd.com . Musclé ou acidulé, c’est selon. Il y expliquait en substance que faire valider par la presse une hypothèse de recherche sans passer par les canaux habituels d’une bonne pratique scientifique était une pratique sportive en développement. Et il prenait en exemple  un épisode alors récent concernant la maladie d’Alzheimer et la prise de médicaments psychotropes en est un nouvel exemple.

« On tient enfin les coupables ! Anxiolytiques et hypnotiques de la famille des benzodiazépines voilà donc les médicaments qui sont liés à la survenue de la maladie d’Alzheimer, écrivait-il. J’exagère, mais à peine plus que ce qui a suivi la publication par le mensuel ‘Sciences et Avenir’ d’une interview du Pr Bernard Bégaud, pharmacologue à l’université Bordeaux II. Gros titres ‘Ces médicaments qui favorisent Alzheimer’, affichage dans les kiosques, reprises multiples, prise de parole par la rédactrice en chef de la revue sur YouTube : difficile d’oublier, si j’ose dire, la mise au pilori de cette famille médicamenteuse dans la genèse de cette démence tant redoutée. »

Et notre double confrère d’observer que l’étude annoncée n’était publiée dans aucune revue scientifique, que seule comptait la parole des auteurs. « Or, la règle veut, quand on est une équipe de recherches, surtout avec une notoriété certaine et quand on joue un rôle influent auprès des pouvoirs publics, qu’on soumette ses travaux à une revue de bonne facture, ajoutait-il. Une revue avec comité de lecture et  qui a un système de relecteurs, des ‘arbitres’. L’article est soumis à deux ou trois de ces relecteurs qui font un certain nombre de remarques. » Ce qui, on le sait ou l’on s’en doute n’est pas le cas de Science et Avenir, magazine de vulgarisation.

Autre sujet traité, ce jour là, dans le billet automnal de docteurjd.com : le supposé lien de cause à effet entre la prise de ces produits et la survenue de la maladie. Evoquant sa (folle) jeunesse et ses études (brillantes) d’épidémiologie à l’Ecole de Santé Publique de l’université Harvard (Boston) l’auteur aux nœuds à papillons  confesse avoir quasiment tout oublié, sauf une chose : « il est quasiment impossible de trouver un lien de cause à effet indiscutable entre l’exposition à une situation, à un produit ou un médicament et la survenue d’une pathologie chronique ».Sauf l’exposition d’ouvriers au monochlorure de vinyle ayant entraîné la survenue de formes rares d’angiosarcomes.

La chronicité n’est pas l’infection aigüe et l’épidémiologie est l’un des filles peut-être les plus volages (les moins sages)  des statistiques. On la manipule aisément et sous le charme elle peut vous dire une chose et son contraire. Puis faire en sorte de vous dénoncer à la police des polices Tous les statisticiens le savent, certains en ont souffrent encore. D’autre suivront qui entrent à peine dans la carrière.

Jean-Daniel Flaysakier conseillait alors opportunément  le Dr Dominique Dupagne , son blog et son billet ainsi qu’un document de synthèse de l’ISPED, institut dépendant de l’université Bordeaux II.

En clair rien ne permettait, faute d’une publication scientifique, d’affirmer la causalité entre la prise de benzodiazépines et la survenue de la maladie d’Alzheimer. C’était là « un manque de rigueur et une assertion scientifiquement inacceptables ».  « Dans les suites de la sortie de la revue, le Pr Bégaud a expliqué que ce qui était dit dans ce journal n’était pas le reflet exact de sa pensée. L’argument classique : la presse déforme tout, ajoutait encore Jean-Daniel Flaysakier. Mais à ma connaissance, ce pharmacologue réputé n’a pas porté plainte pour ‘enlèvement et séquestration’. Il n’a pas parlé à cette revue sous la menace d’une arme, il l’a fait de son plein gré en sachant qu’il enfreignait les règles auxquelles il est censé, en tant qu’universitaire et chercheur, se soumettre (…)  Je crois que le temps où les médias sauront faire la différence entre ‘association ‘ et ‘lien de cause à effet’ n’est pas pour demain. »

10 octobre 2012

Un an plus tard ce temps est-il venu ? Sans doute si l’étude sous-jacente à la publication de Science et Avenir est bien celle qui vient d’être publiée par le British Medical Journal (BMJ) et vantée par le service de presse de l’Insermqui donne à cette occasion l’essentiels des données.

Au final, les résultats d’analyses croisées sur une population montrent que les personnes ayant consommé des benzodiazépines pendant le suivi de l’étude présentent environ 50% plus de risque de développer une démence  par rapport à celles qui n’en ont jamais consommé. Mais encore ? C’est ici que les choses se compliquent. En écho aux interrogations formulées par Jean-Daniel Flaysakier les auteurs expliquent  que leur étude « ne permet pas d’affirmer qu’il y ait un lien de cause à effet ». Et ils ajoutent que c’est le cas « pour toute étude épidémiologique ».  « D’après nos analyses, l’exposition aux benzodiazépines des personnes âgées de plus de 65 ans est associée à un risque accru de démence. Même si nous ne pouvons prouver qu’il existe un lien de cause à effet, nous constatons que les individus consommant des benzodiazépines présentent environ 50% plus de risque de développer une démence durant le suivi, comparés à ceux qui n’en ont jamais consommé » souligne  Bernard Bégaud, l’un des signataires de la publication. Soit une version assez adoucie du titre de l’hebdomadaire vulgarisateur. Et une impasse.

Ces chercheurs recommandent encore « d’être plus vigilants » sur l’utilisation de ces molécules qui, toutefois, « restent utiles pour traiter l’insomnie et l’anxiété chez les personnes âgées » même si « leur prise peut entraîner des effets indésirables, tels que des chutes ». Avec ces nouvelles données confortant celles de quatre études antérieures, ils recommandent de « limiter les prescriptions à quelques semaines et de contrôler la bonne utilisation de ces molécules »« Nous doutons qu’une durée d’utilisation de l’ordre de quelques semaines puisse avoir un effet délétère sur le risque de démence » conclut Bernard Bégaud. Et un doute.

A ce stade, un Candide pourrait faire plusieurs remarques interrogatives. Quel est l’objectif d’une étude épidémiologique de ce type s’il est d’emblée acquis qu’elle ne pourra pas conclure à une relation de cause à effet ? Les données dans ce domaine n’étaient-elles pas suffisamment convergentes pour qu’on ne puisse pas faire l’économie d’une telle étude qui conclut sur le fond à des conseils de bon sens et à la nécessité de respecter les indications en vigueur de prescription des benzodiazépines ? Si de nouvelles études doivent être menées dans ce domaine pourquoi ne pas user des multiples compétences disponibles dans le secteur de la santé et de la recherche médicale à des fins autrement plus originales ?

Pour conclure en avançant suggérons un thème à multiples facettes et déclinaisons qui pourraient intéresser les élèves et leurs enseignants de l’Ehesp : tenter de comprendre les raisons profondes qui font que les médecins occidentaux de première ligne prescrivent, massivement et contre les règles en vigueur, des benzodiazépines chez des personnes âgées. Et proposer des actions visant à formuler d’autres réponses médicales aux demandes qui les induisent. Incidemment, plancher sur cette question: existe-t-il  une relation de causalité entre l’âge avancé et le fait de ne plus trouver ni le sommeil ni des raisons d’espérer ?