La Haute Autorité de Santé vient de publier ce que devrait être la prise en charge de cette maladie. Que dit-elle sur le chapitre le plus attendu ? Que les quatre médicaments autorisés sont, désormais, « une option ». Qu’es aquò ?
Mandé depuis le 2 Avenue du Stade de France, Saint-Denis La Plaine, en date du 16 décembre 2011 et sous le sceau de la Haute Autorité de Santé (HAS) un communiqué de presse. Ce document résume l’actualisation des recommandations faite par la HAS concernant le diagnostic de la maladie d’Alzheimer et la prise en charge des personnes qui en souffrent. Soit environ 300 000 malades gravement atteints dans leur identité, leurs proches et l’ensemble des soignants directement concernés. Le sujet est médical et technique, bien évidemment. Il est plus encore politique, économique, médiatique. La HAS s’était exprimée sur le sujet en mars 2008. Puis différents évènements vinrent perturber le cours naturel des choses, à commencer par une polémique peu banale sur l’efficacité et l’innocuité des médicaments spécifiquement prescrits chez les malades d’Alzheimer : donépézil, galantamine, rivastigmine, mémantine. Soit quatre spécialités pharmaceutiques actuellement commercialisées en France : Ebixa (Lundbeck), Aricept (Eisai), Exelon (Novartis Pharma) et Reminyl (Janssen Cilag). Soit un coût annuel estimé à environ 300 millions d’euros pris en charge par la collectivité. On peut le présenter plus diplomatiquement. C’est ce que fait précisément la HAS :
« La HAS publie aujourd’hui une version révisée par un nouveau groupe de travail qui tient compte des évolutions récentes autour de la prise en charge de la maladie, notamment les nouvelles conclusions de la Commission de la Transparence de la HAS sur les traitements médicamenteux ainsi qu’une définition du parcours de soins des patients. Cette recommandation s’intègre aux mesures du Plan Alzheimer 2008-2012. »
Ce document est le fruit d’un travail mené, depuis septembre 2011, par un nouveau groupe de travail composé de professionnels de spécialités et de pratiques différentes (médecins généralistes, neurologues, gériatres, psychiatres, infirmiers, etc.), ainsi que de l’association France Alzheimer. « Pour plus de lisibilité et une meilleure appropriation par les professionnels, cette nouvelle recommandation suit les étapes du parcours de soins du patient, depuis les premiers symptômes (troubles cognitifs) jusqu’à la prise en charge pluridisciplinaire nécessaire à un stade avancé de la maladie » précise-t-on aujourd’hui.
« Clarifié », le parcours de soins ?
« Le médecin généraliste traitant est le pilote de l’organisation des soins centrée sur le patient. Il réalise l’évaluation initiale du patient présentant des troubles de la mémoire. Dans les cas où cette évaluation ne révèle pas d’altération des facultés de mémoire, de jugement, de compréhension, etc., il est recommandé au médecin généraliste traitant de proposer un suivi au patient, à 6 mois et à 12 mois.
En revanche, si une altération est avérée, le binôme médecin généraliste traitant/ spécialiste réalise les tests et examens nécessaires. Le médecin spécialiste pose le diagnostic de la maladie d’Alzheimer et l’annonce au patient. C’est ensuite le médecin généraliste traitant qui, après avoir échangé avec le patient et son entourage sur la bonne compréhension des enjeux du diagnostic, leur prose un plan de soin et d’aides. Assisté d’un professionnel formé (infirmière coordonatrice de réseau de santé par exemple), le médecin généraliste traitant se chargera de mettre en œuvre les mesures d’accompagnement en lien étroit avec les aidants naturels, etc. »
Le traitement médicamenteux ? En toute hypothèse il convient, désormais, de le « personnaliser »
La HAS explique avoir intégré dans sa nouvelle recommandation que « deux notions clés de l’avis de la Commission de la Transparence sur les médicaments de l’Alzheimer rendu le 27 octobre dernier ».
Première notion clé : « le traitement médicamenteux est une option dont l’instauration ou le renouvellement est laissée à l’appréciation du médecin spécialiste prescripteur ».
Deuxième notion-clé : « au-delà d’un an, une concertation pluri professionnelle avec le patient (si son état le permet), son aidant, le médecin généraliste traitant, le gériatre et le neurologue ou le psychiatre est préconisée pour réviser la prescription et vérifier l’intérêt pour le patient de poursuivre le traitement et ce, afin d’assurer un suivi de qualité et personnalisé ».
Question : que peut bien être une option en matière de traitement médicamenteux ?
Rien n’est simple, ici. Disons que l’instauration ou le renouvellement de ce traitement est laissé à l’appréciation du médecin prescripteur et que cette appréciation doit prendre en compte les préférences du patient et le rapport bénéfice/risque du traitement médicamenteux envisagé. Et la HAS d’ajouter qu’il n’est pas recommandé de prescrire des traitements non recommandés. Une manière de dire que les recommandations de l’Agence française de sécurité sanitaires des produits de santé ne sont pas toujours suivies des effets espérés ? Par traitements non recommandés on entend : « le piribédil, les antioxydants dont la vitamine E, la sélégiline, les extraits de ginkgo biloba, les nootropes, les anti-inflammatoires, les hormones (dont la DHEA et les oestrogènes), les hypocholestérolémiants (dont les statines) et les omégas 3.
Mais revenons un instant sur la première notion clé : « le traitement médicamenteux est une option dont l’instauration ou le renouvellement est laissée à l’appréciation du médecin spécialiste prescripteur ». Dans le communiqué de presse relatif à l’avis de la Commission de la Transparence sur les médicaments de l’Alzheimer du 27 octobre dernier on pouvait lire à propos des médicaments réévalués – Ebixa (Lundbeck), Aricept (Eisai), Exelon (Novartis Pharma) et Reminyl (Janssen Cilag) – qu’aucun des membres ayant participé à la réévaluation (ni aucun des quatre experts recrutés sur appel à candidature pour fournir un rapport d’expertise scientifique) n’avaient de lien d’intérêts avec l’une de ces firmes. Ajoutons que l’on est en attente d’une décision gouvernementale concernant le maintien ou non de leur prise en charge par la collectivité ; voire même de leur maintien sur le marché.
Conclusions (résumées pour la presse) de ces membres et experts :
- des effets au mieux modestes : une efficacité versus placebo principalement établie sur la cognition à court terme et dont la pertinence clinique reste discutable,
- un risque de survenue d’effets indésirables pouvant nécessiter l’arrêt du traitement (troubles digestifs, cardiovasculaires et neuropsychiatriques notamment),
- un risque accru d’interactions médicamenteuses du fait de la polymédication habituelle chez les patients âgés.
Traduction de la HAS (résumée pour la presse): ces quatre médicaments constituent désormais une option pour le prescripteur. Mais qui est donc le traducteur ?
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