Stars et cœurs brisés : saurons-nous la vérité sur George Michael et Debbie Reynolds ?

 

Bonjour

On l’aurait parié, si de tels paris existaient : les premiers résultats de l’autopsie de la « pop star » britannique George Michael n’ont pas permis de conclure. On se souvient peut-être que l’inoubliable  chanteur de « Freedom », « Careless Whisper » ou « Jesus to a Child », avait été découvert mort le jour de Noël en son domicile de Goring-on-Thames. par son compagnon Fadi Fawaz. Il n’avait que 53 ans et avait vendu plus de cent millions de disques. C’était, disent les gazettes, un « artiste tourmenté par la drogue ». Un artiste maudit, aurait-on écrit jadis.

Mort, certes. Mais de quoi ? On ne pouvait en rester là.  « Une autopsie a eu lieu hier dans le cadre de l’enquête sur la mort de George Michael » et les résultats ne sont « pas concluants » quant à la cause de la mort a, vendredi 20 décembre, indiqué la police britannique.  Elle a aussi annoncé « de nouveaux examens » dont les résultats ne seront « pas connus avant plusieurs semaines ». « La mort de George Michael est toujours considérée comme inexpliquée, mais pas suspecte », explique encore la police dans un communiqué. Mort inexpliquée sans être suspecte ? Est-ce là une forme, britannique, d’humour ? Est-ce du Holmes, du Dr Watson ?

Mystères des cœurs brisés

« J’étais venu chez lui pour le réveiller et il s’en était allé, reposant en paix sur son lit », a déclaré Fadi Fawaz au  Daily Telegraph. Selon son manager Michael Lippman, cité par le magazine Billboard, le chanteur  a été retrouvé « dans son lit » après une crise cardiaque. De lui les gazettes rappellent à l’envi qu’il avait survécu à une pneumonie ; « avait admis » avoir consommé de la drogue ; avait révélé son homosexualité en 1998 après avoir été arrêté pour attentat à la pudeur dans des toilettes publiques à Los Angeles ; avait expliqué ensuite plus tard ne pas avoir voulu en parler tant que sa mère vivait. La date de ses funérailles n’a pas, pour l’heure, été communiquée.

Les mêmes gazettes observent encore que cette mort coïncide presque avec celle de deux autres stars : Debbie Reynolds  mère de l’actrice Carrie Fisher, morte quelques heures avant elle d’une crise cardiaque survenue dans un avion parti de Londres pour Los Angeles. De Debbie Reynolds on dit qu’elle a succombé à un AVC. Lors d’une déclaration publique, Todd Fisher a expliqué que le décès de sa sœur Carrie Fisher était trop dur à supporter pour sa mère : «Elle était traversée par beaucoup d’émotions et de stress après avoir perdu Carrie, et c’est cela qui déclenché ce qu’il s’est passé.» « Ce que sous-entend Todd Fisher, c’est que pour sa mère, la perte de sa fille était trop insupportable pour qu’elle continue à vivre, écrit Slate.fr (Vincent Manilève). Sur internet, des gens ont commencé à dire que Debbie Reynolds serait morte d’un ‘’cœur brisé’’».

 « Ballonisation » apicale transitoire

 Et le médecin spécialisé Jeremy Samuel décrit sur Slate.com  la «cardiomyopathie takotsubo». Où la mort d’une star permet, en marge de la réalité médico-légale, de faire un peu de pédagogie cardiologique :

« La cardiomyopathie takotsubo (CT) est une insuffisance cardiaque aiguë récemment décrite qui se manifeste comme un infarctus aigu du myocarde et se caractérise par des symptômes ischémiques, une élévation du segment ST à l’électrocardiogramme, et des marqueurs de pathologie cardiaque élevés. Bien que sa cause exacte reste inconnue, ce syndrome est typiquement provoqué par un stress physique ou émotionnel intense, y compris des maladies diverses et des interventions chirurgicales.

« Ce syndrome a été initialement décrit dans la population japonaise, mais il a récemment été rapporté en Europe et aux Etats-Unis. Il survient le plus souvent après la ménopause chez des femmes âgées de 55 à 75 ans, avec une incidence estimée à 1/36 000 dans la population générale.

« Les patients se présentent généralement avec des douleurs thoraciques de type angor ou une dyspnée, une élévation du segment ST et une prolongation de l’intervalle QT à l’électrocardiographie, une élévation faible à modérée des enzymes cardiaques et des marqueurs, et une « ballonisation » apicale transitoire du ventricule gauche. Contrairement aux syndromes coronaires aigus (SCA), les patients avec une CT n’ont ni signes de coronaropathie détectables à l’angiographie ni maladie coronaire non obstructive. Les complications les plus fréquemment décrites sont le choc cardiogénique et l’obstruction du flux sanguin à la sortie du ventricule gauche, les AVC, et la formation de thrombose apicale. »

Les mêmes gazettes observent encore que ces morts sont enregistrées à l’issue d’une année marquée par la disparition de David Bowie, décédé en janvier, Prince, mort fin avril, ou encore le guitariste britannique Rick Parfitt, décédé la veille de Noël.  Autant de morts plus ou moins expliquées. Et les gazettes de conclurent, en cette fin d’année, que les morts ne meurent jamais.

A demain

 

Zika et sexualité : les possibilités de transmission augmentent, bien au-delà des moustiques

 

Bonjour

Brexit , tuerie de Nice, coup d’état avorté en Turquie, la presse généraliste ne s’est guère intéressée au premier cas de transmission sexuelle du virus Zika d’une femme à un homme . Il vient d’être identifié à New York. Toutes les précisions viennent d’être données par The New York Times. Quant aux détails virologiques  ils sont exposés dans un un rapport publié vendredi15 juillet  par les Centers for Disease Control and Prevention et les autorités sanitaires de New York.

Faut-il être surpris ? Sans doute pas. Comment imaginer que cette transmission ne puisse être qu’unilatérale ? Prévisible le cas n’en est pas moins un fait majeur.  C’est le dernier rebondissement dans la surveillance de cette épidémie virale qui continue à surprendre et à déjouer les prévisions des meilleurs experts. Mais c’est un rebondissement de taille. Il laisse clairement entendre que via des transmissions sexuelles (dont la fréquence reste à établir) cette épidémie (déjà bien atypique) pourrait se propager plus largement, au-delà des pays où le virus sévit sur un mode endémique. Last but not least cette information survient à la veille de l’ouverture des Jeux Olympiques de Rio, les premiers JO d’été organisés en Amérique du Sud où l’épidémie de zika sévit avec une particulière intensité.

Sexuel versus vectoriel

Sur ce thème d’actualité Slate.fr nous apprend que 450.000 préservatifs seront donnés à Rio – soit quarante-deux par athlète (pour deux semaines de compétition), ce qui fait les choux gras de la presse. « Auparavant, c’était les JO de Londres, en 2012, qui détenaient le record, avec 150.000 capotes distribuées. « Le Comité international olympique ne veut visiblement pas se retrouver à court de protection, comme ce fut le cas à Sydney en 2000, où les 70.000 préservatifs prévus n’avaient pas suffi et où 20.000 avait dû être distribués en cours de compétition » rappelle Slate.fr. Bien évidemment Zika est dans le paysage certains athlètes (des golfeurs…) ayant décliné l’invitation à participer du fait de la présence redoutée du virus.

 

Que savait-on jusqu’à présent sur la dimension sexuelle de cette épidémie ? Pour les autorités sanitaires françaises ce mode de transmission est « probablement négligeable » par rapport à la transmission vectorielle. Plus précisément ces mêmes autorités estimaient il y a quelques semaines que sur la base des données scientifiques disponibles, cette transmission était probable « même si à ce jour, ces données sont trop peu nombreuses pour évaluer son importance réelle dans la transmission du virus ».

Embryofoetopathies

En France le travail a été mené par le Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP). Il é été actualisé à la fin juin 2016. L’objectif officiel majeur des recommandations émises par cette institution est de prévenir la survenue d’embryofoetopathies consécutive à une infection de la mère par le virus Zika, contractée pendant la grossesse.

Jusqu’alors la première observation publiée à ce jour d’une transmission hétérosexuelle du virus Zika datait de 2008 et concernait  un couple américain 1. Le mari avait contracté l’infection au Sénégal, son épouse ayant déclaré la maladie neuf jours après le retour de celui-ci. Le seul facteur de transmission retrouvé est l’existence de relations sexuelles avec son époux dans les jours qui ont suivi son retour. Le virus Zika n’a pas été recherché dans le sperme. Le diagnostic a été sérologique chez les deux patients. Un autre cas avait été signalé (janvier 2016, Texas) chez une patiente dont le partenaire sexuel revenait d’un voyage au Venezuela.

Une autre question importante concerne la présence du virus dans le sperme. « La seule observation publiée à ce jour 2 de l’existence de virus infectieux dans le sperme concerne un patient de Tahiti en 2013 » précisait le HCSP. Une hématospermie était apparue deux semaines après un épisode clinique évocateur d’infection à virus Zika (céphalées, arthralgies, fébricule). La recherche du Zika en PCR était positive dans le sperme et dans les urines (mais pas dans le sang). Au vu des cas publiés, la durée de la présence du virus dans le sperme varierait « d’au moins cinq jours avant l’apparition des signes cliniques à au moins dix-huit jours après ». On ne connaît pas sa durée maximale.

Procréer ou pas

Quelles sont les recommandations pour les femmes enceintes, les femmes ayant un projet de grossesse ou en âge de procréer) (vivant en zone indemne de virus Zika) ?

« Éviter tout rapport sexuel non protégé avec un homme ayant pu être infecté par le virus Zika, au moins un mois après son retour de zone d’épidémie ou pour une plus longue durée (qui ne peut actuellement être précisée) s’il a présenté des signes cliniques évocateurs de Zika ou si l’infection Zika a été confirmée chez lui. Les informer sur les embryofoetopathies et autres complications pouvant survenir lors d’une infection par le virus Zika. »

Quelles sont les recommandations pour les autres femmes et les hommes ?

« Éviter tout rapport sexuel non protégé avec un partenaire ayant pu être infecté par le virus Zika, au moins un mois après son retour de zone d’épidémie ou pour une plus longue durée (qui ne peut actuellement être précisée) s’il a présenté des signes cliniques évocateurs de Zika ou si l’infection Zika a été confirmée chez lui. »

Copie à compléter

Quelles sont les recommandations pour les personnes qui envisagent un voyage en zone d’endémie ou d’épidémie à virus Zika ?

« Ces personnes doivent être informées sur les embryofoetopathies et autres complications pouvant survenir lors d’une infection par le virus Zika au cours de la grossesse. Pour les femmes enceintes leur conseiller, quel que soit le terme de la grossesse, un report de leur voyage. Éviter tout rapport sexuel non protégé avec un homme ayant pu être infecté par le virus Zika pendant le voyage et au retour, pendant toute la durée de la grossesse.  Pour les femmes en âge de procréer : éviter tout rapport sexuel non protégé avec un homme ayant pu être infecté par le virus Zika en cas de projet de grossesse et reporter le projet de grossesse à leur retour de voyageEnvisager une contraception pendant la durée de leur voyage. »

A la lumière de la possibilité désormais démontrée d’une contamination sexuelle femme-homme le HSCP va-t-il réviser et compléter sa copie ? La ministre de la Santé va-t-elle traiter du sujet ?

A demain

1 Foy B.D., Kobylinski K.C., Foy J.L.C., Blitvich B.J., Travassos da Rosa A., Haddow A.D., et al. Probable nonvector-borne transmission of Zika virus, Colorado, USA. Emerging Infectious Diseases 2011; 17(5): p. 880-882 : http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3321795/pdf/10-1939_finalD

2  Musso D., Roche C., Robin E., Nhan T., Teissier A., Cao-Lormeau V.M., et al. Potential sexual transmission of Zika virus. Emerging Infectious Diseases 2015; 21(2): p. 359-361.

 

 

 

Cancers : après les «viandes rouges», les «boissons chaudes». Ne pas dépasser 65°C

 

Bonjour

Le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) continue son travail de fourmi classante. Il annonce, mercredi 15 juin 2016 que le fait température de boire « très chaud » provoque « probablement » le cancer de l’œsophage. Au terme d’une ample lecture bibliographique la même agence spécialisée de l’OMS lève les soupçons sur le café et le maté – lorsqu’il consommés à des « températures normales. » 1

« Ces résultats laissent penser que la consommation de boissons très chaudes est une cause probable de cancer de l’œsophage et que c’est la température, plutôt que les boissons elles-mêmes, qui semble être en cause », a officiellement déclaré le Dr Christopher P. Wild, directeur du CIRC, à l’issue d’un long travail de réévaluation d’un comité de vingt-trois  experts. Les boissons très chaudes sont celles consommées à des températures de « 65° C ou plus ».

Cafés turcs

Ce sont des études menées en Chine, en Iran, en Turquie et dans des pays d’Amérique du Sud (régions exotiques où le thé ou le maté sont traditionnellement bus « très chauds ») qui ont montré que le risque de cancer de l’œsophage augmente avec la température à laquelle la boisson est consommée.  « Les températures normales pour le café et le thé dans les pays européens et l’Amérique du Nord sont bien en deçà. Le café et le thé sont souvent bus en dessous de 60°C », explique le Dr Dana Loomis, épidémiologiste du CIRC.

Ainsi donc le café, l’une des boissons les plus consommées au monde, n’est plus désormais considéré comme « peut-être cancérogène ».  On se souvient de l’émotion qu’avait causé le classement « cancérogène » de la viande rouge et des viandes transformées. C’était en octobre 2015. En novembre Slate.fr exposait la question du café-cancérogène, expliquant alors « combien la méthode de classification des cancérogènes établie par l’OMS peut être biaisée et bancale ».

Maté sauvé des eaux

Slate.fr rappelait qu’en1991, le CIRC classait le café comme «peut-être cancérogène pour la vessie humaine» (Groupe 2B). Une conclusion effectuée après l’analyse des maigres données disponibles à l’époque. Le Circ avait statué que ces données «indiquaient une faible corrélation entre la consommation de café et l’apparition de cancer de la vessie», tout en remarquant que «la possibilité que cela soit dû à des biais ou des facteurs de confusion ne peut être exclue». Le Circ n’avait d’ailleurs trouvé aucune donnée convaincante permettant d’associer le café à d’autres types de lésions cancéreuses.

Le café n’est pas le seul à être sauvé des eaux : le maté s’il est bu froid ou à des températures « pas très élevées » n’a pas d’effets cancérogènes, selon les études épidémiologiques et les expériences sur les animaux.

A demain

1 Pour plus d’informations:

Cliquer pour accéder à Monographs-Q&A_Vol116.pdf

 

 

Fusillade dans une discothèque gay d’Orlando; controverse sur le don de sang des homosexuels

Bonjour

C’est, en marge de ce qui est déjà appelé « la pire fusillade de l’histoire  des Etats-Unis »,  une équation sanitaire d’un genre bien particulier. Ses termes en sont posés, sur Slate.fr, par Jean-Marie Pottier : « Tuerie d’Orlando: de nombreux homosexuels ne peuvent pas donner leur sang pour aider les victimes ». Résumons.

Le président Barack Obama vient de condamner, dimanche 12 juin, comme « un acte de terreur et de haine » une  fusillade qui a fait 50 morts dans un club gay de Floride. « Aucun acte de terreur et de haine ne peut changer qui nous sommes », a-t-il souligné alors que la « rhétorique anti-gay et anti-islamique » s’est enflammée dans le pays à la faveur notamment de la campagne présidentielle.

Le candidat du parti républicain, Donald Trump (qui a attisé les ressentiments pendant toutes les primaires) s’est félicité d’avoir eu raison sur le « terrorisme islamique radical ». Il a exigé la démission du président américain s’il refusait d’employer cette expression.  Le président Obama a également ordonné que les drapeaux sur tous les bâtiments fédéraux soient mis en berne en hommage aux victimes. Le tireur a été identifié par les médias comme Omar Seddique Mateen, un citoyen américain d’origine afghane, âgé de 29 ans. Le tireur a agi seul et a été tué lors d’un échange de coups de feu avec la police.

Dons interdits

Outre les 50 morts, le massacre a aussi fait 53 blessés, selon le dernier décompte des autorités, qui ont lancé un appel aux dons du sang. Ces appels aux dons ont été lancés spécialement pour des groupes rares comme O positif, O négatif ou le plasma de groupe AB. Le journaliste de Slate.com Mark Joseph Stern écrit que «la grande majorité des hommes gay et bisexuels se voient pourtant toujours légalement interdire de donner leur sang»:

«Selon les règles récemment révisées de la FDA seuls les hommes homosexuels abstinents depuis une année complète ont l’autorisation de donner. Une règle qui concerne les homosexuels engagés dans une relation monogame de long terme. Les hétérosexuels qui ont eu des rapports non protégés avec des partenaires multiples ont le droit de donner à leur convenance. […] Alors que leurs amis périssent de blessures par balles, les homosexuels d’Orlando sont aujourd’hui condamnés à ne rien faire si ce n’est regarder, désarmés.»

Slate.fr rappelle que la question de l’autorisation du don du sang chez les hommes homosexuels s’était posée avec une particulière acuité l’an dernier en France, quand une politique similaire à celle des États-Unis avait été adoptée. Le chroniqueur Didier Lestrade avait alors dénoncé «la mauvaise blague de l’abstinence gay»:

 «Il est toujours très facile de tester les lots de sang une seconde fois, ce qui serait beaucoup plus simple que de multiplier les obstacles insultants pour ceux qui veulent sincèrement donner leur sang. D’autres pays comme l’Italie ont allégé le tri du sang et les gays sont traités au même niveau que les hétéros.»

Solidarité biologique

Pour notre part nous avons, sur Slate.fr et sur ce blog, défendu un «difficile exercice de démocratie sanitaire» . Organisé et piloté par le Pr Benoît Vallet, Directeur Général de la Santé, cet exercice consiste en effet  à «mettre un terme à ce qui pouvait être perçu et vécu comme une discrimination tout en maintenant le niveau de sécurité du système transfusionnel français».

 Les difficultés soulevées les dons d’urgence s’étaient posées en France à l’occasion des attentats du 13 novembre. Ces difficultés logistiques ne sauraient en rien justifier un abaissement du niveau de sécurité sanitaire. Ici comme ailleurs il faut, tout en luttant contre les discriminations, se garder des conséquences négatives engendrées par l’émotion. Le don de sang n’est pas un droit. Les motifs d’exclusion sont multiples. Ce don n’est qu’un maillon dans une longue chaîne de solidarité biologique – une chaîne qui ne tient que parce qu’elle défend les intérêts de la santé publique.

 

A demain

 

James Watson, 86 ans : les Nobel sont tout, sauf des modèles

Bonjour

Il y eut une époque où certains d’entre eux avaient envisagé de créer, sur le tard, une banque de sperme. L’idée que, tout bien pesé, l’intelligence qui les caractérisait pouvait être gamètement transmissible. On en vit d’autres tenir des propos ouvertement racistes. Certains, et non des moindres ne furent pas compris. On vit . On vit Alexis Carrel (1912) écrire ensuite« L’Homme, cet Inconnu ». Quelques uns disparurent dans la Nature et la patamédecine. Un ou deux imaginèrent avoir trouvé la solution contre le cancer ou le rhume de cerveau. Résolu la quadrature, donné la vie au mouvement perpétuel et à la croissance permanente.

Humour décapant

A l’inverse certains demeurèrent des phares de la pensée humaniste.  Quelques uns (parfois les mêmes) cultivèrent un humour décapant jusqu’à leurs derniers instants. Tout cela est assez rassurant : les Nobels sont des intellectuels comme les autres. La différence est qu’ils ont des chances d’être un peu plus riche que la moyenne des humains. Les royalties de la dynamite et l’Institut Karolinska veillent à cela.

Tenue d’apparat

Et puis il y a le cas James Watson. Un monument du XXème siècle qui a bien du mal avec le troisième millénaire. Ornithologue de formation, biochimiste d’adoption, fondateur avec Francis Crick de la génétique avec leur célèbre hélice (sans oublier  Rosalind Franklin). Il est le seul, aujourd’hui, à se souvenir de tout cela – de la tenue d’apparat et du Nobel millésimé 1962 pour une découverte publiée en 1953. Un demi-siècle et deux ans. S’en souvient-il vraiment ?

Beaucoup d’argent

Il vient de tenir des propos étonnants au Financial Times (payant) Etonnants, inconvenants, ahurissants, délirants ? Laura Helmuth rapporte l’histoire sur Slate.com   Résumons : le 4 décembre Watson mettra aux enchères sa médaille Nobel (prix prévu: jusqu’à 3,5 millions de dollars). James Watson, qui a gagné beaucoup d’argent, est aujourd’hui à court. Il a besoin de liquide. Pour en faire don à des universités, dit-il, ou acheter une toile de David Hockney. Plus grave : il agit ainsi, dit-il, parce qu’il est devenu un « unperson » , quelque chose comme un manque cruel de reconnaissance : personne ne veut reconnaître son existence. Watson aura 90 ans dans quatre ans.

Tirer la langue

C’est aussi, sans doute, une manière de tirer la langue comme Einstein l’avait fait en son temps. Ce n’est pas la première fois. Et ce ne fut pas toujours très beau à voir. En 2007 il avait jugé indispensable de confier au  Sunday Times qu’il était «intrinsèquement pessimiste quant à l’avenir de l’Afrique » du fait de l’intelligence objectivement supérieure des Blancs (etc.). Il avait alors été unanimement blâmé et sanctionné  – exclu, notamment, du conseil d’administration du Cold Spring Harbor Laboratory. L’équivalent de Jules Maigret condamné à la réclusion a perpétuité.

Employés noirs

La mise aux enchères du merveilleux symbole sera-t-il le dernier affront de ce génie devenu vieil oncle grincheux de la génétique ? De celui qui avait dit que « son espoir était que tous les hommes soient égaux » mais  que « les gens qui ont eu affaire à des employés noirs se sont rendu compte que ce n’est pas vrai ». De cet anglo-saxon décrypteur de la reliure du Livre de la Vie voyant un lien entre l’exposition au soleil et l’intensité de la libido humaine, entre l’ambition et la finesse de la silhouette.

Vieille canaille

Aujourd’hui il entend revenir sur la scène. Comme un vieux chanteur. Comme un vieux boxeur plutôt. Bien sûr, c’est un peu triste quand on est seul. Il assure ne pas être raciste, du mois pas raciste comme on l’entend généralement. Certains observent qu’il met sa médaille d’or en vente au moment où les Etats-Unis sont en proie à des manifestations récurrentes de violences contre la brutalité policière visant les Noirs. Mais ça, Watson, tout généticien qu’il soit, ne pouvait pas le prévoir.

A demain

« Ebola ne passera pas » : la ballade africaine que l’on n’attendait pas. Quid de Carla ?

Bonjour

La charité à son calendrier. Sidaction, Téléthon etc. Vous serez bientôt médiatiquement incités à donner contre des maladies. Faudra-t-il pour autant oublier la lutte contre un nouvel ennemi,  africain, celui-ci ?

Ecoutez et regardez ceci : Ebola : fais confiance au docteur !

« Ebola ne passera pas » – « Africa Stop Ebola ». Quelques unes des  grandes voix africaines francophones contemporaines:

Tiken Jah Fakoly, Amadou et Mariam, Salif Kéita, Oumou Sangaré,  Mory Kanté, Awadi…

Lumières

Des hommes et des femmes francophones qui s’adressent en français et dans plusieurs langues africaines (1).

Chanter pour dire que l’invisible ennemi n’est pas une fatalité. Qu’il existe des raisons de croire. Et que la médecine occidentale, le vaccin, le médicament, la connaissance, la science, la solidarité et le courage sont autant de raisons d’espérer.

Ici l’espoir fait songer à nos Lumières. La rime est riche : tous les bénéfices de la chanson seront versés à  Médecins Sans  Frontières. Une raison inespérée de donner sans trop compter.

A demain

(1) A noter: cette ballade francophone reçoit un accueil critique enthousiaste et exceptionnel de la  part des médias anglais et américains:

http://www.washingtonpost.com/blogs/worldviews/wp/2014/11/17/listen-the-ebola-song-that-isnt-do-they-know-its-christmas/
http://www.theguardian.com/global-development/2014/oct/29/african-musicians-record-song-ebola-awareness
http://artsbeat.blogs.nytimes.com/2014/10/29/how-to-protect-yourself-from-ebola-in-song/?_r=0 

A savoir : Carla Bruni devrait bientôt livrer une version française  de « Do They Know It’s Christmas ? » de Bob Geldof . Trente ans après le Band Aid et la mobilisation contre la famine qui sévissait en Éthiopie, Bob Geldof  se mobilise contre  Ebola. Et Carla Bruni « artiste engagée » sera de la partie.

Sur ce thème précis on se reportera avec le plus grand intérêt à l’article de Slate.fr (Claire Levenson) :

« (…) Comme le note Aisha Harris dans Slate.com, le refrain «Feed the world», (Nourris le monde), qui avait été écrit pour évoquer la famine, n’a même pas été changé pour refléter l’épidémie. Quant au clip, il fait dans la juxtaposition douteuse: après quelques secondes d’un corps maigre et inanimé transporté par des infirmiers en combinaisons, on passe à l’arrivée des stars sous les flashs des photographes…

Il est aussi bizarre de poser sans cesse la question de Noël alors que les populations de certains pays touchés par Ebola, comme la Guinée et le Sierra Leone, sont majoritairement musulmanes. Savent-ils que c’est Noël? est en quelque sorte une question hors sujet. La chanson a déjà permis de récolter plus d’1,5 million de dollars, mais l’initiative de Bob Geldof est critiquée. (…) »

Après avoir lu Slate, Carla Bruni-Sakozy, persistera-t-elle dans son projet français ?

Ebola : ZMapp®, médicament « miracle », ou la bioéthique en « direct live »

Bonjour

Un virus chasse l’autre. Celui d’Ebola bouleverse aujourd’hui une problématique qu’avait inaugurée celui du sida : celle de l’égalité de tous devant le traitement. Ou plus précisément de la réduction des égalités criantes entre le Nord et le Sud. Cette réduction des inégalités n’avait jamais pu être obtenue pour les deux principaux fléaux infectieux  planétaires : le parasitaire (paludisme) et le bactérien (tuberculose). Elle a commencé à l’être, de manière spectaculaire, avec le fléau viral du sida. Les médicaments antirétroviraux ont été mis au point en commercialisés dans l’hémisphère nord à la fin des années 1990.

Moins de quinze ans plus tard l’OMS estime qu’en Afrique subsaharienne (région la plus touchée  par l’épidémie de VIH) plus de 7,5 millions de personnes bénéficiaient d’un traitement fin 2012 contre 50 000 dix ans plus tôt. A l’échelon mondial plus de dix millions  de personnes bénéficient d’un traitement antirétroviral dans les pays « à revenu faible ou intermédiaire « contre 300 000 en 2002. C’est là un phénomène sans précédent, obtenu au terme d’un long combat des associations spécialisées et des ONG contre les multinationales pharmaceutiques. C’est aussi un phénomène qui s’est traduit par une augmentation spectaculaire de l’espérance de vie des personnes infectées.

Impensable

Ce qui a été possible sur plus d’une décennie avec le sida pourra-t-il l’être avec l’Ebola ? Impensable il y a quelques jours encore la question est aujourd’hui pleinement d’actualité. Cette question a émergé en moins d’une semaine. Il y eu d’abord l’annonce de l’expérimentation hors norme de la molécule  ZMapp®  sur deux malades américains (un médecin et une aide-soignante) contaminés. Expérimentation effectuée au Libéria, avant le rapatriement de ces deux malades dans un centre hospitalier d’Atlanta, situé à proximité immédiate des Centers for Diseases Control and Prevention américains.

Rien ne permet aujourd’hui de dire si l’administration de cette molécule a eu un effet, et lequel, sur l’évolution de l’état de santé des deux malades. Pour autant, et compte tenu de l’absence de médicament contre l’infection par le virus Ebola, beaucoup veulent croire que le « ZMapp » sera efficace. Tout se passe en fait dans l’espace médiatique comme si cette molécule (mise au point grâce aux financements de l’US Army) constituait l’archétype des thérapeutiques à venir contre une épidémie africaine que l’on pressent durable et redoutable. A ce titre elle cristallise sous une nouvelle forme les interrogations éthiques préalablement générées par le sida.

Appel solennel

C’est ainsi qu’il faut comprendre l’appel solennel que viennent de lancer les Prs Peter Piot et David Heymann (respectivement directeur et professeur de la prestigieuse London School of Hygiene and Tropical Medicine) et  Jeremy Farrar (Université d’Oxford). Un appel aussitôt suivi de l’annonce par l’OMS de la création imminente d’un groupe d’éthique en charge de la question de l’égalité aux traitements contre l’Ebola lorsque ces traitements seront disponibles.

Aux Etats-Unis le Pr Arthur Caplan directeur de la division d’éthique médicale au NYU Langone Medical Center, vient de soulever la même question, comme le relève  Slate.com. Il explique dans le Washington Post, de quelle manière les multinationales pharmaceutiques perçoivent les médicaments non testés et comment la pauvreté de cette région rurale d’Afrique de l’Ouest, où l’épidémie fait des ravages, interdit aux personnes les plus menacées, tout accès au traitement expérimental. Il lance un appel pour l’établissement de règles éthiques dans ce domaine.

John le Carré

Que veulent précisément les Pr Peter Piot, David Heymann et  Jeremy Farrar ? Le Pr Piot (co-découvreur du virus Ebola au Zaïre, en 1976) s’en explique.  « Cette épidémie va durer sans doute plusieurs mois. Si elle se déroulait en Europe, le débat sur l’usage « compassionnel » de traitements n’ayant pas encore été complètement validés aurait déjà été ouvert. Nous y avons eu recours par le passé, rappelle-t-il dans Le Monde. C’est maintenant qu’il faut faire bouger les choses et autoriser les traitements expérimentaux en Afrique. Le seul moyen de tester l’efficacité de ces traitements chez l’homme est de le faire pendant une épidémie. Il faut avancer en accélérant les essais de phase I. La prévention est indispensable, mais il faut agir pour éviter que les personnes infectées ne meurent. C’est comme cela que l’on réinstaure la confiance dans les mesures de prévention. La lutte contre le VIH l’a bien montré. »

L’une des principales questions est précisément de savoir s’il est éthique d’expérimenter en dehors des règles habituelles, un médicament sur des populations africaines défavorisées est exposées à un risque infectieux. C’est aussi, paradoxalement l’une des accusations dont font l’objet les multinationales pharmaceutiques – c’est l’argument de The Constant Gardener- La Constance du jardinier (2001) ouvrage à grand succès de John le Carré dont a été tiré un film éponyme. Comment prévenir les critiques que souléveront une expérimentation « sauvage » du « ZMapp » en terre africaine ?

Peter Piot :

«  Il existe une tension complexe entre une position où ces traitements ne seraient donnés qu’aux personnels médicaux blancs mais pas aux Africains, et une expérimentation chez des personnes ne possédant pas une bonne compréhension de la manière dont se déroulent des essais cliniques. Mais que ferait-on si un collègue était infecté ? »

« Les bénéfices espérés des traitements face à une maladie qui tue plus d’une personne sur deux ne justifieraient-ils pas de tenter les médicaments expérimentaux ? D’autant que l’expérience des anticorps monoclonaux dans le traitement du cancer montre qu’en général il n’y a pas d’effet indésirable majeur. L’OMS devrait établir des règles dans ce domaine. »

«  Il est décisif de regarder vers l’avenir. Nous ne savons toujours pas par quel biais le virus arrive jusqu’à l’homme, même s’il est vraisemblable que les chauves-souris en représentent le réservoir. Nous ne connaissons qu’un segment du génome du gros virus qu’est le virus Ebola. Nous devons donc, sans attendre, redoubler d’efforts dans les recherches et mettre le plus vite possible à disposition les traitements prometteurs. »

Le « non » de Barack Obama

Barack Obama ne partage pas cette vision de l’éthique. Clôturant le sommet Etats-Unis-Afrique il a déclaré le 6 août que cette question était largement prématurée. Selon lui « toutes les informations n’étaient pas disponibles pour déterminer si le médicament était efficace ». Or c’est précisément pour répondre, au plus vite et au mieux, à la question de l’efficacité de ce médicament que les Prs Pr Peter Piot, David Heymann et  Jeremy Farrar  viennent, depuis l’Angleterre, de lancer leur appel solennel.

A demain

Ce texte a initialement été publié sur Slate.fr

 

 

 

Coronavirus MERS : le dromadaire ne doit pas devenir le bouc émissaire

Bonjour

Près de 200 morts, la majorité en Arabie Saoudite. Des menaces grandissantes d’extension géographique de l’infection. Une mise en garde faite aux pèlerins de La Mecque. Avec deux questions lancinantes, inédites dans l’histoire de la lutte contre les épidémies, concernant les camélidés (1).

Faut-il accuser le dromadaire ? Et si oui quelles conséquences pratique faudra-t-il en tirer ? Des mises en quarantaine ? Pire ? L’installation au Moyen-Orient et sur un mode endémique du coronavirus à l’origine du MERS (MERS-CoV) soulève ces deux questions inédites, hautement embarrassantes pour les autorités sanitaires. L’affaire s’enrichit aujourd’hui de nouvelles données.

Mises au point

Deux publications scientifiques, virologiques et vétérinaires. Une mise en garde de l’Organisation Mondiale de la Santé animale (OIE). Cette puissante institution dirigée par le Dr Bernard Vallat (et qui tient sa 82ème  session générale à Paris du 25 au 30 mai) vient de faire une mise au point actualisée sur ce sujet.

Il faut donc désormais compter avec une étude internationale publiée sous l’égide des CDC américains  dans Emerging Infectious Diseases (voir ici). Dirigée par  Chantal B.E.M. Reusken  et Marion P.G. Koopmans (Netherlands Centre for Infectious Disease Control, Bilthoven ;  Erasmus Medical Center, Rotterdam) elle a réuni des chercheurs de plusieurs pays africains (Tunisie, Ethiopie et Nigéria). Après analyses virologiques rétrospectives effectuées sur des échantillons sérologiques de dromadaires les auteurs établissent que le MERS-CoV circulait dans les populations africaines de camélidés avant 2012 et son émergence chez l’homme en Arabie saoudite.

Anticorps

La séropositivité au MERS-CoV (présence d’anticorps)  est ainsi retrouvée chez  plus de 90% des dromadaires au Nigeria et en Éthiopie. Des taux très élevés sont aussi retrouvé chez les animaux d’âges différents au Kenya, en Jordanie, au Soudan ou au Qatar. C’est un peu moins vrai en Tunisie.

Il faut aussi compter avec un autre travail publié dans Emerging Infectious Diseases (voir ici). Il est l’œuvre d’un groupe de chercheurs allemands (University of Bonn Medical Centre) travaillant avec des chercheurs kenyans, suédois ainsi que des membres de Vétérinaires Sans Frontières. Ces auteurs établissent que le MERS-CoV était déjà présent chez des  dromadaires dans différentes régions du Kenya à partir de 1992.

Réservoir animal

Ces nouveaux éléments imposent de repenser la problématique épidémiologique. Animal porteur sain le dromadaire est-il depuis longtemps le réservoir animal du MERS-CoV ? Si oui s’agit-il ici d’une maladie infectieuse qui prévaut depuis longtemps chez l’homme mais dont on commence seulement à prendre conscience de l’existence ? Comment comprendre cette nouvelle cartographie animale africaine spatio-temporelle de la sérologie du MERS-CoV ?

Il faut ici également compter avec la dimension culturelle de la présence du dromadaire dans les populations africaines(lire ici le texte de Slate.com qui vient d’être publié sur Slate.fr : « Le coronavirus MERS est mortel et il va être difficile a arrêter »).

Avril 2012

C’est dans ce contexte que se situe  la position défendue dans ce domaine par l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) – position  dont on peut prendre connaissance ici. Elle tranche quelque peu avec une vision humano-centrée défendue par les institutions médicales.

«  Le syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS) est une infection des voies respiratoires touchant l’homme, rappelle l’OIE. Aucun cas humain de MERS-CoV n’avait été observé avant avril 2012. La plupart des cas humains rapportés résultent d’une transmission d’homme à homme, sans pour autant que la maladie ne se propage facilement d’une personne à une autre. Dans certains cas, l’origine des infections humaines reste inexpliquée.»

Le MERS-CoV et des anticorps dirigés contre le virus ont également été décelés chez des camélidés. À ce jour, le MERS-CoV a été isolé exclusivement chez des camélidés et chez l’homme. Bien que les études récentes tendent à indiquer que les camélidés peuvent être source de certaines infections humaines, la relation exacte entre les infections par le MERS-CoV chez l’homme et chez les animaux n’a pas été élucidée. Pour l’OIE des investigations complémentaires sont nécessaires.

Animal coupable

Les animaux sont-ils responsables des cas d’infection humaine ? C’est possible sans que la relation de causalité soit établie. Rien n’est clair. Pour l’OIE plusieurs voies potentielles de transmission sont possibles à l’intérieur des espèces et d’une espèce à l’autre. La plupart des cas humains rapportés résultent d’une transmission d’homme à homme. Pour l’heure trois modes de contamination ont été recensés par l’OMS :

  • les infections extra-hospitalières (les sources d’exposition demeurant inconnues pourraient inclure des contacts directs ou indirects avec des animaux, notamment des camélidés, ou encore un réservoir environnemental)
  • les infections nosocomiales
  • les infections acquises par contacts humains rapprochés (personnes d’un même foyer).

Des informations complémentaires concernant les répercussions sur la santé publique sont accessibles sur le site internet de l’OMS
Camélidés infectés au Qatar

Entre novembre 2013 et mai 2014, le Qatar a signalé à l’OIE que le MERS-CoV avait été identifié chez quatre  camélidés. D’autres études publiées ont indiqué que le MERS-CoV et du matériel génétique correspondant au MERS-CoV avaient été identifiés chez des camélidés dans des pays du Moyen-Orient et du nord-est de l’Afrique ; des publications indiquent également que des anticorps dirigés contre le MERS-CoV ou un virus très similaire ont été décelés dans des prélèvements provenant de camélidés au Moyen-Orient et en Afrique. Les études ont indiqué que des souches similaires de MERS-CoV avaient été identifiées dans des prélèvements effectués sur des camélidés et des personnes de la même localité et que, dans certains cas, il y avait une relation entre les infections humaines et les infections animales.

« Bien que certaines infections des camélidés par le MERS-CoV aient été associées à des symptômes respiratoires mineurs chez les animaux, les observations faites à ce jour n’ont pas révélé de tableau clinique significatif chez les camélidés » souligne l’OIE.

Chauves-souris

Les spécialistes vétérinaires ajoutent qu’un virus apparenté au MERS-CoV a été détecté chez des espèces de chauves-souris (un fragment de matériel génétique viral correspondant au MERS-CoV a été mis en évidence sur une chauve-souris en Arabie saoudite). Pour autant  les données actuelles ne prouvent pas de lien direct entre ces espèces et le MERS-CoV chez l’homme. Comme pour le dromadaire ou d’autres espèces animales des recherches complémentaires seront nécessaires pour établir ou réfuter un lien direct.  Pour l’heure la recherche d’anticorps dirigés contre le MERS-CoV s’est révélée négative chez  les ovins, les caprins, les vaches, les buffles domestiques et les oiseaux sauvages.

Demeure, à la veille des pèlerinages de La Mecque, le mystère dromadaire.

A demain

(1) Des confusions sont faites, ici ou là, entre chameau et dromadaire. Les deux appartiennent à la même « famille ». On les considère parfois plus comme deux variétés régionales plutôt que comme deux espèces. Le dromadaire est un habitant des déserts chauds (Sahara, péninsule arabique…) quand le chameau se retrouve plus en zone froide comme la Mongolie.

Le dromadaire (Camelus dromedarius) est également appelé chameau d’Arabie. L’animal nommé couramment « chameau » (Camelus bactrianus et Camelus ferus) présente deux bosses, alors que le dromadaire n’en possède qu’une seule apparente. Le terme dromadaire est tiré du grec dromas (coureur). Taille : jusqu’à 250 cm au garrot. Poids : entre 400 et 1100 kg. Espérance de vie moyenne de 25 ans.

Qui a dit: « La Vieillesse est un naufrage » ?

Lampedusa, Concordia, La Méduse : les naufrages font toujours recette. C’est moins vrai de la vieillesse.  Les trop vieux naufragés savent-ils qu’ils font naufrage ?

Eléments de réponse et propositions de lecture.

Jeudi 3 octobre 2013 : les gazettes rapportent que des touristes auraient vu le président Chirac consommer une piña colada à la terrasse de Sénéquier, café réputé du port de la ville varoise où il a ses habitudes. Des clichés téléphoniques circulent. Les touiteurs touitent (1).

Arthur, auditeur du Var, parle sur RTL

« L’ancien président « très heureux, souriant » est resté « une petite heure » a précisé à RTL Arthur, un responsable de l’établissement. « Il a toujours l’œil vif, je pense que c’est une personne encore très vive d’esprit qui sait très bien ce qu’il fait et où il est. » D’où Arthur nous parle-t-il ainsi ? Où est la frontière qui permet de parler d’un vieillard comme s’il n’était plus véritablement une personne ? Quelles sont les raisons qui font qu’Arthur peut s’autoriser à dire qu’il pense que l’ancien président de la République sait qu’il est à la terrasse de Sénéquier.

Il y a un an Bernadette Chirac s’exprimait sur le même thème. Notamment dans Paris Match. Extraits :

« Sa voix s’est teintée d’émotion quand elle a évoqué l’état de santé de son mari Jacques Chirac sur Europe 1. Gaulliste convaincue, Bernadette Chirac a repris les mots du général sur l’âge et les années qui passent : «La vieillesse, le général de Gaulle l’avait dit, c’est un naufrage. Et je continue à la penser». Silence. Puis elle reprend sur le ton énergique qu’on lui connaît. . « Il n’est ni muet, ni aveugle. Il est capable d’aller se promener. Simplement, il faut veiller sur sa santé, ne pas l’inciter à faire de choses. Il ne peut plus faire de grandes promenades. D’ailleurs, il n’a jamais fait de sport. Il dit toujours, je suis comme Churchill, ‘No sports’. Je ne crois pas du tout que ce soit une recommandation à donner».

De Gaulle, Pétain, De Beauvoir

Même les gaullistes peuvent se tromper. Ou plus précisément ne pas dire l’exacte vérité. Il est possible que le Général ait dit ce que Bernadette Chirac, née Chodron de Courcel, dit qu’il a dit. Mais, contrairement à ce que l’on peut penser qu’elle pense, de Gaulle n’est pas le premier à l’avoir dit. Et tout laisse penser que Charles de Gaulle le savait. D’autant qu’il ne parlait pas de sa personne mais bien de Pétain et du naufrage de la France. On se déchire encore et les recherches en paternité se poursuivent pour identifier le géniteur de cette image. Pour l’heure le grand Chateaubriand tient la corde. Grâce notamment à Simone de Beauvoir née Simone-Lucie-Ernestine-Marie Bertrand de Beauvoir (1908-1986) qui écrivit, en 1970,  dans son  essai sur la vieillesse (Gallimard) :

« La vieillesse est un naufrage » écrivit Chateaubriand avant d’être plagié par le général de Gaulle, qui en avait après Pétain. »

Old age being a shipwreck   

On peut aussi, grâce à  la chirurgie de l’ostéoporose et avec l’aide  des Anglais, filer la métaphore maritime :

« Nous disons simplement qu’arrivé à un stade   la vieillesse étant un naufrage  il semble que tout soit dit, il reste quand même un capitaine à bord – pour combien de temps ? 

We shall simply say that one reaches a stage where– old age being a shipwreck – it seems that everything has been said but there is still a captain on board – for how long? »

Reste, pour l’heure, l’essentiel : « Le vieillissement psychique » de Benoît Verdon. Editions des Presses Universitaires de France (collection Que sais-je ?). Vous découvrirez  comment, sur le pont au fumoir et dans les soutes, on gamberge. Et comment les capitaines et les soignants de la croisière pourraient améliorer cette gamberge (2). Il vous en coûtera neuf euros. Moins que pour un mojito chez Sénéquier (Saint-Tropez).

 

 (1) A l’heure des célébrations (avant, pendant ou après avoir fini la Recherche les allergologues, les gériatres (les sexologues ?) ne seront pas insensibles au délicieux « Dictionnaire amoureux de Proust » des Enthoven, chez Plon).

Pour briller en société,  demander : « Marcel aurait-il tweeté ? ». Pour briller un peu plus encore, on aura pris la précaution de lire le dernier ouvrage du plus que prolixe  François Bon   (éditions du Seuil) : « Proust est-il une fiction ? ».

(2) Outre « Palladium » de Boris Razon (Stock) (dont nous avons déjà vanté ici les vertus), la littérature de la douleur vient de s’enrichir d’un nouveau titre : le redoutablement drôle « Vivre en mourant » (Flammarion) de Christopher Hitchens –traduction de Bernard Lortholary. Brillant journaliste américain (Slate.com, Vanity Fair, Atlantic) d’origine anglaise l’auteur tient la chronique d’une maladie du foie qui eut assez vite raison de lui : il aura à peine de dépasser le cap de la soixantaine.

    

Sida : la « guérison » versus sa « preuve de principe »

L’actualité, ce matin, c’est une nouvelle en provenance d’Atlanta. On a appris dans la nuit « le premier cas de guérison du sida ». L’information est depuis quelques heures reprise en boucle par les grands canaux internationaux d’information générale. C’est bien évidemment un peu plus complexe qu’il n’y paraît. Mais c’est aussi très instructif quant aux rouages du journalisme aux prises avec la santé publique.    

Ce n’est certes pas obligatoire mais c’est nettement mieux : « lancer » une rencontre médicale ou scientifique internationale avec une news d’une portée qui ne l’est pas moins. C’est le cas aujourd’hui avec la communication qui vient d’être faite dans le cadre de la 20ème Conférence internationale sur les rétrovirus et les maladies opportunistes qui s’est ouverte hier 3 mars à Atlanta. Les éléments du dossier sont détaillés sur le site du New York Times. Présent à Atlanta pour France Télévisions notre confrère Jean-Daniel Flaysakier a fait de même sur son blog docteurjd.com. Aux Etats Unis le site Slate.com a également fait une synthèse ainsi que, par nos soins, le pure player francophone Slate.fr. Sans oublier l’Agence France Presse.

The New York Times: “In Medical First, a Baby With H.I.V. Is Deemed Cured”. Slate.com: “Doctors: Baby Cured of HIV for First Time”. Plasticité de la langue anglaise quand la française réclame, en toute rigueur le recours aux guillemets protecteurs autour de « guérison ». Quelle guérison ? Qu’est-ce que guérir du sida ? On se souvient que d’autres conférences internationales furent médiatiquement « lancées » par d’autres annonces éminemment positives. Il s’agissait alors d’annoncer la (possibilité de la) fin de la pandémie. C’était en juillet dernier, à Atlanta déjà, comme nous l’avions rapporté sur Slate.fr   L’affaire fit long feu.

Aujourd’hui la communication concernant la guérison  n’a pas encore fait l’objet d’une revue médicale et scientifique avec comité de lecture. Elle n’en retient pas moins l’attention de tous les spécialistes de la lutte contre le sida. Résumons : l’affaire concerne un enfant actuellement âgé de deux ans et demi et qui était  né (dans une région rurale du Mississippi) infecté par le VIH. La mère n’avait pas été suivie médicalement durant sa grossesse. L’enfant ne montre plus aujourd’hui aucune trace de cette contamination. En l’état actuel des données de la littérature médicale c’est une première concernant les infections périnatales par le VIH. Peut-on pour autant parler de « guérison » ? La question reste pour l’heure ouverte.

Plus vraisemblablement durant l’accouchement

Les différents examens biologiques pratiqués à la naissance avaient parfaitement établi que l’enfant avait bien contracté cette infection in utero (ou plus vraisemblablement lors de l’accouchement). Le taux de l’infection était relativement bas. L’équipe médicale a alors décidé d’administrer au  nouveau né une association de trois médicaments antirétroviraux, et ce dès sa trentième heure de vie.

Vingt jours plus tard aucune trace de VIH n’était plus décelable dans le sang circulant de l’enfant. Il en est de même aujourd’hui, les seize examens biologiques pratiqués ayant tous conclu à une disparition du virus de son organisme. Les médecins ont perdu la trace de la fillette pendant de long mois et l’ont revue seulement à l’âge de vingt-trois mois. Ils ont appris à cette occasion qu’elle ne prenait plus de traitement depuis l’âge de dix-huit mois. Et en dépit de cet arrêt,  toujours pas de charge virale détectable dans le sang.

Guérison ? Le Dr Deborah Persaud (Université Johns Hopkins, Baltimore ) préfère parler ici de « guérison  fonctionnelle », une précision sémantique qui traduit l’incertitude des médecins et des virologues quant au véritable statut de cet enfant.  L’une des hypothèses est que le traitement antirétroviral très précoce  et (inhabituellement) intensif  a permis d’obtenir une éradication du virus de l’organisme. Le VIH n’aurait alors pas eu l’opportunité de gagner les sanctuaires (ou « réservoirs ») immunitaires au sein desquels il peut rester à l’état latent et reprendre ultérieurement sa réplication.

Des raisons pour persévérer

S’il est le premier à être décrit chez un nouveau-né ce cas n’est pas le premier dans la littérature. Une publication du New England Journal of Medicine datée de 1995 avait ainsi détaillé le cas de Timothy Brown, le « malade de Berlin » souffrant de leucémie, et qui avait reçu une greffe de moelle osseuse provenant d’un donneur génétiquement résistant au VIH. « Pour la pédiatrie, c’est notre Timothy Brown, a déclaré le Dr Deborah Persaud en parlant de cet enfant dont le nom n’a pas été dévoilé. C’est la preuve de principe que nous pouvons guérir l’infection par le VIH si nous pouvons reproduire ce phénomène. »

D’ores et déjà des travaux sont en cours pour lancer de nouveaux essais cliniques. Ils  viseront à modifier les protocoles thérapeutiques des nouveau-nés dont on découvre à la naissance qu’ils sont porteurs du VIH et qui n’ont pas pu être traité, avec leur mère, durant la grossesse.  Ceci ne saurait faire oublier que l’essentiel du combat pédiatrique planétaire concerne la prévention de la transmission du VIH in utero dans les pays (africains notamment) le plus touchés par une pandémie que l’on est bien loin d’avoir éradiquée. Une prévention désormais pleinement efficace et que l’on pourrait presque qualifier de guérison.

Mais ceci ne saurait, non plus, faire oublier que si la « preuve de principe » n’est pas une « démonstration » elle est aussi  l’espoir concret que cette démonstration est possible. Ce qui, le cas échéant, pourrait donner à ceux qui en manqueraient des raisons pour persévérer.