L’affaire Lubrizol: un formidable cas d’école de la décrédibilisation de la parole du pouvoir exécutif

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Yvon Robert, maire (PS) de Rouen, l’a affirmé le 1er octobre sur RTL: l’eau de sa ville est bel et bien «potable». Dans le même temps, il faut faire avec les odeurs, «difficiles à supporter à certains moments». En déplacement dans la ville normande, le Premier ministre Édouard Philippe a assuré que ces odeurs «ne sont pas nocives». Mais comment peut-on boire de l’eau du robinet quand l’air est insupportable à respirer?

«Je ne suis ni physicien, ni chimiste, nul ne peut tout savoir, dans ces domaines-là»a reconnu Yvon Robert, par ailleurs président de la métropole Rouen Normandie, avant de dire sa confiance «dans les techniciens, les scientifiques, les ingénieurs». (…)

A lire, sur Slate.fr : « Dans l’affaire Lubrizol, le gouvernement fait tout son possible pour ne pas être cru »

A demain @jynau

Homéopathie : jusqu’en 2018 Agnès Buzyn croyait qu’il s’agissait de «principes actifs»

Bonjour

C’est juré : jusqu’en août dernier, elle ignorait que l’on buvait de l’alcool dans les loges VIP. Il y a quelques jours la ministre des Solidarités et de la Santé faisait une nouvelle confidence, de taille, sur sa connaissance de l’homéopathie. Un éclairage a contrario sur les vertus de faire venir au sein de l’exécutif d’éminents acteurs de la société civile.

Il faut, pour bien comprendre, remonter au 12 avril 2018. Ce jour-là Agnès Buzyn est l’invitée du perfide Jean-Jacques Bourdin dans la matinale de RMC/BFM TV. Deux mois auparavant, dans Le Figaro le 19 mars, des médecins s’en étaient pris avec virulence à l’homéopathie. D’autres praticiens, plus que favorables à cette pratique, ont répliqué en portant plainte devant l’Ordre des médecins contre leurs confrères signataires.

Continuer à rembourser ou pas ? L’homéopathie continuera à être remboursée avait, en souriant, assuré Agnès Buzyn. Et ce même si c’est « probablement un effet placebo » (sic).  « Les Français y sont attachés, si cela peut éviter le recours à des médicaments toxiques (re-sic), je pense nous y gagnons collectivement …. ça ne fait pas de mal ! ». Et Mme Buzyn de précise que parmi les médecines « non conventionnelles » l’homéopathie était « aujourd’hui  la seule à être remboursée ». Tollé immédiat chez les militants de la médecine fondée sur les preuves. Embarras en haut lieu. C’était le début d’une longue et passionnante affaire médicale, pharmaceutique et politique (que nous rapportâmes ici-même et sur Slate.fr) – une affaire qui se conclut finalement, dans la douleur, par la programmation du déremboursement des spécialités homéopathiques.

Foie de canard et piscine olympique

Comment une ministre longtemps médecin hospitalier, puis accumulant les responsabilités à la tête d’institutions sanitaires avait-elle pu s’exprimer ainsi sur l’homéopathie ? Le Point (Thomas Malher et Géraldine Woessler) revient sur cet édifiant épisode dans un portrait élogieux consacré à la ministre : « Agnès Buzyn, la meilleure d’entre eux ?». « Incollable sur les techniques de greffe et les immunosuppresseurs, l’élève brillante d’est fait recaler sur les granules appréciées des Français » écrit Le Point.

« Je viens d’une spécialité traitant de maladies graves, et l’homéopathie n’était pas dans mon champ de vision, se défend Agnès Buzyn. Et, nous dit Le Point, elle jure : « Je croyais qu’on diluait un principe actif ». Vraiment ? Avant de découvrir, « consternée », « qu’on prend un extrait de foie de canard et qu’on le dilue dans une piscine olympique, qui elle-même est diluée à l’échelon de la galaxie ».  On comprendra qu’il s’agit ici d’une liquide métaphore hépatique et interstellaire qui fait l’économie du « mal contre le mal » et de la « dynamisation ». Une métaphore qui n’explique pas que ce dossier éminemment politique n’ait pas en amont été travaillé, comme il se devait, par son cabinet.

Le Point : « Assise toute droite dans le lumineux bureau de son ministère, face à la tour Eiffel, Agnès Buzyn s’anime, écartant les bras sur le mode : que vouliez-vous que je fasse ? ».  Agnès Buzyn : « Une fois que j’ai su, je ne pouvais plus lâcher prise, ou bien je perdais  toute crédibilité dans le champ médical ». On connaît la suite, qui vit la ministre (enfin) informée de son dossier politique ne plus lâcher prise et, ainsi, ne pas perdre de crédibilité dans le champ médical – du moins dans le champ qui ne soigne pas, parfois, grâce à l’homéopathie.

A demain @jynau

Jacques Chirac : fut-il, en mai 1987, le premier Premier ministre de la réduction des risques ?

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Un oubli ? Dans la somme considérable des hommages, biographies et souvenirs générés par l’annonce de la mort de Jaques Chirac, les médias généralistes ne font guère mention de son action, multiforme et parfois ambiguë, au service de la santé publique ; qu’il s’agisse (chez ce passionné d’automobile)  de la lutte contre la mortalité routière ou (chez cet ancien très grand fumeur) de la lutte politique contre le tabagisme. Ou de la restructuration de la lutte contre le cancer.

Il y a aussi un épisode qui reste à éclairer : la part de son action dans la publication du « décret Barzach du 13 mai 1987 ». L’épidémie du VIH fait alors des ravages chez les usagers de drogue par voie intraveineuse et Jean-Marie Le Pen vient de parler des « sidéens » et des « sidatoriums ». C’est alors que Michèle Barzach, ministre de la Santé parvient à obtenir du gouvernement Chirac une mesure majeure autant que mal comprise : la libéralisation de la vente des seringues dans les pharmacies françaises. Beaucoup verront ici la première mesure politique  «de réduction des risques».

En mai 1987 le décret fut signé par Jacques Chirac, Philippe Seguin, Edouard Balladur, Charles Pasqua et Michèle Barzach. Dans quelles conditions ? Existe-t-il vraiment une « légende noire du décret Barzach » ? La vérité est que  trente ans plus tard, cette politique continue à faire la preuve de son efficacité. Et que le concept de réduction des risques peine durablement à trouver sa place dans le champ politique français.

A demain @jynau  

Drogues, sardine et cages d’escalier : la réplique du Dr Lowenstein à Christophe Castaner

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Zéro hasard en Macronie. Le solennel déplacement du gouvernement à Marseille pour distiller médiatiquement les « cinquante-cinq mesures anti-drogues »  1 coïncidait avec le coup de barre « anti-bourgeois » d’Emmanuel Macron tricotant sur l’immigration 2. Nous publions ici le réplique du Dr William Lowenstein, président de SOS Addictions à Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur.

«  Vous venez de présenter cinquante-cinq mesures contre les stupéfiants accompagné de votre secrétaire d’Etat Laurent Nuñez, de Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la Justice et de Gérald Darmanin , ministre de l’Action et des Comptes publics. Comment justifiez-vous l’absence d’Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, et celle de Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Education nationale et de la Jeunesse ?

Au-delà de la pertinence de certaines des mesures annoncées nous comprenons que vous placez la barre plus haut encore que Richard Nixon et sa célèbre ‘’War on Drugs’’ . Votre cible : nettoyer « de l’international à la cage d’escalier », en finir avec le dysfonctionnement ravageur de l’Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants (OCRTIS). Objectif : construire une super Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA) – sans nous dire ce que devient l’actuelle. Sans oublier l’installation d’une antenne en République Dominicaine et, le meilleur étant toujours pour la fin, votre 55ème mesure : demander une plus grande complémentarité avec la Justice….

Dans quelle cage d’escalier, quelle cave, dans quel grenier ?

On peut aisément résumer votre discours : voilà un  « plan de plus » qui se refuse, une nouvelle fois, à intégrer la réalité de l’échec sécuritaire, sociale et sanitaire des stratégies prohibitionnistes coupées des volets médicaux, préventifs et de réduction des risques. 

« De l’international à la cage d’escalier » Voici une formule commerciale et bien attractive. Ce n’est qu’un formule. Elle remplace celle, aujourd’hui surannée, de la « tolérance zéro ». Il fallait bien vous trouver une phrase de nature à impressionner.

Reste la vérité internationale : que peut la France face aux productions et trafics internationaux ? Comment parviendrait-elle à réduire les volumes des productions toujours plus florissantes d’Amérique du Sud (cocaïne), d’Afghanistan (héroïne) et du Maroc (tout le monde connaît) ?

Reste, aussi, la vérité de la cage d’escalier : la meilleure option pour casser le marché serait de légaliser. Or votre secrétaire d’Etat nous affirme que « légaliser un cannabis à 7% de THC ne réglerait en rien le dossier ». Nous dira-t-il un jour dans quelle cage d’escalier, dans quelle cave, dans quel grenier il a puisé ce 7% ? Et quand il compte le régler, ce dossier ?

A dire vrai, monsieur le ministre de l’Intérieur, vous ne pouviez trouver meilleur place que celle de Marseille et de la Canebière pour pouvoir oser affirmer qu’avec ces mesures nous serons armés, de l’international à la cage d’escalier. Une cinquante-sixième mesure s’impose : la confiscation immédiate des bénéfices de cette sardine qui continue à boucher le Vieux Port. »

A demain @jynau

1 Plus précisément « Plan national de lutte contre les stupéfiants »  

2 Sur ce thème, sur Slate.fr : « À son tour, Macron s’abaisse à instrumentaliser l’immigration » de  Claude Askolovitch 

PMA pour toutes, veuves exceptées ? Comment Agnès Buzyn convaincra-t-elle les députés ?

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Voici donc l’histoire –édifiante– d’une profonde incohérence politique révélée par la révision de la loi de bioéthique.On sait que le gouvernement défendra dès le 24 septembre devant le Parlement l’extension aux couples de femmes et aux femmes seules l’accès aux techniques de procréation médicalement assistée, une mesure aussi appelée «PMA pour toutes».

La mesure a été votée le 11 septembre par la commission spéciale de l’Assemblée nationale, mais elle est contestée par celles et ceux estimant qu’une thérapeutique contre la stérilité ne saurait être mise en œuvre à d’autres fins sans danger et prise en charge par la collectivité. Des contestataires qui empruntent parfois les chemins esparpés de la religion catholique et invoquent la « malédiction » (François-Xavier Bellamy).

Dans une belle unité le gouvernement et les députés macroniens répondent, en substance, qu’il ne s’agit ici que de répondre à une nouvelle « demande sociétale », de gommer autant que faire se peut une forme de discrimination entre femmes et de ne pas établir de différence entre la stérilité pathologique d’un couple hétérosexuel et la situation des femmes seules ou homosexuelles. A l’unisson (ou presque) le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) explique que cette ouverture s’inscrit «dans une revendication de liberté et d’égalité dans l’accès aux techniques de PMA pour répondre à un désir d’enfant».

« Désir d’enfant » ? Qui pourrait résister ? Qui devrait ? On peut certes entendre la logique gouvernementale. Il est en revanche nettement plus difficile de comprendre comment le même gouvernement peut, dans le même temps, s’opposer à une demande s’inscrivant dans la même logique: celle de lever l’interdiction de la PMA post mortem….

A lire sur Slate.fr : « PMA pour toutes, sauf pour les veuves. Agnès Buzyn entend maintenir coûte que coûte l’interdiction faite aux femmes d’avoir accès aux spermatozoïdes de leur compagnon décédé conservés par congélation ou à leurs embryons. »

A demain @jynau

Malades mentaux : prédire leur passage à l’acte pour prévenir les fusillades de masse

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Aux portes de la folie politique, en écho de « 1984 » ou de « Minority Reports ». C’est un papier de Slate.fr (Claire Levenson) : « Trump veut faire surveiller les personnes atteintes de troubles mentaux » qui développe un sujet du Washington Post (William Wan) : « White House weighs controversial plan on mental illness and mass shootings ». Slate.fr :

« Après les récentes fusillades d’El Paso et de Dayton (trente-et-un morts au total), Donald Trump a préféré évoquer la question du rôle des troubles psychiatriques plutôt que celle de l’accès aux armes à feu. Le président américain avait déclaré juste après les événements: «C’est la maladie mentale et la haine qui appuient sur la gachette. Pas l’arme à feu.» Depuis, l’un de ses proches, l’ancien président de la chaîne NBC, Bob Wright, a proposé de lancer un programme de recherche sur la façon dont l’intelligence artificielle pourrait prédire le passage à l’acte violent de ce type de personnes.

« Afin de mener ces études à bien, des volontaires autoriseraient l’accès aux données de leurs smartphones. Il ne s’agit à ce stade que d’un projet, qui a été présenté au président Trump, à sa fille Ivanka et au ministre de la Santé, mais l’idée est déjà critiquée par plusieurs spécialistes. Interviewée par The Washington Post, une ancienne psychologue des services secrets américains explique que ce genre de technologie donnerait un nombre très élevé de fausses alertes et qu’il serait impossible de déceler les personnes potentiellement dangereuses. Elle ajoute que les recherches actuelles ne permettent pas d’établir de lien direct entre maladie mentale et fusillades de masse. »

Que dire de plus ? Que des études ont montré qu’un quart seulement des responsables de ces tueries était atteint d’un trouble psychiatrique ? Que d’autres facteurs sont partagés par ce genre d’individus: l’impression d’être victime d’injustice, le désir d’être célèbre, la volonté de copier d’autres massacres, un passé de violence conjugale, le narcissisme et l’accès aux armes à feu ? Qu’une étude sur la tuerie de Fort Hood en 2009, au cours de laquelle un commandant militaire avait tué quatorze personnes sur une base au Texas, avait conclu que les tentatives de prédiction de ce genre d’incidents étaient presque impossibles ?

L’intelligence artificielle pour prédire le « passage à l’acte » des « malades mentaux » et prévenir ainsi les « fusillades de masse » ? Et les enfermer pour plus de sûreté ? On pourra toujours soutenir qu’il ne s’agit ici que d’une opération comme une autre de réduction des risques. Combien de temps nous reste-t-il avant que l’exécutif d’outre-Atlantique puisse, sans frein, passer à l’acte ?

A demain @jynau

Cigarette électronique : la «maladie sans nom» progresse et inquiète outre-Atlantique

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C’est une nouvelle alerte lancée sur The Verge (Ashley Carman) : « More than 100 vapers have contracted a severe lung disease, per CDC » – er reprise en France sur Slate.fr (Thomas Messias) : « Le vapotage semble à l’origine d’une maladie pulmonaire inédite ». Une alerte dont nous nous étions fait il y a peu l’écho :  « Mystérieuse pathologie pulmonaire américaine: le vapotage est-il le coupable ou la victime ? ».

Aux États-Unis, les organismes de santé publique commencent à s’inquiéter. Entre le 28 juin et le 20 août, on leur a signalé 153 cas d’une mystérieuse maladie pulmonaire qui semble ne toucher que des utilisateurs et utilisatrices de cigarettes électronique. Les CDC dirigent actuellement une enquête dans les seize États où les cas ont été signalés. Cette maladie, qui se développe progressivement, se traduit par des difficultés respiratoires, un souffle court, ou encore des douleurs à la poitrine. Chez une partie des malades, on a aussi signalé une fatigue aiguë, ainsi que des problèmes d’ordre gastro-intestinal (vomissements et diarrhées). À l’heure actuelle, aucun décès n’est à signaler.

Le lien de cause à effet n’a toujours pas été démontré, mais d’après The Verge, toutes les personnes concernées seraient des utilisatrices de cigarettes électroniques. Plus précisément, elles auraient consommé des produits à base de THC/cannabis.

Mains de velours et gants de fer

Le CDC a rapidement publié un communiqué demandant aux membres du corps médical américain de reporter scrupuleusement chacun des nouveaux cas qui pourraient apparaître – et notamment de décrire précisément les symptômes et le type d’utilisation de la cigarette électronique. Quant à la Food & Drug Administration, elle enjoint également les utilisateurs et utilisatrices d’e-cigarettes à faire remonter d’éventuels problèmes de ce type via un formulaire à remplir en ligne.

« Encore dépourvue de nom, cette maladie inédite touche principalement des jeunes adultes et des ados, ce qui n’a rien d’une surprise étant donné la forte consommation de cigarettes électroniques chez les jeunes gens, souligne Slate.fr. Au sein de la population lycéenne, le vapotage a augmenté de 78% entre 2017 et 2018, rappelle The Verge, 27% des lycéens et lycéennes affirmant faire une utilisation régulière de la cigarette électronique. »

Il n’en reste pas moins vrai que rien n’est démontrer quant à la causalité. Et qu’en l’état des connaissances, désigner la « cigarette électronique » comme l’agent pathogène équivaut à confondre, volontairement, l’épée et le fourreau, les mains de fer et les gants de velours, le coupable et la victime.  

A demain @jynau

Face à l’épidémie de punaises de lit : les bras croisés de la Direction générale de la Santé

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C’est un superbe dossier de notre temps, à la frontière de l’exécutif et du sanitaire, de l’entomologie et de l’écologie. C’est aussi une affaire qui, étrangement, voit les services d’Agnès Buzyn rester comme étrangers à un sujet on ne peut plus politique. Comment la ministre des Solidarités et de la Santé ne perçoit-elle pas l’importance qu’elle se doit d’accorder à ce sujet ?  

A lire sur Slate.fr : « Les punaises de lit nous envahissent et le gouvernement ne fait rien »

A demain @jynau

Friandises au cannabis, vodka radioactive: comment maximiser au mieux les risques

Bonjour

Est-ce une version moderne de l’entrée perverse et précoce dans la dépendance ? Un objet pour spécialistes de collapsologie ? Après les antiques « cigarettes au chocolat » (interdites depuis moins longtemps qu’on le croit) voici les « bonbons au cannabis ». L’émergence de ce nouveau risque est signalée non par l’exécutif mais, via une lettre au Lancet, par le centre antipoison et de toxicovigilance de Paris. « Marketing of legalised cannabis: a concern about poisoning ».

Exposant le cas d’une jeune femme récemment intoxiquée en région parisienne après une consommation de bonbons au cannabis fortement dosés en tétrahydrocannabinol (THC), le centre antipoison de Paris met publiquement en garde contre les dangers de ces produits, en particulier pour les enfants. Interviewé par Medscape édition française (Vincent Richeux) le Dr Jerôme Langrand, premier auteur, précise les risques pour les plus jeunes de ces produits, « y compris les liquides pour cigarettes électroniques contenant du THC ».

Gâteaux, mais aussi boissons, barres chocolatées, miel, bonbons de toute sorte ou encore liquides de cigarette électronique peuvent être enrichis en THC rappelle Medscape.  Aux Etats-Unis on assite (là où le cannabis à usage récréatif est autorisé) à une multiplication des produits à base de cannabis. Et en dépit des mesures de prévention (contraignant les fabricants à fabriquer des sachets difficiles à ouvrir pour des enfants) les cas d’intoxication pédiatriques au cannabis se multiplient outre-Atlantique.

En France, on le sait,  ces produits sont totalement interdits. Mais on sait aussi à quel point il est aisé de s’en procurer – à commencer par les « bonbons au cannabis », régulièrement en cause dans des intoxications de jeunes américains.

« Ce type de produit étant très attrayant pour les enfants, il est extrêmement dangereux d’en avoir chez soi. Il convient d’être vigilant, d’autant plus qu’on se retrouve face à une industrie qui se comporte comme celle du tabac dans les années 1950, en entretenant une image positive pour un produit toxique », commente pour Medscape édition française, le Dr Jerôme Langrand, du centre antipoison et de toxicovigilance de Paris.

Le cas rapporté dans The Lancet est celui d’une jeune adulte ayant goûté des bonbons-pastilles contenant 3,5 mg de THC. La jeune femme avait également consommé de l’huile de cannabis très concentrée (85% de THC). Elle a été prise en charge pour un malaise avec tachycardie sévère.  « Tout produit toxique potentiellement attractif pour l’enfant représente un danger. On avait déjà alerté sur le risque que représentent les mini-doses de lessive liquide, après des cas d’ingestion. Dans le cas du cannabis, il y a des décès chez l’enfant après consommation de boulettes de shit. On peut aisément imaginer le risque avec des bonbons au THC », souligne le Dr Langrand. Et ce dernier de faire le rapprochement avec … le danger potentiel des liquides pour cigarette électronique contenant du THC.

Entre 2010 et 2018, la moitié des cas d’intoxication par liquide de e-cigarette enregistrés par le centre antipoison parisien concernaient de jeunes enfants. « En général, les enfants se mettent à sucer les cartouches contenant le liquide. Souvent la quantité ingérée est faible, mais suffisante pour provoquer une intoxication à la nicotine », précise le Dr Langrand. Si les cartouches avaient contenu en plus du THC, « on aurait eu des intoxications sévères chez ces enfants », avertissent les auteurs. « Le risque de graves intoxications associé aux produits contenant du THC doit être envisagé et des mesures plus restrictives concernant ces nouveaux produits devraient être recommandées dans les pays qui prévoient de légaliser le cannabis, estime-t-il.Si on en vient à légaliser un jour le cannabis en France, il faudra être très vigilant sur l’accès à ces produits. »

Humour britannique et slavitude ukrainienne

Il faudra aussi faire preuve de la plus grande vigilance avec « Atomic », la première vodka élaborée sur le site de Tchernobyl ; trente-trois ans (sic) après la catastrophe que l’on sait.  L’affaire vient d’être rapportée par la BBC : (Victoria Gill) « Chernobyl vodka: First consumer product made in exclusion zone » et reprise par Le Monde (Maureen Songne) : « Atomik, la première vodka made in Tchernobyl ». On retrouvera là un parfum de slavitude, cette exacerbation de la sensibilité qui pousse à boire et à chanter – parfois à écrire pour se sauver 1.

Le breuvage alcoolique, apprend-on, est proposé par une équipe de scientifiques (re-sic), la « Chernobyl Spirit Company », constituée de « chercheurs britanniques et ukrainiens ». Fabriqué à partir de grains de seigle et d’eau provenant de la zone d’exclusion autour de la centrale nucléaire V.I. Lénine, cet alcool est le premier produit de consommation provenant des environs immédiats du réacteur de célèbre mémoire.

« L’équipe de chercheurs a travaillé plusieurs années dans la zone d’exclusion pour étudier comment l’environnement avait évolué depuis la plus grave catastrophe nucléaire du XXe siècle. C’est ainsi que le projet Atomik a débuté, avec le lancement d’une plantation dans une ferme située dans la zone, rapporte Le Monde. Après avoir distillé des grains de seigle légèrement radioactifs et de l’eau provenant de l’aquifère de Tchernobyl, des tests ont été conduits sur le résultat par l’Institut hydro-météorologique d’Ukraine, les laboratoires géologie des universités de Southampton et de Portsmouth, ainsi qu’un laboratoire indépendant de tests de vin et d’alcool, précise l’université de Portsmouth sur son site Internet. »

Résultat ? « Il n’y a pas plus de radioactivité que dans n’importe quelle autre vodka » (re-re-sic), se félicite le Pr Jim Smith, de l’université de Portsmouth et membre de la Chernobyl Spirit Company. Toujours selon le Pr Smith, le projet de la Chernobyl Spirit Company ne vise pas uniquement à faire du profit en vendant la vodka « Atomik ». L’essentiel des profits sera redistribué aux habitants vivant autour de la zone d’exclusion, qui souffrent d’une situation économique toujours difficile.

On ne sait pas, vu de France, s’il faut entendre les propos du  Pr Smith comme une forme moderne du traditionnel humour britannique.

A demain @jynau

1 Sur ce thème le remarquable « J’aurais pu finir fou, j’ai préféré écrire des livres » de l’étonnant Laurent SagalovitschSlate.fr, 7 août 2019 — 

Polémique éthique : les «mères lesbiennes» seront-elles, en France, «montrées du doigt» ?

Bonjour

Non, le débat ne « s’apaise pas ». En marge de la polémique sur la destruction des stocks de gamètes et d’embryons, un collectif de responsables associatifs, dans une tribune militante publiée par Le Monde 1, juge injustifiable que la « déclaration anticipée de volonté », prévue par le projet de loi bioéthique, ne soit pas étendue « à tous les enfants conçus par don » de cellules sexuelles ou d’embryon. A quel titre ? De quel droit ?

A priori l’apaisement était là : le projet de loi ouvre la pratique de l’insémination artificielle avec sperme de donneur « à toutes les femmes » et  il propose un dispositif permettant aux couples de femmes d’établir la filiation à l’égard des enfants conçus par don de gamètes – et ce via une « déclaration anticipée de volonté » signée par le couple dès le consentement au don de sperme. Objectif :  sécuriser la double filiation avant même la naissance de l’enfant, ne pas établir de hiérarchie entre la mère qui accouche et la femme qui n’accouche pas.

Refaire l’histoire

« Appelée de nos vœux, cette déclaration commune de volonté permettra de reconnaître l’engagement parental comme fondement commun de la filiation des deux mères, écrivent les signataires. En portant la mention sur l’acte intégral de naissance de l’enfant, l’Etat signifie à celui-ci qu’aux yeux de notre droit ses deux mères sont parfaitement à égalité de statut et de droits. »

Dès lors pourquoi cette tribune ? Tout simplement parce que le gouvernement n’a pas « étendu ce dispositif aux couples de sexe différent » ? Pour ne pas « toucher au dispositif actuel pour les parents hétérosexuels ». Et les signataires de refaire l’histoire de leur grief :

« On se souvient que, en cas de recours au don, la filiation a été instaurée en 1994 selon les modalités de la filiation dite « charnelle », dans le but avoué de permettre aux parents de se faire passer pour les géniteurs de l’enfant. Le recours au don de gamètes était alors marqué du sceau du secret médical, considéré comme relevant de la vie privée des parents. Mais, aujourd’hui, la société a évolué et chacun reconnaît que l’enfant a droit à la vérité de son histoire et de son identité personnelle. »

Ils ajoutent que « certains poussent des cris d’orfraie » en affirmant que les enfants conçus par don seraient « stigmatisés » si la mention de cette déclaration était portée sur l’acte intégral de naissance. Ces militants visent notamment, sans les nommer, les médecins, pharmacien·es, psychologues et spécialistes des métiers de la santé des Centres d’étude et de conservation des œufs et du sperme humains (Cecos) 1.

Ces soignants ont d’ores et déjà exprimé avec force  leur «opposition à toute proposition de loi» qui les «rendrait complices d’une discrimination et d’une stigmatisation des enfants conçus par don au travers de l’inscription sur l’acte de naissance intégral du mode de conception».Estimant qu’une telle disposition les rendrait «complices de discrimination» et de «stigmatisation» des enfants conçu·es à partir d’un don de cellules sexuelles, ces spécialistes ont saisi le Conseil national de l’Ordre des médecins.

Au départ le gouvernement hésitait entre deux scénarios. Le premier prévoyait une mention à l’état civil de la manière dont la filiation de l’enfant a été établie pour tous les couples ayant recours à une procréation médicalement assistée avec tiers donneur de cellules sexuelles. Il s’agissait d’établir une «déclaration commune anticipée de filiation» devant un notaire. Le document était ensuite transmis à l’officier d’état civil et mentionné sur la copie intégrale de l’acte de naissance –  et ce qu’il s’agisse d’enfants né·es au sein de couples homosexuels ou hétérosexuels.

Secret, mensonge, sentiment factice de honte

Le second scénario prévoyait que ce dispositif ne concernerait que les couples de femmes, afin de laisser la possibilité ultérieure aux couples hétérosexuels de dévoiler (ou non) son mode de conception à l’enfant. Après passage de l’avant-projet de loi devant le Conseil d’Etat c’est cette dernière option qui a été retenue et qui sera proposée au vote du Parlement. Et c’est ce qui a déclenché l’ire des signataires de la tribune:

« La réalité est que le stigmate a été entièrement construit, artificiellement, par la logique toujours en place du secret et du mensonge. Voilà comment créer un sentiment factice de honte. Il est temps de sortir de cet héritage d’allégeance au modèle ‘’biologique ‘’ qui n’a fait que du mal [sic], et de revendiquer que les familles issues de don sont des familles tout aussi dignes que les autres.

« Aujourd’hui, les personnes conçues par don sortent de l’ombre où elles étaient maintenues. Lorsqu’une centaine d’entre elles témoignent nominativement dans une tribune publiée dans Le Monde daté du 5 juin, soutenues par leurs proches et par 150 personnalités, elles disent haut et fort qu’elles ne portent aucun stigmate et qu’elles veulent connaître leurs origines. Un point c’est tout. »

Il est injustifiable que le dispositif de « déclaration anticipée de volonté » ne soit pas étendu à tous : pour le même geste médical, le dispositif de filiation variera en fonction de l’orientation sexuelle des parents ! Seuls les enfants des familles composées de deux mères auront une garantie d’accès à leur histoire et à leurs origines. Le maintien du dispositif d’établissement de la filiation à l’égard des parents hétérosexuels a pour but, de l’aveu même du Conseil d’Etat, de permettre de ne pas révéler le recours au don à l’enfant, pourtant premier concerné.

C’est là faire bien peu de cas des arguments des professionnels des Cecos – arguments développés auprès de Slate.fr 2 par la Pr Nathalie Rives, présidente de leur Fédération. Por elle il s’agit d’une opposition essentielle, fondamentale, de nature éthique et démocratique:

«Comment peut-on imaginer faire figurer, sans grands dangers, un mode spécifique de conception d’une personne sur les registres d’état civil, demande-t-elle. Si le recours à un donneur de sperme est implicite pour les couples de femmes, il en va différemment pour les PMA réalisées pour les couples hétérosexuels –des PMA qui sont pratiquées pour des raisons médicales ayant à voir avec la stérilité, l’hypofertilité ou la transmission d’une pathologie génétique.»

 Le Conseil d’Etat use quant à lui d’autres mots : « La solution, qui fait coexister deux modes d’établissement de la filiation distincts, traduit deux philosophies différentes selon que le couple ayant recours au don est de même sexe ou non, la première reposant sur le rôle accru de la volonté, la seconde sur le mimétisme avec la procréation charnelle.»

Les signataires militants de la tribune ne veulent rien entendre : « Quand on défend un projet de loi qui maintient une filiation pseudo-charnelle pour les parents hétérosexuels qui recourent au don, on commet une double faute : on traite à part les mères lesbiennes et leur famille au risque de les montrer du doigt, on discrimine les enfants de parents hétérosexuels en leur refusant une garantie d’accès à leurs origines ». Il faut donc, selon eux, impérativement amender ce projet de loi et étendre la « déclaration anticipée de volonté » à tous les enfants conçus par don.

On pourrait aussi abandonner toute forme de déclaration anticipée... Non, et contrairement aux souhaits réitérés d’Emmanuel Macron, le débat n’est pas « apaisé ».

A demain @jynau

1 « Bioéthique et filiation : ‘’Ne montrons pas du doigt les mères lesbiennes’’ » Signataires : Anne Abrard, présidente de Les Cigognes de l’espoir ; Vincent Brès, président de PMAnonyme ; Jean-Bernard Geoffroy, président du Ravad ; Frédérick Getton, président de Centr’égaux ; Valérie Leux, présidente de Stop homophobie ; Larissa Meyer, présidente du Réseau Fertilité France ; Sandrine Ngatchou, présidente de l’Utasa ; Lennie Nicollet, président d’Homosexualités et socialisme ; Laëtitia Poisson-Deleglise, présidente de l’association MAIA ; Denis Quinqueton, codirecteur de l’Observatoire LGBT+, de la Fondation Jean-Jaurès ; Alexandre Urwicz, président de l’Association des familles homoparentales.

2 Lire : «  Loi ‘’PMA pour toutes’’, les mesures à l’origine de la colère du corps médical ». Le volet «De la filiation par déclaration anticipée de volonté» est vivement remis en cause par les membres des centres d’étude et de conservation des œufs et du sperme humains (Cecos). Slate.fr 25 juillet 2019