Gilets Jaunes et «LBD 40»  : graves fractures mandibulaires, perte possible du globe oculaire

Bonjour

Nous vivons des temps où la violence et ses conséquences émergent sous de nouvelles formes. A commencer par celles des désormais tristement célèbres LBD 40 – LBD pour «lanceur de balle de défense» (sic). Ce « lanceur » utilisé dans les unités de la police nationale française, est fabriqué par l’armurier suisse Brügger & Thomet. « Il utilise deux types de munition de 40 mm de diamètre, précise Le Quotidien du Médecin (Damien Coulomb). La puissance à l’impact est de 160 joules, pour des distances opérationnelles de 10 et 30 m ou de 25 et 50 m, selon la munition utilisée. À titre de comparaison, une balle de tennis servie à 200 km/h délivre une puissance de 90 joules. » Et à ce titre le LBD 40 alimente un polémique croissante  comme en témoignent les blessures causées par les forces de l’ordre lors des manifestations des Gilets Jaunes.

 « La principale difficulté est que ces blessures sont annoncées par des hématomes et non par des plaies ouvertes, ce qui les rend plus difficiles à diagnostiquer », a expliqué au Quotidien le Pr Pierre Carli, président du Conseil national de l’urgence hospitalière (CNUH) et patron du SAMU de Paris. Le Pr Carli mène  actuellement un travail de recueil et d’analyse des blessés par LBD  traités par les services d’urgence en France. « Le but est de produire des protocoles visant à améliorer la prise en charge », explique-t-il. Les résultats sont attendus au cours de l’année 2019. Un travail qui complètera celui, méthodique, de l’écrivain et documentariste David Dufresne. « Vigie des violences policières, il recense et signale sur Twitter les blessés par les forces de l’ordre lors des manifestations des ‘’gilets jaunes’’, dit de lui Le Monde (Zineb Dryef). Il dénonce la répétition d’un mensonge d’Etat.

Le Quotidien a aussi interrogé la Pr Chloé Bertolus (service de chirurgie maxillo-faciale, hôpital de la Pitié-Salpêtrière AP-HP). Elle  dénombre à ce jour seize traumatisés faciaux hospitalisés dans les hôpitaux de l’AP-HP depuis le début des manifestations des Gilets Jaunes. Delon elle les LBD  « sont des armes non létales mais pas inoffensives » :

« Ces blessures sont des fractures comminutives mandibulaires ou du zygoma, avec une plaie en regard, mais sans pertes de substance comme on pourrait l’observer avec des armes à feu. Elles s’apparentent à des fractures obtenues suite à un choc par un objet contondant. Les blessures les plus délabrantes concernent l’orbite, avec une possible perte du globe oculaire. »

La prise en charge chirurgicale implique une opération de trois heures minimum pour une fracture isolée de la mandibule. « Certains patients ont eu des blocs beaucoup plus longs, et auront d’autres interventions chirurgicales » précise le Pr Bertolus.

David Dufresne vient quant à lui, sur le site de Médiapart, de dresser un état des lieux de l’ensemble des blessures occasionnées par les forces de l’ordre. Il estime que depuis le début du mouvement des Gilets Jaunes les LBD seraient à l’origine d’une « centaine de blessures à la tête sur toute la France » – dont 18 éborgnements.

On ajoutera cet extrait de l’exposé des motifs d’une proposition de loi présentée par seize sénatrices et sénateurs « visant à interdire l’usage des lanceurs de balles de défense dans le cadre du maintien de l’ordre » :

« Depuis l’acte I des gilets jaunes (le 17 novembre 2018) le bilan ne cesse de s’alourdir. Deux mille blessés chez les manifestants, environ un millier parmi les forces de l’ordre, selon le ministère de l’Intérieur. Selon plusieurs observateurs, spécialistes du maintien de l’ordre, on dénombrerait, au 17 janvier, une centaine de blessés graves, parmi lesquels 71 liés à des tirs de lanceurs de balles de défense (LBD), pour nombre d’entre eux irréversibles.

«Le volume de tirs d’armes dites « intermédiaires » « à létalité réduite » ou encore « sublétales » a atteint un niveau historique ces dernières semaines. Pourtant, le Gouvernement persiste à nier l’évidence. La réponse des forces de l’ordre aurait été « proportionnée aux violences des manifestants » selon l’exécutif. En balayant la moindre critique, le ministre de l’Intérieur s’avance avec imprudence, avant même les conclusions des enquêtes judiciaires diligentées à la suite de blessures.

«L’Inspection générale de la Police nationale (IGPN), la police des polices, saisie des enquêtes les plus graves, comptait 81 procédures judiciaires au 15 janvier. ‘’Quand il y a des yeux perdus ou des blessures graves, il est nécessaire de se poser des questions, explique un membre de l’inspection. Il faut se réinterroger régulièrement sur la pratique et le régime juridique des armes intermédiaires.’’ 

Au contraire, le Gouvernement persiste et signe. Fin décembre, le ministère de l’Intérieur a passé commande de 1280 nouveaux LBD sur quatre ans. »

A demain

@jynau