Hugo Lloris inculpé pour ivresse au volant : le football, la célébrité, la fatalité. Et après ?

Bonjour

En France les médias radiophoniques font mine de s’indigner. Lui ? Le « gendre idéal » ? Lui, le « portier vainqueur du Mondial » ? Les faits : Hugo Lloris, 31 ans, a été inculpé pour conduite en état d’ivresse par la police de Londres (Metropolitan Police). Le gardien tricolore et du club de Tottenham a été contrôlé vers 2 h 20 le vendredi 24 août  dans le centre de Londres. Un « test de routine « qui a permis de détecter qu’il conduisait en état d’ivresse –  selon le quotidien britannique The Sun.

Le gardien a passé sept heures au commissariat situé près de Charing Cross à Londres. Il aurait même passé quelques heures en cellule de dégrisement afin de retrouver ses esprits, selon le média britannique. Il est finalement ressorti libre avoir dû se plier au prélèvement de ses empreintes digitales, de son ADN et à des photographies d’identité judiciaires.

Puis le « gendre idéal » a présenté ses excuses : « Je tiens à m’excuser de tout cœur auprès de ma famille, du club, de mes coéquipiers, du manager et de tous les supporteurs. L’alcool au volant est totalement inacceptable, j’assume l’entière responsabilité de mes actes et ce n’est pas l’exemple que je souhaite donner. »

« Bagatelle »

En Angleterre le taux légal d’alcoolémie au volant (à ne pas dépasser) est de 0,8 g par litre de sang –  0,5 g en France. Un autre quotidien britannique, le Daily Mail, précise que Lloris a dîné au « Bagatelle », un restaurant franco-méditerranéen du quartier de Mayfair, en compagnie de deux autres joueurs qui évoluent à Londres, un autre champion du monde, Olivier Giroud (Chelsea), et Laurent Koscielny (Arsenal), absent du tournoi russe pour cause de blessure. Le journal a publié une photo postée sur Instagram par le DJ Alexandre Billard qui pose avec les trois Bleus.

Hugo Lloris sera convoqué le 11 septembre prochain devant le tribunal de Westminster pour répondre de ses actes. Côté français on temporise :  « c’est une affaire privée qui n’aura pas d’incidence sur le prochain rassemblement de l’équipe de France » a confié la Fédération française de football auprès de  l’AFP.  Noël Le Graët, son président, évoquera cet « incident » avec le capitaine de la sélection à l’occasion de ce rassemblement de septembre. Capitaine en sélection comme en club, Hugo Lloris est unanimement décrit par ses coéquipiers comme un joueur respecté, dont la parole est rare mais forte. Mais sans excès, d’aucun type.

On lira le long entretien qu’il a accordé à L’Equipe (Vincent Duluc). Un entretien publié dans l’édition datée du 24 août. Un entretien intitulé « Le film de ma vie défile ». Mis en kiosque quelques heures après le contrôle londonien post-Bagatelle Un incident. Certes. La fatalité, le football, la célébrité. Et après ?

A demain

 

GPA : lettre à Edouard Philippe et la tragique histoire d’une mère porteuse britannique

Bonjour

Une lettre ouverte  comme un symptôme éclairant dans monde de plus en plus marchand. Elle vient d’être adressée à Édouard Philippe, Premier ministre. Des intellectuels renommés (la philosophe Sylviane Agacinski, la psychanalyste Marie Balmary, les écrivaines Eliette Abecassis ou Alice Ferney) et une vingtaine d’associations y réclament l’interdiction du démarchage commercial opéré, en France, par une agence américaine spécialisée dans la promotion de la gestation pour autrui (GPA) – et ce au mépris de la loi française qui, précisément, l’interdit.

« Monsieur le Premier ministre, écrivent les signataires, nous souhaitons attirer votre attention sur une situation qui nuit profondément aux droits des femmes et des enfants et qui est en contradiction avec notre législation. À la veille du débat, à l’Assemblée nationale, de la loi sur les violences sexuelles et sexistes, et alors que la lutte contre les violences faites aux femmes est grande cause nationale, une agence américaine vient faire la promotion de ses services dans diverses villes de France, à travers des conférences gratuites-cocktail (sic). Non seulement cette agence propose la GPA mais aussi la sélection du sexe de l’enfant, pratique éminemment sexiste et misogyne, elle aussi interdite en France. »

En être pour ses frais

Dans le même temps un fait divers, également éclairant. Une mère porteuse britannique est actuellement poursuivie par un « commanditaire homosexuel ». Il l’accuse de lui avoir « volé » son petit garçon et de l’avoir empêché d’assister à l’accouchement. Une affaire rapportée par The Daily Mail : « Surrogate mother is sued by gay father who claims she ‘stole’ his baby boy by barring him from birth and refusing to hand over the child when his partner who was in his 70s died ». Et par The  Sun : « Baby Battle :  Gay dad sues surrogate mum after she kept baby after the birth ».

« Les commanditaires de cette gestation pour autrui étaient deux hommes, âgés d’une trentaine d’années pour le premier et d’environ 70 ans pour le second, résume le site Gènéthique. Ils avaient rencontré la mère par le biais d’une agence de GPA. Elle avait accepté d’être inséminée par le plus jeune des deux hommes. L’homme de 70 ans étant décédé avant la naissance, la femme a refusé de donner l’enfant, arguant que « l’enfant n’était plus destiné à un couple amoureux » et qu’elle « avait tissé un lien avec l’enfant lorsqu’elle était enceinte ». Elle estime faire le bon choix pour l’enfant.

Pour le commanditaire, au contraire, la mère a « enfreint les termes de leur contrat ». A cette nuance près, souligne le site français, que « la loi britannique considère toujours la mère porteuse comme une mère, ce qui lui donne le droit de garder l’enfant ». Sur le site web du gouvernement britannique, on peut ainsi lire : « les contrats de gestation pour autrui ne sont pas garantis par la loi britannique, même si vous avez un contrat signé avec votre mère porteuse et que vous avez payé ses frais ».

A demain

1 « Monsieur le Premier ministre, défendez les femmes et les enfants contre la marchandisation des êtres humains ! » Blog du Collectif pour le Respect de la Personne  (CoRP), 13 mai 2018.

L’épidémie de burkini n’existe pas. C’est une mascarade doublée d’une fantasmagorie

 

Bonjour

« D’habitude l’étrange circule discrètement sous nos rues. Mais il suffit d’une crise pour que, de toutes parts, comme enflé par la crue, il remonte du sous-sol, soulève les couvercles qui fermaient les égouts et envahisse les caves, puis les villes. Que le nocturne débouche brutalement au grand jour, le fait surprend chaque fois ? Il révèle pourtant une existence d’en dessous, une résistance interne jamais réduite. Cette force à l’affût s’insinue dans les tensions de la société qu’elle menace. » 1

 Il y eu les « Possédées de Loudun » Nous avons le burkini. A Loudun Urbain Grandier fut brûlé. Nous inventons le burkinisées, nos nouvelles pestiférées. Loudun sur la fracture protestante. Aujourd’hui une France qui, devant ses écrans, cherche la bagarre et ses identités,  Des politiques qui s’époumonent à tweeter. Guy Debord réincarné.

Fumet des égouts

Pour Michel de Certeau l’étrange « remontait du sous-sol » et « soulevait les couvercles » qui fermaient les égouts. Aujourd’hui le burkini est sur les plages. Il ne sort pas de l’eau mais entend pouvoir y entrer. Et pourtant les couvercles se soulèvent. On perçoit déjà, ici et là, le fumet des égouts, ceux d’un été avarié.

Aujourd’hui à Paris, conclave des hermines du Conseil d’Etat pour dire si le burkini peut être interdit sur le sable enchanteur de quelques bourgades méditerranéennes. Dire le droit administratif même si ce droit est sans objet. Ce qui est le cas puisque le burkini n’existe pas. Il n’a jamais existé à Cisco, en Corse, comme vient de le démontrer Le Canard Enchaîné (24 août 2016). Il est introuvable, en France comme en témoignent, sur Slate.fr, (Fanny Arlandis) les meilleurs photographes des agences de presse : «On écrit pas mal de choses sur le burkini mais nous n’en avons pas vu beaucoup».

Absurde et édifiant :

 « Reuters met à disposition trois images réalisées en 2007, en Australie. L’AFP propose des photos prises en Tunisie, en Algérie ou également en Australie, sur des plages ou dans une boutique de vêtements. Et Associated Press n’a qu’une image prise en France, une capture d’écran d’une vidéo prise en août à Marseille.

 « Nous avons envoyé des photographes sur les plages, notamment à Cannes et à Nice, «mais jusqu’à présent, aucun d’eux n’a pu voir de femmes en burkini. Et nous ne pouvons pas mettre des photographes en permanence sur toutes les plages», explique Fancis Kohn, directeur de la photo à l’AFPAssociated Press met en avant la même raison: il faut «être très chanceux pour trouver une femme se baignant en burkini», explique Laurent Rebours, chef du service photo de l’Associated Press à Paris. (…)

« Certain(e)s photographes ont cependant réalisé des reportages sur le sujet. C’est le cas de France Keyser, envoyée par Libération à Marseille le 16 août. Cette dernière raconte s’être rendu «sur la plage des Catalans. C’est une plage où tout le monde va, avec une vraie diversité de personnes. Comme pour n’importe quel reportage, je vais discuter avec les gens avant de faire les photos car je photographie au 35 mm. Des femmes ont accepté que je les photographie sur la plage et lorsqu’elles se baignaient en burkini». (…)

« France Keyser a publié sur le site de l’agence Myop cinquante-neuf photos issues de ce reportage (les images sont visibles ici), mais ces femmes n’étaient que «trois, sur des centaines de personnes». »

Huiles politiques

 Le burkini n’existe pas mais avec toutes ces huiles politiques sur le feu médiatique il pourrait bien vite exister. Une nouvelle version, millésime 2016, de la prophétie épidémique auto-réalisatrice.  Une fantasmagorie en somme, cet art de faire voir des fantômes par illusion d’optique. On peut aussi y voir une farce, comme avec ce formidable papier (texte et photos) du Daily Mail :  :“Get ’em off! Armed police order Muslim woman to remove her burkini on packed Nice beach – as mother, 34, wearing Islamic headscarf is threatened with pepper spray and fined in Cannes”.

Une farce ou une mascarade, cette mise en scène fallacieuse(« Seul il marchait tout nu dans cette mascarade Qu’on appelle la vie » – Alphonse de Musset). On raconte qu’à la fin du règne d’Henri IV (et sous Louis XIII) la mascarade se confondit avec le ballet-mascarade, puis avec le ballet à entrées, tout en s’en distinguant par son caractère burlesque. C’est à cette époque que l’étrange, enflé par la crue d’une crise, commença à soulever les couvercles, à envahir les caves.

C’est alors qu’il fallu, pour calmer les Possédées, brûler le prêtre Urbain Grandier.

A demain

 Michel de Certeau en introduction de « La possession de Loudun » (Gallimard/Julliard):

Burkini et femmes burkinisées. Etes-vous plutôt proche du Figaro ? Pencheriez-vous pour Libé ?

Bonjour

Jeudi 25 août 2016. Canicule sur la France. Climatisé ou pas le Conseil d’Etat tient aujourd’hui une audience capitale sur le burkini. Il y a quelques jours encore on aurait cru à une galéjade, à un poisson d’avril des antipodes. Aucune farce, ici, mais bien plutôt une tragique mascarade comme l’observe le Daily Mail à la vue des images de femmes verbalisées pour le port d’un simple voile sur la plage, à Cannes et à Nice :“Get ’em off! Armed police order Muslim woman to remove her burkini on packed Nice beach – as mother, 34, wearing Islamic headscarf is threatened with pepper spray and fined in Cannes”. Se faire donner des leçons par ce tabloïd…

Une droite qui cingle vers ses extrémités – comme Nicolas Sarkozy 1.Une fraction de la gauche qui soutient cette droite-là. Des féministes comme toujours déchirées. Comment s’y retrouver ? Deux éditoriaux datés du 25 août aident ici à ne pas perdre le Nord. Deux éditoriaux. Les premier est celui du Figaro. Il est signé Yves Thréard et ne brille pas par son titre. Le voici :

« Burkini ? Burki non

« Le burkini peut-il être interdit? On attend avec impatience la réponse du Conseil d’État. Plusieurs maires ont pris, cet été, des arrêtés contre le port du maillot de bain islamique sur leur commune. Immédiatement, la polémique a fleuri. Les recours en justice aussi. Si la plus haute juridiction administrative donne raison aux élus concernés, il sera en principe inutile de légiférer. Si tel est le cas, l’affaire aura été rondement menée. Tant mieux.

 « Le pire serait que le débat s’éternise et se fourvoie dans des considérations totalement étrangères à cette scandaleuse tenue. La laïcité et la religion sont ici hors sujet. Le burkini n’est pas une prescription coranique, mais la énième manifestation d’un islam politique, militant, destructeur, qui cherche à remettre en question notre mode de vie, notre culture, notre civilisation.

 « Voile à l’école, prière de rue, menu scolaire halal, apartheid sexuel dans les piscines, les hôpitaux, les auto-écoles, niqab, burqa… Depuis trente ans, cet entrisme met à mal notre société, cherche à la déstabiliser. Il est temps de lui claquer la porte au nez. Youssef al-Qaradawi, célèbre prédicateur égyptien, jadis conférencier en France avant d’être interdit de territoire, avait prévenu: «Avec vos lois démocratiques, nous vous coloniserons.» Par notre indifférence autant que par notre naïveté, nous avons longtemps été les complices de cette funeste et sournoise entreprise. Nos répliques, quand il y en eut, ont été trop tardives. Certaines ne sont appliquées qu’à dose homéopathique: ainsi en va-t-il du voile intégral sur la voie publique.

 « Aucun accommodement ne doit plus être possible. Il est d’ailleurs intolérable que ceux qui crient à la «stigmatisation» des musulmans soient les mêmes qui s’indignent des inégalités persistantes entre les hommes et les femmes en France.

 « Lucidité et fermeté doivent enfin triompher. Semeurs de discorde et prosélytes d’un ordre aussi archaïque doivent être verbalisés, condamnés, expulsés. Notre liberté est en jeu. »

 Deux éditoriaux. Le second est celui de Libé. Il est signé de Laurent Joffrin. Son titre est limpide. Le voilà :

« Le mal de mer

« Les lois stupides n’ont d’autre effet que d’ajouter aux malheurs de la cité. Et de déboucher, inéluctablement, sur des situations scandaleuses. Ainsi dans un pays de liberté, des policiers venus en nombre ont chassé d’une plage une jeune femme qui n’avait commis d’autre crime que de marcher sur le sable avec un foulard et un pantalon. Outre l’opprobre public infligé par des pandores à moitié convaincus et qui avaient à coup sûr mieux à faire, elle a dû subir une bordée d’insultes racistes proférées par une poignée d’estivants. Sans que ceux-ci en soient d’ailleurs le moins du monde inquiétés…

« Quelle République est-ce là ? Les arrêtés sans rime ni raison pris par des maires paniqués ne pouvaient déboucher sur autre chose. Dès lors qu’on se mêle de réglementer la longueur des jupes ou le port d’un foulard dans l’espace public, où chacun est habituellement libre de porter les tenues les plus diverses, on ridiculise la loi et on humilie les citoyens. En l’occurrence les citoyennes.

« Les forces de l’ordre seront-elles désormais mobilisées pour interdire les plages à des mères de famille en tenue traditionnelle qui ne demandent rien et ne menacent personne ? Devront-elles les expulser de force sous les yeux de leurs enfants, dans une amère leçon de civisme à l’envers ? N’y a-t-il pas des tâches plus urgentes pour les polices municipales ? Devant ce spectacle choquant, qui a suscité la condamnation de toute la gauche et d’une partie de la droite, comment les musulmans les plus pacifiques, les plus patriotes, ne se sentiraient-ils pas désignés à la vindicte publique ? Et quel cadeau offert à la propagande islamiste qui veut présenter la France comme une terre par nature hostile à la religion musulmane !

« Lutter contre l’intégrisme ? Objectif essentiel, pressant, décisif. Dans les quartiers, dans les mosquées, le salafisme cherche à gagner en influence et à faire passer sous sa coupe un nombre croissant de musulmans désorientés. Cette régression moyenâgeuse doit être combattue, par l’action politique, par la pédagogie, par l’application intransigeante des lois laïques (les vraies), par un soutien sans faille apporté aux tenants d’un islam moderne et pacifique, qui sont de loin la majorité (sans compter les incroyants de culture musulmane, dont on ne parle jamais…).

«La France a-t-elle baissé la garde ? En aucune manière. Elle est au contraire le pays démocratique où les mesures les plus fermes ont été prises contre les signes intégristes, entre l’interdiction du voile intégral – déjà malaisée à mettre en œuvre – et la prohibition des signes religieux ostentatoires dans les salles de classe. Aller au-delà dans l’espace public, c’est outrepasser les principes élémentaires de la liberté individuelle.(…)

 On espère que le Conseil d’Etat, qui examine ce jeudi les arrêtés «anti-burkini» dans sa sagesse juridique, mettra fin à cette pantalonnade discriminatoire qui choque les démocrates et embarrasse la police. C’est en accueillant sans ambages les religieux respectueux des lois que l’esprit de la laïcité sera le mieux respecté. »

Comédie Française

Jeudi 25 août 2016. Canicule sur la France et sur ses plages. Burkini-mascarade. Burkini-pantalonnade. Paris, à l’ombre de la Comédie Française on attend, climatisé ou pas, le couperet du Conseil d’Etat.

A demain

1 L’ancien président de la République et candidat à la primaire de la droite pour la présidentielle de 2017 a mené l’offensive contre le burkini, mercredi 24 août sur TF1. Dans une interview au 20 heures, Nicolas Sarkozy a affirmé que le burkini était « une provocation au service d’un islam politique ». « Si nous n’y mettons pas un terme, le risque c’est que, dans dix ans, les jeunes filles de confession musulmane qui ne porteront pas le voile ou le burkini seront montrées du doigt et seront sous la pression quotidienne de l’entourage », a-t-il mis en garde.

 

Viandes et cancers : les agences sanitaires et les politiques apparaissent comme tétanisés

Bonjour

Où sont passées les institutions sanitaires françaises en charge de l’alimentation et du cancer ? Pourquoi ce silence de l’Anses, de l’INCa, de l’INPES, de la DGS, de la HAS, de l’InVS ? Où sont l’Inserm et l’Inra ? Qui fait quoi dans les ministères concernés? Aucune mise au point, aucun commentaire, aucun recadrage. On laisse quelques médias rappeler que les activités des cigarettiers tuent infiniment plus d’humains que celles des charcutiers et les bouchers. Bouchers et charcutiers condamnés au silence sous peine d’être accusés de conflits d’intérêts.

L’annonce par l’OMS du caractère cancérogène de la consommation de charcuteries et de viandes rouges fait sensation mais les institutions sanitaires et responsables politiques gardent étrangement le silence. Au gouvernement seul Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture a tenté, bien maladroitement, de prendre la parole – et chacun de comprendre qu’il parle au nom de la défense d’un secteur, celui de l’élevage, confronté à de sérieuses difficultés. Dans le même temps Marisol Touraine, ministre de la Santé se tait – et aucun des services, aucune des agences dont elle a la tutelle, ne parle.

Sidération

Ce silence, cette sidération, cette tétanisation politique et scientifique sont d’autant plus surprenants que la classification du Centre international de  recherches sur le cancer (CIRC) peut aisément être critiquée, commentée, remise en perspective. Quant à l’absence de communication de la part des institutions spécialisées elle s’explique d’autant moins que l’affaire avait été éventée dès le 22 octobre par The Daily Mail, ce qui avait aussitôt  avait aussitôt suscité, depuis Lyon,  une mise au point du CIRC, conscient des enjeux médiatiques comme du poids symbolique planétaire de cette annonce par une agence de l’OMS.

Il faut ici rappeler que le CIRC n’est pas une autorité supra-gouvernementale.  C’est un organisme de recherche qui évalue les données disponibles sur les causes du cancer. A la différence des Agences sanitaire nationales ou européennes il ne formule pas de recommandations sanitaires en tant que telles. Pour autant  il est doté d’un certain prestige, ses travaux font autorité et les politiques nationales et internationales visant à réduire les risques de cancer s’appuient cependant souvent sur ses travaux (dénommés « monographies »).

« Manger de la viande tue »

Les gouvernements pourraient ainsi décider dès aujourd’hui d’imposer la mention du caractère cancérogène des produits carnés transformés à l’attention des consommateurs. Verra-t-on bientôt « Manger de la viande tue » comme on peut, depuis quelques années, lire « Fumer tue » sur tous les paquets de cigarettes ? Combien oseront  aller jusqu’à cette extrémité préventive ?

Pourquoi aujourd’hui ? Le CIRC avait décidé de traiter ce sujet en 2014, un comité consultatif international l’ayant alors jugé « hautement prioritaire ». « Cette recommandation était fondée sur des études épidémiologiques laissant entendre que les légères augmentations du risque de plusieurs cancers pouvaient être associées à une forte consommation de viande rouge ou de viande transformée, explique-t-on à Lyon. Bien que ces risques soient faibles, ils pourraient être importants pour la santé publique parce que beaucoup de personnes dans le monde consomment de la viande, et que la consommation de viande est en augmentation dans les pays à revenu faible et intermédiaire. » D’où ces conclusions formulées par un groupe de travail  composé de vingt-deux experts de dix pays différents -dont deux français. Ce travail fait aussi l’objet d’une publication conjointe dans The Lancet Oncology.

Bœuf, veau, porc, agneau, mouton, cheval et chèvre

Certaines agences sanitaires recommandent certes déjà de limiter la consommation de viande sans pour autant mettre en avant un accroissement du risque de pathologies cancéreuses. L’écho de la prise de position de l’agence de l’OMS est d’autant plus grand que son analyse de cancérogénicité englobe toutes les formes de consommation d’aliments d’origine animale. Ainsi quand le CIRC parle de « viande rouge » il faut entendre « tous les types de viande issus des tissus musculaires de mammifères comme le bœuf, le veau, le porc, l’agneau, le mouton, le cheval et la chèvre ». Pour ce qui est de la « viande transformée » (ou « produits carnés ») il s’agit  de l’ensemble des viandes « qui ont été transformées par salaison, maturation, fermentation, fumaison et autres processus mis en œuvre pour rehausser sa saveur ou améliorer sa conservation » :

« La plupart des viandes transformées contiennent du porc ou du bœuf, mais elles peuvent également contenir d’autres viandes rouges, de la volaille, des abats ou des sous-produits carnés comme le sang A titre d’exemples de viandes transformées, on trouvera les hot-dogs (saucisses de Francfort), le jambon, les saucisses, le corned-beef, les lanières de bœuf séché, de même que les viandes en conserve et les préparations et les sauces à base de viande. »

Produits de combustions

L’une des principales questions sanitaire et scientifique qui est de savoir si, comme dans le cas du tabac (et nullement de la cigarette électronique) le risque cancérogène est associé aux produits de combustion ? Les méthodes de cuisson à haute température génèrent en effet des composés qui peuvent contribuer au risque cancérogène. Pour autant leur rôle n’est pas encore parfaitement compris, estime le CIC.

« La cuisson à température élevée ou avec la nourriture en contact direct avec une flamme ou une surface chaude, comme dans le barbecue ou la cuisson à la poêle, produit davantage de produits chimiques cancérogènes (comme les hydrocarbures aromatiques polycycliques et les amines aromatiques hétérocycliques). Cependant, le groupe de travail du CIRC ne disposait pas de suffisamment de données pour conclure si la façon dont la viande est cuite affecte le risque de cancer. De même le Groupe de travail du CIRC ne disposait pas de données pour répondre à la question du moindre risque  que pourrait représenter la viande crue. »

Tabac et amiante

En pratique la consommation de « viande rouge » a été classée comme probablement cancérogène pour l’homme (ce qui correspond au « groupe 2A »). Et ce sur la base  « d’indications limitées » provenant d’études épidémiologiques montrant des « associations positives » entre la consommation de viande rouge et le développement d’un cancer colorectal (ainsi, peut-être que des cancers de la prostate et du pancréas). En clair le lien de causalité est possible, voire probable mais nullement certain. En revanche la consommation de viande transformée a été classée comme cancérogène pour l’homme (soit le « groupe 1 »). Il existe, selon le CIRC des « indications convaincantes » de ce que « l’agent provoque le cancer chez l’homme » (cancer colorectal et peut-être  aussi cancer de l’estomac).

Or le tabac et l’amiante (et les gaz d’échappement des moteurs diesel) sont eux aussi classés dans le « groupe 1 ». On pourrait logiquement en conclure que consommer des charcuteries est aussi cancérogène que fumer du tabac et être exposé à de l’amiante ou à des gaz d’automobiles ? Ce serait une erreur, affirme-t-on au CIRC

« Certes la viande transformée a été classée dans la même catégorie que d’autres agents, causes de cancer, comme le tabagisme et l’amiante, mais cela ne signifie pas pour autant qu’ils sont tous aussi dangereux. Les classifications du CIRC décrivent la force des données scientifiques sur un agent comme étant une cause de cancer, mais n’évaluent pas le niveau du risque. »

Cortège d’incertitudes

En dépit de ce cortège d’hypothèses et d’incertitudes le CIRC estime que le risque augmente généralement avec la quantité de viande consommée : chaque portion de 50 grammes de viande transformée consommée tous les jours augmente le risque de cancer colorectal de 18 % environ ; et une augmentation de 17% pour chaque portion de 100 grammes de viande rouge consommée par jour.

Comparer les charcuteries et le tabac ? C’est possible. L’agence de l’OMS cite aussi « les estimations les plus récentes du Global Burden of Disease » (organisme de recherche universitaire indépendant) avance le chiffre de 34 000 décès par cancer par an environ dans le monde « imputables à une alimentation riche en viandes transformées ». « La consommation de viande rouge n’a pas encore été établie comme cause de cancer, ajoute l’agence de l’OMS Toutefois, si la causalité des associations rapportées était prouvée, le projet GBD a estimé que les régimes riches en viande rouge pourraient être responsables de 50 000 décès par cancer par an à travers le monde. » Soit une fraction infime du million de décès par cancer par an environ à l’échelle mondiale imputables à la consommation de tabac (600 000 à la consommation d’alcool, et plus de 200 000 à la pollution atmosphérique).

Devenir végétarien ?

L’agence de l’OMS souligne que les régimes végétariens et les régimes carnés ont des avantages et des inconvénients différents pour la santé mais avoue être bien incapable de répondre.  De même qu’elle est incapable de répondre à la question de savoir si un type de viande rouge serait moins dangereux qu’un autre. Même les modes de conservation peuvent entraînant la formation de substances cancérogènes (comme des composés N-nitrosés) ne peuvent, scientifiquement, être accusés.

Où l’on voit les limites des interprétations qui peuvent être faites de ce travail assez touffu de classification des substances cancérogènes potentielles. Les difficultés ne sont pas nouvelles. Il y a précisément deux ans le CIRC avait annoncé des chiffres catastrophiques de mortalité prématurée du fait le la pollution atmosphérique. Avant de reconnaître que  «le risque de cancer pulmonaire associé à la pollution atmosphérique est comparable à celui qui est associé au tabagisme passif ».

Ceci peut se dire autrement : s’intéresser à la santé publique réclame de ne pas trop malmener les chiffres : 80% des 1,4 million de morts prématurés annuels par cancer du poumon dans le monde sont dus à l’inhalation de  fumées de cigarettes. Big Tobacco tue infiniment plus, par cancer, que tous les fabricants de charcuterie du monde.

A demain

Une version de ce texte a initialement été publiée sur Slate.fr

L’OMS déclare que toutes les charcuteries sont cancérogènes, ainsi que l’ensemble des viandes

Bonjour

Ne plus manger de viande réduit-il le risque d’être atteint d’un cancer ? Il semblerait désormais que oui. C’est comme un coup de tonnerre officiel dans le champ de l’alimentaire. L’information avait fait l’objet il y a quelques jour d’une passe d’armes entre le Centre International de la recherche sur le Cancer (CIRC/OMS) et quelques titres de la presse britannique (plus ou moins) à sensation.

Cette fois l’embargo est levé. Et le document est -enfin- accessible avec un titre à décourager les titreurs : « Le programme des Monographies du CIRC évalue la consommation de la viande rouge et des produits carnés transformés ». Manchette du Monde quelques jours après celle du Daily Mail.

« Ces résultats confirment les recommandations de santé publique actuelles appelant à limiter la consommation de viande », explique le Dr Christopher Wild directeur général du CIRC. Précision: le porc est inclus par le CIRC dans les viandes rouges au même titre que le bœuf, le veau, l’agneau, le mouton, le cheval et la chèvre.

Kilogrammes d’indignation

Cette annonce ne manquera pas de soulever des vagues de commentaires et quelques kilogrammes d’indignation des milieux professionnels. Elle entrera en résonnance immédiate avec les courants grossissants du végétarisme et des végétaliens. Nous y reviendrons. Voici, pour l’heure, le communiqué de presse officiel:

« Lyon (France), 26 octobre 2015 – Le Centre international de Recherche sur le Cancer (CIRC), l’agence de l’Organisation mondiale de la Santé spécialisée sur le cancer, a évalué la cancérogénicité de la consommation de la viande rouge et de la viande transformée.

Viande rouge : Après avoir soigneusement examiné la littérature scientifique accumulée, un Groupe de travail de 22 experts venus de 10 pays différents, réuni par le Programme des Monographies du CIRC, a classé la consommation de la viande rouge comme probablement cancérogène pour l’homme (Groupe 2A), sur la base d’indications limitées selon lesquelles la consommation de viande rouge induit le cancer chez l’homme, soutenues par de fortes indications d’ordre mécanistique militant en faveur d’un effet cancérogène. Cette association a principalement été observée pour ce qui concerne le cancer colorectal, mais d’autres associations ont également été observées pour les cancers du pancréas et de la prostate.

Viande transformée : La viande transformée a été classée comme cancérogène pour l’homme (Groupe 1), sur la base d’indications suffisantes selon lesquelles la consommation de viande transformée provoque le cancer colorectal chez l’homme.

 La consommation de viande et ses effets : La consommation de viande varie considérablement entre les pays, de quelques pourcents de la population jusqu’à 100% des personnes consommant de la viande rouge, selon les pays, et des proportions légèrement inférieures pour ce qui est des produits carnés transformés. Les experts ont conclu que chaque portion de 50 grammes de viande transformée consommée quotidiennement accroît le risque de cancer colorectal de 18%. “Pour un individu, le risque de développer un cancer colorectal en raison de sa consommation de viande transformée reste faible, mais ce risque augmente avec la quantité de viande consommée”, explique le Dr Kurt Straif, Chef du Programme des Monographies du CIRC.

“Compte tenu du grand nombre de personnes qui consomment de la viande transformée, l’impact mondial sur l’incidence du cancer revêt une importance de santé publique”. Le Groupe de travail du CIRC a examiné plus de 800 études qui portaient sur l’association entre plus d’une douzaine de types de cancers différents et la consommation de viande rouge ou de viande transformée dans de nombreux pays et populations aux habitudes alimentaires diverses. Les indications les plus influentes sur l’issue de cette évaluation provenaient de grandes études de cohortes prospectives menées au cours des 20 dernières années.

Santé publique :  ”Ces résultats confirment en outre les recommandations de santé publique actuelles appelant à limiter la consommation de viande”, selon le Dr Christopher Wild, Directeur du CIRC. ”Dans le même temps, la viande rouge a une valeur nutritive. Par conséquent, ces résultats sont importants pour permettre aux gouvernements comme aux organismes de réglementation internationaux de mener des évaluations du risque, et de trouver un équilibre entre les risques et les avantages de la consommation de viande rouge et de viande transformée, et de formuler les meilleures recommandations alimentaires possibles”.

Attention : La « viande rouge » fait ici référence à tous les types de viande issus des tissus musculaires de mammifères comme le bœuf, le veau, le porc, l’agneau, le mouton, le cheval et la chèvre. Les produits carnés transformés (ou viande transformée) font référence à la viande qui a été transformée par salaison, maturation, fermentation, fumaison ou d’autres processus mis en œuvre pour rehausser sa saveur ou améliorer sa conservation. La plupart des viandes transformées contiennent du porc ou du bœuf, mais elles peuvent également contenir d’autres viandes rouges, de la volaille, des abats ou des sous-produits carnés comme le sang. A titre d’exemples de viandes transformées, on trouvera les hot-dogs (saucisses de Francfort), le jambon, les saucisses, le corned-beef, les lanières de bœuf séché, de même que les viandes en conserve et les préparations et les sauces à base de viande. »

A demain

Les viandes transformées aussi cancérigènes que l’amiante ? Affolement après une information du «Daily Mail»

Bonjour

A Lyon le Centre International de la recherche sur le Cancer (CIRC/OMS) est en émoi. Son service de presse vient de publier le communiqué suivant :

« Suite à la publication dans la presse britannique, aujourd’hui vendredi 23 octobre, de postulations sur les résultats de l’évaluation par le CIRC de la cancérogénicité de la viande rouge et des produits carnés transformés, merci de noter qu’il n’y a pas eu violation d’embargo, car aucun matériel sous embargo n’a été communiqué aux médias, en Grande-Bretagne ou ailleurs.

Le CIRC/OMS publiera un communiqué de presse avec les résultats détaillés de l’évaluation, comme prévu le lundi 26 octobre, à midi, heure de Paris, publication qui coïncidera avec la publication d’un News Report dans The Lancet Oncology. »

Célèbre Daily Mail

 Le CIRC/OMS ne mentionne pas le média britannique qui a ainsi osé faire des postulations. Dénonçons-le : il s’agit du célèbre Daily Mail. Comme on peut le voir ici : “Bacon, burgers and sausages are a cancer risk, say world health chiefs: Processed meats added to list of substances most likely to cause disease alongside cigarettes and asbestos”.

En clair le bacon, les burgers et les saucisses, aliments tant prisés des Britanniques, seraient aussi cancérigènes que le tabac et l’amiante. Et le Daily Mail (FIONA MACRAE  STEPHEN WRIGHT) de citer une bonne source et d’annoncer (ou de laisser entendre) que tout cela sera bientôt confirmé par le CIRC/OMS via The Lancet. Outre Manche l’information a été reprise et replacée dans un contexte officiel.  Même The Independant l’a reprise.

Lundi, heure de midi

Il ressort de tout ceci que le CIRC/OMS va annoncer, lundi à midi (heure de Paris), qu’il va modifier sa classification des substances cancérogènes pour l’homme et, selon toute vraisemblance, placer les « viandes transformées » au même rang que l’alcool, le tabac et l’amiante.

Face à l’émotion qui pourrait en résulter que nous dit le CIRC/OMS ? Non pas que le Daily Mail est dans l’erreur, mais qu’il n’y a pas eu violation d’embargo puisqu’aucun embargo n’avait été fixé… Et qu’il faut attendre le communiqué de presse officiel pour pouvoir parler. Soit lundi midi (heure de Paris). En attendant rien n’interdit d’imaginer qu’une enquête interne est en cours pour identifier celui (ou celle) qui a confié ce qu’il savait au Daily Mail. Et pourquoi il (ou elle) l’a fait.

A demain

Peut-on euthanasier avant l’âge de 12 ans ? Question soulevée par des pédiatres néerlandais

Bonjour

Une fois ouvert c’est un débat sans fin, un puits sans fond. Vendredi 19 juin 2015 des pédiatres néerlandais ont posé la question des enfants qui endurent des souffrances intolérables dues à des pathologies que l’on sait incurables. Ils doivent selon ces pédiatres pouvoir, eux aussi, demander à mourir. Or la loi en vigueur dans le pays dispose qu’il faut avoir un âge minimum de 12 ans pour, le cas échéant, être entendu.

Au cas par cas

«Nous estimons qu’une limite d’âge arbitraire, comme celle de 12 ans, doit être changée et que la capacité de chaque enfant à demander à mourir doit être évaluée au cas par cas», a déclaré à l’Agence France Presse  le Pr Eduard Verhagen, spécialiste de pédiatrie (Université de Groningen), l’un des responsables de l’Association néerlandaise des pédiatres.

Aujourd’hui, au Pays-Bas des enfants peuvent à partir de 12 ans demander à être euthanasiés s’ils endurent des souffrances intolérables dues à des affections incurables et si tout indique qu’ils sont proches de la mort, qu’ils sont en état d’exprimer leur volonté et si leurs parents approuvent cette demande. « Or si un enfant de moins de 12 ans remplit les mêmes conditions, les pédiatres sont pour l’instant impuissants, assure M. Verhagen. Il est temps de s’attaquer au problème».

Capacité de discerner

En la matière les exemples sont contagieux. Les médecins néerlandais recommandent de suivre l’exemple de la Belgique voisine. En février 2014, rappelle l’AFP, la Belgique était devenue le premier pays au monde à prendre la décision d’autoriser les mineurs en capacité de discernement à faire le choix de l’euthanasie. La loi belge dispose que le mineur doit se « trouver dans une situation médicale sans issue entraînant le décès à brève échéance », être confronté à une « souffrance physique constante et insupportable ne pouvant être apaisée ».

La capacité de l’enfant à comprendre ce qu’il demande doit également être évaluée au cas par cas. L’initiative de la demande de mourir doit émaner de l’enfant et  les parents doivent donner leur consentement. Quant aux enfants qui ne sont pas capables d’exprimer leur volonté, les médecins néerlandais entendent pouvoir agir à la demande des parents, après l’accord d’une commission médicale, comme c’est le cas pour les nouveau-nés jusqu’à l’âge an. Aux Pays-Bas les pédiatres vont mettre en place une commission pour continuer à examiner la question avant de rendre un avis officiel au gouvernement.

Lourdes controverses

Il s’agit souvent de situations extrêmes, assure le Pr Eduard Verhagen : des enfants «à l’approche de la mort et dont les parents veulent leur offrir la possibilité de mourir de manière humaine. L’AFP rapporte qu’entre 2002 et 2012, cinq demandes d’euthanasie de mineurs ont été honorées : un enfant de 12 ans et quatre jeunes de 16 à 17 ans.

On se souvient peut-être que le débat belge sur ce sujet avait eu un large retentissement. Plus généralement l’application de la loi belge sur le suicide médicalement assisté fait l’objet de lectures diverses et de lourdes controverses, comme en avait témoigné Le Point (Violaine de Montclos) en janvier dernier. Le site Gènéthique cite d’autre part une publication datée du 3 juin du Journal of Medical Ethics aui fait le point sur « les inquiétantes dérives euthanasiques qui ont lieu en Belgique » où cette pratique serait « complètement hors de contrôle ». Cette publication est signée du Pr Raphaël Cohen-Almagor (School of Politics, Philosophy and International Studies, The University of Hull). L’auteur fait état de dérives qui ne peuvent manquer d’interroger :

‘’The aim of this article is to provide a critical review of one of the most worrying aspects of the euthanasia policy and practice in Belgium—the deliberate shortening of lives of some patients without their explicit voluntary request. Some suggestions designed to improve the situation and prevent abuse are offered’’.

Pathologies psychiatriques

Cette publication a été reprise sous une forme spectaculaire par The Daily Mail qui fait état de milliers de cas où la morts aurait été provoquée sans véritablement avoir été demandée.  « L’euthanasie non demandée dépasse très largement les quelques milles cas d’euthanasie qui sont enregistrés par an en Belgique, expliquait en 2014 dans Le Soir,  le Pr Jean-Louis Vincent, ancien président de la société belge de soins intensifs (Hôpital Erasme, Bruxelles). Ces interventions actives ne sont rapportées à aucune commission. »

La question des pratiques euthanasiques chez des personnes souffrant de pathologies psychiatriques fait également l’objet, en Belgique, de certaines interrogations. Plus généralement la question est celle du poids des membres  de l’Association belge pour le Droit de Mourir dans la Dignité (ADMD) ainsi, corollaire, que celles des interprétations que l’on peut faire des termes de la loi et de la réalité concrète de son encadrement.

A demain

Euthanasie : le traitement médiatique de la mort d’un citoyen britannique chez Dignitas (Suisse)

Bonjour

Une bouteille d’eau d’Evian. C’est ce que l’on peut voir sur la table de ce banquet post-mortem – un cliché diffusé par la BBC, comme on peut le voir ici. C’est l’un des papiers illustrés qui, ce matin, disent tout. Non pas de l’euthanasie (qui le pourrait?), mais bien de la mise en scène médiatique de cette dernière. C’est là une forme a minima de militantisme auquel, de part et d’autre de la Manche, les médias se prêtent volontiers. Pour les meilleures raisons du monde, sans omettre l’émotion sous-jacente à ce type de sujet. Cette dimension médiatique est aussi, pour la famille et pour les proches, une forme assez particulière de mise en abyme du faire son deuil.

Maladie neurologique

Soit donc  Jeffrey Spector, 54 ans, de St Annes, Lancashire. Il est mort le 23 mai au terme d’une maladie qui évoluait depuis six ans. La BBC n’en parle qu’aujourd’hui. Il en va de même du Daily Mail (nombreuses photographies), mais aussi du Guardian (un seul cliché), du Mirror, sans oublier The Telegraph, qui montre, dans la prairie suisse la petite maison de Dignitas (cliché AFP) au terme d’une longue maladie neurologique (diagnostic non précisé). On ajoutera les innombrables canaux des réseaux sociaux.

Il y a encore, pour finir, The Independant, qui estime que cette mise en scène relance le débat britannique sur la pratique du suicide (médicalement ou pas) assisté. De fait les mises en scène de déplacements à l’étranger concernant des pratiques interdites dans son pays est depuis quelques décennies une forme de classique. C’est aujourd’hui vrai pour l’euthanasie comme pour les militants de la dépénalisation de la pratique de la grossesse pour autrui.

Exclusivité

Pour sa part Jeffrey Spector  était entouré, en Suisse, par sa femme, ses trois filles et ses amis. Tous ont dit qu’ils respectaient sa décision et un communiqué en ce sens a été publié. Le montant des sommes versées à Dignitas ne semble pas avoir été précisé. M. Spector lui-même s’était exprimé via un entretien accordé « en exclusivité » à la Blackpool Gazette (Gareth Vickers) (avec le même triste cliché, non signé, du centre Dignitas helvète).

Il y a encore le journaliste David Graham. Il a déclaré à BBC Radio Lancashire qu’il avait parlé avec M. Spector alors qu’il était encore à son hôtel près de la « clinique », à Zurich. M. Graham a déclaré que M. Spector, directeur d’une agence de publicité, lui avait dit avoir préalablement consulté plusieurs chirurgiens du Royaume-Uni.  En Angleterre et au Pays de Galles une loi de 1961 dispose que le fait d’encourager ou d’aider une personne à (tenter de) se suicider constitue un délit.

Ne pas tuer

Plusieurs hommes politiques britanniques viennent de faire savoir, via les médias, qu’ils allaient tenter de modifier cet état de fait. Cette situation doit être mise en parallèle avec le fait que le Royaume Uni a toujours été présenté, de ce côté-ci de la Manche, comme un modèle à suivre pour ce qui est de la lutte contre la douleur et le développement des soins palliatifs. Au point que des responsables de la médecine palliative redoute que l’on modifie l’équilibre qui, aujourd’hui prévaut dans ce domaine. Ils rappellent, au risque de ne pas être compris, que leur mission est d’accompagner vers la mort. Non de tuer.

A demain

Ebola. 1200 morts en trois jours. La Francophonie n’entend toujours pas sonner le glas

Bonjour

30/11/2014. A ce jour près de 7 000 personnes sont mortes d’Ebola en Afrique de l’Ouest. C’est ce que nous dit l’OMS. Elle nous dit aussi, depuis Genève, qu’elle a décompté « plus de 1 200 morts supplémentaires » ces trois derniers jours. « Plus de 1200 morts » sur un « total de 6928 ». Si la chose est vraie l’OMS devrait s’affoler. C’est trop lui demander. Demain 1er décembre 2014 l’OMS demandera à la terre entière de penser à l’épidémie de sida, elle qui ne la voyait toujours pas venir il y a trente ans.

Sans commentaire

Plus de 1200 morts en trois jours. Les médias reproduisent les chiffres sans commentaire. C’est proprement  incompréhensible comme en témoigne le laconisme de la BBC.  Ou celui de The Guardian qui poursuit sa remarquable couverture du sujet Ebola. Idem pour  CBC News. Ou encore The Daily Mail. Sans oublier Associated Press

Vielle dame l’OMS sent bien que quelque chose ne va pas dans ses comptes. Le précédent bilan publié le 26 novembre faisait état de 5 674 morts. Selon Tarik Jasarevic, l’un des porte-parole le « bond du chiffre des morts » semble être dû à « une mise à jour des données passées » et non pas à une hausse spectaculaire des décès ces jours derniers. Où l’on retrouve ce vieil abcès onusien, cette incapacité à décrire la réalité épidémiologique en temps presque réel.

Sous-estimés

« L’organisation avait indiqué à plusieurs reprises que les chiffres publiés de morts étaient peut-être sous-estimés étant donné les difficultés rencontrées dans la collecte de données globales, nous rappelle l’Agence France Presse.  De plus, le taux de mortalité pour les malades atteints du virus se situerait actuellement aux environs de 70 %. L’épidémie la plus mortelle depuis l’apparition du virus de la fièvre hémorragique Ebola a frappé le plus durement le Liberia, même si les observateurs indiquent que la progression du virus semble s’être considérablement ralentie ces dernières semaines. »

« Quoi qu’il en soit », le Liberia décompte, sur les tables onusiennes 4 181 morts sur 7 244 cas enregistrés. Hier encore ce pays  « ne comptait que 3 016 morts sur 7 168 cas ». En Sierra Leone l’épidémie progresserait toujours dans de nombreuses régions t. Actuellement  1 461 morts sur 6 802 cas, contre 1 398 morts sur 6 599 cas au 26 novembre. On se souvient que c’est en Guinée (pays francophone) que l’épidémie a émergé (il y aura bientôt  près d’un an) 1 284 cas mortels ont été enregistrés sur 2 123 cas signalés (contre 1 260 cas mortels et 2 134 cas signalés deux jours plus tôt). L’OMS n’a pas fourni, dans son nouveau bilan, une mise à jour des chiffres pour les autres pays touchés. A commencer par le Mali, nouvelle source d’inquiétude épidémique. (1)

Soignants plus ou moins sauvés

Les soignants figurent parmi les personnes les plus menacées : 340 morts sur 592 cas recensés en Afrique de l’Ouest. La quasi-totalité des soignants contaminés ayant pu être rapatriés aux Etats-Unis ou en Europe ont pu être sauvés. On ne s’est encore guère penché sur cette réalité qui pose quelques questions de thérapeutique comparée et, incidemment, d’éthique. Après plusieurs semaines d’atermoiements le secteur du rapatriement sanitaire spécialisé commence à se structurer. Le gouvernement allemand annonce la mise à disposition prochaine d’un Airbus  dédié comme l’indique cette récente dépêche AP :

The German government has unveiled what it says is the world’s first dedicated medevac plane for Ebola patients. The Airbus A340-300 has been equipped with an isolation unit, two airlocks, an air filtration system and a separate cabin where doctors can decontaminate their protective suits. The 14-year-old aircraft was refitted in cooperation with German airline Lufthansa and the country’s Robert Koch Institute for infectious diseases. Health Minister Hermann Groehe said Thursday the plane should reassure German volunteers helping fight the Ebola outbreak in West Africa that « if they get infected we will do everything humanly possible to bring them quickly to the best possible medical care. » The plane can only transport one patient at a time. Germany has said other nations will be able to use the plane, too.”

Monopole attaqué

 

La société française Medic’Air International (qui vient d’assurer en un temps record le rapatriement d’une soignante de MSF depuis Bamako jusqu’à Madrid) finalise des accords avec la cellule de crise de l’Union européenne. Celle société sera également en première ligne pour assurer les éventuels rapatriements à partir du nouveau centre de traitement de Macenta, en Guinée forestière. La Suisse et le Danemark annoncent leur intérêt pour le sujet. Autant d’éléments qui devraient rééquilibrer ce marché naissant où, jusqu’à présent la société américaine Phoenix Air  occupait une position étrangement monopolistique, y compris pour les transports d’Afrique vers le Vieux Continent. A des tarifs témoignant de l’absence de réelle concurrence.

Francophonie inaudible

C’est dans ce contexte que se tient le sommet de l’Organisation de la Francophonie à Dakar (Sénégal). Une Francophonie (77 pays membres) comme aux abonnées absentes pour ce qui est de la lutte contre Ebola.

« Jusqu’ici, l’Organisation de la Francophonie n’a pas été très entendue sur cette crise sanitaire et humanitaire qui affecte la deuxième région où la langue française est la plus parlée dans le monde », déplorent une vingtaine d’artistes d’Afrique de l’Ouest dans une lettre adressée cette semaine aux dirigeants francophones et citée par l’AFP.  Parmi les signataires, les chanteurs maliens Amadou et Mariam, sénégalais Ismaël , le rappeur burkinabé Smockey, le musicien camerounais Richard Bona, ou le cinéaste sénégalais Alain Gomis.

« N’oubliez pas qu’au-delà des mots, seules des mesures concrètes soutenues par une volonté politique de premier ordre permettront de stopper la progression de l’épidémie et d’alléger les souffrances de nos compatriotes » écrivent-ils. « Jusqu’à aujourd’hui, la Francophonie a été peu audible sur cette crise » souligne Eric Hazard,  directeur régional de Save The Children. De retour d’une tournée dans les trois pays les plus touchés fin octobre, l’ambassadrice américaine à l’ONU Samantha Power a estimé que la France, la Belgique et le Canada pouvaient améliorer significativement la coordination contre Ebola en Guinée francophone – à l’image des Etats-Unis au Liberia et de la Grande-Bretagne en Sierra Leone, deux pays  anglophones.

Critiques américaines

Mme Power regrette tout particulièrement l’absence d’une structure intégrée de commandement et de contrôle en Guinée. « Je pense que les Français peuvent aider sur ce point, ainsi que les Canadiens et les Belges » a indique l’ambassadrice américaine. A Dakar , François Hollande, président de la République française « a appelé à mettre en place toutes les structures sanitaires, toutes les vigilances indispensables, tous les vaccins pour qu’il n’y ait plus d’Ebola en Afrique, pour qu’il n’y ait plus d’Ebola nulle part au monde ».  A Conakry M. Hollande avait  souligné la fonction « essentielle » de la langue dans la communication entre soignants et patients.

« Mais les acteurs de la lutte contre Ebola insistent sur l’importance du monde (anglophone ou francophone) pour fournir renforts médicaux et matériel à des pays qui en manquent cruellement, plutôt que sur la dimension linguistique, compte tenu du rôle des parlers locaux pour sensibiliser les populations » peut-on lire dans la dépêche mandée de Dakar – Par Selim SAHEB ETTABA – © 2014 AFP

A demain

(1) « Le Mali est à un moment charnière, vient de déclarer au Quotidien du Médecin le Pr Pr Jean-François Delfraissy, coordonnateur  en chef des opérations françaises, de retour de Bamak., Il peut devenir le troisième bon élève, parmi les pays africains, à avoir stoppé l’épidémie d’Ebola dans sa première phase, après le Sénégal et le Nigeria. Mais il y a un gros déficit de capacité de diagnostic. Il est préoccupant de voir que l’Imam [le second cas d’infection par le virus Ebola dans le pays] et un des malades qu’il a contaminé, aujourd’hui tous les deux décédés, n’ont pas été diagnostiqués. »

Le Pr Delfraissy note cependant que le « tracking » des plus de 400 contacts recensés au Mali a été « très bien fait », mais qu’il subsiste un « flou côté guinéen de la frontière où l’Imam a été en contact avec 250 personnes ». Cet exemple illustre le besoin de collaboration de part et d’autre des 700 km de frontière très poreuse qui sépare les deux pays. « La collaboration est possible car il s’agit des mêmes populations parlant la même langue », ajoute le Pr Delfraissy.

Après avoir dramatiquement tardé en Guinée, que fera Paris au Mali ?