Insémination. « Si la photo est bonne, j’achèterai des paillettes du sperme de ce jeune homme »

Bonjour

Croissance continue de la marchandisation du corps humain. Aucune solde. Un marché qui se nourrit de  dangereux fantasmes que la génétique nourrit – quand elle devrait, en toute rigueur, les assécher 1. Dernier exemple en date, ce papier du Daily Mail, signé (Chloé Morgan) : « British couples can pay £222 to browse pictures of sperm donors to ensure they get the best-looking babies – in Europe’s FIRST online gallery of men willing to donate ». Un papier fort opportunément repris sur le site Gènéthique.

Où l’on apprend qu’il est désormais possible de « choisir son donneur de sperme dans une galerie photo » – la dernière trouvaille de la trop célèbre Cryos, « banque de sperme danoise ». Slogan publicitaire :  « afin d’obtenir les bébés les plus beaux ». La beauté d’un bébé n’ayant pas de prix, le coût supplémentaire pour les client.e.s est de 250 € supplémentaire. Et ils sont nombreux à payer le prix fort. « La photo adulte les aide à reproduire le mécanisme de sélection naturel »explique (sans honte ni rire) Peter Reeslev, PDG de Cryos. Un marchand de gamètes qui se déclare « très satisfait de l’intérêt que cela suscite ».

« Cryos International Sperm & Egg Bank » ? La version marchande, galopante et sans états d’âme des Cecos français respectant une éthique qui se réduit chaque jour comme peau de chagrin. Une éthique ruinée par les entreprises étrangères mais aussi depuis peu minée de l’intérieur comme en témoigne le rapport parlementaire « Jean-Louis Touraine » et ses recommandations quant à la prochaine révision de la loi de bioéthique.

Paillettes colorées livrées en 24 heures chrono

 Si la photo est bonne. La banque de sperme danoise officie depuis plus de 30 ans dans une centaine de pays et revendique la « fabrication » de 65 000 enfants. Il y a dix ans Le Monde rapportait qu’elle mettait en ligne une liste de 309 géniteurs potentiels, « la plus importante au monde ».

« Truffée d’informations qui étaient jusque-là réservées aux cliniques, elle renseigne sur leur « race » – caucasienne pour l’essentiel -, groupe ethnique, taille, poids ou couleur des yeux, mais aussi sur leur niveau d’éducation, leur métier et leur groupe sanguin évidemment, anonyme ou non anonyme. Cryos dit vouloir copier « le modèle américain ». Sa filiale franchisée américaine, créée en 2001, offrait déjà ce service. Moyennant 500 à 2 000 euros selon la qualité et la quantité désirées mais aussi le choix du donneur et le type de transport, les paillettes colorées sont livrées en 24 heures chrono. Seule exigence pour les particuliers : fournir le certificat d’un médecin qui les réceptionnera.

« La clientèle peut choisir entre deux types de « profils » : profil de base ou profil étendu. Les premiers sont désignés par des numéros, les seconds par des prénoms. Les indications sont assez brèves pour les uns, très développées sur les autres. Prenez Cliff par exemple, joli poupon à l’âge d’1 an : c’est un des privilèges des profils étendus que de donner accès à une photo du donneur enfant. Cliff est diplômé d’une des dix premières universités américaines. Un critère « très important » pour les célibataires, souligne Jeannett, du service commercial et à ce titre amenée à répondre par téléphone aux questions des clientes, quand les couples vont privilégier avant tout la recherche d’un enfant « qui ressemble » au père. Pour 25 euros, Cryos offre la possibilité d’une première sélection de donneurs selon leur ressemblance physique avec le futur père. Il suffit d’envoyer sa photo.. ».

Sélection naturelle et eugénisme positif

 Si la photo est bonne. L’an dernier Ole Schou, directeur de Cryos se confiait au Figaro : « Nous recevons des commandes de France pratiquement tous les jours ». Selon lui la réussite de son entreprise est le fruit du « sérieux de l’enquête familiale concernant les antécédents génétiques des donneurs, les maladies possiblement héréditaires et, d’une manière plus générale, l’excellence des donneurs ». Ces donneurs  contribuent selon la banque, à un « un eugénisme positif ». Les acheteurs peuvent sélectionner le donneurs selon de nombreux critères : couleur des yeux mais aussi, « droitier », « sportif », qui « ne porte pas de lunettes »…

« Toute notre société est fondée sur la sélection naturelle, il est normal que les parents puissent choisir un géniteur selon leurs critères », souligne Ole Schou. Et les « donneurs » d’applaudir à l’idée de pouvoir participer à l’élaboration « d’enfants parfaits ». Chez Cryos le prix d’un achat unitaire varie « entre 69 euros » et « plus d’un millier d’euros ». Ils peuvent atteindre jusqu’à 12.000 euros « si vous souhaitez des frères et sœurs génétiques » car vous pouvez vous assurer « un droit exclusif sur le futur sperme disponible du donneur ».

Si la photo est bonne. L’offre est sans fin. Avec la photo, l’entreprise peut aussi fournir aussi toute une série d’informations, « des photos de bébé, des enregistrements audio, des salutations manuscrites, des tests d’intelligence émotionnelle, des arbres généalogiques et les impressions de l’entreprise sur le donneur ».

Aujourd’hui, Brexit ou pas,  Cryos indique  que ce sont les clients britanniques qui sont les plus intéressés par ce nouveau service. Elle  précise aussi que parmi ses clients la proportion de célibataires et de couples de femmes augmentait considérablement depuis cinq ans :  50 % sont des femmes célibataires, 35 % des couples de femmes et 15 % seulement des couples hétérosexuels. Les homosexuels sont les plus demandeurs d’informations détaillées sur le donneur.

Mais encore ? Où est, ici, le politique ? Qui ne voit les soubassements idéologiques et les conséquences eugénistes d’un tel courant ? Qu’en disent les vieux sages et les jeunes garants de « l’éthique à la française » ? Que fait face à cette menace grandissante l’Agence française de biomédecine ? Comment les Cecos imaginent-il pouvoir résister longtemps à Cryos ? Qui, au sein du gouvernement français s’intéresse à un tel dossier ? Ce sujet sera-t-il abordé lors du Grand Débat ? A l’occasion des prochaines élections de l’Union européenne ?

A demain

@jynau

1 Sur ce thème on se reportera dans The Economist (19 janvier 2019) à : « James Watson A pioneering biologist is reprimanded for unscientific, offensive views »

 

 

 

Révélation : les femmes enceintes perdent de leur matière grise cérébrale durant la grossesse

 

Bonjour

C’est une information que l’on pressent importante mais dont on mesure mal l’exacte portée. Elle confère une nouvelle dimension aux échanges biologiques existant entre une femme enceinte et l’enfant qu’elle porte – une dimension hors de l’ordinaire touchant au cœur même de la pensée humaine : la substance grise cérébrale. C’est la conclusion d’un travail qui vient d’être publié sur le site de Nature : “Pregnancy leads to long-lasting changes in human brain structure” par des chercheurs espagnols et hollandais dirigés par Elseline Hoekzema et Erika Barba-Müller (Unitat de Recerca en Neurociència Cognitiva, Departament de Psiquiatria i Medicina Legal, Universitat Autònoma de Barcelona).

Pour résumer, la grossesse modifie le cerveau d’une femme, a pour effet de modifier la taille et la structure des régions de la substance grise. Il apparaît, de plus, que ces modifications demeurent dans les deux années qui suivent la naissance de l’enfant. Plus troublant encore : elles semblent corrélées à l’attachement affectif entre la mère et son enfant. «  C’est tout simplement fascinant » a déclaré au New York Times le Dr Ronald E. Dahl, directeur de l’Institut du développement humain à l’Université de Californie, Berkeley : “Pregnancy Changes the Brain in Ways That May Help Mothering” (The New-York Times).

Fascinant, le sujet est d’ores et déjà repris par The Economist ; “Scanning reveals what pregnancy does to a mother’s brain” et la BBC : “Pregnancy alters woman’s brain ‘for at least two years’”.

Rien chez les hommes

Ce travail a duré plus de cinq ans et a été mené auprès de vingt-cinq femmes espagnoles âgées d’une trentaine d’années souhaitant avoir un premier enfant. Des scanners cérébraux ont été pratiqués avant qu’elles soient enceintes et peu après l’accouchement. Des examens comparables ont été effectués chez vingt femmes « témoins ».  Des réductions importantes de volume de la substance grise cérébrale n’ont été observées que chez les femmes venant de donner la vie. D’autre part aucune différence n’a été notée entre les seize femmes qui ont subi un traitement pour la fertilité et les neuf autres. La question demeurent de savoir quelles structures et composants précis de cette matière grise a été touchée.

Par acquis de conscience Les chercheurs ont également scannographié  les cerveaux d’hommes faisant ou non l’expérience de la paternité : aucune différence.  Les chercheurs ont constaté, de visu, que les régions cérébrales concernées des mères montraient une activité neuronale plus grande lorsque les femmes regardaient des photos de leurs propres bébés par rapport à des photographies d’autres enfants. Six mois après la naissance des examens psychologiques (évaluant l’attachement émotionnel, le plaisir et l’hostilité d’une femme envers son bébé) ont été effectués. Les réponses permettraient de conclure que l’importance des modifications cérébrales est en lien avec   le degré d’attachement de la mère à son enfant (et réciproquement).

The New York Times cite une étude récente allant dans le même sens : “Spontaneous mentalizing captures variability in the cortical thickness of social brain regions”.

 “Transfusion cérébrale”

Quelle signification donner à un tel phénomène, à cette « transfusion cérébrale » ? Pour Paul Thompson, spécialiste de neurosciences à l’Université de Californie du Sud (et qui n’a pas participé à l’étude) quelques pistes se dessinent. On pourrait imaginer que la perte de matière grise observée n’a rien de bénéfique et qu’elle pourrait même avoir des conséquences  négatives. Elle serait alors la simple conséquence du stress et du manque de sommeil associés à cette période de la vie des femmes.

Une autre possibilité, nettement plus séduisante, est que la perte se substance cérébrale observée est n’est que la traduction d’un programme inné mis en place au fil de l’évolution pour offrir tous les chances à l’enfant porté. Un nouveau phénomène de maturation souvent imaginé, parfois fantasmé, jamais démontré.

Les psychanalystes feront, à coup sûr, d’autres et nombreuses interprétations quant à la démonstration d’un nouveau lien biologique entre la mère et celui qu’elle porte et nourrit. On peut imaginer que ce travail mené à Barcelone ne laissera pas insensible Pedro Almodóvar.

Il y a plus polémique, et plus grave. Cela concerne la pratique des mères porteuses.  En mettant comme ils le font, sous une nouvelle lumière, l’ampleur des échanges qui existent lors de la grossesse entre la mère et l’enfant ces résultats fournissent de nouveaux arguments à celles et ceux qui s’opposent à ce nouvel esclavage.

A demain

La grande catastrophe de santé publique ne cesse d’approcher : elle concerne nos antibiotiques

 

Bonjour

Nous le savons tous mais l’oubli, ici, est automatique : les médicaments antibiotiques sont de moins en moins efficaces ; le grand peuple des bactéries pathogènes entre progressivement en résistance ; on utilise larga manu, chez les animaux, ces médicaments à d’autres fins  que thérapeutiques. Moins d’un siècle plus tard cette prodigieuse avancée thérapeutique commence à entrer dans une impasse.

L’impasse est d’autant plus menaçante que les cerveaux de Big Pharma sont, ici, comme en panne, au point mort. Aucun nouveau paradigme à l’horizon. Quant au politique, puisqu’il faut l’appeler par son nom, il est – là encore – sans prise sur le réel, incapable d’anticiper, de prévoir, de planifier. Il est, dès lors, assez tentant d’accuser le prescripteur qui, lui, souvent n’en peut mais.

Admirer les nuages monter

Imaginons un seul instant un monde où l’action thérapeutique des antibiotiques ira en s’épuisant. Le monde de The Knick par exemple. Où allons-nous ? Que pouvons-nous faire d’autre que regarder les nuages monter ? On peut, en cette fin de semaine d’un étrange mois de mai, avant le Brexit, se reporter au britannique et très libéral The Economist qui consacre sa Une et un remarquable dossier : « When the drugs don’t work. The rise of antibiotic resistance ».

On y découvre un titre libéral en appeler à une action collective – ce qui est, somme toute, assez rassurant. « Nous avons gaspillé assez de temps avec nos avertissements concernant la résistance aux antibiotiques, nous disent nos perfides amis britanniques. Le moment est venu d’agir. » Brexit ou pas.

A demain

Cannabis: la leçon de l’Académie de médecine au Pr Bertrand Dautzenberg. Les provocations de The Economist

 

Bonjour

Après  l’église de Saint-Germain-des-Prés il faut, l’hiver, un certain courage pour s’enfoncer dans la nuit de la rue Bonaparte. Rues Jacob, Visconti, des Beaux-Arts. On ne retrouvera le jour qu’au port des Saint-Pères, face aux brouillards du quai François-Mitterrand, entre le pont des Arts et le pont Royal.

Le voyageur  aura dû laisser, sur sa gauche, un sombre bâtiment solennel, chichement éclairé, toujours fermé. C’est l’Académie nationale française de Médecine. On y entraperçoit le solennel, des bustes antiques, des hommes célèbres, des gloires illustres ; on pressent des sermons, l’écho de condamnations.

Une sanction qui vient de tomber. Intitulée « Le sevrage tabagique  ne justifie pas la banalisation du cannabis » elle vise le Pr Bertrand Dautzenberg. Ce pneumologue exerce, lui aussi, sur la rive gauche, mais plus en amont, sur le site non moins illustre qui réunit la Pitié et la Salpêtrière. Il y a quelques jours le Pr Dautzenberg, esprit libre, a connu un certain écho médiatique. Après avoir longtemps pourfendu le tabac et s’être intéressé à la « cigarette électronique – réduction des risques » ce médecin a donné son point de vue sur la question de la dépénalisation de la consommation de cannabis. A cette occasion Le Parisien le mit en Une et parla d’un « grand médecin » qui « relançait le débat ».

Dénoncer, mettre en garde

La confraternité, comme la politesse, ont des limites. Sans le citer l’Académie vient de rappeler le médecin à l’ordre. Elle évoque, à son endroit, « une proposition faite récemment dans les médias ». Ecoutons la leçon :

« L’Académie nationale de médecine a, de très longue date, dénoncé et mis en garde contre les conséquences de l’usage du cannabis. Une proposition faite récemment dans les médias sur l’intérêt de cette pratique pour aider au sevrage tabagique vient encore une fois inciter à la banalisation de l’usage de cette drogue.

L’Académie nationale de médecine a le devoir de rappeler que :

  • les Français sont les plus grands consommateurs de cannabis parmi les vingt-huit états membres de l’Union européenne ;
  • le cannabis est une drogue dont le principe toxicomanogène, le tétrahydrocannabinol (THC), perdure plusieurs jours dans le cerveau.
  • Tout indique que la « rencontre » avec cette drogue intervient chez des sujets de plus en plus jeunes (dès le collège) ;
  • les produits actuellement disponibles comportent un taux accru (d’un facteur 4 à 8) de leur teneur en THC comparativement au cannabis disponible il y a quelques années ;
  • des dispositifs de plus en plus en usage (pipes à eau, nébuliseurs, vapoteurs) délivrent davantage de THC que le simple joint ;
  • les effets enivrants du THC, utilisé isolément et plus encore en association avec l’alcool, les antihistaminiques, les benzodiazépines, et les reliquats matinaux d’hypnotiques, sont responsables d’accidents routiers, professionnels, ainsi que de comportements auto- ou hétéro agressifs ;
  • les perturbations des activités éducatives, cognitives, induites par le cannabis ont un impact sur les performances intellectuelles ; le THC favorise la survenue de troubles neuro-psychiatriques qui peuvent être irréversibles.»

 

Sévère pique

Tout n’est pas faux dans cette pique déguisée en devoir de rappel. Le cannabis est une menace sanitaire sans doute sous-estimée.  On ne saurait pour autant souligner les limites de tels prêches ; copiés-collés d’un petit groupe œuvrant dans l’ombre de la rue Bonaparte. Peut-être faudrait-il que l’Académie entrouvre ici ses fenêtres, abandonne les excommunications, entre dans son siècle, commence à se documenter sur les politiques  de réduction des risques.

Peut-être l’Académie pourrait-elle, aussi, s’abonner à l’hebdomadaire anglais The Economist qui, depuis des années, travaille le sujet et ne redoute pas d’innover. On conseillera tout particulièrement sa dernière livraison : “Regulating cannabis, The right way to do drugs. Un dossier analysé et remis en perspective par Luc Vinogradoff sur le site du Monde : « Pour une légalisation du cannabis : les arguments de The Economist »

Média d’influence

L’hebdomadaire développe son argumentaire qui lui permet d’affirmer que la légalisation est, tout bien pesé, préférable à la prohibition. Il annonce aussi le début de la fin de l’inutile guerre contre le cannabis. Ses arguments sont pour l’essentiel économiques et pragmatiques.

«  The Economist n’est pas le premier média ou organisme d’influence à prendre parti pour la légalisation du cannabis ces dernières années. Qu’est-ce qui le pousse à le faire publiquement maintenant ? Comme l’expliquent les articles du dossier, la balance commence sérieusement à pencher en ce sens, résume Luc Vinogradoff. Aux Etats-Unis, un des principaux consommateurs, vingt-deux Etats et le district de Columbia ont légalisé le cannabis à usage médical, et ce chiffre devrait atteindre trente d’ici un an. Trois Etats – le Colorado, Washington et l’Oregon – ont franchi le pas de la légalisation, bientôt rejoints par l’Alaska et peut-être par la Californie, où un référendum aura lieu en novembre. En Uruguay, la vente libre devrait être effective cet été, et des débats en ce sens sont en cours au Mexique, en Australie et en Afrique du Sud. Le cas du Canada a fini par donner à ce débat un autre degré de sérieux. Le gouvernement du nouveau premier ministre, Justin Trudeau, a fait connaître son intention d’adopter, dès cette année, des lois « qui légaliseront et réglementeront la consommation de marijuana ». Cela en ferait le premier pays du G7 à passer le pas. »

Nécessité présidentielle de l’interdit

Au Canada  c’est le ministère de la santé qui devra définir les règles d’accessibilité et d’âge légal de consommation, de prix de vente, taxation, taux légal de THC, contrôle de la qualité des produits, des réseaux de production et de distribution.

En France, l’un des pays européens où la consommation de cannabis est la plus élevée, c’est l’Académie de médecine qui est en charge de conseiller le ministère de la santé. Et alors que cette consommation est, dans les faits, pratiquement dépénalisée François Hollande candidat à l’élection présidentielle  avait clairement affirmé la « nécessité de l’interdit ». On peut se demander si les primaires, annoncées de tous côtés, aborderont ce sujet.

A demain

 

Vie moderne: feu vert de la FDA pour le saumon transgénique; l’étrange missive de Pôle Emploi

Bonjour

Où allons-nous ? Chaque jour le président de la République nous parle d’attentats, de morts, de terrorisme et de combats que la France gagnera. Dans son ombre le Premier ministre dramatise son discours. Et dans l’ombre du Premier ministre le ministre de l’Intérieur est plus martial encore que son prédécesseur. L’état d’urgence est voté à une large majorité.

Cinquième colonne

Quelques (rares) voix humanistes ou d’extrême gauche s’indignent  d’une restriction durable des libertés. La gauche n’est plus la gauche et la droite ne s’en réjouit guère. L’ennemi intérieur est à nos portes et l’inusable cinquième colonne n’est plus très loin. Hier, troisième jeudi de novembre, le Beaujolais nouveau tentait sur les terrasses, de parler d’un temps qui s’enfuit.

Plus personne n’évoque le réchauffement climatique. Les soignants des hôpitaux parisiens continuent de panser les plaies de la centaine de blessés graves de la nuit du vendredi 13 –Bloody Friday. Demain la une tricolore de The Economist sublimera tout cela. C’est la France de la fin de l’année 2015.

S’habiller en « pâtissier/boulanger »

Vendredi 20 novembre. Venu d’on ne sait quelles souterrains professionnels nous recevons, par mail, cette proposition de travail. Nous la reproduisons ici dans son intégralité originelle :

« Numéro de l’offre 033ZSDX. Art dramatique (Code Métier ROME L1203). 

Contrat à durée déterminée – 1 Jour(s) – Recherche comédien (H/F) pour remettre le lot gagnant d’un concours à un particulier. Mission : – s’habiller en « pâtissier/boulanger » aux couleurs et logo de la marque avec les accessoires que l’on va fournir – Récupérer une camionette chez le loueur de voiture (avoir plus de 3 ans de permis) – Aller au domicile du gagnant et lui remettre son lot avec un petit discours (brief donné en amont) – Prendre des photos – Retourner le véhicule chez le loueur de voiture mission de 3 ou 4 heures. Rémunération 70 ? net. Dynamisme et Bonne élocution exigée. Connaissances en pâtisserie seraient idéal

De l’autre côté de l’Atlantique

Autre mail, venu de l’autre berge de l’Atlantique : « Les autorités sanitaires américaines ont autorisé jeudi 19 novembre la consommation de saumon génétiquement modifié. La décision a été prise par l’Agence fédérale des médicaments et de l’alimentation (FDA) en dépit des s critiques d’associations de consommateurs de saumon. »

Ce saumon génétiquement modifié est un une sorte de « nouveau saumon de l’Atlantique auquel on a injecté un gène du saumon chinook du Pacifique afin qu’il grossisse deux fois plus vite ». « Il peut ainsi atteindre sa taille adulte au bout de 16 à 18 mois, au lieu de 30 mois pour un saumon de l’Atlantique ». La FDA a estimé que le saumon AquAdvantage®   « remplit les conditions réglementaires » et est « propre à la consommation ». Le saumon a été développé par AquaBounty Technologies® , société de biotechnologies basée dans l’Etat du Massachusetts.

Vivre à la française

Nous avions travaillé ce sujet en 2011 pour Slate.fr : « Du saumon génétquement modifié bientôt dans vos assiettes ». Quand sera-t-il, fumé, sur les terrasses parisiennes du savoir vivre à la française ?

20 novembre 2015, 15 heures. Nous finissons ce billet. « Au moins trois otages ont été tués dans l’attaque de l’hôtel « Radisson Blu », nous disent Le Monde et Slate.fr.  A l’intérieur,  138 personnes. Plusieurs dizaines d’autres ont été libérés par la police, qui a donné l’assaut à la mi-journée. »

A demain

 

 

Fin de vie : la France progressera-t-elle un jour au hit-parade mondial du «bien mourir» ?

Bonjour

C’est une information de dernière minute : à la veille de la « Journée mondiale des soins palliatifs » du dimanche 11 octobre 2015 Marisol Touraine vient tout juste d’annoncer la mobilisation de 40 millions d’euros supplémentaires en 2016 « pour le développement des soins palliatifs » La ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes précise que cette augmentation est prévue par le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour l’année 2016 et qu’elle s’inscrit dans le « Plan triennal pour le développement des soins palliatifs et l’accompagnement en fin de vie ». La ministre avait déjà annoncé que des initiatives seraient prises en ce sens. Elle le redit aujourd’hui. Elle le redira demain. Puis elle détaillera les mesures prises.

Mea culpa

C’est l’occasion d’un mea culpa. Un mea culpa récurrent depuis plus de trente ans : « malgré des progrès importants, des inégalités persistent en France dans l’accès aux soins palliatifs ». Déclaration de Marisol Touraine :

« Les soins palliatifs, qui permettent d’apaiser les souffrances des personnes en fin de vie, constituent un progrès majeur de notre médecine contemporaine. Mais l’accès à ces soins reste aujourd’hui très inégal selon les territoires. Cette injustice, tant sociale que territoriale, est inacceptable : en engageant des moyens supplémentaires pour le développement des soins palliatifs, nous marquons notre détermination. »

40 millions d’euros

Certains voient dans ces inégalités persistantes et criantes une forme de scandale – un scandale qui n’est pas sans alimenter les revendications, elles aussi récurrentes, pour le « droit de mourir dans la dignité ». Des revendications qui se cristallisent au gré de l’actualité comme on peut le voir depuis deux ans dans l’affaire Vincent Imbert et comme on le reverra dans quelques jours, avec le retour en appel du procès de Nicolas Bonnemaison devant la cour d’appel du Maine-et-Loire.

Les « 40 millions d’euros supplémentaires » ? Ils poursuivront quatre objectifs : développer les prises en charge de proximité, au domicile, comme dans les établissements sociaux et médico-sociaux, grâce notamment au développement des équipes mobiles de soins palliatifs ; réduire les inégalités d’accès aux soins palliatifs : de nouvelles unités de soins palliatifs seront créées dans les territoires les plus dépourvus ; mieux informer les patients et leur permettre d’être au cœur des décisions qui les concernent ; accroître les compétences des professionnels et des acteurs concernés, en donnant une priorité à la formation, en soutenant la recherche et en renforçant la diffusion de la culture palliative parmi tous les professionnels de santé.

Podium de The Economist

« Renforcer la diffusion de la culture palliative parmi tous les professionnels de santé » ? Joie de la langue de bois. Pourquoi parler de renforcer ? A de rares (et courageuses) exceptions près cette culture reste, tout simplement à fonder.

La fatalité veut que des chiffres récents viennent démontrer dans quelle situation est, de ce point de vue, la France. Il s’agit ici d’un travail remarquable réalisé par nos confrères de The Economist. On le trouvera ici. Sa diffusion a été renforcée par Slate.fr ainsi que par Quartz et, bien évidemment, par la BBC. The Economist estime d’une manière générale que, dans le monde, moins d’une personne sur dix en fin de vie reçoit les soins dont elle aurait, en toute logique médicale et en toute humanité, besoin.

Royaume-Uni en tête

L’Economist Intelligence Unit (EIU) a élaboré un Quality of Death Index qui lui permet un classement des pays où les soins de fin de vie sont les plus diffusés. Sans surprise (compte-tenu de son antériorité dans ce domaine) c’est le Royaume-Uni qui arrive en première position, avec 93,9 points. Ce classement a été établi pour quatre-vingt pays et a recours à une vingtaine de critères concernant le nombre d’unités spécialisées dans les soins palliatifs permettant d’apporter des soins spécialisés aux malades, leurs effectifs soignants (professionnels ou bénévoles, leurs méthodes etc.

Les résultats comparatifs détaillés publiés par The Economist font valoir que la première position du Royaume-Uni du fait de l’intégration de plus en plus large de la pratique des soins palliatifs dans le National Health Care, par le grand nombre des unités spécialisées et par le nombre de bénévoles qui se consacrent aux personnes en fin de vie de l’autre côté de la Manche.

Pragmatisme anglo-saxon

Culture anglo-saxonne du pragmatisme aidant l’Australie et la Nouvelle-Zélande complètent ce podium du « bien mourir » aux antipodes du suicide médicalement assisté. Les États-Unis arrivent neuvièmes, devant la  France. Slate.fr:

« Sans grande surprise, l’Irak ferme la marche, bon dernier avec 12,5 points selon les indicateurs retenus. Cependant, les scientifiques qui ont établi ce classement signalent les bonnes performances de pays en voie de développement. Ainsi l’Ouganda a montré de grands progrès dans l’accès à la morphine. La Mongolie, elle aussi, est beaucoup mieux lotie à présent, si l’on compare aux années précédentes.

« En peu de temps, grâce à l’action d’une femme médecin (le Dr Odontuya Davaasuren – voir ici la vidéo de la BBC) ce pays a vu l’ouverture d’une dizaine de centres spécialisés dans la proposition de soins palliatifs dans sa capitale (alors que le pays n’en comptait aucun en 2000) et quelques hôpitaux de province ont aménagé un service à cette même fin. Ces soins sont désormais enseignés dans les écoles de médecine mongoles, inclus dans la sécurité sociale locale et la morphine y est plus accessible. »

Il n’est pas écrit que la France ne pourra pas, un jour, parvenir à réaliser à son échelle ce que la Mongolie est, assez vite, parvenue à mettre sur pied. Et ce n’est pas, seulement, une question d’argent.

A demain

Nobel 2015 : une Française sur la photo-finish ? Les paris sont ouverts et le sujet fait polémique

Bonjour

Les prix Nobel  coïncident (sous nos latitudes) avec le brâme du cerf . Ils font aussi l’objet de multiples supputations et alimentent de solides paris entre paillasses, cornues et salles de rédaction médiatiques.

D’abord celui de médecine (décerné aujourd’hui 5 octobre autour de midi, heure française). On évoque Kazutoshi Mori (Université de Kyoto) et Peter Walter (Université de Californie, San Francisco). Ce couple de biologistes moléculaires s’est déjà partagé le prix Lasker l’an dernier pour des travaux qui sont vulgarisés ici-même. Il s’agit, en substance, de l’impact du repliement-dépliement des protéines transmembranaires sur notre santé. Assez délicat à vulgariser.

Regards chimiques

Autre prétendant, très connu dans le milieu  : Jeffrey I. Gordon (Université de Washington, St. Louis) pour ses travaux (voir son labo) sur les relations entre notre alimentation et le métabolisme de notre microbiote intestinal – un sujet vulgarisé avec le succès que l’on sait par Giulia Enders et son  charme discret de nos intestins (Actes Sud). Ce serait un Nobel pour notre deuxième cerveau. Troisième choix : Alexander Rudensky (Memorial Sloan Kettering Cancer Center), Shimon Sakaguchi (Université d’Osaka), et Ethan Shevach (Instituts nationaux américains de la santé) pour leurs découvertes concernant certaines cellules immunitaires (les « T régulatrices ») et plus particulièrement l’un de leurs régulateurs « Foxp3 ».

Mais tous les regards sont déjà tournés vers le Nobel de chimie (7 octobre), comme le soulignait il y a quelques jours une dépêche de l’agence Reuters (Julie Steenhuysen – Intellectual Property & Science unit of Thomson Reuters). Et multiples paris sur un Nobel pour le CRISPR-cas9. C’est une technique qui fait des ravages dans la maîtrise du vivant végétal et animal; une technique qui –depuis quelques mois – alimente une polémique naissante (mais considérable) de nature éthique : elle permettrait de modifier le patrimoine génétique de l’humanité – des transformations qui pourraient se faire sur un mode héréditaire. Non plus corriger le pathologique mais « améliorer » le génétique existant.

Sur Slate.fr et blog

Nous avons déjà évoqué ce sujet sur Slate.fr : « Maintenant que les Chinois peuvent modifier génétiquement les humains… » et sur ce blog : « Macaques humanisés chinois : trembler ou pas ? » ; « Quarante ans plus tard il faut réinventer la conférence d’Asilomar » ;  « Transformation génétique des embryons humains ; un responsable du comité d’éthique l’estime ‘’légitime’’ » ; « Bioéthique : l’homme doit-il modifier son patrimoine génétique ? ‘’Oui ! ‘’ dit The Economist » ;  « L’arrivée des embryons humains génétiquement modifiés est annoncée. La France totalement absente des débats » ; « Bioéthique : des biologistes anglais veulent modifier coûte que coûte le génome d’embryons humains ».

Un sigle à retenir: le CRISPR (Clustered Regularly Interspaced Short Palindromic Repeats). C’est, de l’avis même des généticiens, l’une des plus importantes révolutions technologiques de la biologie moléculaire de ces quarante dernières années. Une importance équivalente à celle des premiers «ciseaux génétiques», à celle des techniques de séquençage génétique «à haut débit» ou à celle de l’amplification génétique (PCR pour Polymerase Chain Reaction). Avec ce nouvel outil, il devient possible de cibler n’importe quel gène pour  l’«éteindre», l’«allumer», le «corriger», l’«améliorer»… Et ce dans l’ensemble du vivant, végétal et animal –dont l’humain. Le champ des possibles s’ouvre ainsi plus largement que jamais.

Emmanuelle Charpentier

En juin 2014, la généticienne française Emmanuelle Charpentierco-inventrice de l’outil CRISPR-Cas9, estimait que «cette technique fonctionne si bien et rencontre un tel succès qu’il serait important d’évaluer les aspects éthiques de son utilisation».  Or aujourd’hui Emmanuelle Charpentier (Helmholtz Center for Infection Research et dont le laboratoire est désormais à Berlin) est clairement en lice pour le Nobel de chimie. Mlle Charpentier a déjà été distinguée cette année par le Breakthrough Prize in Life Sciences, le Prix Louis-Jeantet de médecine et  le Prix Princesse des Asturies de recherche scientifique et technique en compagnie de l’Américaine Jennifer Doudna (Université de Californie, Berkeley) elle aussi en lice pour le prix suprême.

La dimension éthique se double d’une féroce compétition juridique quant à la propriété des brevets sur cette technique – comme l’évoque Reuters ainsi que la dernière livraison de The Economist (« Even CRISPR »). On parle beaucoup, ici, de Fen Zhang (Broad Institute, MIT Cambridge, Massachusetts). Ce chercheur a certes travaillé sur le sujet. A-t-il travaillé assez et assez tôt ? Sera-t-il sur la photo du Karolinska ? Faisons-nous fausse route ? L’avenir, très proche, nous le dira.

A demain

Bioéthique: l’homme doit-il modifier son humanité génétique ? «Oui !» dit «The Economist»

Bonjour

Une technique est en train de révolutionner le questionnement bioéthique contemporain. Un nom de barbare (CRISPR) pour une puissance considérable. Une révolution au sens propre qui pose en vrai grandeur la question du remplacement du Créateur (variante : celle de la poursuite de la prise en main par l’Homme de son Destin). En anglais on parle d’éditer l’humain. Il faudra se pencher sur ce verbe d’imprimeur-diffuseur

Le célèbre hebdomadaire anglais ultralibéral The Economist (daté du 22 août) y consacre un riche dossier (voir ici son édition …print). Une lecture essentielle pour qui s’intéresse à l’avenir de notre humanité. On y lira (en anglais) ce qui équivaut à l’édito.

Réfléchir un peu

Comprenons bien : il ne s’agit pas d’user de ces nouveaux ciseaux génétiques pour corriger les anomalies existantes (ne pas faire naître les embryons porteurs de tares plus ou moins handicapantes) mais bien d’améliorer l’existant (‘’enhancement’’). La Une de The Economist dit tout du futur du bébé jouant avec les cubes A T C G de Gattaca : audition parfaite, vision 20/20, très faible risque d’Alzheimer, QI dans les hauteurs, futur sprinter. Et jamais de tristesse. Le Paradis redescendu sur Terre.

 « CRISPR-cas9 », donc. Ou CRISPR (Clustered Regularly Interspaced Short Palindromic Repeats) Nous avons, sur Slate.fr, évoqué il y a peu cette problématique pour certains enchanteresse. (« Maintenant que les Chinois peuvent modifier génétiquement les humains, si on appuyait sur «pause» pour réfléchir un peu ? » (17 mai 2015) ») :

« Cette technique constitue, de l’avis même des généticiens, l’une des plus importantes révolutions technologiques de la biologie moléculaire de ces quarante dernières années. Une importance équivalente à celle des premiers «ciseaux génétiques», des techniques de séquençage génétique «à haut débit» ou celle de l’amplification génétique (PCR pour Polymerase Chain Reaction). Avec ce nouvel outil, il devient possible de cibler n’importe quel gène pour  l’«éteindre», l’«allumer», le «corriger», l’«améliorer»… Et ce dans l’ensemble du vivant, végétal et animal –dont l’humain. Le champ des possibles s’ouvre plus largement que jamais. »

 Emmanuelle Charpentier

Le possible est-il l’acceptable ? Tout les Rubicon sont-ils à franchir ? The Economist observe que les scientifiques (spécialisés) eux-mêmes sont amplement partagés. A commencer par la généticienne française Emmanuelle Charpentierco-inventrice de l’outil CRISPR-Cas9 qui déclarait il y a un an : «cette technique fonctionne si bien et rencontre un tel succès qu’il serait important d’évaluer les aspects éthiques de son utilisation».

Comment mieux dire ? Et comment ne pas poser d’urgence et en vrai grandeur la question de la modification des cellules germinales – un saut vertigineux dont tout laisse penser qu’il serait irréversible ?

Disparition

Au final on retrouve le fondement idéologique de The Economist qui, tout bien pesé ne voit pas de véritables et bonnes raisons pour ne pas se lancer dans cette nouvelle aventure (comme le Royaume-Uni vient de le faire en autorisant démocratiquement les bébés-à-trois-parents pour lutter contre la transmission des maladies mitochondriales. Un monde meilleur, estime The Economist, est possible avec CRISPR.

Voilà un beau sujet de débat qui ne perce pas en France Pourquoi ? Les responsables politiques sont a priori tétanisés face à ces questions (quand ils savent qu’elles existent). Les scientifiques ne semblent guère vouloir évoquer ce sujet (ou ne savent pas comment y faire). Quand aux médias ils ne jouent pas, dans leur grande majorité la fonction dont ils portent le nom. Reste le Comité national d’éthique. Mais où est-il passé ?

Editer l’humain ? Est-ce l’heure ? Faut-il le faire à compte d’auteur ?

A demain

La formidable petite histoire des rince-bouches au vin rouge (de pinot noir)

Bonjour

Comment faire parler de soi dans les médias ? En publiant des travaux qui seront immanquablement cités du fait même de leur sujet – et ce quelque soit leurs résultats. L’alcool est l’un des mots-clefs qui vous feront citer. L’alcool pathologique bien sûr. Plus fort encore : l’ombre divine de l’alcool thérapeutique.

Qui lit  Agricultural and Food Chemistry (voir ici) ?  Et qui connaît l’ Instituto de Investigación en Ciencias de la Alimentación de Madrid (voir là)? Quatre chercheurs du second publient dans le premier :

“Red wine and oenological extracts display antimicrobial effects in an oral bacteria biofilm model”. (1)

The Economist attaque

C’est The Economist (31mai—6 juin) qui, le premier, a tiré : « Oral health Wine gums » (lire ici). Londres à toujours goûté les vins du sud du Vieux Continent. Ses journalistes tout particulièrement. Leurs lecteurs également. Ce qui fait (encore) beaucoup de monde. C’est pourquoi The Economist travaille le sujet dans le plus petit détail. Jusqu’à donner la méthodologie du travail espagnol – incluant un pinot noir, millésime 2010. L’anonyme journaliste ne résiste pas :

“Regrettably, this work does not suggest that a nightly glass of wine is a sensible substitute for a thorough dental brushing before you go to bed”.

 On fera remarquer à notre confrère travaillant dans un pays qui depuis des siècles est contraint d’importer les vins qu’il boit (quand il ne spécule pas) que l’étude madrilène ne suggère pas une hypothèse contraire. Le mieux n’est pas l’ennemi du bien et les moyens peuvent justifier la fin.

Le Figaro plonge

Hier c’était au Figaro (Anne-Laure Lebrun) de plonger : « Le vin rouge contre les maladies bucco-dentaires » (voir ici). Où il est expliqué que les actions anti-oxydantes de certains composés des vins rouges pourraient se substituer aux flacons multicolores des bains de bouche qui encombrent nos lavabos. Les polyphénols à l’assaut des sales bactéries sources de caries.

« En testant le vin rouge avec et sans alcool sur les colonies de bactériennes, l’équipe espagnol a noté une nette diminution de leur nombre, rapporte fidèlement  Le Figaro. Cette comparaison montre que ce n’est pas l’alcool qui inhibe la croissance bactérienne mais bien les polyphénols. Ceci car les pépins de raisins renferment la quasi-totalité des polyphénols du raisin. La canneberge est ainsi de plus en plus utilisée dans les dentifrices. »

Pépins de la Romanée

Tout est parfaitement résumé. Jusqu’à la chute : « Alors, à quand les rince-bouches au Bourgogne ? ». On eût préféré une formule mieux à même de rivaliser avec The Economist. Que pense-t-on de tout cela à Madrid ? Est-ce la fin annoncée de l’ « Eau de bouche Botot » ? L’arrivée prochaine d’une spécialité bucco-dentaire aux polyphénols des pépins de marc du domaine de la Romanée-Conti ? En exclusivité dans les meilleures pharmacies.

A demain

(1)  Voici l’abstract :

’ The antimicrobial effects of red wine and its inherent components on oral microbiota were studied by using a 5-species biofilm model of the supragingival plaque that includes Actinomyces oris, Fusobacterium nucleatum, Streptococcus oralis, Streptococcus mutans and Veillonella dispar. Microbiological analysis (CFU counting and confocal laser scanning microscopy) of the biofilms after the application of red wine, dealcoholized red wine, and red wine extract solutions spiked or not with grape seed and inactive dry yeast extracts showed that the solutions spiked with seed extract were effective against F. nucleatum, S. oralis and A. oris. Also, red wine and dealcoholized wine had an antimicrobial effect against F. nucleatum and S. oralis. Additional experiments showed almost complete and early degradation of flavan-3-ol precursors [(+)-catechin and procyanidin B2] when incubating biofilms with the red wine extract. To our knowledge, this is the first study of antimicrobial properties of wine in an oral biofilm model.’’

 

 

 

 

 

 

Plus jamais de barbecues sans mise de la barbaque en bière (Guinness® vs Pilsner®)

Bonjour

Le barbecue est un mystère doublé d’un paradoxe. On ne sait pas comment faire griller des viandes sur des braises que personne ne sait allumer. On sait que ces chairs carbonisées sont mauvaises pour la santé. Pour autant les convives sont aux anges. Quoi de plus rassurant que des quadras ayant réussi, des quadras tentant de maîtriser la cuisson d’une côte de bœuf ? En plein air et dans une des résidences secondaires. Les oiseaux gazouillent. Sereins sont les marchés. Le brouilly bio morgonne. Les femmes sont comme épanouies. On peut voir un ministre (en marinière) et un banquier (de gauche). Ce soir les quatre-quatre rentreront vite et tard sur Paris.

Barbacot

Le barbecue est comme une parenthèse préhistorique : la maîtrise du bœuf et la conquête du feu. C’est pourtant une invention moderne, la déclinaison sur le vieux continent d’une pratique fantasmée de cow-boys de carton-pâte. Tout en lui fait sauvage des antipodes. A commencer par l’étymologie officielle qui certifie que « barbecue » est né dans les Amériques espagnoles avec un barbacoa  marié contre nature à l’anglais qui aurait volé un mot arawak désignant une claie en bois servant à rôtir ou fumer la viande. On verra tout cela ici.

Abattoirs

Barbecue est d’ailleurs attesté depuis en anglais depuis la fin du XVIIème siècle sous les vocables anciens: barbecubarbacotbarbicue. C’est dire si cette coutume n’est pas française. Elle l’est d’autant moins qu’elle renvoie immanquablement, dans l’Hexagone, à barbaque. Barbaque qui fait immanquablement songer aux abattoirs, à l’écriture en noir et blanc. Les amateurs en apprendront plus ici.

Blaise Cendrars

«  − Ah! les potes, hein, la barbaque qu’on nous a balancée hier, tu parles d’une pierre à couteaux! (…) J’ai dit aux gars : « Attention, vous autres! N’mâchez pas trop vite : vous vous casseriez les dominos; des fois que l’bouif aurait oublié de r’tirer tous les clous!»  Barbusse, Le Feu,1916, p. 26.

« Nous possédions un fort réchaud à gaz lampant « Sulfridor », un peu explosif, dans l’arrière-boutique-gymnase… L’hiver, je mettais le pot-au-feu… C’est moi qui achetais la barbaque, la margarine et le frometon… » Céline, Mort à crédit,1936, p. 471.

«  − (…) Y a-t-il moyen d’avoir une belle poularde avec des champignons à la crème? Oui? Alors c’est parfait car, vous savez, nous l’avons plutôt sauté, en Afrique, de la barbaque de chameau, de la carne de singe et des conserves japonaises, on en a marre, Jicky et moi… » Cendrars, L’Homme foudroyé,1945, p. 56.

Christine Angot

On observera que l’acception barbaque a pratiquement disparu de la littérature depuis la création de l’Agence française de sécurité sanitaire de l’alimentation (Afssa) née à Maisons-Alfort en 1999 dans les affres de l’affaire de la vache folle. Et plus encore depuis la naissance (2010) de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anaes). Pas de barbaque chez Amélie Nothomb, chez Mazarine Pingeot ou chez Christine Angot.  Chercher chez Catherine Millet ?

35 euros

On observera aussi que depuis la création des deux Agences (produits du démembrement de l’Etat jacobin)  le barbecue a beaucoup perdu de sa superbe. C’est que l’on ne cesse de parler et de reparler du risque cancérigène des viandes carboniséesOn lira ici, dans Molecular Carcinogenesis ce qu’il peut en être pour le cancer du côlon. C’est dire tout l’intérêt que l’on peut, à l’approche de l’été, apporter à une publication du Journal of Agricultural and Food Chemistry  (l’abstract est consultable ici) – (35 euros les 48 heures pour la publication ad integrum). C’est une publication rafraîchissante qui nous vient du Portugal, pays dont on sait quelle contribution il apporta à la conquête des Indes occidentales.

Porto

Du Portugal et plus précisément de Porto. Les auteurs ont travaillé sons la direction d’Isabel Ferreira  (Serviço de Bromatologia, Faculda de de Farmácia da Universida de do Porto, Rua Anibal Cunha 164, 4099-030 Porto). Les auteurs démontrent en substance que le fait de faire mariner sa viande dans la bière avant un barbecue permettrait de limiter la formation d’amines aromatiques hétérocycliques (polycyclic aromatic hydrocarbons), cancérogènes potentiels. Ce que certains médias français, friands de raccourcis, ont traduit par : « un nouvel usage thérapeutique pour la bière ».

Guinness® vs Pilsner®

On connaît le poids des brasseurs. L’affaire commence à buzzer dans le monde entier.  On verra ici la version anglaise en diable qu’en donne l’ultra-libéral The Economist. Des Anglais fins et fouineurs comme jamais qui s’interrogent sur la meilleure marque de bière devant être utilisée.  Extrait :

«  One of their marinades was based on Pilsner, a pale lager. A second was based on a black beer (type unstated). Since black beers have more melanoidins than light beers—as the name suggests, they give it colour—Dr Ferreira’s hypothesis was that steaks steeped in the black-beer marinade would form fewer polycyclic aromatic hydrocarbons  than those steeped in the light-beer marinade, which would, in turn, form fewer than control steaks left unmarinated.

And so it proved. When cooked, unmarinated steaks had an average of 21 nanograms (billionths of a gram) of polycyclic aromatic hydrocarbons per gram of grilled meat. Those marinated in Pilsner averaged 18 nanograms. Those marinated in black beer averaged only 10 nanograms. Tasty and healthy too, then. Just what the doctor ordered.»

Point n’est besoin de maîtriser totalement l’anglais pour fleurer ici le parfum, entêtant, du conflit d’intérêt. Le brouilly est décidément top. Les femmes sont parties chercher les fraises d’Espagne. Demain les actions des brunes commenceront à se valoriser. Le ministre parle avec le banquier. Tout est parfait.

A demain