VIH. A quand la prochaine controverse politique sur la discrimination des donneurs de sang ?

Bonjour

En France on tient l’affaire pour close – et ce au terme d’un remarquable travail de l’exécutif sanitaire. Elle resurgit aux Etats-Unis, comme l’explique Slate.fr reprenant les données de  The Independent.

Outre Atlantique de 1983 à 2015 les hommes bisexuels et homosexuels déclarés ne pouvaient pas être des donnneurs de sang ; mesure prise au vu du risque de contamination post-transfusionnelle par le VIH. Depuis cette date ils y sont autorisés, à condition de certifier ne pas avoir eu de relation sexuelle avec un homme au cours des douze derniers mois -contre quatre mois pour un homme ayant eu des relations hétérosexuelles avec des partenaires mutiples. Une règle qui ne s’applique pas aux hommes hétérosexuels, ni aux femmes homosexuelles.

Décriée depuis de nombreuses années par certains milieux associatifs cette forme de discrimination pourrait être discutée lors de la prochaine campagne présidentielle américaine. Le quotidien britannique The Independent a, sur ce thème, interrogé les principaux candidats démocrates pour 2020, et sept d’entre eux ont affirmé vouloir abolir cette règle discriminatoire.

Parmi eux, Beto O’Rourke, dont l’un des porte-parole a assuré que cette mesure n’avait «rien de scientifique, ni même de médical», et qu’elle était«uniquement liée à une stigmatisation dépassée de la communauté LGBT […] Nos politiques de don du sang devraient être fondées sur des preuves médicales du 21e siècle, et non sur des biais désuets selon lesquels certaines populations présenteraient des risques plus élevés de transmission du VIH. Ces politiques ne servent personne, et ne font que limiter l’accès au don du sang, qui pourtant sauve des vies.»

C’est la première fois que cette question provoque autant d’engouement lors d’une campagne présidentielle, estime William McColl, directeur de la politique de santé du groupe AIDs United. «Je pense que ça montre que nous avons fait de gros progrès en très peu de temps, se réjouit-il, ces discussions n’auraient pas eu lieu il y a à peine dix ans, c’est certain.» Pour le groupe de défense des droits LGBT Human Rights Campaign, les résultats scientifiques doivent primer sur les débats politiques: «Évidemment, le fait que des membres du Congrès, des candidats, et d’autres personnes dénoncent cette interdiction, est d’une grande aide, reconnaît l’un des responsables, David Stacy, mais la science est de notre côté. Il est important que le don du sang soit sûr, et il peut l’être sans que certaines personnes soient stigmatisées.»

Quid de la France ?

Les mêmes causes produisant les mêmes effets cette controverse resurgira-t-elle en France où des dispositions équivalentes sont en vigueur depuis trois ans 1?  Le 14 novembre 2018 Santé publique France avait publié les premiers résultats de l’enquête dite « Complidon », menée en collaboration avec l’Établissement français du sang et le Centre de transfusion sanguine des armées. Elle portait sur le respect des critères de sélection au don de sang par les donneurs. Près de 110 000 donneurs avaient été interrogés. Et cette surveillance épidémiologique révèlait que l’ouverture du don de sang en juillet 2016 aux hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes n’augmente pas le risque de transmission du VIH par transfusion – risque qui reste extrêmement faible en France : estimé, sur la période 2015-2017, à un don VIH positif non détecté sur 5,2 millions de dons.

« Pour évaluer le respect et la compréhension des critères de sélection des donneurs, Santé publique France a réalisé l’enquête Complidon, à laquelle près de 110 000 donneurs de sang ont répondu. Les résultats indiquent que les contre-indications actuelles au don de sang ne sont pas toujours strictement respectées. Ainsi, parmi les hommes, 0,73% ont déclaré avoir eu des rapports sexuels entre hommes au cours des 12 derniers mois, sans l’avoir indiqué avant le don. »

« Parmi les hommes, seuls 0,56 % ont déclaré lors de l’enquête avoir eu des rapports sexuels avec des hommes aux cours des 4 mois précédant leur don. De plus, parmi les hommes ayant eu des rapports sexuels entre hommes au cours des 12 derniers mois, un sur deux (46 %) a déclaré qu’il l’aurait signalé lors de l’entretien pré-don si la durée d’ajournement avait été plus courte. »

« Bien que déclaratifs, ces chiffres indiquent que le respect du critère de sélection concernant les HSH pourrait augmenter avec une période d’ajournement plus courte, faisait valoir Santé publique France. À la suite de données similaires, en novembre 2017, le Royaume‑Uni a autorisé les HSH à donner leur sang, à condition qu’ils n’aient pas eu de rapports sexuels entre hommes dans les 3 mois précédant le don. »

« Et maintenant, en France ? » demandions-nous en novembre dernier. Ces données chiffrées officielles permettaient d’apporter des éléments aux pouvoirs publics, « en vue de considérer une éventuelle ouverture plus large du don de sang aux HSH en France ». L’ensemble de ces résultats avait alors été présenté au comité de suivi de l’arrêté fixant les critères de sélection des donneurs de sang qui réunit, sous l’égide de la DGS, les associations de patients, de donneurs et de défense des droits et les agences sanitaires. « On attend » écrivions-nous encore. On attend toujours.

A demain @jynau

Tout savoir sur les contre-indications au don de sang

Vaccin contre la rougeole : et soudain l’on vit Donald Trump contraint à manger son chapeau

Bonjour

Tout peut arriver en cas d’épidémie. Face à la résurgence de la rougeole sur le sol des Etats-Unis le président Donald Trump a dû mettre de l’eau dans son breuvage régressif antivaccinal. Où l’on voit le président américain déclarer, vendredi 26 avril dans les jardins de la Maison Blanche : « Il faut qu’ils se fassent vacciner, c’est très important ».

Depuis le 1er janvier, les Etats-Unis ont officiellement recensé 695 cas de rougeole – et l’on découvre à cette occasion la vulnérabilité de certaines fractions de la population – des fractions au sein desquelles de nombreux parents se refusent à faire vacciner leurs enfants profitant de dispositions législatives ou réglementaires autorisant des exemptions pour motifs religieux, personnels ou « philosophiques ».

L’urgence sanitaire a ainsi été déclarée par les autorités locales dans plusieurs villes. A New York, le maire a rendu la vaccination obligatoire dans les quartiers devenus des foyers de l’épidémie. Par précaution, deux universités de Los Angeles, en Californie, ont décrété la mise en quarantaine de centaines d’étudiants : tous ceux qui s’étaient retrouvés dans les mêmes lieux que deux camarades infectés, et qui n’avaient pas de preuve de vaccination.

Il faut ici rappeler que Donald Trump avait, dans un passé récent, régalé fait les ligues et militants antivaccins, comme le rappelle fort opportunément Le Monde. Il reprenait alors des théories émettant des doutes sur la sûreté de ces médicaments suggérant que certains pouvaient induire des troubles autistiques.

« Un jeune enfant en bonne santé va chez le médecin, reçoit une injection massive de plusieurs vaccins, ne se sent pas bien et change – AUTISME. Beaucoup de cas de ce genre ! », tweetait-il par exemple en mars 2014« Stop aux injections massives. Les petits enfants ne sont pas des chevaux – un vaccin à la fois, au fil du temps »écrivait-il en septembre de cette même année« Je ne suis pas contre la vaccination pour vos enfants, je suis contre les injections de vaccins en une dose massive. Répartissez-les sur une longue période et l’autisme sera réduit »insistait-il à l’époque.

Lors d’un débat télévisé organisé dans le cadre des primaires républicaines en 2015, le candidat Trump avait annoncé vouloir modifier le plan de vaccination des enfants. « L’autisme est devenu une épidémie », déclarait-il encore. Avant son élection, en 2016, Donald Trump avait aussi rencontré « quatre éminents militants antivaccins lors d’une collecte de fonds en Floride », rappelle The Independent. Parmi eux le tristement célèbre Andrew Wakefield, médecin britannique aujourd’hui radié mais toujours actif sur le front antivaccinal.

Resre, pour ce qui est de la rougeole et de son éradication planétaire via la vaccination, de nouvelles questions dérangeantes aujourd’hui encore trop ignorées : celles que posent, depuis Marseille, le Pr Didier Raoult et le Dr Emilie Javelle et que l’on peut entendre exposées ici : « Aujourd’hui la rougeole ». Des questions dérangeantes qui, maintenant que ce vaccin est devenu obligatoire en France, mériteraient d’être ouvertement discutées par les autorités sanitaires nationales.

A demain

@jynau

Courage en politique : pourquoi Agnès Buzyn n’ose-t-elle pas le « Janvier sans alcool » ?

Bonjour

Santé publique, courage et pragmatisme. C’est un papier original de The Independant (Olivia Petter) repéré par Slate.fr (Thomas Messias) : « DRY JANUARY BENEFITS COULD LAST UNTIL AUGUST, STUDY CLAIMS. Giving up alcohol for one month may improve sleep, energy and skin health ».

C’est aussi un papier éminemment politique. Il témoigne du salutaire pragmatisme sanitaire et, en regard, des impasses du jacobinisme français. Où l’on découvre les vertus du « Dry January ». Commencer son année par un mois sans alcool, c’est le concept du «Dry January». Le but est de traverser janvier de façon saine, pour purger les excès des fêtes et démarrer sur de bonnes bases. En janvier 2015, pas moins de deux millions de personnes se seraient adonnées à cette pratique.

« Dry January » : campagne de santé publique exhortant les gens à s’abstenir de boire de l’alcool pendant le mois de janvier inventée en Finlande (« Janvier sobre ») en 1942 – mise en œuvre depuis quelques années en Grande Bretagne. « Dry January » enregistré en tant que marque par l’association caritative « Alcohol Concern » en 2014 associée depuis 2015 à Public Health England.

En janvier 2014, selon Alcohol Concern, plus de 17 000 Britanniques auraient cessé de boire pendant un mois. Et un sondage de l’Université de Sussex a établi que six mois plus tard 72% avaient « réduit les épisodes de consommation nocive d’alcool », 4% demeurant abstinents.

Et voici, aujourd’hui, qu’une étude émanant là encore de l’Université du Sussex vient confirmer les effets bénéfiques d’un « janvier sans alcool », en essayant de les quantifier. Première constatation : les personnes qui décident de ne pas boire en janvier ont souvent tendance à le faire ensuite de façon plus modérée qu’avant lors du reste de l’année. Slate.fr :

« Durant les huit premiers mois de l’année 2018, l’équipe du Dr Richard de Visser a observé le comportement de 800 personnes s’étant adonnées au ‘’Dry January’’ en janvier. En moyenne, elle ont bu de l’alcool 3,3 jours par semaine (contre 4,3 précédemment), et elles ont été ivres 2,1 fois par mois (contre 3,4 auparavant). En outre, 67% des sujets de l’étude ont affirmé se sentir plus énergiques dans les mois qui ont suivi. 58% disent avoir perdu du poids et 57% affirment avoir gagné en concentration.

 « Le Dr Richard de Visser souligne que ces effets sont visibles (de façon certes moins convaincante) y compris chez des personnes n’ayant pas réellement pratiqué le ‘’Dry January’’, mais ayant néanmoins réduit leur consommation d’alcool durant cette période. Les effets de ce mois de janvier plus sain se font ressentir sur la consommation d’alcool à long terme, puisque même au mois d’août, les personnes ayant pratiqué le ‘’Dry January’’ ont bu un jour de moins par semaine que durant le mois d’août précédent. »

 Santé publique et pragmatisme. Et « réduction des risques ». En 2019 on attendra, ici aussi, Agnès Buzyn.

A demain

@jynau

 

 

Troll : après le Royaume Uni, quand Philip Morris proposera-t-il d’aider notre Assurance maladie ?

Bonjour

Paradoxe : les industriels du tabagisme ne manquent vraiment pas d’air. On a peine à y croire et pourtant. C’est une information de The Independant reprise par Slate.fr : « Philip Morris trolle la sécurité sociale britannique ». Le géant mondial du tabac vient de s’adresser au secrétaire d’État à la SantéMatthew Hancock et aux responsables du National Health Service (NHS) : il propose son aide dans la lutte contre le tabagisme en faisant la promotion de son IQOS, un système de tabac « chauffé »  présenté comme étant à « moindre nocivité » par rapport au tabac « brûlé ». Une affirmation contestée au Royaume-Uni mais qui laisse les responsables sanitaires français sans voix.

Mark MacGregor, directeur des affaires générales de Philip Morris au Royaume-Uni et en Irlande s’adresse ainsi à ses correspondants :

«Pour fêter le soixante-dixième anniversaire du NHS, nous sommes ravis de vous proposer nos services afin d’aider les 73.000 fumeurs de votre institution à arrêter. Ce serait une campagne collaborative: vous fourniriez les conseils nécessaires pour arrêter d’être dépendant à la nicotine et pour ceux qui n’arriveraient pas à arrêter nous les aiderions à passer à un produit alternatif sans-fumée.»

Philip Morris (dont le siège opérationnel est à Lausanne) affirme que cette initiative est « totalement en accord » avec les règles de l’OMS. « Nous sommes convaincus que nous pouvons jouer un rôle essentiel afin de prodiguer des conseils et de permettre aux fumeurs de se tourner vers des alternatives comme les cigarettes électroniques ou le tabac chauffé». Pour sa part la sous-secrétaire d’État à la Santé, Steve Brine, a notamment affirmé, lors d’un débat à la Chambre des communes que l’action de Philip Morris était « totalement inappropriée et contre le protocole de l’OMS ». Pour certains activistes ces propos ne sont pas assez forts.

Communication honteuse

Des militants anti-tabac voient là un « coup de com’ honteux » et rappellent que les  règles de l’OMS disposent que « l’industrie du tabac n’a le droit d’être le partenaire d’aucune initiative allant dans le sens des politiques de santé publique étant donné que ces intérêts sont en conflit direct avec les objectifs de ces politiques.»

Il faut voir ici  la suite d’une stratégie méthodique. En janvier dernier Philip Morris avait acheté des espaces publicitaires dans un certain nombre de quotidiens britanniques. Il y vantait sa bonne résolution pour la nouvelle année : « nous essayons d’abandonner la cigarette ».  L’affaire avait alors intéressé au plus haut point le site des buralistes français – site qui s’est fendu d’une traduction de la publicité britannique :

« Philip Morris est connu pour ses cigarettes. Chaque année, beaucoup de fumeurs s’en débarrassent. C’est à notre tour, maintenant. Notre ambition consiste à arrêter de vendre des cigarettes au Royaume-Uni. Cela ne va pas être facile. Mais nous sommes déterminés à faire de notre ambition une réalité. Il y a 7,6 millions de fumeurs adultes au Royaume-Uni. La meilleure décision qu’ils peuvent prendre est d’arrêter de fumer. Beaucoup vont y arriver. »

« Mais beaucoup vont continuer de fumer. C’est pourquoi nous voulons remplacer la cigarette par d’autres produits, la cigarette électronique ou le tabac chauffé, qui représentent un meilleur choix pour les millions d’hommes et de femmes, au Royaume-Uni, qui néanmoins ne voudraient pas arrêter de fumer. »

Et le vieux géant toxique d’expliquer avoir investi 2,5 milliards de livres sterling en R & D pour son tabac « chauffé ». Et d’afficher, sur le sol britannique, ses engagements pour 2018 : lancer et promouvoir un site web – smokefreefuture –  visant à informer les fumeurs souhaitant arrêter ou se tourner vers des alternatives à la cigarette ; proposer notre aide aux autorités locales dans les zones où les taux de prévalence tabagique sont les plus élevés ; obtenir une autorisation gouvernementale pour insérer, directement dans nos paquets de cigarettes, des informations pour arrêter de fumer où se convertir à des produits alternatifs ; développer la disponibilité de nouveaux produits alternatifs au Royaume-Uni.

Vieux Continent

Peter Nixon (Managing Director de Philip Morris Limited) avait alors adressé un courrier à Theresa May, Premier ministre britannique, pour confirmer l’implication de son entreprise dans son nouveau message : « Nous sommes persuadés que nous avons un rôle important à jouer pour contribuer à rendre le Royaume-Uni un pays sans tabac (…) Les engagements que nous annonçons représentent des étapes pratiques qui peuvent contribuer à parvenir plus vite à cet objectif ».

On attend des initiatives similaires sur le Vieux Continent. Pour quand ? Philip Morris s’adressant aux dirigeants de notre Assurance maladie, à Agnès Buzyn, à Emmanuel Macron au nom de la prévention ?

Sans doute peut-on attendre. A la différence du Royaume Uni (où le nombre de fumeurs a été drastiquement réduit grâce notamment à une politique active de promotion de la cigarette électronique) la France demeure l’un des premiers consommateurs de tabac en Europe. Ne s’y sentant pas directement menacé Philip Morris peut se satisfaire de l’état actuel du marché.

Où l’on en viendrait presque, paradoxe, à souhaiter que ce cigarettier à la triste figure en vienne, après le Royaume-Uni, à chercher à démarcher nos responsables sanitaires et notre Assurance maladie.

A demain

 

 

Vives inquiétudes sur l’innocuité de Dengvaxia®, vaccin contre la dengue de Sanofi Pasteur

Bonjour

En juillet 2015 tout semblait parfait, ou presque : un vaccin contre la dengue avait été mis au point par Sanofi Pasteur.  Nous avons anticipé le développement industriel avant la fin des essais cliniques, expliquait-on chez Sanofi-Pasteur en 2013. C’est un pari et nous pensons que ce vaccin est la seule solution contre la dengue. Si nous avions attendu les résultats de la phase III, les doses n’auraient été commercialisables qu’en 2019, et non en 2015. » Les résultats de la phase III des essais cliniques du Dengvaxia® venaient d’être publiés. Et Sanofi-Pasteur était loin devant GlaxoSmithKline.

Marisol Touraine, alors ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes visitait le site de production lyonnais.  Elle était accompagnée du ministre de la Santé du Mexique, Mercedes Juan Lopez.  « Dans ces murs se façonne un formidable espoir pour des millions d’individus à travers le monde, devait déclarer Mme Touraine. Nous sommes animés par une ambition commune, celle de faire de la dengue la prochaine maladie évitable et plus largement d’agir pour la santé publique au niveau mondial. »

En décembre 2017, tout est nettement plus compliqué que prévu – nettement plus inquiétant aussi. Les Philippines viennent d’annoncer la suspension d’une vaste campagne de vaccination anti-dengue : le groupe français vient de faire savoir que le Dengvaxia®, déjà administré à des milliers d’enfants pourrait, dans certains cas non pas prévenir mais aggraver la maladie.

Utilisation déconseillée

 Sanofi Pasteur avait déconseillé l’utilisation de son vaccin chez les personnes n’ayant, au préalable, jamais été infectées – une question assez complexe d’immunogénicité. Dans un communiqué, l’OMS avait elle aussi recommandé en 2016 que le vaccin « Dengvaxia®  soit administré seulement aux personnes ayant déjà été infectées par la dengue ». L’inquiétude est réelle dans ce pays où plus de 733 000 Philippins ont été vaccinés contre le virus. Cela faire craindre que beaucoup d’entre eux puissent développer la forme la plus grave de cette maladie virale potentiellement mortelle. C’est ce que dit, à sa façon, The Independant.

Un groupe d’experts de l’OMS doit en outre se réunir dans deux semaines pour décider de la meilleure stratégie sanitaire  – voir le dernier communiqué de l’OMS sur le sujet. Pour l’heure la communication de Sanofi Pasteur témoigne de son embarras. . Le groupe affirme qu’une nouvelle étude avait confirmé les avantages du Dengvaxia® sur « ceux qui avaient eu une infection antérieure ». Mais il dit aussi que « pour ceux qui n’avaient pas été précédemment infectés (…), l’analyse a révélé qu’à plus long terme, davantage de cas de maladie grave pourraient survenir après la vaccination en cas d’infection à la dengue ».

Mise à jour

Le gouvernement philippin n’a reçu à ce jour aucun signalement de problèmes liés à Dengvaxia®. Il a également indiqué que ces nouvelles informations ne signifiaient pas que tous ceux qui n’ont jamais été infectés souffriraient de la forme plus grave de la dengue s’ils étaient vaccinés.

« Sanofi va demander aux autorités de santé de mettre à jour les informations communiquées aux médecins et aux patients concernant son vaccin contre la dengue, Dengvaxia, dans les pays où il est approuvé. Cette demande se fonde sur une nouvelle analyse des résultats à long terme des études cliniques du vaccin, qui ont montré des écarts de performance basés sur des antécédents d’infection par la dengue », indique un communiqué de la firme.

Concernant la France, le Haut Conseil à la santé publique (HCSP) avait formulé un avis défavorable à une utilisation anticipée de ce vaccin dans les départements français d’Amérique, à savoir la Martinique, la Guadeloupe et la Guyane ainsi qu’à Mayotte et à la Réunion. Une forme de précaution.

A demain

 

Pharmacie, éthique et politique : méchantes recettes pour faire de gros bénéfices

 

Bonjour

On peut voir là, au choix, des informations édifiantes ou révoltantes. Elles sont disponibles sur le site Medscape (Aude Lecrubier). On y découvre les révélations de plusieurs médias britanniques quant aux méthodes de la multinationale pharmaceutique sud-africaine Aspen Pharmacare. « S’il n’obtient pas les hausses de prix demandées auprès des gouvernements, Aspen va jusqu’à stopper les ventes, quitte à envisager de détruire ses propres stocks, résume Medscape. Or, Aspen est en situation de quasi-monopole sur ces génériques… »

Après The Guardian, ces pratiques sont mises en lumière par The Times (Billy Kenber) : « Drug giant’s secret plan to destroy cancer medicine » et par  The Independant (Katie Forster): « Pharmaceutical giant ‘plotted to destroy cancer drugs to drive prices up 4,000%’ ». On y apprend le bras de fer engagé avec le gouvernement espagnol pour obtenir une forte hausse des prix de cinq génériques d’anticancéreux acquis auprès de GlaxoSmithKline.  Une bataille qu’ont déjà perdu (ou que n’ont pas mené) certains pays européens.

Parmi les cinq médicaments concernés, le busulfan (Myleran®, Aspen) indiqué dans le traitement de la leucémie myéloïde chronique a vu son prix passer de 5,20 £ à 65,22 £ le flacon de comprimés en 2013 – soit une augmentation de plus de 1100% après l’acquisition par Aspen.

Faire céder les gouvernements

« Notons qu’en France, le prix du médicament vendu par Aspen est désormais de 68 euros par flacon de 25 comprimés alors qu’il était de 14,93 euros en 2006, souligne Medscape. Une autre molécule, le chlorambucil (Leukeran®, Aspen), également utilisée en hémato-oncologie coute désormais 40,51 £ par boite versus 8,36 £ avant le rachat en 2013. En France, le produit est aujourd’hui commercialisé par le laboratoire Techni Pharma pour 20,96 euros la boite de 30 cps. Dans l’Hexagone, le Purinethol® coute désormais 64,63 euros par flacon de 25 cps au lieu de 4,35 euros lorsqu’il était commercialisé par GSK. »

Face à refus du gouvernement espagnol d’accepter une augmentation de prix allant jusqu’à 4000%, le laboratoire est passé des menaces à l’action destructrice. Selon The Independent, cette méthode de pression a déjà été utilisée par le laboratoire en Italie où les pénuries de médicaments et les menaces d’arrêter les ventes ont fini par faire céder le gouvernement.

Interrogé par The Times, Aspen n’a pas fait de commentaire sur la question de la destruction des stocks espagnols, précise Medscape. En revanche, Dennis Dencher, DG d’Aspen Pharma Europe a indiqué que les hausses de prix avaient pour but « de promouvoir un accès durable aux patients », que les prix initiaux étaient « très bas et insoutenables » et que les « pénuries d’anticancéreux d’Aspen n’étaient pas délibérées ».

Existe-t-il une éthique minimale dans la jungle des multinationales pharmaceutiques ? Que pourrait révéler, sur le sujet, le Comité économique français des produits de santé ?

A demain

 

L’homéopathie n’a pas d’efficacité démontrée. Pourquoi ne pas oser l’afficher ?

 

Bonjour

Définir l’homéopathie ? « De l’eau diluée dans de l’eau » avait osé, sur France Culture,  le Pr Alain Goudeau, chef du service de bactériologie du CHU de Tours. De l’eau au carré dynamisée qui n’est pas toujours sans certains effets. L’affaire est aussi vieille que son créateur, Samuel Hahnemann, mort à Paris en 1843. Deux siècles et demi de polémiques scientifiques, d’effet placebo, de croyance n’affleurant pas à la raison.

Nouvelle étape, aujourd’hui avec la décision sans précédent de la Federal Trade Commission américaine. Ce puissant organisme régule le commerce aux États-Unis. Il vient de demander producteurs de produits homéopathiques de publier les preuves scientifiques de l’efficacité de leurs granules. Ou, faute de mieux, d’indiquer clairement qu’il n’y a pas de preuve scientifique à l’appui des allégations.

Gazettes généralistes

Il s’agit, en somme, de faire entrer ces granules dans le pot commun de la réglementation médicamenteuse. On trouvera ici les explications  de la  Federal Trade Commission :  “FTC Issues Enforcement Policy Statement Regarding Marketing Claims for Over-the-Counter Homeopathic Drugs”.

Etrangement l’affaire n’a guère été évoquée par les gazettes généralistes de ce côté-ci de l’Atlantique. Avec quelques exceptions. Au Royaume-Uni elle a été reprise par The Independant : “Homeopathy ‘treatments’ must be labelled to say they do not work, US government orders”.

En France, le site Atlantico vient de reprendre le site britannique: « États-Unis : les traitements homéopathiques devront porter un avertissement disant qu’ils ne fonctionnent pas ».

Forces du Progrès

Et Atlantico de citer Slate.fr et un papier du Pr François Chast développant clairement ce sujet et les incohérences qui le sous-tendent. :

« L’homéopathie se place également en dehors des raisonnements scientifiques dans les différents domaines, de la chimie, de la biologie, de la physiologie et de la pharmacologie. Elle échoue à démontrer son efficacité lorsqu’elle est confrontée aux essais cliniques. Le médicament homéopathique est un placebo qui ne dit pas (officiellement) son nom. Pratique davantage commerciale que scientifique, l’homéopathie s’appuie sur la crédulité des malades et sur la bienveillance des pouvoirs publics.

 « Ceux-ci y voient une approche peu coûteuse, même si les médicaments homéopathiques prescrits sont remboursés à 30 % –ce qui n’a aucun sens, et représente quand même près de 2% des remboursements de médicaments par l’Assurance maladie. » 1

Rembourser à 30% de « l’eau diluée dans de l’eau » ? Il y a là une source nullement négligeable d’économie solidaire. Aucun  ministre de la Santé n’a jamais osé l’actionner. L’effet placebo, l’homéopathie sont de puissantes étrangetés qui effraient toujours le politique et les forces du Progrès.

A demain

1 Sur ce thème on peut se reporter à  «La Vérité sur vos médicaments»,  mars 2015, 600 pp., 24 €  (Odile Jacob). Trente-deux experts s’y expriment. «Aucun d’entre nous n’accorde la moindre propriété pharmacologique à l’homéopathie, expliquent-ils. Il n’est pas question d’interdire l’homéopathie mais de ne pas la rembourser.»

 

Première mondiale: un enfant a été créé à partir de «trois parents». Impossible en France

 

Bonjour

C’est une belle exclu du New Scientist. « Exclusive: World’s first baby born with new “3 parent” technique ». Une première mondiale aussitôt reprise par la BBC : “First ‘three person baby’ born using new method”. Par The IndependentWorld’s first baby born using new ‘three-parent’ technique”. Ou par The Guardian:“World’s first baby born using three-parent IVF technique”. Pour l’heure les médias généralistes français ignorent, boudent ou minimisent cette information.

Résumons: un garçon est né le 6 avril dernier à Mexico après, pour la première fois au monde, été conçu à partir d’une technique inédite ; une technique destinée à prévenir la naissance d’enfants atteints de maladies mitochondriales. Les mitochondries sont des organites intracellulaires qui fonctionnent comme les usines à énergie et qui contiennent des fragments d’information génétique sous forme  d’ADN. Des altérations – transmissibles de manière héréditaire –  de cet ADN sont à l’origine de très nombreuses (mais très rares) affections touchant différents organes et fonctions. On estime que ces maladies mitochondriales transmises par la mère (via les mitochondries anormales présentes dans ses ovocytes)  affectent environ un enfant sur 6500 naissances.

Pour éviter cette transmission le spermatozoïde du futur père féconde in vitro un ovocyte « sain » d’une donneuse dont le noyau a été remplacé par le noyau d’un ovocyte de la future mère. L’embryon ainsi conçu a toutes les caractéristiques génétiques du couple parental à l’exception de l’ADN mitochondrial de la femme. D’où l’expression d’ « enfant à trois parents ». L’enfant a un ADN nucléaire (99,9% de tout l’ADN) venant du père et de la mère et l’ADN mitochondrial (0,1%) venant d’une femme donneuse. Pour autant l’ADN de l’enfant vient bien de trois personnes différentes.

Survie qui ne dépasse pas quelques années

Le Royaume-Uni avait, pour la première fois, donné son accord en décembre 2014 pour que de telles procréations puissent être effectuées dans le pays. Mais la première naissance a été enregistrée outre-Atlantique. Cette procréation expérimentale visait, dans une famille jordanienne à prévenir le risque de transmission d’un  syndrome de Leigh :

« Le syndrome de Leigh ou encéphalomyopathie nécrosante subaiguë est une maladie neurologique progressive caractérisée par des lésions neuropathologiques associant en particulier une atteinte du tronc cérébral et des ganglions de la base. Sa prévalence est estimée à 1/36 000 naissances. La maladie débute typiquement chez le nourrisson de moins d’un an mais il existe de rares cas de début tardif, jusqu’à l’âge adulte.

«  Parmi les premiers signes de la maladie on note souvent une hypotonie avec mauvaise tenue de la tête, une régression des acquisitions motrices, et des vomissements. Une atteinte pyramidale et/ou extrapyramidale, un nystagmus, des troubles de la commande ventilatoire, une ophtalmoplégie et une neuropathie périphérique sont ensuite fréquents. Le pronostic du syndrome de Leigh est très sévère avec une survie qui dépasse rarement quelques années après le début des symptômes. »

 L’équipe américaine qui a réalisé cette première est celle du  Dr John Zhang, directeur médical du Centre de fertilité New Hope à New York  spécialiste libéral bien connu dans le marché de la PMA et connecté dans de nombreux pays. Cette première, pour des raisons éthiques et législatives a été effectuée à Mexico, où tout ou presque est permis. D’ores et déjà au cœur d’une polémique le Dr Zhang et son équipe annoncent qu’ils répondront à toutes les interrogations  lors d’une réunion de l’American Society for Reproductive Medicine qui se tiendra en octobre. Spectacle garanti.

Impossible en France

Plusieurs données expérimentales incitent pourtant à la plus grande prudence, le risque principal résidant dans des altérations progressives des fonctions mitochondriales et une apparition retardée des symptômes de la maladie. Selon le New Scientist cinq embryons ont ainsi été créés mais un seul se serait  développé normalement aurait été  implanté in utero.

En France une telle approche ne serait pas autorisée: les couples concernés peuvent en revanche bénéficier de la procédure du diagnostic préimplantatoire – voir d’un don d’ovocytes; le tout intégralement pris en charge par la collectivité. Dans la première américano-mexico-jordanienne aucune précision n’a été donnée  sur le coût et les modalités de prise en charge. Aucune précision non plus sur les raisons qui ont permis au New Scientist de bénéficier de cette exclusivité.

A demain

Les actes pédophiles d’un prêtre catholique : nouvelle affaire judiciaire et de santé publique

Bonjour

Du Boston Globe à Lyon (Rhône), comme une très lointaine résonance hexagonale du film Spotlight 1. Au départ c’est un témoignage  que l’on peut trouver sur BFMTV . L’une des victimes d’agressions sexuelles d’un prêtre dans les années 1990 a décidé de porter plainte contre l’archevêque de Lyon, Mgr  Philippe Barbarin, primat des Gaules. Avec son association « La Parole libérée », il dénonce le fait que le cardinal Barbarin ait maintenu le prêtre pédophile dans ses fonctions en dépit de son passé. BFMTV:

« François Devaux a été victime d’agression sexuelle en 1990 par le père Bernard Preynat alors qu’il était jeune scout, âgé de 10 ou 11ans ; A l’époque, ses parents avertissent l’Eglise, le curé est alors affecté à d’autres fonctions. L’histoire aurait pu s’arrêter là mais il y a quelques mois, le jeune père de famille découvre ce qu’est devenu son agresseur.

« Pour la première fois de ma vie, j’ai tapé sur Google le père Bernard Preynat et j’ai vu qu’il était doyen jusqu’en août 2015 et qu’il donnait des cours de catéchisme à des petits enfants », rapporte-t-il. Le lendemain, il contacte l’archevêque de Lyon, le cardinal Philippe Barbarin qui a nommé le prêtre pédophile à ce ministère: « Je lui ai dit qu’il fallait qu’on fasse une communication main dans la main pour dénoncer ces erreurs qui ont été faites sur le diocèse de Lyon ». »

Secret bien conservé

Le cardinal lui répond alors avoir eu connaissance de faits d’agressions seulement en 2014 et avoir démis Bernard Preynat de ses fonctions l’année suivante. Mais dans une interview accordée au quotidien La Croix le primat des Gaules reconnaît qu’il avait été informé bien avant :

« Une personne qui avait grandi à Sainte-Foy-lès-Lyon m’a parlé des comportements du P. Preynat (antérieurs à 1991, NDLR) vers 2007-2008. J’ai alors pris rendez-vous avec lui pour lui demander si, depuis 1991, il s’était passé la moindre chose. Lui m’a alors assuré : ’Absolument rien, j’ai été complètement ébouillanté par cette affaire’’. Certains me reprochent de l’avoir cru… Oui, je l’ai cru : il n’était pas dans le déni, au contraire, il avait reconnu tout et tout de suite, dès 1991. J’ai consulté un spécialiste qui m’a expliqué que, dans ce genre de cas, les auteurs de tels faits restent dans le déni. J’avais vérifié que, depuis, on n’avait reçu ni plainte ni soupçon. J’observe d’ailleurs que plusieurs mois d’enquête de police n’ont conclu à aucun acte délictueux récent, ni même depuis 1991.

« Quand je suis arrivé à Lyon, je ne savais rien. Quand j’ai appris les faits, nous ne disposions alors d’aucune plainte. J’attends désormais la fin de la procédure civile. Si le procès se clôt en raison de la prescription, j’ouvrirai alors un procès canonique, car un jugement doit être rendu : pour cela, je demanderai à Rome que soit levée la prescription prévue par le droit canon. »

Des faits canoniquement prescrits

A la question de savoir pourquoi il n’avait pas lancé d’enquête canonique dès le début le cardinal Barbarin répond :

« Parce que les faits étaient canoniquement prescrits et qu’avant 2014, il n’y a pas eu de plaintes. Le cardinal Decourtray avait redonné sa confiance et un ministère au P. Preynat après l’avoir suspendu pendant six mois. Rien ne s’est passé par la suite, le cardinal Billé [archevêque de Lyon de 1998 à 2002, NDLR]  qui souhaitait le changer de paroisse en 1999, a pris avis auprès d’un avocat, m’a raconté le P. Preynat, et, en l’absence de nouvelles plaintes, il l’a nommé à Cours-la-Ville. Je n’ai pas remis en cause ce choix, consultant plusieurs personnes avant de le nommer curé en 2011.

C’est en 2014 que j’ai reçu, pour la première fois, une victime venue me raconter des faits aujourd’hui prescrits : j’ai écrit à Rome qui m’a conseillé de le suspendre de ses fonctions malgré les vingt-quatre années écoulées depuis les faits. Ce que j’ai fait.

«  J’ai interrogé le cardinal O’Malley [Président de la commission pontificale pour la protection des mineurs créée en 2013]  sur le sort des prêtres ayant commis des actes pédophiles anciens… Pour lui, ils doivent quitter le ministère, car à cause d’eux les gens ont perdu confiance dans l’Église (…) Mais je peux dire aussi que, depuis que je suis évêque, chaque fois qu’on m’a signalé un abus, j’ai réagi dans la seconde, suspendu le prêtre et alerté la justice : c’est arrivé à Lyon en 2007 et en 2014. Avec le P. Preynat, la situation est bien différente, car il s’agissait de faits anciens pour lesquels il n’y avait jamais eu de plainte, ni aucun indice de récidive. Ma seule préoccupation est qu’aucun mal ne soit plus jamais commis. »

Une défense « périlleuse et problématique »

François Devaux préside aujourd’hui l’association « La Parole libérée ». Fondée en décembre dernier, elle regroupe les personnes qui auraient été victimes du père Bernard Preynat, mis en examen le 27 janvier pour «agressions sexuelles sur mineurs de moins de quinze ans par personne ayant autorité». « Les faits (reconnus par l’accusé) se seraient produits entre 1986 et 1991 dans le cadre d’un groupe de scouts d’une paroisse de Sainte-Foy-lès-Lyon » résume Libération. Ce quotidien juge la ligne de défense du cardinal Barbarin « périlleuse et très problématique ».  Après son interview à la Croix, l’archevêque de Lyon s’est retranché dans un silence total. «Il ne parlera pas avant le procès», a expliqué à Libération son directeur de cabinet.

Revient ainsi en mémoire l’affaire Pierre Pican, évêque de Bayeux, qui avait été condamné, en septembre 2001, à trois mois de prison avec sursis pour non-dénonciation des agissements pédophiles d’un prêtre de son diocèse, René Bissey. A l’époque, le curé avait été condamné à dix-huit ans de réclusion. « La condamnation d’un évêque pour non dénonciation était une première mondiale dans l’histoire de l’Eglise catholique, croit se souvenir Libération. Au moment de ce scandale, l’épiscopat français avait tenté de corriger le tir dans la gestion très hasardeuse des affaires de pédophilie. Selon des spécialistes de ce dossier, la vigilance se serait, ces dernières années, relâchée. »

Double fatalité

L’affaire de Lyon coïncide, fatalité, avec la sortie en France du film »Spotlight » qui met en scène la volonté journalistique qui pu révéler, à Boston puis aux Etats-Unis, l’ampleur des actes de pédophilie commis par des prêtres catholiques – actes volontairement cachés par la hiérarchie.

Mais l’affaire de Lyon coïncide aussi, autre fatalité, avec la révélation par la presse anglo-saxonne  d’un document signé par un prêtre français hautement controversé, Tony Anatrella, prêtre catholique et psychothérapeute, conseiller de l’un des services du Vatican ; un document affirmant qu’il n’y avait aucune obligation pour la hiérarchie catholique d’informer les autorités judiciaires des affaires d’agression sexuelles sur mineurs dont ils auraient pu avoir connaissance. Slate.fr : « Pour le Vatican, en cas d’abus de prêtres sur mineurs, les évêques ne sont pas tenus de contacter la police ».

Cette résurgence de la position traditionnelle de la hiérarchie catholique a suscité une tempête dans la presse anglo-saxonne (The Independant, The Guardian). On n’observe étrangement pas, pour l’heure, le vent se lever en France.

A demain

1 A lire, dans La Croix : « Le diocèse de Lyon face au passé d’un prêtre pédophile ». A lire dans Lyon Capitale : « Lyon : un site met en lumière l’affaire du prêtre accusé de pédophilie »

 

 

Ebola : le virus est présent dans le sperme d’hommes a priori guéris. Que faut-il en conclure?

Bonjour

Le chaud et le froid. Deux séries de nouvelles interrogations alors que l’épidémie ouest-africaine marque le pas de manière spectaculaire. Une infirmière britannique réinfectée alors qu’on la tenait pour guérie. Une présence démontrée dans le sperme longtemps après l’obtention de la guérison. Soit, en d’autres termes, une physiopathologie à compléter et de nouvelles questions de santé publique à travailler.

L’infirmière, Pauline Cafferkey, est hospitalisée depuis le 9 octobre dans une unité spéciale du Royal Free Hospital de Londres. Dix mois après avoir été déclarée guérie elle présente une pour une complication tardive et inhabituelle de l’infection par le virus Ebola – une méningo-encéphalite, dit-on. Les spécialistes sont comme incrédules.  « Ebola nurse Pauline Cafferkey critically ill in deterioration that shocks experts”(The Guardian); “Ebola nurse Pauline Cafferkey’s rapid decline after being ‘cured’ leaves experts staggered” (The Independent) L’infirmière Pauline Cafferkey entre la vie et la mort” (Paris Match)

Démonstration de la transmission

Ce cas coïncide avec la publication dans le  New England Journal of Medicine » de deux publications elles aussi a priori inquiétantes. L’une démontre la persistance au-delà de 9 mois du virus dans le sperme d’hommes apparemment guéris :  ’Ebola RNA Persistence in Semen of Ebola Virus Disease Survivors — Preliminary Report’ ; l’autre sur l’existence moléculairement démontrée d’un risque de transmission : ‘Molecular Evidence of Sexual Transmission of Ebola Virus’’. Des informations reprises par la BBC : « Ebola lingers in semen for nine months ». On observera que les spécialistes et les institutions françaises sont totalement absents de ces deux publications réunissant pour l’essentiel des auteurs américains et ouest-africains.

Ces publications ont aussitôt été relayées par une mise au point de l’OMS sous la forme d’un communiqué de presse :  « Preliminary study finds that Ebola virus fragments can persist in the semen of some survivors for at least nine months ». L’organisation onusienne souligne que ces données, établies en Sierra Leone, surviennent alors que l’épidémie est sur le point d’être maîtrisée. Elle évoque aussi les nouveaux problèmes de santé publique que soulève la démonstration de cette nouvelle possibilité de contamination, via des relations sexuelles, chez des hommes tenus pour guéris et donc non contagieux.

26% à neuf mois

« Cette étude fournit une preuve supplémentaire que les survivants ont besoin d’un soutien continu substantiel pour les douze prochains mois afin de répondre à ce défi et d’assurer leurs partenaires qu’ils ne sont pas potentiellement exposés au virus », a déclaré Bruce Aylward, représentant spécial pour la réponse Ebola du directeur général de l’OMS. Concrètement quatre-vingt trois hommes de plus de 18 ans de Freetown ont fourni un échantillon de sperme qui a été testé pour détecter la présence de matériel génétique du virus Ebola. Ces volontaires avaient été contaminés entre deux et dix mois avant l’étude.  Tous les hommes testés dans les trois premiers mois étaient positifs (9/9; 100%). Plus de la moitié des hommes (26/40; 65%) qui ont été testés entre quatre à six mois étaient positifs. Et un quart (11/43; 26%) de ceux testés entre sept à neuf mois l’étaient aussi. Tous les volontaires ont été informés des résultats. On leur a prodigué des conseils et fourni des préservatifs.

Les Centers for Disease Control and Prevention (CDC) américains poursuivent ce travail et reconnaissent ne pas pouvoir founir d’explications claires sur les différences observées. « Les survivants d’Ebola sont confrontés à un nombre croissant de problèmes de santé, a déclaré Tom Frieden, directeur des CDC. Cette étude fournit de nouvelles informations importantes au sujet de la persistance du virus Ebola dans le sperme et nous aide à faire des recommandations aux survivants et à leurs proches pour les aider à rester en bonne santé. »

Masturbation comprise

Et maintenant ? Tous les survivants de sexe masculin à l’épidémie d’Ebola dans les trois pays africains touchés vont-ils être testés et recevoir les informations nécessaires pour prévenir les risques de contamination sexuelle ? Depuis mai dernier l’OMS donne des « recommandation intérimaires sur la transmission sexuelle de la maladie à virus Ebola ». L’OMS recommande que tous les survivants testent leur sperme à partir de 3 mois après le début de la maladie. Pour ceux qui sont positifs, un test par mois est ensuite conseillé jusqu’à ce que le sperme soit négatif par 2 fois à au moins une semaine d’intervalle. Jusqu’à ces deux tests négatifs, l’OMS recommande l’abstinence sexuelle ou le port de préservatifs, une bonne hygiène des mains, après masturbation comprise. :

« Si un homme ayant survécu à Ebola n’a pas eu d’analyse du sperme, il doit poursuivre les pratiques sexuelles à moindre risque pendant au moins six mois après l’apparition des symptômes ; cette durée pourra être revue en fonction des nouvelles informations disponibles sur la présence du virus Ebola dans le sperme en fonction du temps écoulé.

Jusqu’à ce que leur sperme ait été donné par deux fois avec  un test négatif à la recherche du virus Ebola, les hommes qui ont survécu à la maladie doivent respecter les règles d’hygiène personnelle et celles pour les mains en se lavant soigneusement à l’eau et au savon après tout contact physique avec du sperme, y compris après la masturbation. Au cours de cette période, les préservatifs usagés doivent être manipulés et jetés avec précaution, de façon à éviter tout contact avec le liquide séminal.

Tous les survivants, leurs partenaires et leur famille doivent être considérés avec respect, dignité et compassion »

Dix mille survivants

« Il y a plus de 10 000 survivants à l’épidémie d’Ebola. On est en train de découvrir la maladie à distance de la phase aiguë. La possibilité d’une persistance et d’une réactivation virales pose beaucoup de questions, explique le Pr Éric Delaporte, de l’Institut de Recherche pour le Développement et en charge du suivi de la cohorte en Guinée cité par Le Quotidien du Médecin (Irène Drogou). Il semble bien exister une clairance du virus au fil du temps. Même si la transmission sexuelle par des survivants avec du virus persistant est une possibilité, cela semble rare ».

A demain