Vapotage et polémique : la Ligue contre le cancer a oublié de se réabonner au Lancet

Bonjour

Revenons un instant sur la  dommageable « MISE AU POINT » majuscule signée d’Axel Kahn, nouveau président (plus qu’hyperactif sur tweeter de La Ligue contre le cancer :

 @laliguecancer dénonce l’industrie du tabac. Sans faille. Elle n’y joint pas la pratique habituelle du vapotage sur lequel elle ne s’exprime pas. Comme sur mille autres sujets. La Ligue dénonce ce dont la pratique est cancérigène. Point final.

Ne pas s’exprimer ! Sur un sujet médical à ce point capital ! C’est peu dire que ces quelques mots passent mal. « Combien de temps la Ligue contre le cancer pourra-t-elle ignorer l’une des pratiques permettant la plus substantielle réduction du risque lié à la combustion du tabac s’interroge l’épidémiologiste franco-suisse Antoine Flahault. Je propose ce slogan: ‘’Vapoter au lieu de fumer c’est gagner des années à la vie et de la vie aux années !’’ ». Slogan retenu, avec les félicitations du jury de la réduction des risques.

Et puis, hasard ou fatalité, au moment où Axel Kahn mettait au point, The Lancet mettait, lui, les points sur les i, avec une prise de position on ne peut plus claire en faveur du vapotage dans la réduction des risques consubstantiels à l’épidémie tabagique :  « Nicotine without smoke: fighting the tobacco epidemic with harm reduction »  The Lancet ( IF 59.102 ) Pub Date : 2019-08-31 , DOI: 10.1016/S0140-6736(19)31884-7 Un papier sans ambiguïté signé de spécialistes : Robert Beaglehole, Clive Bates, Ben Youdan, Ruth Bonita.

La Ligue est centenaire et The Lancet fêtera bientôt ses deux siècles 1. La première ne devrait pas snober le second.

A demain @jynau

1 A lire, si ce n’est déjà fait : « ‘’The Lancet’’, machine à cash à la pointe de la médecine » de David Larousserie (Le Monde du 13 août 2019)

Emmanuel Macron, à la différence du ministre Castaner, lit bien «The Lancet» dans le texte

Bonjour

Douce illusion : il suffirait d’écrire pour être lu en haut lieu. De signer dans une revue médicale étrangère pour, un jour, franchir le portail du Palais de l’Elysée. Etre reçu par le président de la République et, les yeux dans les yeux, lui vanter les mérites de la réduction des risques.

Nous rapportions hier, sur ce blog, le contenu d’une « lettre au Lancet » signée de douze spécialistes français de chirurgie maxillo-faciale œuvrant dans six établissements hospitalo-universitaires de l’AP-HP.  « Une lettre éminement politique dans une revue internationale prestigieuse, écrivions-nous. Mais une lettre qui n’a guère eu d’écho médiatique dans l’Hexagone – à l’exception notable La Croix (Pierre Bienvault) : ‘’ Des médecins dénoncent la gravité des blessures par LBD ‘’ puis par Le Canard Enchaîné (Sorj Chalandon) : ‘’Des chirurgiens dissèquent le LBD’’ ».

Force est aujourd’hui de poser l’hypothèse que, sans même parler de ce blog, l’Elysée lit Le Canard Enchaîné, La Croix ou The Lancet. Ou les quatre. Preuve nous en est offerte par Le Monde (Cédric Pietralunga) qui rapporte l’essentiel de la rencontre organisée le mercredi 21 août, entre le chef de l’Etat et les journalistes de l’Association de la presse présidentielle (APP). C’était, résume le dernier quotidien vespéral de la capitale, « la première expression publique depuis le retour de ses trois semaines de vacances au fort de Brégançon. Un rendez-vous présenté par son entourage comme exemplaire de cette nouvelle ‘’méthode’’ ».

Chef de l’Etat et des Armées

Signe « d’ouverture » (sic), Emmanuel Macron a reconnu devant l’APP que des « blessures inacceptables » et des « mutilations » avaient été enregistrées lors des manifestations des « gilets jaunes », chez les contestataires comme chez les policiers. « Cela doit nous conduire à repenser certaines méthodes d’intervention, à les relégitimer si besoin », a-t-il expliqué. Le chef de l’Etat s’est aussi engagé à recevoir une délégation des médecins qui ont dénoncé, dans une lettre publiée par la revue britannique The Lancet, les lésions provoquées par les lanceurs de balles de défense.

Un bristol présidentiel devrait donc être prochainement adressés aux Pr.e.s et Dr.e.s Lartizien Rodolphe, Schouman Thomas, Raux Mathieu, Debelmas Alexandre, Lanciaux-Lemoine Sophie, Chauvin Aurore, Toutee Adelaïde, Touitou Valérie, Bourges Jean-Louis, Goudot Patrick, Bertolus Chloé, Foy Jean-Philippe. Tous pourront redire aux chef de l’Etat et des Armées ce que déclarait la Professeure Chloé Bertolus, chef du service de chirurgie maxillo-faciale à La Pitié-Salpêtrière à Paris à La Croix :

« En tant que médecins, nous estimons qu’il est de notre devoir d’alerter sur la gravité des blessures que peuvent provoquer ces armes dites non létales, explique à La Croix la professeure Chloé Bertolus, chef du service de chirurgie maxillo-faciale à La Pitié-Salpêtrière à Paris. Nous avons reçu des personnes ayant de graves fractures au niveau de la mâchoire ou de la pommette. Ce sont les mêmes blessures que l’on retrouve chez des individus qui se font frapper à coups de batte de baseball » 

On peut le dire autrement : le chef des Armées va-t-il leur annoncer la fin de l’usage, sinon de la force, du moins des LBD ?

A demain @jynau

Cannabis thérapeutique : l’activisme injustifiable de l’Académie nationale de pharmacie

Bonjour

Pour un peu on se gausserait. Sur le mode « l’Academie abuse la galerie ». Les faits : un communiqué de presse daté du 17 juin de l’Académie nationale de pharmacie : « Cannabis ‘’thérapeutique’’ : une appellation abusive et dangereuse ». Cette institution entend aujourd’hui « mettre en garde contre une banalisation de préparations de cannabis qui trompe les attentes des patients en se faisant abusivement passer pour ‘’thérapeutique’’ ». Extraits de ce réquisitoire que l’on pourrait tenir pour être d’un autre temps :

« 7 % des jeunes français de 17 ans sont dépendants au cannabis. Les intoxications au cannabis par ingestion accidentelle chez les enfants ont été multipliées par 2,5 de 2010 à 2014. Le cannabis est la 3ème cause de déclenchement d’infarctus du myocarde ; il est une cause largement sousestimée de mortalité y compris par cancer du poumon – usage sous forme de cigarettes (Nawrot TS, Perez L, Künzli N, et al. Public health importance of triggers of myocardial infarction: a comparative risk assessment. Lancet, 2011. Aldington S, Harwood M, Cox B, Weatherall M, Beckert L, Hansell A, Pritchard A, Robinson G, Beasley R; Cannabis and Respiratory Disease Research Group. Cannabis use and risk of lung cancer: a case-control study. Eur Respir J. 2008). Les parents consommateurs de cannabis exposent leurs enfants à une vulnérabilité accrue aux drogues (Szutorisz H, Hurd Y. Epigenetic effects of cannabis exposure. Biological Psychiatry, 2016). »

Et l’Académie de parler d’un « abus de langage ». « Des extraits de plantes fournissent les principes actifs de médicaments, comme la morphine extraite du pavot ou le tétrahydrocannabinol (THC) et le cannabidiol (CBD) du cannabis. Pour autant, même si la morphine ou la codéine entrent dans la composition de médicaments, l’opium ‘’thérapeutique’’ n’existe pas. Le cannabis ‘’thérapeutique’’ non plus, explique-t-elle. Mélange végétal composé de 200 principes actifs différents, variables en quantités et en proportions en fonction des modalités de culture, de récolte, de conservation, n’étant ni dosé, ni contrôlé, le cannabis dit thérapeutique ne peut apporter les garanties d’un médicament. »

Mieux encore elle dénonce un « abus de confiance ». Toute appellation « médicale » ou « thérapeutique » appliquée à un produit n’ayant pas suivi le « long processus réglementaire » de l’AMM est, selon elle, « abusive et illicite ». Et de rappeler quatre « médicaments » issus de cannabinoïdes de synthèse et d’un extrait pur de cannabis (cannabidiol), sont actuellement autorisés « dans certaines situations cliniques spécifiques et des conditions rigoureuses de prescription » : le THC de synthèse (Marinol®) et un dérivé synthétique du THC (Cesamet®), le cannabidiol (Epidyolex®) et le Sativex® (non commercialisé en France).

Et pour achever le tout l’Académie estime que l’on « abuse les patients » :

« Avec 1 300 000 usagers réguliers, la France est le premier pays européen consommateur de cannabis, malgré son statut illicite et les risques notoires qu’il fait courir sur les plans physique et psychique. Le THC stimule les récepteurs cannabinoïdes dans le cerveau, provoquant les effets bien connus des consommateurs, mais il produit surtout des effets délétères souvent irréversibles, notamment chez les plus jeunes : décrochage scolaire ; effets désinhibiteurs ; dépression, pouvant conduire au suicide ; déclenchement ou aggravation de la schizophrénie ; induction d’une polytoxicomanie ; responsabilité avérée dans les accidents de la route et en milieu professionnel ; augmentation du risque de cancer du poumon… ».

Désinformation idéologique

Aucun hasard : cette sortie coïncide avec le processus mis en place en France pour (après des années de déni) pour organiser au mieux la délivrance raisonnée de « cannabis thérapeutique ». Un processus placé sous la direction du Pr Nicolas Authier (Service de pharmacologie médicale & CETD, CHU de Clermont-Ferrand ; Observatoire Français des Médicaments Antalgiques) dans le cadre de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). Avec l’annonce, aussi, en mai dernier de la création d’Espoir (Im)patient,  premier lobby français dont l’action sera au service des malades qui pourraient être aidés par une version médicamenteuse du cannabis. Une initiative qui réunit une cinquantaine de patients, proches de patients et professionnels de santé (Amine Benyamina, William Lowenstein,  Olivier Bertrand, Bertrand Lebeau et Rodolphe Ingold). Et une action sera développée  dans le cadre des travaux conduits au sein de l’ANSM. 

Nous avons demandé au Pr Authier quelle lecture il faisait du communiqué de l’Académie nationale de pharmacie. Voici sa réponse :

« L’Académie nationale de pharmacie est le parfait exemple de cette désinformation  idéologique, jouant sur les peurs et les risques, faisait fi de la souffrance humaine et de la médecine. Des propos irresponsables qui n’honorent pas cette académie dont l’intégrité scientifique interroge. Des propos qui s’avèrent probablement plus dangereux vis à vis des populations jeunes et vulnérables aux addictions ou usages à risque. Ils participent plus à rendre attractif des préparations pharmaceutiques, qui ne les seront pas, et à une désinformation du grand public. Ne pas être en mesure de faire la différence entre un usage thérapeutique de préparations pharmaceutiques calibrées, prescrites pour soigner et rigoureusement surveillées, et un joint de résine ou d’herbe de cannabis obtenu illégalement en deal de rue pour faire la fête ou se défoncer, montre la totale méconnaissance clinique du sujet par les académiciens. »

Pour le Pr Authier ces Académiciens  « oublient volontairement de dire  qu’un médicament à plusieurs statuts possibles et que l’AMM n’est pas le seul moyen de rendre accessible un médicament (ATU, RTU, préparations pharmaceutiques et magistrales) ». « Pire encore, ajoute-t-il, ils mentent en expliquant que l’opium n’est pas un médicament en France : la poudre d’opium est consommée comme antalgique par plus de trois millions de français chaque année dans des spécialités pharmaceutiques (donc avec une AMM) comme Lamaline® et Izalgi®. Engager la responsabilité de toute une Académie en publiant des allégations fausses, hors sujet voire mensongères d’un groupe d’académiciens activistes interroge sur le (dys)fonctionnement de l’Académie de pharmacie et sa légitimité à s’exprimer sur de tels sujets. »

Pour le Dr William Lowenstein, président de SOS Addictions, aucune véritable surprise « Cet abus de position, pour dire n’importe quoi, dure depuis vingt ans, nous a-t-il déclaré. Être Académicien et mentir par activisme réactionnaire ne devrait pas exister – à la différence du cannabis à usage thérapeutique. » Cet activisme insoupçonné conduira-t-elle la vieille institution pharmaceutique à répliquer ? Aura-t-elle, Rodrigue moderne, assez de cœur pour descendre sur le pré ?

A demain @jynau

1 Sur ce thème, on peut se reporter avec le plus vif intérêt au texte du  Pr Nicolas Authier piblié sur le site The Conversation : « Pourquoi nous devrions expérimenter le cannabis thérapeutique en France ». 

Alcools et politique : quand l’Académie nationale de médecine étrille le pouvoir exécutif

Bonjour

A Paris, entre Seine et Saint-Germain, la rue Bonaparte reverdit : avril, soudain, redonne des vigueurs à la vieille Académie nationale de médecine. Ainsi, aujourd’hui, ce communiqué de presse tonique, adresse en forme de manifeste – pour ne pas parler de contribution citoyenne au Grand Débat : « Alcool : l’Académie nationale de médecine appelle les pouvoirs publics à prendre des mesures plus fortes ».

 Où l’on revient sur les coupables incohérences du pouvoir exécutif français 1 face aux addictions en général, au vieux fléau de l’alcoolisme en particulier : pour la première fois depuis la seconde guerre mondiale, la consommation d’alcool ne baisse plus en France. « C’est une défaite majeure pour la santé publique car l’alcool en est un déterminant fondamental » résument les académiciens qui ne redoutent pas d’entrer dans l’arène :

« Des effets coronariens (et non pas cardiovasculaires) favorables de l’alcool (et non pas du seul vin) ont permis au lobby alcoolier d’instiller le doute sur les ravages de l’alcool. Ce sera plus difficile après la revue approfondie du Lancet sur les conséquences sanitaires de l’alcool.   Les analyses convergentes de l’Académie, l’OMS, l’INCA, la Cour des Comptes, la Haute Autorité de Santé, nombre d’associations et de spécialistes ont contribué à attirer l’attention de façon répétée sur la nécessité d’une action efficace contre l’alcoolisation dans un pays qui reste un des plus forts consommateurs d’alcool au monde. »

 Et les académiciens de se souvenir que nombre de modalités efficaces ont été proposées, toutes retoquées : bannir la publicité pour l’alcool suivant les principes initiaux de la loi Evin ; imposer des indications claires, lisibles et contrastées sur les contenants (de la quantité d’alcool en grammes, du nombre de calories – les boissons alcooliques en sont exemptées alors que l’alcool d’un verre apporte à lui seul environ 70 calories ; taxer les boissons alcooliques au gramme d’alcool : établir un prix minimum de vente par gramme d’alcool (comme en Ecosse).

Palais de l’Elysée

Sans oublier le célèbre « pictogramme alcool femme enceinte ou qui désire l’être ». « L’avertissement sanitaire destiné aux femmes enceintes est obligatoire sur les étiquettes des boissons alcooliques depuis 2006, rappelle la rue Bonaparte. Cependant, trop petit, difficile à trouver et à comprendre sans explications préalables, il ne remplit guère la fonction qui lui était destinée. Malgré l’enjeu de prévenir la première cause de retard mental évitable du nouveau-né et de l’enfant, les discussions pour l’agrandir et le contraster s’enlisent depuis des années face à l’opposition farouche du lobby alcoolier. »

Et les académiciens français de cibler « le lobby de l’alcool », ce lobby multiforme qui a l’oreille des politiques, puissance présente à tous les étages de la République, jusqu’au sein du Palais de l’Elysée :

« De plus, que dire de la reconnaissance de la filière viticole comme un acteur crédible de la prévention ? De la diffusion de dépliants scolaires pour les 3-6 ans sur la vigne sans parler d’alcool ni de ses effets ? De l’acharnement à favoriser la consommation de vin des femmes (So Femmes & Vin ) ? D’interventions ministérielles répétées donnant au vin un rôle particulier alors qu’il représente la moitié de l’alcool consommé ? De l’extension du fonds tabac abondé par une taxe sur le tabac à l’ensemble des addictions sans la moindre participation de la filière alcool ? De la proposition parlementaire de rétablir la consommation d’alcool dans les stades ? »

La rue Bonaparte  résume : « L’action publique est entravée par le lobby de l’alcool qui obtient régulièrement un affaiblissement des mesures existantes ». Et étrille : « malgré une analyse correcte de la situation et des mesures potentiellement efficaces, ni le Plan National de Mobilisation contre les Addictions, ni le Plan National de Santé Publique ne proposent en ce domaine les mesures à la dimension du problème ». En d’autres termes tout est en place pour que l’on en reste à 41000 décès prématurés chaque année, que 50% des élèves de 6ème expérimentent l’alcool, que 20% des élèves de terminale soient des consommateurs réguliers, et que le coût social annuel reste affiché à 120 milliards d’euros par an.

Et l’Académie de citer le député (Républicains opportunistes) Joseph Reinach : « l’alcoolisme est l’un des problèmes qui mettent aux prises contre l’intérêt général le plus grand nombre d’intérêts particuliers ». On l’a oublié : Joseph Reinach (1856-1921) était, aussi ,journaliste.

A demain

@jynau

1 « Comment faire pour parvenir à boire moins et mieux en France ? » Slate.fr 26 mars 2019

Greffe d’utérus en France : mais pourquoi tant de précipitation dans la communication ?

Bonjour

Mail classé « Important » adressé, en fin de matinée, aux journalistes spécialisés: « Bonjour, Pour toute demande concernant la greffe de l’utérus réalisée au sein de l’hôpital Foch, merci de contacter l’agence presse Dentsu Consulting  (‘’Il faut vingt ans pour construire une réputation et cinq minutes pour la détruire’’)». Et peu auparavant une dépêche sur le fil de l’AFP  – le tout avant les premières reprises dans les journaux de la mi-journée.

Résumons l’événement. Pour la première fois en France une greffe d’utérus a été pratiquée (le 31 mars dernier) chez une femme de 34 ans. Greffe pratiquée à l’hôpital Foch de Suresnes (Hauts-de-Seine) par l’équipe du Pr Jean-Marc Ayoubi, chef de service de gynécologie obstétrique et médecine de la reproduction. La donneuse, 57 ans, est la mère de la patiente greffée.

Cette dernière est atteinte du syndrome  de Mayer-Rokitansky-Küster-Hauser : aplasie congénitale de l’utérus et de la partie supérieure (les 2/3) du vagin, chez des femmes ayant un développement normal des caractères sexuels secondaires et un caryotype 46,XX normal. Ce syndrome affecte au moins une femme sur 4500.

Alternative à la mère porteuse

Ce type de greffe est loin d’être une première. Une naissance avait pu être ainsi obtenue après en Suède, un an après la transplantation, en 2014, pratiquée par  l’équipe du Pr Mats Brännström (Université de Göteborg), grand pionnier dans ce domaine. La donneuse vivante avait 61 ans. Le Pr Brännström a expliqué à l’AFP que quinze naissances ont d’ores et déjà été obtenues dans le monde après greffe utérine : « neuf en Suède dont la dernière il y a quatre jours, deux aux Etats-Unis, une au Brésil, en Serbie, en Chine et en Inde ».

Parmi les treize pays (avant la France) ont pratiqué cette greffe figurent aussi selon cet expert le Mexique, le Liban, l’Arabie saoudite, l’Allemagne, la République tchèque et la Belgique. Et en décembre dernier on apprenait la première naissance obtenue (au Brésil) après greffe d’un utérus prélevé chez une donneuse décédée. Annonce alors faite dans les colonnes du Lancet.

Une autre équipe française, du CHU de Limoges, avait reçu en 2015 l’autorisation de l’Agence de la biomédecine et de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) de conduire un essai clinique à partir de donneuses en état de mort cérébrale. Finalement c’est donc Foch, avec donneuse vivante, qui obtient le premier résultat et qui choisit de l’annoncer en extrême urgence.

On rappellera que cette greffe pourra aussi être une  alternative expérimentale à la gestation pour autrui, interdite en France. Voire à l’adoption. Prochaine étape : la première naissance mondiale obtenue à partir d’un utérus artificiel.

A demain

@jynau

 

Le trop maigre mea culpa de Michèle Rivasi, écologiste qui est «pour la vaccination»

Bonjour

Méchamment taclée il y a peu par Agnès Buzyn (Le Parisien), défendue ce matin par Yannick Jadot (RTL) la controversée Michèle Rivasi a finalement choisi de répondre via un communiqué de presse. « Depuis quelques semaines je suis caricaturée en militante anti vaccins, dit-elle. Ce qui s’apparente à une campagne calomnieuse, vise à disqualifier mon combat politique. Je ne peux laisser passer de telles attaques sans mot dire. »

C’est une profession de foi doublée d’un petit mea culpa. Mais d’abord une auto-présentation :

« Scientifique de formation, diplômée de l’Ecole Normale Supérieure et agrégée en biologie, fondatrice du premier laboratoire indépendant sur la radioactivité en France (la CRIIRAD), je rejette depuis toujours l’obscurantisme. J’avance sous le double drapeau de l’intérêt général et de la santé publique. Amiante, levothyrox, prothèses mammaires je me suis battue toute ma vie pour faire respecter la santé des gens et contre les mensonges des lobbies. Mon combat depuis toujours a été pour la transparence et l’information des citoyens. »

Ceci posé, sa réponse d’aujourd’hui « vise à rétablir la vérité et à rassurer celles et ceux qui ont pu être troublés ».

« J’écris pour terrasser l’hydre de la rumeur et du soupçon. Que les choses soient claires : je ne remets pas en cause l’utilité de la vaccination, et je sais ce que les vaccins ont apporté en termes de progrès sanitaires au 20ème siècle, de lutte contre la mortalité infantile… »

Et le mea culpa :

« J’ai malheureusement commis une erreur regrettable en invitant il y a deux  ans dans un débat M. Wakefield. Si c’était à refaire, je ne le referais pas : son étude dépubliée [sic] par The Lancet et son film ne m’ont pas convaincue. L’indigence des arguments avancés suffit à discréditer la thèse et l’auteur. »

Précisons. Mme Rivasi parle ici d’Andrew Wakefield, tristement connu à l’échelon international pour avoir volontairement commis une succession de fraudes majeures ayant eu pour conséquences de laisser croire à une relation de cause à effet entre le vaccin rougeole-oreillons-rubéole (vaccin ROR) et une invraisemblable « entérocolite autistique » (autistic enterocolitis).

Invitation malheureuse et inappropriée

Les « travaux » d’Andrew Wakefield furent publiés en 1998 dans The Lancet avant d’être contestés, décryptés, dénoncés. Puis une enquête d’un reporter du Sunday Times (Brian Deer) établit l’existence de conflits d’intérêts d’ordre financier. D’autres investigations furent menées qui conduisirent à la rétractation de la publication du Lancet en février 2010. Et à la mise au ban de la communauté médicale internationale de l’auteur.

Il reste donc à comprendre comment, sept ans plus tard (en février 2017), Mme Rivasi a jugé nécessaire d’inviter Andrew Wakefield à participer à un débat officiel au sein du Parlement européen. Violemment critiquée elle n’avait, alors, visiblement pas pris la mesure de l’ampleur de son erreur.  De ce point de vue les trois lignes de son communiqué de presse de ce jour ne sont pas, loin s’en faut, suffisantes pour lever les doutes qu’elle entretenait depuis deux ans sur ce sujet

« Cette invitation malheureuse et inappropriée a donné une occasion en or aux lobbies de la santé de m’attaquer directement ou indirectement ajoute-t-elle. Qu’ils sachent pour autant que je ne les crains pas et qu’on ne me fera pas taire. »

Il faudra, pour cela, qu’elle revienne avec tous les détails sur cette bien malheureuse invitation qui ruine toujours sa profession de foi :

« Je l’affirme donc haut et fort : je suis pour la vaccination ; pour la protection de la santé. C’est pour cette raison que je réclame depuis des années, et en ai parlé directement avec la ministre de la Santé, des études indépendantes sur les adjuvants (aluminiques notamment) utilisés dans les vaccins, sur l’effet cocktail des onze vaccins sur les nourrissons de moins de 18 mois) et une amélioration de la pharmacovigilance concernant les produits de santé. »

« Chacun doit comprendre que l’opacité crée le doute, conclut-elle. Chacun doit se convaincre que qui veut rétablir la confiance demande la clarté. » En est-elle pleinement convaincue ? Et quand fera-t-elle, concernant Wakefield, la pleine lumière ?

A demain

@jynau

Harcèlements sexuels, abus et langues de bois : que se passe-t-il donc au sein de l’ONUSIDA ?

Bonjour

Tourmentes sans frontières. ONUSIDA (UNAIDS) est un programme de l’ONU destiné à coordonner l’action des différentes agences onusiennes. Pour pallier l’incurie de l’OMS cette entité a vu le jour il y a vingt-trois ans et se développa sous l’autorité de Peter Piot. Depuis dix ans elle est dirigé par Michel Sidibé. Siège plus que feutré :  Pregny-Chambésy (Suisse). Dernier slogan : « Vivre sa vie positivement » (sic).

Puis, soudain, l’émergence d’invraisemblables turbulences. « La direction d’Onusida mise en cause dans des affaires de harcèlement Un rapport de quatre experts indépendants dénonce la culture et la gestion des cas de harcèlement et ébranle le directeur exécutif, Michel Sidibé » rapporte Le Monde (Paul Benkimoun).

A verser au dossier  le rapport d’un comité d’experts indépendants publié  le 7 décembre et présenté lors du conseil de coordination (Genève, 11-13 décembre). « Cette instance de direction, devant laquelle le secrétariat rend compte, avait mis sur pied, le 20 juillet, le comité d’experts constitué de quatre membres, à la suite de la demande du directeur exécutif de l’Onusida, Michel Sidibé, en février, nous explique Le Monde. Les experts devaient évaluer la culture et la politique internes, et proposer à l’organisation onusienne des recommandations destinées à  »renforcer la mise en œuvre de sa politique de tolérance zéro à l’égard du harcèlement sexuel ». Leur rapport met sévèrement en cause l’équipe dirigeante de l’institution et appelle à la mise en place d’une nouvelle direction. »

Ascenseurs

Plus précisément, si l’on suit bien (et comme souvent) une affaire d’ascenseur mise sur la place publique :

« L’émergence du mouvement #metoo à la fin de l’année 2017 a fait éclore sur la place publique une affaire antérieure d’accusations de harcèlement sexuel de la part du directeur exécutif adjoint d’Onusida, le Brésilien Luis Loures. En novembre 2016, un haut responsable de l’Onusida, Badara Samb, signale un incident, survenu dix-huit mois plus tôt, au cours duquel son supérieur hiérarchique – Luis Loures – aurait tenté d’embrasser de force dans un ascenseur une employée de l’Onusida, Martina Brostrom, qui est la compagne de M. Samb. Auparavant, en mars 2016, M. Samb et Mme Brostrom avaient fait l’objet d’une enquête pour des soupçons d’abus d’autorité et d’inconduite. (..) Luis Loures a quitté l’Onusida en mars. Quatre autres femmes se sont également manifestées et ont signalé des faits analogues contre M. Loures. »

« Agenda du changement »

Mais encore ? Et ensuite ? Parallèlement à la mise en ligne du rapport du comité d’experts le secrétariat d’Onusida a publié sa réponse sous la forme d’un document de 62 pages incluant la mise en place d’un « agenda du changement » (re-sic). On peut aussi, loin des hypocrisies feutrées de la langue anglaise,  en lire une version en français qui ne manque pas de sel : « L’ONUSIDA présente un agenda de transformation pour créer un environnement de travail exemplaire au sein de l’organisation ».

« Cet agenda insiste sur le fait que le harcèlement, y compris le harcèlement sexuel, les brimades et les abus de pouvoir à tous les niveaux seront soumis à une tolérance zéro et que leurs auteurs devront rendre des comptes sur leurs actes.

« Cet agenda s’appuie sur une approche centrée sur les victimes de harcèlement et permettra de faire en sorte que tous les membres du personnel soient formés, équipés et soutenus pour dénoncer les incivilités, le sexisme et l’intolérance, ainsi que d’autres comportements indésirables et intolérables. Il va permettre de renforcer les systèmes d’encadrement pour s’adapter aux exigences d’une organisation décentralisée et veiller à ce que la prise de décision se fasse au bon niveau, en toute transparence et avec les contrôles internes de conformité aux politiques et aux normes. »

Et maintenant ? Bien évidement des voix tardives se lèvent pour réclamer la démission en urgence d’un Michel Sidibé hier encore vanté par nombre de médias : du toujours puissant rédacteur en chef du Lancet, Richard Charles Horton, au gouvernement suédois, qui vient d’annoncer le gel de sa contribution à l’Onusida tant que le directeur exécutif n’aura pas démissionné. Or Michel Sidibé a fait savoir qu’il n’entendait pas partir. C’est dire si l’abcès est constitué. Qui, désormais, osera publiquement le crever ?

A demain

@jynau

 

 

Première mondiale : un bébé est né à partir d’un utérus prélevé chez une femme décédée

Bonjour

Première obstétricale mondiale à très forte charge symbolique, cette naissance aura une forte résonance médiatique internationale. Elle est détaillée dans The Lancet : « Livebirth after uterus transplantation from a deceased donor in a recipient with uterine infertility ».

L’intervention chirurgicale (une transplantation utérine) a été pratiquée en septembre 2016 chez une femme âgée de 32 ans présentant une absence utérine congénitale (syndrome de Mayer-Rokitansky-Küster-Hauser). Ce syndrome est caractérisé par une aplasie congénitale de l’utérus et de la partie supérieure du vagin, chez des femmes ayant un développement normal des caractères sexuels secondaires et un caryotype 46,XX normal. Ce syndrome affecte environ une femme sur 4500.

« Le premier signe du syndrome de MRKH est une aménorrhée primaire survenant chez des femmes jeunes ayant par ailleurs des caractères sexuels secondaires normalement développés, des organes génitaux externes normaux, un fonctionnement ovarien normal et un caryotype 46,XX sans anomalies chromosomiques apparentes, explique-t-on sur le site Orphanet.  Le syndrome a longtemps été considéré comme une anomalie sporadique, mais un nombre croissant de cas familiaux appuie aujourd’hui l’hypothèse d’une cause génétique. Le traitement de l’aplasie vaginale, consistant en la reconstitution d’un néovagin, peut permettre à la patiente d’avoir une vie sexuelle normale. La détresse psychologique étant très importante chez les jeunes femmes atteintes d’un syndrome de MRKH, un soutien psychologique est primordial pour ces patientes et leur famille avant et au cours du traitement. »

La transplantation utérine a été pratiquée l’hôpital das Clínicas de l’Université de São Paulo (Brésil) après prélèvement d’un utérus chez une donneuse décédée à 45 ans des suites d’une hémorragie méningée. Récupération postopératoire satisfaisante, sortie après une semaine d’observation à l’hôpital et mise en place d’un traitement immunosuppresseur. Les premières règles ont eu lieu 37 jours après la transplantation puis tous les 26 à 32 jours. La grossesse est survenue après le premier transfert d’un embryon unique, et ce sept mois après la transplantation. L’accouchement (par césarienne) a eu lieu le 15 décembre 2017 à la 36e semaine de gestation. La petite fille pesait 2550 g à la naissance. L’utérus transplanté a été retiré après la césarienne et le traitement immunosuppresseur suspendu. Sept mois plus tard la mère et l’enfant (toujours nourri au sein) se portaient bien.

La petite fille pesait 2550 g à la naissance. L’utérus transplanté a été retiré après la césarienne et le traitement immunosuppresseur suspendu. Sept mois plus tard la mère et l’enfant (toujours nourri au sein) se portaient bien. Dirigés par le Pr Dani Ejzenberg (Departamento de Obstetrícia e Ginecologia, Hospital das Clínicas, Faculdade de Medicina da Universidade de São Paulo) dans The Lancet :

« Nous décrivons, à notre connaissance, le premier cas de naissance à la suite d’une transplantation utérine d’un donneur décédé chez un patient atteint du syndrome de MRKH. Les résultats établissent la preuve de concept pour le traitement de l’infertilité utérine par transplantation d’un donneur décédé, ouvrant ainsi la voie à une grossesse en santé pour toutes les femmes atteintes d’infertilité utérine, sans nécessiter de donneur vivant ni d’intervention chirurgicale chez un donneur vivant. »

Depuis la première greffe d’utérus d’une donneuse vivante, en 2013, en Suède, trente-neuf transplantations ont été réalisées dans le monde, dont onze ont conduit à une naissance. A l’inverse toutes les greffes d’utérus prélevés post mortem, soit une dizaine aux Etats-Unis, en République tchèque et en Turquie, avaient échoué avant cette première mondiale.

Pour le Pr Andrew Shennan (Kings College de Londres) la voie est désormais ouverte  aux dons d’utérus post mortem.  Des dons qui permettront aux femmes privées d’utérus de porter leur propre enfant sans recourir à des donneuses vivantes ou à des mères porteuse.

A demain

@jynau

« Le Point » a déclaré la guerre à l’Association nationale de prévention de l’alcoolisme

Bonjour

C’est en dessous du véritable pamphlet. Disons un méchant poulet vinaigré. Il est signé Etienne Gernelle, directeur de l’hebdomadaire Le Point.

« Défendons le vin contre les pisse-vinaigre. Les cochons Napoléon, Boule de Neige et Brille-Babil ont fait des petits. Ces trois personnages de « La ferme des animaux » – l’hilarante et prothétique satire du totalitarisme signée George Orwell – avaient, au moment de leur prise du pouvoir, établi « sept commandements », dont le cinquième était : « Nul animal ne boira d’alcool. »

« Aujourd’hui, les nouveaux Napoléon, Boule de Neige et Brille-Babil sont réunis au sein de l’Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (Anpaa) 1, une organisation financée par des fonds publics qui sert une cause essentielle, mais déborde parfois de son cadre pour se poser en brigade de la répression du vice et de promotion de la vertu (…). »

Et Gernelle de poursuivre, défendant les viticulteurs (et non les géants alcooliers) contre ce « parti du Bien » ; contre les « croisés prohibitionnistes qui se répandent dans tous les médias pour dénoncer ce ‘’premier verre’’ [référence à une récente publication du Lancet] avatar hygiénique du « péché originel », contre les médias moutonniers ; contre les professeurs de morale (et Le Monde) qui agitent le spectre du « lobby alcoolier »…

Le gin synthétique de George Orwell

Un lobby, observe Gernelle, qui n’a pas réussi à empêcher notre pays de se doter « d’une des législations les plus répressives au monde en la matière » (sic). Certes, reconnaît-il, Emmanuel Macron « ne semble pas très sensible aux commandements hygiénistes » qui se plait à dire « qu’il boit du vin deux fois par jour ». Rappelant la fin de la fable de l’auteur de « 1984 » (dans lequel le gin joue un rôle majeur dans l’asservissement des masses) notre confrère Gernelle conclut : « Nos amis de l’Anpaa seront-ils à la hauteurs des cochons d’Orwell ? »

Non signée, la première réponse de l’Anpaa n’a pas tardé :

« Un article d’une rare élégance qui compare implicitement les défenseurs de la santé publique à des porcs tendance totalitaire… Après l’analogie avec le régime de Vichy en juillet, le #lobby alcoolier a assurément trouvé en @LePoint un bon relais ! ».

Rien de picrocholin ici. Mais bien la dernière illustration en date d’une opposition majeure, de deux mondes dont on voudrait faire croire que tout ou presque les oppose. Faut-il assimiler le fait d’écrire sur le monde du vin 2 comme une condamnable promotion de comportements conduisant à la dépendance alcoolique ? Pour autant comment ne pas réclamer de solides remparts face à la dynamique interne du marché et à la puissance de la publicité ?

C’est dire et redire, ici et face aux lobbies, le poids essentiel de l’action du législatif et de l’exécutif. De ce point de vue on ne peut que regretter les déclarations publiques du président de la République – déclarations déplacées concernant des choix et des consommations qui devraient rester cantonnés à la sphère du privé.

Nonobstant, maintenant, comment sortir des tranchées ? Quel camp agitera, le premier, un drapeau blanc ? Peut-on, en France et entre adultes, parler vrai et réduction des risques ? Répondre non serait désespérer.

A demain

1 « Pisse-vinaigre » ? L’Association Nationale de Prévention en Alcoologie et Addictologie est une association loi 1901, reconnue d’utilité publique et agréée d’éducation populaire, implantée sur l’ensemble du territoire national avec 22 directions régionales coordonnées par son siège national, et animée par de nombreux bénévoles et 1575 professionnels.

2 Sur ce thème, un livre-enquête original, signé d’Ixchel Delaporte, journaliste à L’Humanité : « Les raisins de la misère – une enquête sur la face cachée des châteaux bordelais » (la brune au rouergue).  »

Ivresse et politique : entendre sonner le glas dès la première goutte d’alcool éthylique ?

Bonjour

Voilà une publication scientifique formidable – en ce qu’elle écartèle le cœur même de tous les pouvoirs exécutifs. On la consultera sur le site de The Lancet. En France elle vient rappeler la pseudo-opposition, caricaturale, entre les propos d’Emmanuel Macron et Agnès Buzyn. Un président de la République exposant son goût et ses appétences pour le vin versus une ministre des Solidarités et de la santé oubliant ses anathèmes passés sur le sujet.

Que nous dit The Lancet (Global Burden of Disease Study) ?  Qu’il n’y a « aucun niveau de consommation d’alcool sûr » – et que « seul zéro gramme d’éthanol par semaine est protecteur ». Passons sur les chiffres et les pourcentages – en précisant toutefois que la consommation moyenne est de 0,73 verre (de 10 g d’alcool éthylique pur) chez les femmes, et 1,7 verre chez les hommes. Avec d’immenses variations selon les territoires. Les plus grands consommateurs vivent, pour les hommes, en Roumanie (8,2 verres par jour), au Portugal et au Luxembourg (7,3), et pour les femmes, en Ukraine (4,2), Andorre et au Luxembourg (3,4).  En France, la consommation moyenne est de 4,9 verres par jour chez les hommes, et de 2,9 chez les femmes.

« L’étude va à l’encontre de l’idée (étayée par des précédentes études, jugées incomplètes) que de faibles quantités d’alcool auraient un effet protecteur, résume Le Quotidien du Médecin. Les bénéfices cardiovasculaires, ou en termes de diabète, chez les femmes sont en effet annihilés par l’importance les risques de cancers, qui augmentent mécaniquement avec la consommation, mais aussi les risques de blessures et de maladies transmissibles. »

Les caves de l’Elysée

On peut le dire autrement :  Boire un verre d’alcool par jour pendant un an augmente de 0,5 % le risque de développer l’un des vingt-trois problèmes de santé liés à l’alcool, par rapport aux non-buveurs. Cela correspond, chaque année, à un excès de 100 000 morts prématurées dans le monde, précise ainsi la Dr Emmanuela Gakidou (Université de Washington) qui cosigne cette publication.

« Un précédent papier du Lancet , paru en avril dernier, estimait déjà que les recommandations sur la consommation d’alcool dans de nombreux pays devaient être revues à la baisse, mais établissait que le niveau de consommation sans danger exagéré (sic) était de 10 verres standard (100 grammes d’alcool pur) par semaine, rappelle Le Quotidien.  Les auteurs vont plus loin et appellent à un renouveau des politiques publiques, qui devraient intégrer des recommandations en faveur de l’abstinence, une politique de prix (taxes proportionnelles au contenu en grammes d’alcool et définition d’un prix minimum de vente par unité), le contrôle de l’accès physique aux boissons, et une régulation de la publicité. »

Une certitude : en France ce travail du Lancet ne sera pas commenté –  du moins ni par le Palais de l’Elysée ni par Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la santé. Qui semblent n’avoir toujours pas pris la mesure, éminemment politique,  du concept de réduction des risques.

A demain