Zika : première démonstration d’une transmission du virus par la sueur et/ou par les larmes

 

Bonjour

La virulence grandit et situation se complique. Pour la première fois depuis la découverte, il y a un demi-siècle, du virus Zika une contamination sans autre contact que celui de la sueur et des larmes humaines vient  été décrite. Tous les détails sont à lire dans une lettre publiée dans le New England Journal of Medicine. Elle est signée par une équipe dirigée par le Dr Sankar Swaminathan (University of Utah School of Medicine, Salt Lake City, Utah) : “Fatal Zika Virus Infection with Secondary Nonsexual Transmission”.

Au départ on trouve une personne âgée de 73 ans. Hypotension et douleurs abdominales, huit jours après son retour d’un voyage au Mexique dont il est originaire ;  cancer prostatique, sous traitement hormonal ; tachycardie, dyspnée,  conjonctivite érythémateuse.  Le virus Zika est identifié, à un taux élevé et le séquençage permet de retrouver un génome équivalent  pour 99.8% à celui d’une souche isolée sur un moustique présent il y a peu au Chiapas (Mexique). Ce malade mourra des conséquences de cette infection cinq jours après son admission.

Ni sang, ni sexe

On trouve ensuite un homme de 38 ans venu visiter le premier patient à l’hôpital. Une semaine après cette visite l’homme commence à souffrir d’une conjonctivite, de douleurs musculaires et d’un rash cutané. La batterie d’examens biologiques confirmera rapidement la présence de virus Zika dans les urines (sans ARN viral dans le sérum mais avec présence d’IgM anti -Zika).

On interroge ce second patient. Il affirme n’avoir eu aucun contact avec le sang du premier. Il l’avait en revanche aidé à se replacer dans le lit – et ce sans utiliser de gants. Et il se souvient lui avoir essuyé des larmes provenant d’un œil. Il n’avait pas voyagé dans un pays touché par l’épidémie. Et il affirme  ne pas avoir eu de relation sexuelle avec une personne ayant séjourné dans une des zones où sévit l’épidémie.

Jean-Marie Le Pen, 1987

La sueur… les larmes… la transpiration… la salive… la lèpre…On s’inquiète. On se souvient de l’utilisation politique qui avait été faite, il y a trente ans en France, par Jean-Marie Le Pen : « L’heure de vérité, Antenne 2, Albert du Roy, 6 mai 1987 ». Les auteurs du New England Journal of Medicine rassurent : « La transmission de flavivirus à travers des muqueuses, ou une peau, intactes, est rare mais a été montrée dans des modèles animaux et dans au moins un cas humain ».

C’était, en septembre 2004, un travail de spécialistes américains (Harvard Medical School, Mount Auburn Hospital, Cambridge, Massachusetts). Ils avaient décrit un cas d’infection du virus de la dengue par voie cutanéomuqueuse : Transmission of dengue virus without a mosquito vector: nosocomial mucocutaneous transmission and other routes of transmission”.

A demain

Cancers de la thyroïde et « abus de traitement » Que va-t-il se passer maintenant ?

Bonjour

Dans son édition du 2 septembre Le Parisien (Claudine Proust) revient sur ce qui aurait, cet été, pu faire « scandale ». Cela donne, en Une du quotidien : « Cancer : des milliers d’opérations inutiles ». Et sur le site : « Cancer : le surdiagnostic en questions » (sur abonnement)En France, des milliers de patients atteints d’un cancer de la thyroïde ont été opérés et soumis à des traitements sévères sans que la gravité de leur cas le justifie.

On connaît l’essentiel. Soit la démonstration faite par le Centre international de la recherche sur le cancer (CIRC) que l’augmentation depuis vingt ans de l’incidence des cancers de la thyroïde est, pour l’essentiel, la conséquence de surdiagnostics massifs. 1

Sans bénéfices prouvés

La dimension du phénomène semble avoir comme déminé, d’emblée, la dimension « scandaleuse » qui aurait pu lui être conférée : le travail du CIRC établit que plus de 470.000 femmes et 90.000 hommes  ont été victimes d’un surdiagnostic de cancer de la thyroïde en l’espace de 20 ans  – et ce dans douze pays développés (Australie, Danemark, Angleterre, Finlande, France, Italie, Japon, Norvège, République de Corée, Ecosse, Suède et Etats-Unis).

« Des pays comme les Etats-Unis, l’Italie et la France ont été les plus touchés par le surdiagnostic du cancer de la thyroïde depuis les années 1980, après l’introduction des échographies, explique le Pr Salvatore Vaccarella, qui a dirigé ce travail. En France, le surdiagnostic est évalué entre 70 et 80%. Or la majorité des cancers surdiagnostiqués ont été traités par des ablations complètes de la thyroïde, souvent associées à d’autres traitements drastiques, par  chirurgie ou radiothérapie – sans bénéfices prouvés en termes d’amélioration de la survie.

Et maintenant ? L’affaire va-t-elle être médiatiquement reprise, exploitée avant de se « judiciariser » ? Pour l’heure Le Parisien n’est pas dans cette veine. « Cancers : et si on en faisait trop ? » demande-t-il. Le quotidien cite le Pr Martin Schhlumberger, spécialiste d’endocrinologie à l’Institut Gustave-Roussy. Il  tire la sonnette d’alarme : « sortir les carcinomes papillaires de la classification des cancers ». « Ne plus aller chercher des problèmes là où il n’existent pas ». Comprendre (et parvenir à faire comprendre) que le mieux peut être l’ennemi du bien.

Initiatives pédagogiques

Déjà en 2013 une publication du British Medical Journal avait posé les termes du problème 2. Les auteurs expliquaient que  la décision de traiter ce type de lésion devait être prise en concertation avec le patient après qu’il ait reçu une « information éclairée ».

« Surdiagnostics » de « cancers » de la thyroïde ? On attend aujourd’hui, sur un sujet à ce point important et sensible,  quelques initiatives pédagogiques émanant des sociétés savantes concernées. Voire, pourquoi pas, des responsables en charge des innombrables institutions de santé publique.

A demain

1 On peut, sur ce thème, se reporter dans la Revue Médicale Suisse à « Surdiagnostic » de cancer de la thyroïde : 560 000 cas en vingt ans » (Rev Med Suisse 2016;1442-1443).

La communication du CIRC est développée  dans The New England Journal of Medicine : “Worldwide Thyroid-Cancer Epidemic? The Increasing Impact of Overdiagnosis”.  Elle est d’autre part résumée dans le document suivant: “Overdiagnosis is a major driver of the thyroid cancer epidemic: up to 50–90% of thyroid cancers in women in high-income countries estimated to be overdiagnoses

2 Brito JP, et coll. “Thyroid cancer: zealous imaging has increased detection and treatment of low risk tumours”. BMJ 2013. Cette publication avait été analysée sur le site Medscape France (Aude Lecrubier) :« Surdiagnostics des cancers de la thyroïde : faut-il s’en inquiéter ? ».

 

 

Révélation : 560 000 cancers de la thyroïde diagnostiqués depuis vingt ans n’en étaient pas

 

Bonjour

L’affaire fera du bruit. Le Centre international de la recherche sur le cancer (CIRC/IARC) vient de dénoncer une illusion : l’augmentation, ces vingt dernières années dans les pays développés, de l’incidence des cancers de la thyroïde est, pour l’essentiel, la conséquence de surdiagnostics massifs.

La communication du CIRC renvoie à la publication, ce même jour d’un travail dans The New England Journal of Medicine : “Worldwide Thyroid-Cancer Epidemic? The Increasing Impact of Overdiagnosis”. Elle est d’autre part résumée dans le document suivant: “Overdiagnosis is a major driver of the thyroid cancer epidemic: up to 50–90% of thyroid cancers in women in high-income countries estimated to be overdiagnoses

Douze pays concernés

Ce travail évalue à plus de 470.000 femmes et 90.000 hommes le nombre des personnes qui pourraient avoir fait l’objet d’un surdiagnostic de cancer de la thyroïde en l’espace de 20 ans  – et ce dans douze pays développés (Australie, Danemark, Angleterre, Finlande, France, Italie, Japon, Norvège, République de Corée, Ecosse, Suède et Etats-Unis).

« Des pays comme les Etats-Unis, l’Italie et la France ont été les plus touchées par le surdiagnostic du cancer de la thyroïde depuis les années 1980, après l’introduction des échographies, mais l’exemple le plus récent et le plus frappant est la République de Corée », explique le Pr Salvatore Vaccarella, qui a dirigé l’étude de l’IARC.
Dans des pays comme l’Australie, la France, l’Italie ou les Etats-Unis, le surdiagnostic est évalué entre 70 et 80% par les chercheurs de l’IARC, contre 50% au Japon et dans les pays nordiques.

Thérapeutiques drastiques

La majorité des cancers surdiagnostiqués ont été traités par des ablations complètes de la thyroïde, souvent associées à d’autres traitements drastiques, par  chirurgie ou radiothérapie – sans bénéfices prouvés en terme d’amélioration de la survie.

La question du « surdiagnostic-surtraitement » de ce cancer n’est pas nouvelle mais les chiffres aujourd’hui avancés confèrent une nouvelle dimension à cette affaire.  En 2013 une publication du British Medical Journal avait posé les termes du problème (Brito JP, et coll. Thyroid cancer: zealous imaging has increased detection and treatment of low risk tumours. BMJ 2013). Elel avait alors été analysée sur le site Medscape France (Aude Lecrubier) : « Surdiagnostics des cancers de la thyroïde : faut-il s’en inquiéter ? ». Extraits :

« Les nouvelles performances de l’imagerie médicale alimentent « une épidémie de diagnostics et de traitements de cancers de la thyroïde qui n’auraient pas progressé jusqu’aux symptômes et au décès », indiquent les auteurs du papier, l’endocrinologue Juan Brito et coll. (Mayo Clinic, Rochester, Etats-Unis).

L’échographie, le scanner et l’IRM peuvent détecter des nodules thyroïdiens de moins de 2 mm dont la plupart sont des cancers papillaires, fort peu évolutifs et qui ne nécessitent en général pas de traitement intensif, note le BMJ.

 ‘’Le risque est, en effet, de retirer tous les microcarcinomes, alors qu’ils sont très nombreux et qu’ils ne vont pas forcément évoluer, commente pour Medscape France le Pr Daniele Dehesdin (Médecin cancérologue, chirurgienne maxillo-facial, spécialiste en orl et chirurgie cervico-faciale, CHU Rouen).  Quand on met en parallèle les risques d’une chirurgie thyroïdienne, il faut rester prudent. Lorsqu’il n’y a pas de facteurs de risque qui requièrent d’enlever le nodule immédiatement, il faut réaliser, tous les six mois, une ponction échoguidée à visée cytologique. S’il y a le moindre doute, que le nodule grossi, qu’il a des microcalcifications, ou une vascularisation particulière, il faut l’enlever’’. »

Mesure des conséquences

Pour les auteurs du BMJ la décision de traiter ce type de cancer devait être prise en concertation avec le patient après qu’il ait reçu une information éclairée. Pour aider les patients à choisir le plus sereinement possible entre une surveillance active et un traitement immédiat et intensif certains spécialistes suggèrent d’éviter le terme de « cancer thyroïdien » pour les formes papillaires de diamètre inférieur à 20 millimètres et de les nommer « lésions micropapillaires peu évolutives ».

Reste l’essentiel : les effets délétères de traitements qui n’auraient pas dû être mis en œuvre. On commence seulement à prendre la mesure des conséquences.

A demain

Allergies et religions : les Amish vont-ils commercialiser les poussières de leurs étables ?

 

Bonjour

C’est une étude peu banale que publie aujourd’hui le prestigieux New England Journal of Medicine : “Innate Immunity and Asthma Risk in Amish and Hutterite Farm Children”. Une étude originale associée, qui plus est, à un éditorial : « Innate Immunity in Asthma » signé  du Dr Talal A. Chatila, du nom moins prestigieux Boston Children’s Hospital. Une affaire aussitôt reprise par The New York Times: “Health Secrets of the Amish”.

Ce travail suggère, en substance, que les poussières présentes dans les maisons amish aideraient à développer le système immunitaire des enfants de ces communautés qui, on le sait, vivent à l’écart de la société moderne. Et ce qui vaut pour les Amish ne vaut pas pour les Hutterites.

Cette hypothèse prend racine dans un constat immunologique et épidémiologique : grandir dans une ferme peut, ou pas, protéger contre l’asthme. Un constat né des comparaisons entre deux communautés assez semblables : des Amish vivant dans l’Indiana et des Hutterites résidant dans le Dakota du Sud. Les deux groupes sont d’origine européenne et possèdent des patrimoines génétiques assez  similaires. Ils partagent aussi (rien à voir, a priori, avec la génétique) des croyances religieuses de type protestant-anabaptiste. Toutefois les Amish exploitent des fermes familiales où les enfants jouent pieds nus à proximité des étables, tandis que les Hutterites utilisent des outils agricoles plus modernes et sont moins étroitement en contact avec leur bétail.

Pieds nus près des étables

L’étude a porté sur trente enfants Amish âgés de 7 à 14 ans : pas un seul ne souffrait d’asthme. Or, dans la communauté hutterite, ils étaient six sur trente à en souffrir. Des analyses biologiques  ont établi les bases immunitaires cellulaires permettant de dire qu’il n’y avait là aucun hasard. L’étude ne tranche pas quant à la fatalité ou à la prédétermination, deux concepts assez éloignés de la rigueur de Boston et du New England.

Ce n’est pas tout. Les auteurs de l’étude ont également mené des tests assez sophistiqué sur les poussières présentes  à l’intérieur des maisons des deux communautés. Dans le cas des Hutterites, la poussière provoquait chez des souris des difficultés respiratoires, à la différence, notable, des poussières des Amish.  Et ce travail établit que les poussières des Amish contiendraient un germe  issu de vaches laitières ; c’est l’exposition chronique à ce germe bovin qui renforcerait le système immunitaire enfantin. Au final les foyers des Amish seraient, du fait de la proximité des étables et des absences de chaussures, protégés des risques allergiques et asthmatiques.

Reste que l’échantillon étudié est de bien petite taille et que le germe n’a pas (encore) été identifié. Les auteurs (en partie financés par la St Vincent Foundation) espèrent qu’à terme, leur découverte pourrait contribuer à lutter contre l’asthme et les allergies des enfants qui ne connaissent pas le bonheur de vivre pieds nus près des étables.

A demain

 

Zika : une nouvelle voie de transmission sexuelle explorée par dix chercheurs français

 

Bonjour

Soyons bref. C’est une lettre signée de dix chercheurs français 1. Elle est publiée dans la dernière livraison du New England Journal of Medicine. Son titre est explicite : ”Evidence of Sexual Transmission of Zika Virus”. Mais il l’est moins que celui du New York Times : ‘’Zika May Be Transmitted by Oral Sex, Scientists Find”.

Où l’on découvre la complexité d’un travail permettant, à partir de témoignages particulièrement détaillés d’un couple, comment on peut en conclure qu’une fellation peut, aussi, être une possibilité de transmission d’un virus  transmis le plus souvent par un insecte femelle hématophage en quête de son repas sanguin.

A demain

1 Eric D’Ortenzio, M.D. Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale ; Sophie Matheron, M.D. Hôpital Bichat Assistance Publique–Hôpitaux de Paris ; Xavier de Lamballerie, M.D., Ph.D. Université Aix-Marseille, Marseille ;  Bruno Hubert, M.D. Institut de Veille Sanitaire, Saint Maurice ; Géraldine Piorkowski, Ph.D. Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale, Paris ;  Marianne Maquart, Ph.D. French Armed Forces Biomedical Research Institute, Marseille ; Diane Descamps, M.D., Ph.D ; Florence Damond, Pharm.D., Ph.D ; Yazdan Yazdanpanah, M.D., Ph.D. Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale, Paris ; Isabelle Leparc-Goffart, Ph.D. French Armed Forces Biomedical Research Institute, Marseille.

Ebola: la nouvelle donne spermatique réclame des gestes préventifs très pragmatiques

 

Bonjour

 On le redoutait, c’est désormais bien confirmé. Et les médias ne sont plus là; Une étude internationale confirme la persistance du virus Ebola dans le sperme de survivants à l’épidémie. Cette nouvelle donne virologique, dérangeante, vient d’être exposée dans la dernière livraison du Journal of Infectious Diseases : New Evidence of Long-lasting Persistence of Ebola Virus Genetic Material in Semen of Survivors”. Dirigé par Eric Delaporte, ce travail est signé  par des chercheurs de l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD) , de l’Inserm et de l’Institut Pasteur et leurs partenaires guinéens (CHU de Donka, Hôpital de Macenta, Institut national de santé publique, Université de Conakry).

Ce travail a été conduit en Guinée depuis novembre 2014, dans le cadre du programme PostEboGui (suivi pendant deux ans d’une cohorte de plus de 700 adultes et enfants, ayant survécus à l’épidémie d’Ebola. Il s’agit, au travers d’une approche pluridisciplinaire  d’identifier les séquelles cliniques et sociales de l’épidémie, ainsi que les risques de réactivation potentielle du virus ou de transmission sexuelle.

Liquides corporels

Ici  les chercheurs ont suivi les 450 premiers patients de ce programme (hommes et femmes) pendant un an. Ils ont effectué des prélèvements de liquides corporels (larmes, salive, fèces, liquides vaginaux et sperme), le premier jour de l’étude, puis tous les trois mois. Les résultats portent au final sur 98 prélèvements issus de 68 personnes. Et il apparaît que le virus Ebola a été détecté dans dix prélèvements provenant de huit hommes – et ce  jusqu’à 9 mois après la guérison.

 Ce travail montre aussi que la persistance du virus dans le liquide séminal diminue avec le temps : il est présent dans 28,5 % des échantillons des prélèvements effectués entre le 1er et 3e mois ; ce taux passe à 16 % entre le 4e et le 6e mois ; à 6,5 % entre le 7e et le 9e mois ; 3,5 % entre le 10e et le 12e mois, et enfin 0 % après 12 mois.

Déséquilibre corrigé

Ces données viennent confirmer les résultats de la publication, en octobre 2015  dans le  New England Journal of Medicine », d’un premier travail  :  ’Ebola RNA Persistence in Semen of Ebola Virus Disease Survivors — Preliminary Report’. A cette époque, dans le même journal, une autre publication concluait à l’existence, moléculairement démontrée, d’un risque de transmission : ‘Molecular Evidence of Sexual Transmission of Ebola Virus’’. Nous observions alors que les spécialistes et les institutions françaises étaient totalement absents de ces deux publications réunissant pour l’essentiel des auteurs américains et ouest-africains.

Ce déséquilibre est aujourd’hui corrigé. Les spécialistes français mettent l’accent sur la nécessité de recommander, au niveau international, l’utilisation de préservatifs par les survivants dans les mois suivant leur guérison. Ils soulignent aussi l’importance de développer, voire de systématiser le suivi des survivants, afin de limiter les risques de recrudescence de l’épidémie. Au plan fondamental la question centrale concerne les réservoirs du virus Ebola dans les organismes humains ayant survécus à l’infection. Quels sont, outre les gonades et les yeux, les territoires de  « privilège immun » ?

 Masturbation comprise

Il faut aussi compter avec les questions très pratiques. Depuis un an  l’OMS donne des « recommandation intérimaires sur la transmission sexuelle de la maladie à virus Ebola ». Des directives comme dictées de Genève par des responsables ne connaissant guère le terrain africain dont ils parlent. L’OMS recommande notamment que tous les survivants testent leur sperme à partir de trois mois après le début de la maladie. Pour ceux qui sont positifs, un test par mois est ensuite conseillé jusqu’à ce que le sperme soit négatif par deux fois à au moins une semaine d’intervalle. Jusqu’à ces deux tests négatifs, l’OMS recommande l’abstinence sexuelle ou le port de préservatifs, une bonne hygiène des mains, après masturbation comprise. :

« Si un homme ayant survécu à Ebola n’a pas eu d’analyse du sperme, il doit poursuivre les pratiques sexuelles à moindre risque pendant au moins six mois après l’apparition des symptômes ; cette durée pourra être revue en fonction des nouvelles informations disponibles sur la présence du virus Ebola dans le sperme en fonction du temps écoulé.

« Jusqu’à ce que leur sperme ait été donné par deux fois avec  un test négatif à la recherche du virus Ebola, les hommes qui ont survécu à la maladie doivent respecter les règles d’hygiène personnelle et celles pour les mains en se lavant soigneusement à l’eau et au savon après tout contact physique avec du sperme, y compris après la masturbation. »

L’OMS ajoute qu’au cours de cette période, les préservatifs usagés doivent être manipulés et jetés avec précaution, « de façon à éviter tout contact avec le liquide séminal ».

 A demain

Zika et microcéphalie : pour les CDC américains le lien de causalité est désormais établi

 

Bonjour

De la forte présomption à la démonstration absolue ? Des chercheurs américains estiment avoir pour la première fois établi « avec certitude » que l’infection d’une femme enceinte par le virus Zika  peut induite des malformations cérébrales chez le foetus ; et notamment une microcéphalie.

La démonstration synthétique est apportée dans The New England Journal of Medicine : Zika Virus and Birth Defects — Reviewing the Evidence for Causality”. Et elle est reprise dans The New York Times: Zika Virus Causes Birth Defects, Health Officials Confirm”. C’est dire si elle a, désormais, toutes les apparences de l’évidence.

Plus aucun doute

Les auteurs de la publication, dirigés par la Dr Sonja A. Ramussen (CDC d’Atlanta), n’ont en revanche pas encore pu établir avec certitude de lien entre une infection par le Zika et le syndrome de Guillain-Barré. Elle est d’ores et déjà commentée, en boucle,  par le Dr Tom Frieden, directeur des CDC : « C’est désormais clair, les CDC ont conclu que le Zika provoque bien la microcéphalie et d’autres défauts sévères du cerveau chez le fœtus. Il y a encore beaucoup de choses que nous ignorons mais il n’y a plus aucun doute, le Zika est une cause de la microcéphalie. »

Selon le Dr Frieden cette étude de ses services « marque un tournant dans cette épidémie ». Cette dernière affecte surtout l’Amérique du Sud – et plus particulièrement le Brésil où on aurait dénombré plus de 1,5 million de cas et observé une forte augmentation des cas de microcéphalie. Des doutes demeurent toutefois quant à la fiabilité des chiffres avancés..

Préservatifs

« Cette confirmation est basée sur une analyse étendue des meilleures indications scientifiques menée par les CDC et d’autres experts en santé maternelle, du fœtus  et des maladies transmises par des moustiques, a précisé le Dr Frieden. Ces recherches épidémiologiques, cliniques et moléculaires ont chacune produit de nouvelles données qui nous aidé à résoudre le puzzle. Nous pensons que la microcéphalie fait probablement partie d’un éventail de défauts de naissance qui pourraient affecter les femmes, soit à un moment particulier de la grossesse, ou durant toute la grossesse. Jamais avant cela nous n’avions connu une situation dans laquelle la piqûre d’un moustique pouvait provoquer une malformation dévastatrice chez le fœtus. »

Pour autant rien n’est acquis : il faudra peut-être encore des années avant de pouvoir répondre à des questions essentielles- à commencer par situer la période de la grossesse durant laquelle le risque de cette malformation cérébrale est le plus grand. En pratique rien ne change quant aux  recommandations destinées à protéger les femmes enceintes, comme d’éviter de se rendre dans des pays à risque. Le Dr Frieden rappelle notamment l’importance du préservatif  chez les partenaires des femmes qui attendent un enfant ou pourraient tomber enceintes revenant d’une zone où l’infection est active. Il en va de même pour « les couples qui résident dans ces zones ».

Piqûres et voie sexuelle

Les CDC ne disent rien quant à la question (hautement politique en Amérique du sud) de l’interruption de grossesse. Ils recommandent que les hommes qui ont été infectés utilisent des préservatifs durant six mois après le début de l’infection (qui est le plus souvent asymptomatique…).  L’Agence France Presse souligne pour sa part la publication, toujours dans le New England Journal of Medicine d’une étude française (Inserm, Invs, AP-HP, French Armed Forces Biomedical Research Institute, Marseille) démontrant une totale corrélation génétique entre la souche du virus présente chez un homme ayant contracté le Zika au Brésil et celle d’une femme n’ayant jamais voyagé dans une zone épidémique mais ayant eu des rapports sexuels avec lui : Evidence of Sexual Transmission of Zika Virus”.

C’est, pour le coup, désormais officiel : le virus Zika se transmet par piqûre de moustiques femelles ainsi que par voie sexuelle.

A demain

Zika dans le Val-de-Marne : un premier cas de méningo-encéphalite diagnostiqué à Créteil

Bonjour

C’est une simple lettre, certes, mais elle est publiée aujourd’hui en bonne place dans The New England Journal of Medicine (daté du 9 mars). Elle est signée d’un groupe de médecins français dirigés par le Dr Guillaume Carteaux (Créteil, Assistance Publique-Hôpitaux de Paris). On la trouvera reproduite, in extenso, ici : “Zika Virus Associated with Meningoencephalitis”.

Soit un homme de 81 ans de retour, en France, d’une croisière de quatre semaines (Nouvelle Calédonie ; Vanuatu ; Solomon Islands ; Nouvelle Zélande). Aucun problème de santé durant le séjour aux antipodes mais tableau infectieux inquiétant nécessitant, au retour, une hospitalisation de dix jours dans un service de réanimation intensive.

Dix-sept jours en réanimation

Evolution rapide vers un diagnostic de localisation cérébrale avec coma, hémiplégie et signe unilatéral de Babisnki. Intubation et ventilation mécanique. L’imagerie par résonance magnétique nucléaire est en faveur d’une méningo-encéphalite, diagnostic confirmé par la biologie de la ponction lombaire. Le seul résultat positif est celui d’une infection par le virus Zika. L’association amoxicilline, céfotaxime, gentamicine, acyclovir, est arrêtée au bout de cinq jours.

L’état neurologique du malade s’est progressivement amélioré sans traitement spécifique. Il est sorti de l’unité de soins intensifs dix-sept jours après son arrivée et a retrouvé la totalité de ses fonctions cognitives au bout de six semaines, avec simplement, une faiblesse résiduelle du bras gauche. La lettre au New England ne dit pas  si ce patient se souvenait d’avoir été piqué par un moustique.

Les médecins français soulignent quant à eux que leurs confrères doivent songer à ce diagnostic devant un tel tableau chez une personne de retour d’une zone d’endémie. Un conseil repris et développé, dans le même numéro de la prestigieuse revue  américaine (“Zika Virus as a Cause of Neurologic Disorders”) par un groupe de médecins de l’Organisation Mondiale de la Santé.

Le malade de Créteil ne semble pas encore  avoir fait l’objet d’une communication gouvernementale.

A demain

Zika et microcéphalie : la médiatisation la recherche d’un lien de causalité ne faiblit pas

Bonjour

L’intérêt ne se tarit pas et les publications s’accumulent. Cette fois c’est, toutes affaires cessantes,  dans Cell Stem Cell : “Zika Virus Infects Human Cortical Neural Progenitors and Attenuates Their Growth”.  Affaire reprise par la BBC “Zika caught ‘killing’ brain cells1.

Une équipe  dirigée par le Pr Guo-li Ming (Institute for Cell Engineering, Johns Hopkins University School of Medicine, Baltimore). Pour les médias généralistes l’affaire est entendue: « la première preuve scientifique d’un lien entre Zika et la microcéphalie du foetus établie. Des chercheurs ont démontré en laboratoire que le virus attaque et détruit des cellules cérébrales humaines en développement, comme le révèle une étude publiée ce vendredi. Jusqu’alors, cette relation de cause à effet n’avait pas été prouvée scientifiquement. »

Travail in vitro

Il y avait déjà eu la découverte du virus Zika franchissant le placenta et découvert dans le liquide amniotique– puis la présence du virus dans des tissus cérébraux fœtaux. Cette fois c’est un travail in vitro sur cellules souches humaines. La démonstration, nous explique-t-on,  que le virus peut infecter de manière sélective les cellules souches qui forment le cortex cérébral, les empêchant de se diviser normalement pour former de nouvelles cellules, ce qui entraîne leur destruction. « Les études menées sur des fœtus et des nouveau-nés atteints de microcéphalie dans les zones géographiques touchées par l’infection de Zika avaient mis en évidence des anomalies dans le cortex, et le virus avait aussi été découvert dans des tissus fœtaux », rappelle dans un communiqué le Pr  Guo-li Ming.

« Pour ces expériences, les scientifiques ont exposé trois types de cellules humaines au virus Zika. Les premières, appelées cellules neuronales progénitrices, sont essentielles au développement du cortex cérébral du fœtus rapporte l’Agence France Presse. Les dommages provoqués par le virus Zika à ces cellules, qui en se différenciant deviennent des neurones, correspondent aux défauts observés dans le cerveau résultant de la microcéphalie, ont constaté ces chercheurs. Les deux autres types de cellules exposées au Zika dans cette expérience sont des cellules souches et des neurones »

Aventure

« Nos résultats démontrent clairement que le Zika peut directement infecter les cellules neuronales progénitrices humaines in vitro avec une grande efficacité », concluent es auteurs. « Maintenant que nous savons comment ces cellules neuronales formant le cortex cérébral sont vulnérables au Zika, elles pourraient aussi être utilisées pour un dépistage rapide de l’infection et mettre au point de nouvelles thérapies potentielles » s’aventure  Hongjun Song, l’un des coauteurs, chercheur dans le même institut de Baltimore.

La relation de causalité tant cherchée est-elle trouvée ? Rien n’est moins certain tans les manipulations ont été nombreuses et sophistiquées pour parvenir à cette conclusion. « De nombreuses autres recherches sont nécessaires pour comprendre le lien entre le Zika et la microcéphalie », estime cependant le Pr Amelia Pinto, spécialiste de microbiologie moléculaire à l’université Saint Louis (Missouri). De la même manière, et contrairement à des lectures trop rapides, la responsabilité direct du virus Zika dans la survenue de syndromes de Guillain et Barré n’est pas véritablement démontrée (au sens de relation de causalité).

Le célèbre postulat de Koch

«Comment aller plus loin dans la démonstration d’un lien de causalité? Pour des raisons évidentes on ne pourra jamais ici aller jusqu’à vérifier les règles du postulat de Koch et faire l’expérience de l’infection expérimentale, nous expliquait, fin janvier pour Slate.fr, le Pr Alain Goudeau, responsable du service de bactériologie-virologie du CHU de Tours. L’histoire montre que des éléments épidémiologiques suffisent. Comme dans le cas de la rubéole. L’isolement du virus dans les tissus fœtaux n’a été qu’un élément complémentaire pour affirmer la grande dangerosité du virus chez la femme enceinte. Il me semble qu’avec Zika nous ne sommes pas loin de ce niveau de preuve.»

Et maintenant ? Qui apportera la preuve véritable d’un lien de causalité ? Ou qui pourra (et comment) le réfuter ?

A demain

1 Il faut ici citer The New York Times qui cite une autre publication (un rapport préliminaire – a priori inquiétant du New England Journal of Medicine: Two Studies Strengthen Links Between the Zika Virus and Serious Birth Defects

 

Zika et microcéphalies : dernières nouvelles du front. La causalité encore et toujours en question

Bonjour

Zika, comme une drôle de guerre, sans Gracq pour la narrer, sans Balcon en forêt. L’ensemble des alertes et dispositions sanitaires reposent sur le risque de microcéphalie qui serait associé à la contamination virale, fœtale ou embryonnaire, via la piqûre de la femme enceinte. Ce schéma est connu pour d’autres virus. Pour autant il peine ici à être établi. Il y a quelques jours nous interrogions sur ce thème, pour Slate.fr,  1 le Pr Alain Goudeau, responsable du service de bactério-virologie du CHU de Tours :

«Comment aller plus loin dans la démonstration d’un lien de causalité? Pour des raisons évidentes on ne pourra jamais ici aller jusqu’à vérifier les règles du postulat de Koch et faire l’expérience de l’infection expérimentale. L’histoire montre que des éléments épidémiologiques suffisent. Comme dans le cas de la rubéole. L’isolement du virus dans les tissus fœtaux n’a été qu’un élément complémentaire pour affirmer la grande dangerosité du virus chez la femme enceinte. Il me semble qu’avec Zika nous ne sommes pas loin de ce niveau de preuve.»

 Aujourd’hui, pour tenter de progresser, deux nouvelles publications en provenance du front :

Une publication du New England Journal of Medicine (10 février) :

Zika Virus Associated with Microcephaly”. Soit un brief report d’un groupe dirigé par   Dr. Avšič Županc (Institute of Microbiology and Immunology, Faculty of Medicine, University of Ljubljana, Slovenia).

Les auteurs rapportent le cas d’une femme d’origine européenne âgée de 25 ans prise en charge en octobre 2015 dans le service de périnatalogie du Centre médical de l’Université de Ljubljana, en Slovénie. A compter de décembre 2013, elle avait vécu et travaillé au Brésil, en tant que bénévole à Natal, capitale du Rio Grande do Norte. Elle y était devenue enceinte à la fin de février 2015. Au cours de la 13e semaine de gestation, elle était tombée malade avec une forte fièvre, des troubles musculo-squelettiques et une éruption maculo-papuleuse généralisée. Il y avait alors une épidémie de Zika dans la communauté et cette infection a été suspectée, mais aucun test de diagnostic virologique n’a été réalisée.  Des échographies effectuées à 14 et 20 semaines de gestation ont montré une croissance normale du fœtus. Une interruption médicale de grossesse a été pratiquée à la 32ème semaine de grossesse et une autopsie a été pratiquée.

Ces auteurs expliques avoir isolé le virus Zik dans les tissus cérébraux avant d’établir la séquence complète de son génome ; un génome « cohérent avec l’observation que la présente souche au Brésil a émergé de la lignée asiatique ». « La présence de deux grandes substitutions d’acides aminés positionnée dans les protéines non structurales NS1 et NS4B représente probablement accidentelle événement ou indique un processus d’adaptation éventuelle du virus à un nouvel environnement, expliquent-ils. D’autres recherches sont nécessaires pour mieux comprendre les implications potentielles de ces observations. » Lien de causalité ?

Une publication des Centers for Disease Control and Prevention (10 février)

 Notes from the Field: Evidence of Zika Virus Infection in Brain and Placental Tissues from Two Congenitally Infected Newborns and Two Fetal Losses — Brazil, 2015

Les auteurs rapportent les résultats obtenus avec une nouvelle technique virologique de détection de Zika mise au point en novembre 2015 par les CDC.  Ils ont travaillé sur des échantillons biologiques provenant de deux nouveau-nés (nés à 36 et 38 semaines de grossesse) avec microcéphalie morts dans les vingt heures suivant la naissance. Ils ont aussi travaillé sur des échantillons issus de deux fausses couches (pertes fœtales à 11 et 13 semaines). Les quatre mères présentaient des signes cliniques de l’infection par le virus Zika (fièvre et éruption cutanée) au cours du premier trimestre de la grossesse, mais n’a pas eu de signes cliniques d’une infection active au moment de l’accouchement ou une fausse couche. Ces mères n’ont pas été testées pour les anticorps contre le virus Zika.

Au final les auteurs rapportent au final ce qu’ils estiment être la preuve d’un lien entre infection par le virus Zika, microcéphalie ou mort fœtale (détection de l’ARN viral et des antigènes dans les tissus du cerveau de nourrissons atteints de microcéphalie et dans les tissus placentaires des fausses couches précoces ; constatations histopathologiques indiquant la présence du virus Zika dans les tissus fœtaux).

Révisions des premières estimations ?

« Pour mieux comprendre la pathogenèse de l’infection par le virus Zika, les anomalies congénitales associées et les morts fœtales, il est nécessaire de travailler sur des tissus d’autopsie et des tissus placentaires de cas supplémentaires » soulignent-ils.

Ils rappellent aussi  que plus de 4.700 cas suspects de microcéphalie ont été signalés à partir dela  mi-2015 jusqu’à janvier 2016, mais que des travaux en cours pourraient éventuellement se traduire par une diminution de ce chiffre (« Microcephaly in Brazil: how to interpret reported numbers? »The Lancet, 6 février 2016.)

Pour sa part le ministère brésilien de la Santé a constitué un groupe de travail pour éclairer au mieux ce sujet essentiel, médical et politique, (« Possible Association Between Zika Virus Infection and Microcephaly – Brazil, 2015 ». MMWR, 29 janvier 2016).

Drôle de guerre ?

A demain

1 « Les effets du virus Zika sont moins bien connus qu’on ne le croit » (Slate.fr, 30 janvier 2016)