Cannabis : interdiction au Canada d’en mettre dans la bière, les bonbons et les sucettes

Bonjour

C’était écrit dans la légalisation du cannabis : son industrie du cannabis se professionnalise à grande vitesse 1, élargit sans cesse sa palette. Aujourd’hui l’Agence France Presse nous apprend que des « produits comestibles à base de cannabis » seront vendus au Canada dès la mi-décembre. Annonce officielle faite, vendredi 14 juin, par le gouvernement canadien. Qui précise que les « produits susceptibles de plaire aux enfants » (comme les bonbons ou les sucettes) ne pourront pas en contenir 2. Ces nouvelles dispositions  entreront en vigueur un an après la légalisation du cannabis « à usage récréatif ». Elles concernent également les « extraits de cannabis » et les « produits à usage dermatologique ».

Légaliser c’est aussi encadrer : des règles strictes pour limiter l’attractivité des produits dérivés du cannabis auprès des mineurs devront être respectées, parmi lesquelles l’obligation d’adopter des emballages « neutres » et « difficiles à ouvrir », ou encore la restriction de certains ingrédients, colorants et parfums. Bill Blair, ministre canadien de la Sécurité frontalière et de la réduction du crime organisé (sic) :

« La réglementation modifiée est la prochaine étape visant à réduire les risques pour la santé et la sécurité publiques associés au cannabis comestible, aux extraits de cannabis et au cannabis (à usage dermatologique) et de supplanter le marché illégal de ces produits au Canada.»

La nouvelle réglementation imposera que les aliments ou boissons « infusés au cannabis » ne pourront pas contenir plus de 10 milligrammes de THC. Pour les extraits de cannabis et les produits à usage dermatologique, la dose maximale autorisée sera de 1 000 milligrammes par unité d’emballage. Les autorités recommandent néanmoins aux nouveaux consommateurs de ne pas consommer des aliments ou boissons comportant plus de 2,5 milligrammes de THC.

Quant aux  producteurs et distributeurs, ils ne pourront pas mettre en avant d’éventuels « bénéfices pour la santé ou le régime ». Contrairement à ce que l’industrie alcoolique espérait l’association cannabis-boissons alcooliques sera interdite – au grand dam des  entreprises qui avaient déjà commencé à développer des « bières au cannabis ».

L’agence fédérale canadienne de la statistique a fait ses premiers calculs : environ 5,4 millions de Canadiens ont acheté du cannabis depuis sa légalisation en octobre – parmi eux, 600 000 naïfs.

A demain @jynau

1 The New York Times, Conor Dougherty, 25 avril, repris dans Courrier international N° 1493 du 13 au 19 juin 2019)

2 En France, depuis 2009, la loi a instauré une interdiction totale de vente de tabac et d’alcool aux mineurs. Dix ans plus tard on vient d’apprendre que les lycéens qui fument quotidiennement continuent de s’approvisionner principalement chez les buralistes. Ils sont ainsi 77,0  % à y acheter personnellement leurs cigarettes « presque toujours » ou « souvent », tandis que 16,0 % déclarent le faire « rarement » ou «  parfois  ». Quant à l’approvisionnement en alcool il s’opère avec la même facilité. (Spilka S, Godeau E, Le Nézet O et al Usages d’alcool, de tabac et de cannabis chez les adolescents du secondaire en 2018 Tendances n° 132, OFDT, juin 2019)

Science et conscience : on a fait revivre des cerveaux de porc quatre heures après leur mort

Bonjour

Nous sommes à la lisière dérangeante de l’étrange. C’est à découvrir aujourd’hui même dans Nature (Sara Reardon): «  Pig brain kept alive aoutside body for hours after death. Revival of disembodied organs raises slew of ethical and legal questions about the nature of death and consciousness. ».

 Le travail scientifique : « Restoration of brain circulation and cellular functions hours post-mortem ». Nature volume 568, pages336–343 (2019). Un travail dirigé par le Dr Nenad Sestan (Department of Neuroscience, Yale School of Medicine, New Haven, CT, USA)

Quelle traduction en faire chez l’homme ? s’interroge National Geographic (Michael Greshko) Et une prudence distante pour The New York Times (Gina Kolata) : « ‘Partly Alive’: Scientists ReviveCells in Brains From Dead PigsIn research that upends assumptions about brain death, researchers brought some cells back to life — or something like it ».

Où l’on comprend que nous voguons au frontières, s’il existe, d’un Styx des mammifères. Les dix-sept chercheurs ont utilisé trente-deux cerveaux prélevés sur des porcs morts depuis quatre heures. Puis, au moyen d’un système de « pompes » de marque « BrainEx », ils les ont perfusés durant six heures, à une température équivalente à celle du corps porcin de manière à oxygéner les tissus et les protéger de la dégradation liée à l’arrêt de la circulation sanguine qui caractérise, elle aussi, la mort.

Résultats : diminution de la destruction des cellules cérébrales, préservation des fonctions circulatoires voire restauration d’une activité neuronale synaptique . Les chercheurs insistent sur le fait qu’ils n’ont repéré dans les cerveaux étudiés « aucune activité électrique qui serait le signe de phénomènes de conscience ou de perception ». « Ce ne sont pas des cerveaux vivants, mais des cerveaux dont les cellules sont actives », assure le Dr Nenad Sestan. Certes. Pour autant on perçoit la somme des questions soulevées et des perspectives ouvertes.

A quand des travaux sur des cerveaux humains ?

Le Dr Sestan estime d’ailleurs que ces travaux montrent « qu’on a sous-estimé la capacité de restauration cellulaire du cerveau ». Et comment ne pas voir que ces résultats laissent penser que la détérioration des neurones après l’arrêt du flux sanguin pourrait être un processus d’une durée nettement plus longue que l’on pouvait jusqu’ici le supposer.

« Les défis immédiats posés par ces résultats sont avant tout éthiques », souligne, de l’autre côté de l’Atlantique, le Pr David Menon (Université de Cambridge). « Cela remet en question notre conception de ce qui fait qu’un animal ou un homme est vivant », estiment trois spécialistes américains dans un commentaire joint à l’étude publiée par Nature : « Part-revived pig brains raise slew of ethical quandaries. Researchers need guidance on animal use and the many issues opened up by a new study on whole-brain restoration, argue Nita A. Farahany, Henry T. Greely and Charles M. Giattino.

« Cette étude a utilisé des cerveaux de porcs qui n’avaient pas reçu d’oxygène, de glucose ou d’autres nutriments pendant quatre heures. Cela ouvre donc des possibilités qu’on pensait jusqu’alors inenvisageables » observent-ils. L’étude pourrait, selon eux, remettre en question deux principes :

« Premièrement, le fait que l’activité neuronale et la conscience subissent un coup d’arrêt définitif après quelques secondes ou quelques minutes d’interruption du flux sanguin dans le cerveau des mammifères. Deuxièmement, le fait que, à moins qu’on restaure rapidement la circulation sanguine, un processus irréversible s’enclenche, menant à la mort des cellules puis de l’organe ».

Ils réclament l’établissement de « directives sur les questions scientifiques et éthiques soulevées par ces travaux ». Dans un autre commentaire publié par Nature, deux spécialistes américains de bioéthique, psychiatrie et philosophie font valoir qu’un développement de la technique « BrainEx » pourrait, à terme, nuire aux dons d’organes. Pour une greffe, les organes sont essentiellement prélevés sur des donneurs en état de mort cérébrale. Si l’on se met à considérer que cet état peut être réversible, comment se résoudre au prélèvement d’organes ?

On pourrait aussi, risquer une autre question : des travaux équivalent sont-ils prévus à partir de cerveaux humains ? Ou plus précisément ont-ils, déjà, été effectués ? A quand leur publication dans une revue spécialisée ?

A demain

@jynau

Religion et régression : la vaccination contre la rougeole devient obligatoire à New York

Bonjour

Démocrate et maire de New York, Bill de Blasio  ne plaisante plus avec la rougeole. Il a ordonné mardi 10 avril que les habitants non vaccinés de plusieurs quartiers de la ville soient immunisés sous la contrainte. La ville (près de neuf million d’habitants) a déclaré l’état d’urgence sanitaire dans quatre zones situées dans le quartier de Williamsburg, au nord-ouest de Brooklyn. Tous les individus « ayant pu être exposés à la rougeole » devront être vaccinés, sous peine de poursuites pénales et d’une amende de 1 000 dollars. « Il n’y a pas de place pour la désinformation quand il s’agit de protéger nos enfants. Les vaccins sont sûrs et efficaces. Ils fonctionnent », a rappelé le maire sur Twitter.

Mayor Bill de Blasio ✔@NYCMayor We are declaring a public health emergency in Williamsburg due to the 300 cases of measles reported in our city — primarily concentrated in Brooklyn. There’s no room for misinformation when it comes to protecting our children. Vaccines are safe and effective. They work. 02:34 – 10 avr. 2019

Depuis octobre dernier, 285 cas de rougeole ont été enregistrés à New York alors que la maladie avait quasiment disparu aux Etats-Unis. Mais l’affaire est compliquée, dépassant la seule virologie.

L’affaire est compliquée : la résurgence de la maladie est particulièrement marquée au sein de la communauté juive orthodoxe. La municipalité a donc également prévenu que, toujours dans ces quatre zones, les garderies destinées à cette communauté ainsi que les yeshivas (écoles talmudiques) qui accepteraient des enfants non vaccinés se rendraient  passibles de poursuites pénales et de fermeture administrative.

« Rougeole party »

Car ces mesures risquent d’accroître les tensions qui couvent depuis longtemps entre la communauté juive ultra-orthodoxe et la société laïque. « Des résidents affirment qu’ils essuient désormais les sièges des autobus publics et qu’ils traversent la rue lorsqu’ils voient des juifs ultra-orthodoxes », rapporte le New York Times : « An Outbreak Spreads Fear: Of Measles, of Ultra-Orthodox Jews, of Anti-Semitism » (Sarah Maslin Nir and Michael Gold)

Pour leur part les dirigeants hassidiques disent redouter non seulement une montée de l’antisémitisme, mais aussi « une invasion de leur communauté cloîtrée par les autorités sous couvert de santé publique ». Ni les textes religieux ni les autorités juives de New York ne déconseillent la vaccination.

Bill de Blasio a déclaré être en contact avec les représentants de la communauté juive. Il a rappelé que la ville avait mené, depuis plusieurs mois, une vaste campagne de communication pour inciter à la vaccination. Des documents ont été distribués, de l’information mise en ligne et des dizaines de milliers d’appels téléphoniques automatisés ont été passés en yiddish à des membres de la communauté orthodoxe. « Il était temps de passer à une approche plus musclée », a estimé le maire précisant que le vaccin serait disponible gratuitement pour les familles n’ayant pas les moyens de payer.

« Cette situation peut être résolue rapidement », assure le maire. « Quand vous choisissez de ne pas faire vacciner votre enfant, ayez en tête que vous faites aussi ce choix pour les gens qui gravitent autour de lui », exhorte la Dr Herminia Palacio, maire adjointe chargée de la santé. Elle a également précisé que ses services avaient reçu des informations selon lesquelles se tiennent des « rougeole party », auxquelles des parents exposent leurs enfants au virus rougeoleux. « Evitez cette pratique !» réclame  Mme Palacio, selon CNN.

Quant aux autorités de Rockland, un comté situé au nord de New York devenu un autre foyer majeur de rougeole, elles ont décidé, le 26 mars, d’interdire écoles et lieux publics aux mineurs non vaccinés. Avant qu’un juge suspende cette interdiction après avoir été saisi par une dizaine de parents d’une école concernée.

Où l’on voit, une nouvelle fois, à quel point il demeure difficile, en 2019, de faire coïncider liberté individuelle et priorités collectives de santé publique.

A demain

@jynau

NB Sur ce thème : « Antivax. La résistance aux vaccins, du XVIIème siècle à nos jours » de François Salvadori et Laurent-Henri Vignaud. Editions Vendémiaire

 

Etats-Unis : Edmund Zagorski a été tué sur la chaise électrique du pénitencier de Nashville 

Bonjour

2 novembre 2018, jour des Morts. Celle d’Edmund George Zagorski, 63 ans, a été officiellement prononcée à 0 h 26 GMT dans le pénitencier de haute sécurité de Nashville. En fait foi un communiqué des services correctionnels de l’Etat du Tennessee. Edmund Zagorski  avait choisi d’être exécuté sur la chaise électrique du pénitencier – de préférence à une exécution par injection de substances létales.

« Zagorski avait été condamné à la peine capitale en 1984 dans le Tennessee, pour avoir tué et égorgé deux hommes qu’il avait attirés en promettant de leur vendre de la marijuana » rappellent l’Agence France Presse et The New York Times : « Condemned Man’s Last Words: ‘Let’s Rock’ ».

Ses derniers mots furent : « C’est parti », a déclaré son avocate Me Kelley Henry lors d’une conférence de presse. Elle a notamment décrit comment le corps de son client avait été sanglé pour éviter qu’il ne se dresse pendant l’électrocution. « Il a reçu un choc violent avec le courant électrique », a-t-elle ajouté – précisant que des éponges imbibées d’eau salée avaient été placées sur ses chevilles pour faciliter le passage de l’électricité.

Horreur absolue

Edmund George Zagorski aura donc, au total, vécu trente-quatre ans dans le couloir de la mort. Il devait être exécuté par injection létale mais, à la dernière minute, il avait réclamé la chaise électrique. En cas d’injection, « les dix à dix-huit dernières minutes de sa vie seront une horreur absolue » alors que, s’il est électrocuté, il ressentira « une douleur insoutenable, probablement pendant quinze à trente secondes », avaient écrit ses avocats dans leur requête.

Pour autant, selon un sondage réalisé en 2015, 54 % des Américains jugent que la chaise électrique est une méthode d’exécution « cruelle et inhabituelle ». Cette méthode a été progressivement abandonnée après des exécutions problématiques – la tête d’un détenu s’étant notamment enflammée en Floride en 1997. Elle n’avait été utilisée que pour quatorze exécutions sur près de neuf cents dans l’ensemble des Etats-Unis depuis 2000.

Le Tennessee autorisant les personnes condamnées avant 1999 à choisir entre ces deux modes d’exécution, le gouverneur de l’Etat, le républicain Bill Haslam, lui avait accordé un répit pour laisser aux services pénitenciers le temps de préparer la chaise électrique. L’appareil n’avait toutefois pas été utilisé depuis 2007. « Il a été testé le 12 octobre », avait précisé  à l’AFP une porte-parole des services pénitenciers le jour de l’exécution.

« Je ne veux pas être soumis à la torture de l’injection, avait écrit le condamné aux autorités. Mais je considère que l’injection létale et l’électrocution violent toutes les deux mes droits ». Quelques heures avant d’être tué il avait tenté un dernier recours devant la plus haute juridiction du pays, mais les juges ont rejeté sa demande. Pour son dernier repas le condamné à mort avait, nous dit-on,  commandé des pieds et de la queue de cochon.

A demain

@jynau

Nouveau : quand Big Tobacco incite les ados à devenir addicts via les réseaux sociaux

Bonjour

C’est un papier original du New York Times : « Big Tobacco’s Global Reach on Social Media » (Sheila Kaplan) heureusement relayé, en France, par Slate.fr : « L’industrie du tabac se sert d’Instagram pour dire que fumer, c’est cool » (Nina Pareja).

Cela fait bien des années que les géants du tabac font officiellement la promesse d’en finir avec leurs tentatives de séduire les « jeunes ». Comment les croire quand on sait que rien n’est plus profitable (pour eux comme pour le fisc) que d’attirer dès le plus jeune âge dans l’enfer addictif de l’esclavage tabagique ? Question : combien rapporte un fumeur consommant chaque jour un paquet de vingt cigarettes durant, en moyenne, un peu plus d’un quart de siècle ?

« L’industrie du tabac a choisi de s’adapter et de se moderniser grâce aux réseaux sociaux, révèle une enquête internationale publiée sur Takeapart.org et dirigée par Robert V. Kozinets, professeur de relations publiques à l’université de Californie du Sud » rapporte Slate.fr.

«Ce qu’ils font est très efficace pour contourner les lois qui interdisent la publicité visant les jeunes», témoigne M. Kozinets qui se dit très surpris du «niveau de sophistication» des publications qui obtiennent énormément de likes. Financée par le groupe de pression Campaign for Tobacoo-Free Kids (la campagne pour des enfants sans tabac), son équipe a comptabilisé et relayé les # hastags # liés à des marques de cigarettes sur les réseaux sociaux de dix pays.

 « En leur promettant l’anonymat, le groupe de cherche a pu obtenir des réponses d’influenceurs et influenceuses payées par des entreprises de tabac pour poster des photos sur Instagram et Facebook les montrant en train de fumer ou posant à côté d’un paquet de cigarettes. La règle principale: conserver son naturel. Les posts ne donnent pas d’indices de sponsoring de la publication. »

Deux cents euros et deux cartouches

 «Le résultat souhaité est de montrer que fumer des Lucky Strike c’est cool», explique l’un des « influenceurs ». Il est possible de gagner ainsi 200 euros par mois (et deux cartouches de cigarettes) pour celles et ceux qui ont de nombreux followers. Et Lucky Strike de recommander de poster deux fois par semaine avec la mention #likeus_party (et au moins une fois par semaine avec le mot-clef #lus) sans oublier « d’aimer et partager » les contenus de la page Facebook de la marque.

Les résultats de cette étude ont conduit Campaign for Tobacco-Free Kids, le réseau américain d’actions contre le cancer et l’association américaine du poumon  à lancer une pétition accusant les géants (Philip Morris International,British American Tobacco, JT International et Imperial Brands) de publicité déguisée et illégale.

Réactions ? Le porte-parole de Philip Morris a affirmé : «aucune de nos publicités n’a pour but de recruter de nouveaux fumeurs». Celui de l’entreprise japonaise JT International précise que les événements festifs qu’elle organise ont pour finalité «d’orienter les adultes qui fument déjà vers nos marques. Si des fumeurs ou vapoteurs choisissent de partager leurs activités sociales, c’est leur choix». Quant à Imperial Brands il assure ne payer des « influenceurs » ou « influenceuses » que pour faire la promotion de ses événements. Qui ment ?

Et en France, face à Big Tobacco ?  Le « paquet neutre » ; de modestes augmentations des prix ; les yeux fermés de la police sur des ventes de tabac aux mineurs – et le déni de l’exécutif quant aux vertus de la cigarette-électronique-réduction-de-risques.

A demain

 

 

Pour tuer des condamnés, l’opioïde fentanyl est du meilleur effet : premier cas au Nebraska

Bonjour

Fête-t-on l’Assomption dans l’Etat du Nebraska ?

Le mardi 14 août 2018, pour la première fois au Etats-Unis (et sans doute au monde) un condamné à mort a été exécuté dans le Nebraska par une injection létale à base de fentanyl. C’est là un analgésique opioïde, dérivé de la phénylpipéridine, qui interagit principalement sur les récepteurs morphiniques µ du cerveau, de la moelle épinière et des muscles lisses.

« Il présente un effet analgésique rapide et une courte durée d’action, nous apprend le site de l’antique dictionnaire Vidal.  Le fentanyl possède un effet analgésique environ 100 fois plus puissant que celui de la morphine.Ses principaux effets thérapeutiques sont analgésiques et sédatifs. Les concentrations sériques de fentanyl qui induisent un effet analgésique minimal chez les patients non traités antérieurement par des opioïdes fluctuent entre 0,3 et 1,5 ng/ml ; la fréquence des effets indésirables augmente lorsque les concentrations plasmatiques dépassent 2 ng/ml. »

Commercialisé en France sous une dizaine de marques ce médicament est officiellement prescrit dans la prise en charge des accès douloureux paroxystiques d’origine cancéreuse, comme analgésie postopératoire, dans les anesthésies, contre les douleurs chroniques intenses ainsi que dans les neuroleptanalgésies.

Au Nebraska il aura, pour la première fois, servi à tuer. L’affaire est racontée dans The New York Times : « Fentanyl Used to Execute Nebraska Inmate, in a First for U.S. ». Une double première pour cet État situé au cœur de la région des Grandes Plaines et du Midwest. Le Nebraska n’avait pas exécuté de prisonnier depuis 1997. Et il s’agissait de la première mise à mort par injection létale de son histoire. Carey Dean Moore a été tué après avoir été condamné pour deux meurtres commis en 1979. Son exécution a, nous assure-t-on, duré environ une vingtaine de minutes.

Aimer avant d’être tué

« Calme et posé », selon les représentants des médias, M. Moore s’est tourné vers ses proches pour leur adresser ses derniers mots : « Je vous aime ; Je vous aime ; Je vous aime ».

Puis il est mort après l’injection d’une association de quatre substances, dont trois n’avaient encore  jamais été utilisées lors d’une exécution : diazépam, fentanyl et cisatracurium associé au chlorure de potassium.

Soucieux d’élargir la perspective du sujet les médias rapportent que la consommation de fentanyl, est responsable aux Etats-Unis d’un épidémie de morts par overdoses – plus de 20 000 décès en 2016. Sans oublier quelques célébrités dont Prince (2016) et Dolores O’Riordan (2018), égérie des Cranberries.

Carey Dean Moore, lui, ne chantait pas. Ou rarement. Ses avocats arguaient que sa condamnation à mort avait été commuée en peine de prison à perpétuité en 2015 quand le Nebraska avait aboli la peine capitale. C’était un an an avant que les électeurs la rétablissent par référendum.  Le condamné aura passé 38 ans de sa vie dans le couloir de la mort. On dit qu’il avait fait savoir qu’il ne voulait plus que son exécution soit repoussée.

Il semble, tout bien pesé, que l’Assomption ne soit pas fêtée dans l’Etat du Nebraska.

A demain

«Bêtises» d’Emmanuel Macron et «fake news» de Donald Trump : de quoi sont-elles le nom ?

Bonjour

Le pouvoir, généralement, n’aime guère la presse qui ne la flatte pas. Une détestation proportionnelle au degré de puissance. Ainsi, à l’aube, une information de l’AFP. Arthur Gregg Sulzberger, 37 ans et directeur du New York Times a déclaré, dimanche 29 juillet, avoir vigoureusement mis en garde Donald Trump sur ses attaques répétées contre la presse lors d’une rencontre à la Maison Blanche. Il qualifie notamment le discours du président américain sur les « fake news » de « dangereux et nuisible ».

C’est M. Trump lui-même qui avait révélé, un peu plus tôt, dans un tweet, avoir discuté de « fausses informations » avec M. Sulzberger. On sait  que Donald Trump qualifie régulièrement de « fake news » (fausses informations) les médias généralistes américains – du moins ceux qui se montrent très critiques sur sa présidence et sur sa personne. « Ce tweet a conduit M. Sulzberger à publier un communiqué sur cette rencontre, qui était supposée rester confidentielle, comme toutes les réunions que les dirigeants des grands médias américains ont régulièrement avec les responsables du gouvernement » précise l’AFP.

 « Mon objectif principal en acceptant cette rencontre était de soulever mes inquiétudes au sujet de la rhétorique anti-presse extrêmement troublante du président, a expliqué celui qui a succédé début 2018 à son père, Arthur Ochs Sulzberger, comme directeur de la publication du Times. J’ai dit franchement au président que je pensais que son discours n’était pas seulement facteur de division mais qu’il était de plus en plus dangereux. »

« Je lui ai dit que bien que l’expression “fake news” soit fausse et nuisible, j’étais beaucoup plus préoccupé par sa façon de caractériser les journalistes comme des “ennemis du peuple”. »

« Je l’ai prévenu que ce langage incendiaire contribuait à une augmentation des menaces contre les journalistes et allait inciter à la violence. C’est particulièrement vrai à l’étranger. La rhétorique du président est utilisée par certains régimes pour justifier des répressions d’ampleur contre les journalistes. »

 « Je l’ai imploré de revenir sur ses vastes attaques contre le journalisme, que je pense être dangereuses et nuisibles pour notre pays. »

Et l’AFP de rappeler que les « diatribes » contre la presse font partie du « cocktail idéologique » de Donald Trump, qui cherche à décrire des élites, dont la presse, éloignées des préoccupations du pays.

Pendant ce temps, en France

Le 25 juillet, en déplacement à Bagnères-de-Bigorre (Hautes-Pyrénées), Emmanuel Macron s’est exprimé pour la première fois devant les journalistes au sujet de l’affaire Benalla. Le président de la République a accusé les médias d’avoir « dit beaucoup de bêtises » sur cette affaire. « Vous avez dit ces derniers jours beaucoup de bêtises sur soi-disant des salaires, des avantages. Tout cela était faux », a déclaré le chef de l’État à deux journalistes, l’un de BFMTV, l’autre de CNEWS.  « Je ne vais pas chercher des fusibles parce que vous avez envie de voir du sang et des larmes dans le tournant de l’été », leur a-t-il encore lancé.

La veille, face aux parlementaires de son parti, le président de la République avait déclaré, dans une anaphore :

‘’Alexandre Benalla n’a jamais détenu de codes nucléaires. Alexandre Benalla n’a jamais occupé un 300 m2 à l’Alma. Alexandre Benalla n’a jamais gagné 10 000 €. Alexandre Benalla, lui non plus, n’a jamais été mon amant. Alexandre Benalla, quoique bagagiste d’un jour, n’a jamais eu ces fonctions dans la durée’’.

La part du vrai, la part du faux ? « Prenons Emmanuel Macron au mot. Tous ces faits n’ont pourtant pas été relayés par les médias traditionnels, souligne, fort justement Le Parisien (Nicolas Berrod). Emmanuel Macron évoque ici, sur un pied d’égalité, des contenus parodiques, des informations contestées par l’Elysée, des faits avérés et des rumeurs de caniveau », soulignait le Monde . Qu’en est-il réellement ? » Et Le Parisien de faire, à son tour le décryptage de la parole présidentielle, qu’il s’agisse de ses contenus parodiques ou des rumeurs infondées. Sans oublier les nombreux éléments concernant Alexandre Benalla qui ont été révélés par plusieurs médias avant d’être confirmés… par le palais de l’Elysée.

Excès et suffisance

Quant à Libération, il règle linguistiquement l’affaire dans un édito réunissant Alexandre Benalla et Emannuel Macron : (Jonathan Bouchet-Petersen) :

«  Pour tacler le travail du «pouvoir médiatique» sur l’affaire Benalla – ce qu’il fait dès qu’il en a l’occasion (…) , Emmanuel Macron a affirmé que les journalistes avaient raconté beaucoup de «bêtises». Autrement appelées «fadaises» dans la langue un peu surannée dont le chef de l’Etat use aussi naturellement que la novlangue managériale d’anglicismes. On notera que, parmi les «bêtises» que la presse aurait diffusées ces derniers jours – Macron prenant un malin plaisir à mélanger fake news virales et articles journalistiques -, bien des informations auraient été plus précises si l’Elysée avait réellement privilégié la transparence à l’opacité.

 Chez Alexandre Benalla, le terme «bêtise» vient euphémiser, dans l’interview fleuve qu’il a accordée au Monde, ses actes du 1er Mai. Dans ce cas-là, bêtise signifie «action ou parole sotte ou maladroite», quand Macron convoque, lui, une autre définition : un «manque d’intelligence et de jugement». Dans les deux cas, le terme est inapproprié. Excessif chez Macron, insuffisant chez Benalla. »

 De l’excès à la suffisance. Où l’on perçoit que, tout bien pesé, la langue française demeure plus riche que la novlangue ( le néoparler) qui, outre Atlantique, ne cesse de gagner du terrain.

A demain

 

 

Contraceptif et polémiques : la multinationale Bayer fait une croix sur l’implant Essure®

 

Bonjour

C’est la fin d’une histoire qui reste à écrire. « Bayer Will Stop Selling the Troubled Essure Birth Control Implants » annonce The New York Times. Essure® : nom de marque d’un dispositif médical implantable de stérilisation définitive commercialisé par la multinationale Bayer. Une méthode recommandée en France en 2013 par la Haute Autorité de Santé (HAS) en première intention – et ce compte tenu de l’amélioration du service médical rendu par rapport à la ligature des trompes.

Essure® avait déjà, depuis 2009, pris une place dominante par rapport à la méthode par ligature – du fait notamment du remboursement par l’assurance maladie des actes chirurgicaux et de l’implant lui-même (à hauteur de 700 euros l’unité).

Puis vint la polémique 1. Elle a commencé, signe des temps, avec l’alerte de différentes agences sanitaires par des femmes concernées. L’efficacité et la sécurité du dispositif Essure® ont ainsi été mises en cause  aux Etats-Unis, au Canada, aux Pays-Bas et en France. Motifs : des notifications « d’événements indésirables » incluant des symptômes gynéco-obstétricaux ou des échecs ou complications de la méthode mais également des troubles généraux variés et peu spécifiques : douleurs, allergies ou réactions d’hypersensibilité, troubles intestinaux, troubles neuro-sensoriels, anxiété, dépression, pathologies auto-immunes, troubles thyroïdiens, faiblesse des membres inférieurs, ou problèmes de la sphère ORL.

Autres options

Dans un premier temps les agences sanitaires américaine et néerlandaise ont réévalué le bénéfice/risque d’Essure® – sans modifier leur décision de mise à disposition. Il en fut de même en France où une association (« RESIST ») créée en juin 2016 par des femmes s’estimant victimes rapportaient des troubles sévères. Puis tout évolua dans une cacophonie difficilement interprétable. Avant son retrait, en France, par Bayer l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) avait préconisé « par mesure de précaution de ne plus l’implanter» Essure – et demandé de « procéder au rappel des produits en stock ».

En septembre, Bayer retirait Essure® de tous les pays sauf des Etats-Unis. Avant, finalement, d’abandonner la partie. Selon The New York Times, d’ici la fin de l’année, cette méthode de contraception définitive ne sera plus commercialisée outre-Atlantique. « Aux Etats-Unis, Bayer est visé par une action de groupe  qui réunit près de 16 000 femmes qui ont déclaré des blessures graves comme des perforations de l’utérus et des trompes de Fallope » rappelle Le Parisien.

Si l’on en croit Bayer la décision de ce retrait total n’est pas la conséquence des graves effets secondaires de son dispositif, vieux de seize ans, mais d’une « baisse des ventes, les femmes choisissant d’autres options ». Bayer ne dit pas pourquoi.  Qui écrira l’histoire d’Essure® ?

A demain

1 Tous les articles de ce blog concernant la polémique Essure® sont disponible via ce lien : https://jeanyvesnau.com/?s=Essure

 

 

Extension du domaine de la lutte contre les addictions : les jeux sur écrans des adolescents

Bonjour

19 juin 2018. Les radios matinales s’en régalent : l’addiction aux écrans est officiellement une « maladie mentale ». France Inter et France Culture tendent utilement leur micro au Dr Olivier Phan, pédopsychiatre, addictologue à la Fondation santé des étudiants de France 1The New York Times use quant à lui du conditionnel.

L’actualité : l’addiction aux jeux vidéo (ou « trouble du jeu vidéo ») vient d’être reconnue comme une maladie par l’Organisation mondiale de la santé : elle figure dans la 11e version de sa Classification internationale des maladies – première mise à jour globale de cette nomenclature depuis le début des années 1990.

« Après avoir consulté des experts dans le monde entier, et après avoir avoir examiné la littérature de manière exhaustive, nous avons décidé que ce trouble devait être ajouté », a déclaré le directeur du département de la santé mentale et des toxicomanies de l’OMS, Shekhar Saxena. Il s’agit là, selon l’organisation onusienne, d’« un comportement lié à la pratique des jeux vidéo ou des jeux numériques, qui se caractérise par une perte de contrôle sur le jeu, une priorité accrue accordée au jeu, au point que celui-ci prenne le pas sur d’autres centres d’intérêt et activités quotidiennes, et par la poursuite ou la pratique croissante du jeu en dépit de répercussions dommageables ».

Comment porter le diagnostic ? Lorsque l’on observe au fil du temps des conséquences majeures sur les « activités personnelles, familiales, sociales, éducatives, professionnelles ». Quand « la personne joue tellement que d’autres centres d’intérêt et activités sont délaissés, y compris le sommeil et les repas ».

Prise en charge par l’Assurance-Maladie ?

L’OMS évalue à pas moins de 2,5 milliards le nombre de personnes qui, à travers le monde jouent aujourd’hui à des « jeux vidéo ». Mais le trouble ne toucherait qu’une « petite minorité » de tous les amateurs.

« Il n’y a pas de profil type, ou plutôt il n’y en a plus, expliquait en février dernier le Dr Phan au Quotidien du Médecin (Damien Coulomb) Les problèmes liés à l’usage du jeu vidéo touchent toutes les couches de la société. En revanche, il existe des différences avec les autres types de consommateurs que l’on reçoit. Là où les parents d’un accroc au cannabis vont se plaindre du fait qu’il soit ‘’toujours dehors’’, ceux d’un consommateur problématique de jeux vidéo vont trouver qu’il ne ‘’sort jamais’’. Un usage problématique des jeux vidéo ne signifie pas juste ‘’jouer beaucoup’’. Il est problématique parce qu’il s’accompagne d’un impact sur la vie familiale, sociale et sur l’emploi du temps. Un adolescent qui joue intensément, mais qui n’hypothèque pas son avenir et reçoit ses amis chez lui pour jouer à la console ou se déplace en lan (rassemblement de joueurs sur un week-end N.D.L.R), n’est pas à classer parmi les joueurs problématiques. »

Pour ce spécialiste le classement par l’OMS des troubles de l’usage de jeu vidéo au sein de la CIM pourrait changer beaucoup de choses au niveau d’une éventuelle prise en charge de ces troubles par l’Assurance-Maladie. « Nous pourrions aussi espérer obtenir des financements spécifiques pour établir des protocoles de recherche et des parcours de prise en charge, ajoutait-il en février. Pour traiter un problème, et le problème existe bel et bien, il faut le nommer. »

C’est fait.

A demain

1 « Jeux vidéo, alcool, cannabis. Prévenir et accompagner son adolescent » : le Dr Phan a cosigné (avec les Drs Céline Bonnair et Alexandre Har, la psychologue Nathalie Bastard et le coordinateur du CSAPA Pierre Nicole de Paris, Zephyr Serehen) un ouvrage qui vise à aider les parents à accompagner, informer et prévenir leurs adolescents face aux conséquences des usages problématiques de jeux vidéo, aux conduites à risques pouvant être engendrées par les prises d’alcool, et enfin aux difficultés liées à l’abus et la dépendance de cannabis.

 

Première mondiale : une greffe de pénis et de scrotum a été pratiquée aux Etats-Unis

Bonjour

C’est une première chirurgicale mondiale dont parlent, sans trop de précisions, quelques radios françaises matinales. On est plus clair dans les médias anglo-saxons. « US soldier gets world’s first penis and scrotum transplant » titre la BBC. Et, pour The New York Times : « ‘Whole Again’: A Vet Maimed by an I.E.D. Receives a Transplanted Penis » – un papier illustré qui fournit toutes les informations disponibles sur le sujet.

Cette greffe, associant pénis et scrotum a été pratiquée le 26 mars chez un militaire américain blessé lors d’une explosion en Afghanistan. Réunissant une équipe de neuf chirurgiens esthétiques et deux chirurgiens urologues elle aura duré quatorze heures.  « Nous avons bon espoir que cette greffe aide à rétablir des fonctions sexuelles et urinaires presque normales chez ce jeune homme », a déclaré le Pr W. P. Andrew Lee, directeur du département de chirurgie plastique et reconstructrice à la Johns Hopkins University de Baltimore (voir ici).

Le patient souhaite conserver l’anonymat. Quatre semaine après l’intervention il a eu ce mot, rapporté par lés médias américains : « I feel whole again ». Le pénis, le scrotum (sans les testicules) et une partie de la paroi abdominale avaient été prélevé sur un même donneur décédé.

Plus d’un millier de candidats

La première greffe de pénis au monde avait été pratiquée en Chine en 2006, mais le greffé avait dû être de nouveau opéré pour pratiquer une ablation en raison de « graves problèmes psychologiques ». C’est en 2015 et en Afrique du Sud que la première greffe réussie de pénis au monde a été annoncée. Les Etats-Unis ont commencé à pratiquer de telles interventions en 2016. On estime à près de 1400 le nombre des militaires américains qui, entre  2001 et 2013, ont été victimes (bombes artisanales) de blessures génito-urinaires en Irak.

Le ministère américain de la Défense a financé une partie des recherche dans ce domaine mais  c’est la Johns Hopkins qui a financé l’intervention -estimée entre 300 000 et 400 000 $. Les chirurgiens ont, quant à eux, œuvré gratuitement.

A demain