Bonjour
Ainsi donc, prises dans les phares médiatiques Greta Thunberg, 16 ans. Phares médiatiques planétaires et lunettes politiques françaises. Et polémique à tout-va puisque l’adolescente entrera dans quelques heures au sein de notre Assemblée nationale. par les 162 députés membres du collectif « transpartisan » pour le climat « Accélérons ».
Une adolescente descendue
de Suède, parée de toutes les vertus et de tous les péchés, entre icône et
sorcière. Une Jeanne d’Arc pour temps de grands effondrements.
C’est là un phénomène
peu banal dont l’une des caractéristiques principale est de montrer le syndrome
d’Asperger mis en scène et monter sur les estrades. De ce point de vue il nous
faudra désormais compter avec ces invraisemblables lignes glanées dans le
flots des tweets et signées @dr_l_alexandre :
« Je ne suis pas jaloux de
@GretaThunberg. J’aimerais pas (sic) avoir des TOC graves, une dépression
infantile, un mutisme sélectif, un Asperger avec monoideation et des troubles
alimentaires graves me conduisant à être minuscule! Je respecte l’enfant malade
mais regrette sa manipulation »
Une fraction de la Toile
s’indigna. Réponse du Dr
Laurent Alexandre :
« Je rappelle que ce sont
les parents de @GretaThunberg qui ont révélé son dossier psychiatrique (pas
moi). Et je pense que cela devrait être un délit de révéler le dossier médical
de son enfant mineur ! Je trouve cela dégueulasse ! Signalez les
parents de @GretaThunberg ».
Et dans le flot des indignations hurlées sur la Toile, ce rappel d’un papier de Slate.fr signé de Claude Askolovitch et publié en avril dernier : « Mais pourquoi Pascal Bruckner déteste-t-il Greta Thunberg ? ». L’auteur y disséquait un papier du Figaro : « Greta Thunberg ou la dangereuse propagande de l’infantilisme climatique » – papier dans lequel le philosophe, romancier et essayiste français, 70 ans, cite Platon et « la très jeune Suédoise Greta Thunberg ». Extraits :
« L’égérie de la contestation, la très jeune
Suédoise Greta Thunberg, est loin de lever l’ambiguïté. Outre qu’elle affiche
son Asperger comme un titre de noblesse, son visage terriblement angoissant
semble dire: si vous ne le faites pas pour la planète, faites-le au moins pour
moi. Apprendre par la presse qu’elle a cessé il y a quatre ans de parler, de
manger, de jouer du piano par souci du climat et qu’elle n’est allée mieux que
quand ses parents ont décidé de ne plus prendre l’avion et de manger vegan jette
de sérieux doutes sur ses motivations. Elle a été reçue par Christine Lagarde
et Emmanuel Macron, est pressentie pour le prix Nobel de la paix.
« Sa
notoriété est symptomatique du caractère délirant que peut prendre la
nécessaire mobilisation pour le climat. Comment ne pas songer à l’enfant star
Jordy qui, en 1992, à l’âge de 4 ans, devient célèbre grâce à une chanson, Dur dur d’être bébé!, vendit près de 6 millions de disques et, bouleversé
par ce succès planétaire précoce, finit par se fâcher avec ses parents et sa
maison de disques, accusés de l’avoir exploité? ‘’Dur, dur d’être une ado qui
porte toute la misère du monde! ‘’ pourrait chanter Greta Thunberg. On a très
envie de l’aider: mais prendre le globe en otage pour une thérapie familiale
donne le sentiment d’une duperie. »
Claude
Askolovitch :
« Pour
le philosophe Bruckner, la vilenie est ici, retient contre l’adolescente son
handicap comme son apparence: ‘’Outre son Asperger qu’elle affiche comme un titre de
noblesse, son visage terriblement angoissant semble nous dire, si vous ne le
faites pas pour la planète, faites-le au moins pour moi.’’ Soupèse-t-on la vindicte? La bouille ronde d’une
adolescente, que l’humanité tourmente, angoisse Monsieur Bruckner. L’autisme
que ne masque pas une jeune fille sans filtre, l’autisme qu’elle tente de nous
faire comprendre, lui semble une arrogance, un empiétement indu. Elle l’embête,
la bougresse, avec sa différence! Ne pourrait-on pas, enfin, laisser penser en
paix les adultes et sain·es d’esprit?
Saisit-on
cette méchanceté? Il ne s’agit plus seulement de fustiger un emballement
médiatique et politique, de regretter –fut-ce avec véhémence– l’embrigadement
de la jeunesse, «nos bambins», dans les luttes des
adultes. Le philosophe, ici, chasse une intruse, et il la chasse pour ce
qu’elle est. Jeune et handicapée, Greta Thunberg est d’autant plus détestable
–un peu sorcière, perverse et laide, angoissante. On parle ainsi d’une fille de
16 ans. »
Et le journaliste de citer alors un autre papier, sur le même sujet publié peu auparavant également dans Le Figaro et signé du Dr Laurent Alexandre 1. Extraits :
« Le
comité Nobel de la Paix envisagerait de décerner son prix à l’idole des jeunes,
Greta Thunberg, qui est effectivement la réussite marketing de la décennie.
Mais, pour qui roule-t-elle ?
« Il
est déjà paradoxal que Greta Thunberg symbolise un engagement messianique
planétaire, alors que son visage n’affiche jamais la moindre empathie. Cette
enfant est d’autant manipulable que ses parents ont rendu public son handicap
(ce qui est irresponsable de leur part): en tant que médecin, je pense que
révéler l’état neuropsychiatrique de ses enfants mineurs aux médias devrait
être un délit! On sait depuis la description du syndrome par Hans Asperger 2 en 1941, que les enfants Asperger sont parfois géniaux mais toujours
fragiles ; les instrumentaliser est une faute morale. Mais surtout, Greta
Thunberg roule pour l’extrême gauche anticapitaliste (…)
Suivre Greta Thunberg
aggraverait le réchauffement climatique, augmenterait le gâchis d’argent
public, entraînerait une dictature verte régressive et nous mettrait à la merci
de la Chine et la Russie. Tous les démocrates libéraux, tous les héritiers de
Raymond Aron doivent combattre les utopies mortifères qu’elle véhicule. »
Avoir raison avec Greta
ou tort avec Aron ? Claude Askolovitch,
pour finir :
« Pascal Bruckner se dégoûte de l’autisme
de Greta, qu’elle a l’impudeur de ne pas renier. Il ignore encore, curieux
littérateur, que prophètes et prophétesses ne se revendiquaient pas de la
normalité. Il ignore encore, cœur asséché, ce que disent les yeux fous et l’âme
brûlante d’une Cassandre, et les mondes cachés que la banalité nous empêche de
saisir. Il ignore, Bruckner, d’autres Asperger célèbres qui, étranges parfois
aux autres êtres humains, ressentaient des vérités supérieures.
« Il ignore une
femme rare, à laquelle la jeune Greta me fait penser, du nom de Temple Grandin, autiste Asperger qui raconta son
histoire de l’intérieur et qui –entre autres exploits surhumains– conçut des
abattoirs aussi doux et efficaces que possible, pour épargner ces animaux que
nous allions manger. Autiste, elle avait ressenti la souffrance, la peur et la
solitude devant la mort des animaux, ces non-humains, nos semblables.
« Greta
Thunberg, elle, ressent la Terre. Elle n’a besoin pour cela ni de gourou ni de
complot: elle se contente d’entendre des évidences. Elle fut aussi écolière,
lycéenne, cela me revient, malheureuse dans un établissement bourgeois, normal,
où elle était moquée et s’épanouit dans un quartier de pauvres, d’immigré·es,
d’étrangèr·es, souvent fidèles à l’islam, cette rude foi dont Pascal Bruckner
doit bien se méfier. Plût au ciel que notre philosophe, satisfait et grisé de
ses mots et de sa cour, fut un peu autiste, un peu Asperger et même enfant, qui
sait, et réapprenne à aimer ce qu’il ne comprend pas. »
A demain @jynau
1 Ce dernier y était présenté ainsi : « Laurent Alexandre est chirurgien-urologue, diplômé de Sciences Po, HEC et l’ENA, et cofondateur du site Web Doctissimo. Il est l’auteur de plusieurs essais. Son dernier ouvrage, qui vient de paraître, est « L’IA va-t-elle aussi tuer la démocratie ? « coécrit avec Jean-François Copé (JC Lattès, 2019) ».
2 Sur ce thème : « Les enfants d’Asperger Le dossier noir des origines de l’autisme » Edith SchefferPréface : Josef Schovanec, traduction (anglais) : Tilman Chazal. Sans oublier l’ouvrage dérangeant de Hugo Horiot, comédien, écrivain et autiste consacré à l’intelligence des autistes : « Autisme: j’accuse ! » (Editions de l’Iconoclaste). «