Lasagnes de cheval, un scandale paradoxal

Pourquoi tant et tant d’émotions ? A cause de chevaux roumains  surgelés ? Le voile un instant levé sur les obscures coulisses de l’agroalimentaire ? La prise de conscience du considérable pouvoir de  la grande distribution sur nos modes d’alimentation ?

A-t-il songé à l’effet  de sa Une, le responsable d’Aujourd’hui en France de ce dimanche ? « Du cheval à la place du bœuf » voisine avec le « Hippisme » et l’appel à lire les pronostics dominicaux. « Tromperie sur les plats surgelés » titre en gros le quotidien. Sous-titre : « Findus puis Picard ont annoncé le retrait de certains de leurs plats cuisinés de la vente. De la viande de cheval aurait remplacé celle de bœuf. Des abattoirs roumains sont pointés du doigt et la question de la traçabilité de nos aliments est une nouvelle fois posée. » Tout est dit. Du moins de ce que nous disent les médias au vu de l’état d’avancement de l’enquête internationale en cours.

Car l’affaire a pris de l’ampleur comme en témoignait, hier la Une de l’International Herald Tribune et son titre : ‘’Scandal over horse meat spreads in Europe’’. Signe qui ne trompe pas (dans ce quotidien dont le siège est à Courbevoie) le texte est daté de Londres, avec ce sous-titre : ‘’ Food industry in tumult as consumers demand to know what they’re eating’’. Deux langues pour une même revendication. Et la démonstration une nouvelle fois qu’il faut un dysfonctionnement (un « scandale » qui n’est pas ici de nature sanitaire) pour que la même revendication surgisse à nouveau. Revendication justement formulée et à laquelle il n’est jamais véritablement fait droit.

L’affaire de la vache folle avait été à l’origine d’une amélioration de la traçabilité des bovins. Traçabilité hautement relative 1. Elle fut pour l’essentiel le fruit de la panique de l’industrie de la viande devant l’effondrement des marchés et de la confiance des citoyens de l’Union européenne (la France au tout premier chef) devant le risque de consommer des viandes bovines contaminées par le prion pathologique responsable de la nouvelle forme de la maladie de Creutzfeldt-Jakob. Rien de comparable aujourd’hui. Mais un manquement à l’éthique commerciale. Une tromperie alimentaire qui est toujours synonyme d’empoisonnement potentiel.

Du cheval, mais sans huile de palme

Pire, un franchissement de la barrière d’espèce puisque l’on passe du bovin à l’équin. Et un tabou brisé dans des pays riches qui ont oubliés que la viande de cheval était hier encore pleinement goûtée quand elle n’était pas recherchée. Et ce pour des raisons également diététiques et symboliques. Etait-ce « mieux avant » quand vivaient les « boucheries chevalines ». Pourquoi cette aversion généralisée pour la viande de cheval ? Des sociologues de l’alimentation pourraient-ils ici nous éclairer ?

Pour l’heure, comme toujours dans ce cas de figure les autorités en charge de la consommation du contrôle et de la répression des fraudes (Dgccrf) semblent dépassées. D’où leur tendance à faire état aux médias de l’état d’avancement de leur travaux. Les auteurs de la tromperie avérée sur la marchandise ne semblent avoir agit que pour de sordides questions d’argent (quatorze euros le kilo glisse un grossiste de Rungis, moins peut-être quand elle vient de l’est du Vieux Continent. Benoît Hamon, ministre délégué à la consommation : On peut craindre d’autres cas (…) Je ne peux pas mettre un fonctionnaire derrière chaque pain de viande ». Des sanctions ? Que s’il y a faute. Simple erreur d’étiquetage ?

« Les limiers aux trousses de la « horse connection » titre Le Journal du Dimanche. Et le quotidien dominical ne résiste pas au plaisir d’annoncer que des aigrefins étaient parvenus « à transformer le bœuf en cheval !». A moins que ce ne soit l’inverse ? Et une carte montre le circuit international de ces viandes mille et une fois transformées.

Reste l’essentiel : pourquoi aujourd’hui en France en Suède et au Royaume Uni consomme-t-on des lasagnes surgelées ?  Aujourd’hui en France nous montre  un paquet retiré du marché français. Il s’agit de la marque « Findus ». Ce sont des « Lasagnes » à la fois « Pur Bœuf » et « Bolognaise ». A-t-on jamais utilisé de viande de cheval à Bologne dans l’élaboration de cette bien belle préparation ? Une préparation que chacun peut réaliser à son domicile. Le hasard veut que les vendeurs de chez  Findus avaient pris grand soin de la santé des consommateurs. Ces derniers étaient avertis qu’il achetait des lasagnes cuisinées « sans colorant, sans conservateur et sans huile de palme ».

1 Ce jour le 20 heures de France 2 précise fort justement que l’origine de la viande de bœuf  demeure d’une entière opacité dès lors que cette viande est « cuisinée ». A supposer qu’il ne s’agisse que de « viande », ce terme ne désignant pas toujours des fibres musculaires.  « Le scandale de l’opacité sur la viande cuisinée   » ?  Il semble bien aujourd’hui que ce soit là l’épicentre d’une affaire qui, par définition, dépasse le seul cheval. Un bien beau sujet d’enquête journalistique. Et une incitation, pour ceux qui en consomment encore, à la cuisiner. Si possible après l’avoir acquise de la main d’un  boucher qui l’aura devant vous découpée.

 

 

 

 

 

Prothèses mammaires: un avocat parisien et des déclinaisons planétaires

L’affaire ne cesse juridiquement d’enfler. Elle offrira bientôt tous les ingrédients pour une leçon sans précédent de « droit sanitaire comparé ». Qui l’écrira ?

Paris, 10 janvier 2011. On vient d’apprendre que des centaines de Sud-Américaines avaient décidé de se porter partie civile dans l’information judiciaire pour homicide et blessures involontaires ouverte à Marseille sur les prothèses mammaires frauduleuses de l’entreprise française Poly Implant Prothèse (PIP). L’annonce a été faite par Me Arié Alimi, avocat parisien au nom des futures plaignantes.

On aimerait incidemment en connaître un peu plus sur les négociations et multiples tractations qui séparent l’émergence médiatique d’une affaire/scandale sanitaire de l’annonce (également médiatique) des poursuites engagées par des personnes qui s’estiment victimes. Avec cet invariant : la présence d’un (ou plusieurs) avocats plus ou moins spécialisés dans le droit médical mais toujours hyperactifs dans leurs cabinets comme devant micros et caméras. Quand ils ne les convoquent pas, précisément, dans leur cabinet. Ainsi Me Alimi  accordant un entretien à l’Agence France Presse pour assurer (pourquoi donc ?) que la lettre notifiant ces parties civiles à la juge d’instruction Annaïck Le Goff du pôle santé de Marseille serait bien envoyée « dans la semaine ». Est-il si important que cette information soit connue de tous avant que la juge Annaïck Le Goff le soit  par voie postale ?

 « Des centaines » ? C’est beaucoup et c’est bien vague. Me Alimi ne peut-il nous en dire plus ? Oui. L’avocat précise que d’autres victimes potentielles (notamment au Brésil et en Colombie) pourraient suivre. Il précise avoir d’ores et déjà été mandaté par un groupement de cinq cents  victimes argentines, menées par l’avocate Virginia Luna, elle-même porteuse d’implants, ainsi que par une association regroupant autant de femmes vénézuéliennes. Ces plaintes s’ajouteront, assure-t-il, aux deux mille cinq cents qui avaient déjà été reçues à Marseille il y a quelques jours.
Selon l’avocat rien qu’en Argentine quinze mille prothèses mammaires PIP auraient été implantées. Au Venezuela environ 40.000 mammoplasties sont réalisées chaque année, mais aucune estimation du nombre de porteuses d’implants PIP n’a été communiquée.

L’Afssaps et TÜV Rheinland en ligne de mire

Attention : outre celles de PIP, les plaignantes sud-américaines s’interrogent sur « les éventuelles responsabilités » de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) et du laboratoire allemand TÜV Rheinland, organisme certificateur. Pour préciser tout cela Me Alimi annonce à l’Agence France Presse qu’il donnera aujourd’hui même une conférence de presse (1) en son cabinet du XVIIème arrondissement de Paris, rue de Courcelles (métros Pereire et Courcelles). Il dira sans doute que ses clientes se porteront partie civile à l’audience dans l’autre volet judiciaire de l’affaire, qui devrait donner lieu en 2012 à un procès devant le tribunal correctionnel de Marseille pour tromperie aggravée sur une marchandise.

« De 400.000 à 500.000 femmes seraient porteuses d’implants PIP dans le monde, ce qui a donné un caractère international à ce scandale sanitaire » rappelle l’ Agence France Presse. De fait. Et c’est ce qui confère à cette affaire une dimension sans réel précédent dans l’histoire, récente et bien fournie des crises/scandales sanitaires. Souvent ces dernières se sont caractérisées par leur dimension strictement nationale. Ainsi en France celles – qui demeurent dans bien des mémoires- – du sang contaminé par le VIH. Une caractéristique à dire vrai toute relative quand on sait que d’autres pays industriels furent concernés, à des périodes identiques, par des faits équivalents.

Protéger les volatiles des poulaillers (ceux de Navarre compris)

 L’affaire de la vache folle eut également une dimension internationale. Mais ses origines étaient géographiquement circonscrite (la perfide Albion au début des années 1980) et les projecteurs furent braqués sur d’autres champs d’investigation. Elle donna toutefois lieu à des comparaisons interrogatives éclairantes. Comme celles concernant les divergences nationales dans les évaluations (scientifiques) et dans les gestions (politique) du risque sanitaire. Pourquoi abattre ou ne pas abattre tout le troupeau ? Pourquoi exclure ou ne pas exclure les ris de veau de l’alimentation humaine ? La menace de la grippe dite aviaire (A/H5N1) donna également lieu à des observations similaires quoique moins directement alimentaire. Fallait-il véritablement, comme le décidèrent les  autorités sanitaires parisiennes, couvrir tous les poulaillers (ceux de Navarre compris) d’un filet séparant les volatiles sauvages de ceux qui ne l’étaient plus ? N’était-il pas discrètement excessif –comme le fit un ministre français de la Santé- de recommander de ne plus, le dimanche, apporter son pain perdu aux gentils canards des jardins publics ?  

L’affaire/scandale des prothèses PIP donnera, elle aussi, matière à des leçons de droit sanitaire comparé. Ceux qui les écriront disposent d’ores et déjà de certains éléments. En Allemagne (où, selon la presse, 7.500 femmes seraient concernées) les autorités sanitaires ont recommandé le 6 janvier le retrait des prothèses mammaires dites défectueuses. Pragmatiques comme toujours (est-ce un trait de l’insularité ?) leurs homologues britanniques ont, pour l’heure, jugée injustifiée une telle recommandation ; et ce en dépit du fait que sur l’île 40.000 femmes sont porteuses de prothèses de ce type.

Spectre étendu

Le spectre étendu de l’activité exportatrice de Poly Implant Prothèse (on estime aujourd’hui que 84% des seins artificiels partaient vers l’étranger, pour l’essentiel en Amérique latine, en Espagne et en Grande-Bretagne) fait que d’autres décisions ou recommandations nationales vont suivre(2). Au Brésil les autorités sanitaires ont annoncé qu’elles allaient dans les prochains jours procéder au recensement des femmes porteuses de prothèses mammaires, une mesure qui devrait permettra d’identifier la marque du silicone et la raison de l’implant ou de son retrait. Une quête rétrospective de traçabilité rétrospective en somme.

Une traçabilité qui semble curieusement comme impossible à organiser en France (3) où le ministre de la Santé Xavier Bertrand vient de faire savoir qu’il fallait accroître le nombre de contrôleurs de matériels médicaux et que leurs inspections devaient s’effectuer « sans prévenir » sur les « lieux d’implantation » (sic). En France où 20 cas de cancers (dont 16 adénocarcinomes du sein) ont été recensés chez des porteuses d’implants PIP, sans qu’un lien de causalité ne soit établi. En France premier pays à recommander, par la voix de son ministre de la Santé, l’explantation des prothèses PIP  aux 30.000 femmes concernées.

(1) Lors de cette conférence l’avocat a pu préciser devant la presse l’action qu’il entend mener.  » Nous demandons au ministère de la Santé et à l’Union européenne la création d’un fonds d’indemnisation des victimes étrangères pour permettre l’explantation de ces prothèses qui peuvent s’avérer dangereuses », a-t-il dit. Toujours par voie de presse il a demandé à être reçu « par le ministère de la Santé ou la Commission européenne. L’avocat a aussi suggéré que ce fonds soit financé par l’industrie pharmaceutique (sic). Il a enfin pointé la responsabilité de l’UE dans cette affaire, en particulier les « carences » du contrôle des dispositifs médicaux, ces produits non soumis à une procédure d’autorisation. « Cette législation est un véritable gruyère et les prothèses ont pu passer dans le monde entier », a-t-il commenté.

(2) Les autorités sanitaires néerlandaises ont recommandé mercredi 11 janvier le retrait des implants mammaires PIP. « Même lorsqu’aucune fissure n’est détectée, il est conseillé (…) de retirer la prothèse », ont indiqué les autorités sanitaires néerlandaises (IGZ) et l’Association néerlandaise de la chirurgie plastique (NVPC) dans un communiqué commun. Expliquant avoir émis cette recommandation « au vu des incertitudes qui ont surgi en raison des diverses publications dans la presse », l’IGZ et la NVPC rappellent qu’il y a, d’après leur évaluation, 1.000 femmes portant ce genre d’implants aux Pays-Bas. Fabriqués par PIP, les implants étaient commercialisés aux Pays-Bas par la société Rofil sous la marque « M-Implants ». Les Pays-Bas avaient interdit l’usage des prothèses PIP dès 2010 et avait déjà recommandé, en septembre 2010, aux femmes de consulter un médecin.

(3) Dans le quotidien régional La Nouvelle République (du Centre -Ouest) de ce 11 janvier le témoignage d’une femme âgée de 52 ans. Elle porte  d’une prothèse PIP après mammectomie, chimio et radiothérapie effectuées au CHU de Tours (Indre-et-Loire). Pose de la prothèse en novembre 2004 dans une clinique privée du XVIème arrondissement de Paris. Septicémie à staphylocoque. Réintervention en juillet 2005, même endroit, même chirurgien. On passe d’une à deux prothèses pour « rattraper la symétrie ». Facture de 4000 euros. Dépassements substantiesl d’honoraires. Reprise d’une vie normale, pratique de la natation. Aucune information en mars 2010 quand l’Afssaps a recommandé aux chirurgiens une surveillance de leurs patientes. C’est elle qui, après les informations parues fin 2011 dans la presse, découvrira que sa prothèse est de marque PIP. Elle appelle la secrétaire de son chirurgien parisien qui lui conseillera la marche à suivre standard après les recommandations gouvernementales: échographie et à court ou moyen terme, explantation. « C’est un scandale dit-elle. Je voudrais bien savoir comment les chirurgien choisissent leur matériel. » Elle rejoindra sous peu les 2.400 femmes qui ont décidé de porter plainte. « C’est la colère qui me pousse. Mon indignation me donne du courage. »

 

 

 

Prothèses mammaires: évaluation scientifique et/ou choix politique

 L’affaire des prothèses mammaires s’étoffe. Et se transforme en un exercice inédit de santé publique

C’est décidemment bien une affaire sanitaire d’un nouveau type que celle des prothèses mammaires.  Rarement on aura pu observer comme ici l’intimité des rouages de la fameuse et contemporaine articulation entre l’évaluation scientifique d’un possible risque sanitaire et la gestion politique de ce dernier ; sauf peut-être, mais c’était à un tout autre rythme,  dans l’affaire multiforme dite de la vache folle.

De ce point de vue nous sommes ici  dans un passionnant cas d’école, un exercice de santé publique à la fois hors norme; un exercice qui ne pourra désormais que se poursuivre, faire l’objet d’analyses et de commentaire, d’évaluations et d’enseignements.  

Pour l’heure restons centrés sur le vendredi 23 novembre. Au terme d’une semaine marquée par une bien savante distillation médiatique des décisions à venir les autorités sanitaires ministérielles ont  rendu  officiellement publiques leurs décisions. Cette annonce a été faite précisément  dans le même temps qu’était rendue publique l’évaluation scientifique qui avait été demandée par les responsables politiques. Seule sont restés dans les médias, répétés en boucle, les choix ministériels concernant les femmes concernées ; les femmes porteuses de prothèses pour lesquelles l’explantation est désormais officiellement recommandée et prise en charge par la collectivité (pour une somme prévue, dit-on, d’environ soixante millions d’euros).

Voici le résumé des deux principaux documents disponibles. Leur lecture pourra apparaître ardue. Elle est capitale pour ceux qui entendent comprendre.

L’évaluation du risque.

Elle prend la forme de l’avis du groupe d’experts réunis sous l’égide de l’INCa  et plus précisément celle des « Propositions de conduite à tenir pour les femmes porteuses de prothèses mammaires PIP : avis argumenté du groupe d’experts ». Cet avis est daté du 22 décembre et les experts présents étaient vingt-cinq. Ils représentaient les  disciplines médicales concernées  (anatomopathologistes, chirurgiens plasticiens, radiologues, oncologues, hématologues, médecin de santé publique) et étaient assistés par un représentant de l’Afssaps et un autre de l’InVS.    

Que nous disent-ils ? Il faut ici être exhaustif puisque les auteurs mettent en garde : «  Cet avis doit être diffusé dans sa totalité sans ajout ni modification. »

  « 1. Par rapport au risque de cancer :

Pour les lymphomes anaplasiques à grandes cellules :

 Le lymphome anaplasique à grandes cellules est une pathologie extrêmement rare. Le groupe retient, sur la base des données disponibles, qu’il existerait un sur-risque chez les femmes porteuses d’un implant mammaire quels que soient la marque et le contenu de l’implant (sérum physiologique ou gel de silicone).  Il n’existe pas de donnée à ce jour pour conclure à un sur-risque des lymphomes anaplasiques à grandes cellules spécifique à la prothèse PIP en comparaison aux autres implants.

Pour les cancers du sein (adénocarcinomes) :

Le cancer du sein est une pathologie fréquente. Le groupe retient que les données disponibles aujourd’hui permettent de conclure à l’absence de sur-risque d’adénocarcinome mammaire chez les femmes porteuses d’implants en comparaison avec la population générale. Il n’existe pas de donnée à ce jour pour conclure à un sur-risque d’adénocarcinome mammaire spécifique à la prothèse PIP en comparaison aux autres implants.

2. Avis concernant la décision d’explantation

Le groupe de travail retient que les éléments justifiant une explantation sont la présence de signes cliniques et/ou radiologiques évocateurs d’une altération de l’implant et/ou la demande de la patiente. Il n’existe pas d’argument à ce jour justifiant une explantation en urgence.

Chez une femme asymptomatique (absence de signe clinique et/ou radiologique), les risques liés à la non explantation à visée préventive sont : risque de rupture, risque d’imagerie faussement rassurante (faux négatif), risque d’une réintervention plus compliquée (préjudice esthétique, augmentation du risque de complications post opératoires), et la toxicité potentielle, à ce jour mal connue, de ce gel non conforme des prothèses PIP.

Les risques liés à une explantation sont : risque lié à une réintervention (anesthésique et lié au geste), et risque lié à un résultat morphologique différent. Le groupe rappelle qu’en l’absence de sur-risque démontré de cancer chez les femmes porteuses de prothèses PIP par rapport aux autres implants, l’avis concernant l’explantation est lié au risque de rupture de l’implant et à ceux de la non-conformité du gel.

Devant l’absence d’éléments nouveaux concernant le gel non conforme ou de données cliniques nouvelles sur des complications spécifiques, les experts considèrent ne pas disposer de preuves suffisantes pour proposer le retrait systématique de ces implants à titre préventif. Ils rappellent néanmoins le risque de rupture prématurée et les incertitudes concernant les complications liées au caractère irritant de ce gel. Le groupe d’experts précise qu’il est nécessaire de mettre en place une étude épidémiologique prospective sur les implants rompus avec documentation des données cliniques, radiologiques et histopathologiques.

 3. Surveillance des femmes porteuses d’une prothèse PIP

En l’absence de tout symptôme :

Concernant le risque de cancer du sein, il n’y a pas lieu de modifier chez une femme porteuse d’implants les modalités actuellement recommandées de dépistage et de surveillance de cette pathologie. Du fait du risque accru de rupture des prothèses PIP, le groupe maintient le suivi tel que recommandé par l’Afssaps, à savoir « un examen clinique et une échographie tous les six mois, en ciblant pour chacun de ces examens les seins et les zones ganglionnaires axillaires ». Le groupe retient qu’une IRM mammaire n’est pas indiquée en première intention.

 • En cas de signes cliniques et/ou radiologiques anormaux :

Une consultation spécialisée est préconisée pour une prise en charge.

4. Modalités à suivre en cas d’explantation

Avant toute explantation, quel que soit son motif, un bilan d’imagerie (incluant une mammographie et échographie mammaire et axillaire) récent doit être disponible.

Dans tous les cas d’explantation :

En présence d’un épanchement périprothétique anormal (sur son aspect ou son abondance), il est nécessaire de réaliser une aspiration du liquide pour analyse cytologique. Il est nécessaire de réaliser une biopsie systématique de la capsule et du tissu périprothétique.

La capsulectomie la plus large doit être réalisée lorsqu’elle est raisonnablement possible, à l’appréciation du chirurgien. Le groupe préconise une analyse histologique systématique des pièces de capsulectomie.  En cas d’anomalie du creux axillaire, une analyse histologique ou cytologique est souhaitable. Le groupe précise qu’un curage axillaire n’est pas indiqué. Les biopsies et les pièces opératoires seront fixées dans le formol pour permettre des investigations complémentaires.

Une congélation des prélèvements doit être réalisée en cas de lésion périprothétique suspecte. En cas de diagnostic ou de suspicion de lymphome après analyse anatomo-cytopathologique, un envoi au réseau LYMPHOPATH est nécessaire. La pose immédiate d’un nouvel implant est envisageable si les conditions locales le permettent. Dans le cas contraire, elle peut alors être proposée à distance de l’explantation. Elle est discutée avec la patiente avant tout geste opératoire.

5. Surveillance après explantation

 En cas d’explantation, il n’y a pas de suivi spécifique préconisé compte tenu de l’absence de sur-risque de cancer lié aux prothèses PIP démontré à ce jour.

Les recommandations habituelles de dépistage du cancer du sein ou de surveillance sont applicables en fonction du niveau de risque de la femme et indépendamment de l’antécédent d’implant. »

 La décision gouvernementale

 Elle prend la forme résumée d’un communiqué de presse daté du 23 décembre et intitulé « Actualisation des recommandations pour les femmes porteuses de prothèses mammaires Poly Implant Prothèse (PIP) ». Reproduisons le ici dans sa totalité sans ajout ni modification : 

 « Xavier BERTRAND, Ministre du travail, de l’emploi et de la santé, et Nora BERRA, Secrétaire d’Etat chargée de la Santé, actualisent les recommandations de prise en charge des femmes porteuses de prothèses PIP.

 A titre préventif et sans caractère d’urgence, ils souhaitent que l’explantation des prothèses, même sans signe clinique de détérioration de l’implant, soit proposée aux femmes concernées.

Cette proposition pourra intervenir lors de la consultation de leur chirurgien, déjà recommandée.

Les ministres chargés de la santé ont saisi le 7 décembre les agences sanitaires (Institut national du cancer, Institut de veille sanitaire, Afssaps), afin de recueillir leur expertise, en lien avec les sociétés savantes, sur les signalements d’effets indésirables chez les femmes porteuses de prothèses PIP.

 L’avis rendu le 22 décembre indique qu’il n y a pas à ce jour de risque accru de cancer chez les femmes porteuses de prothèses de marque PIP en comparaison aux autres prothèses. Néanmoins les risques bien établis liés à ces prothèses sont les ruptures et le pouvoir irritant du gel pouvant conduire à des réactions inflammatoires, rendant difficile l’explantation. Les ministres chargés de la santé ont donc décidé :

 1. de renforcer les recommandations émises par l’Afssaps :

       · Les femmes porteuses d’une prothèse mammaire doivent vérifier la marque de cette prothèse sur la carte qui leur a été remise. En l’absence de carte, elles doivent contacter leur chirurgien, ou à défaut, l’établissement où a été pratiquée l’intervention.

  • · Les patientes porteuses de prothèses PIP doivent consulter leur chirurgien. A cette occasion, une explantation préventive même sans signe clinique de détérioration de l’implant leur sera proposée. Si elles ne souhaitent pas d’explantation, elles doivent bénéficier d’un suivi par échographie mammaire et axillaire tous les 6 mois.
  • · Toute rupture, toute suspicion de rupture ou de suintement d’une prothèse doit conduire à son explantation ainsi qu’à celle de la seconde prothèse
  • · Avant toute explantation, quel que soit son motif, un bilan d’imagerie (incluant une mammographie et échographie mammaire et axillaire) récent doit être disponible.

 2. d’adapter l’organisation qui doit permettre à toute femme qui le souhaite d’avoir recours à une explantation préventive. Ainsi les ministres demandent aux Agences Régionales de Santé (ARS) de mettre en place, dès début janvier, un numéro de téléphone à destination des patientes porteuses d’implants mammaires PIP qui auraient des difficultés d’accès à un professionnel pour leur proposer une liste d’établissements pouvant les recevoir.

 3. de mettre en place une étude épidémiologique prospective sur prothèses rompues. Les établissements de soins et les professionnels de santé concernés sont informés en parallèle de cette décision et des nouvelles recommandations.

 Les frais liés à cette explantation éventuelle, incluant l’hospitalisation, sont pris en charge par l’assurance maladie. S’agissant de femmes relevant d’une chirurgie reconstructrice post cancer du sein, la pose d’une nouvelle prothèse est également remboursée. Les ministres rappellent qu’il est demandé aux chirurgiens plasticiens libéraux de ne pas pratiquer de dépassements d’honoraires pour effectuer ces actes, comme le Conseil de l’Ordre l’a déjà recommandé.

Le comité de suivi, qui se réunira le 5 janvier 2012, au ministère de la santé fera un nouvel état des lieux de la situation et examinera plus en détail les procédures et dispositifs d’application de cette décision afin de répondre au mieux aux préoccupations des femmes concernées et de faciliter l’organisation de toutes les demandes d’explantation.

Pour toutes informations complémentaires, un numéro vert national 0800 636 636 est disponible. Ouverture du lundi au samedi de 9h00/19h00. »

Ainsi donc cette articulation entre évaluation et gestion nous est ainsi ouvertement accessible à l’examen. On découvre de manière précise et détaillée la différence d’appréciation entre le regard des experts  spécialistes et le choix des responsables politiques. Il y a là une bien belle opportunité pour tous ceux, professeur(e)s et élèves,  que la santé publique et ses arcanes passionnent, notamment dans ses croisement avec le journalisme et donc avec la perception que le plus grand nombre peut en avoir.

 Affaire(s) à suivre sans doute. Dans l’attente les amateurs de rhétorique apprécieront comme il convient, à la loupe, la clef de voûte présente dans ce passage essentiel du communiqué de presse ministériel :

« L’avis rendu le 22 décembre indique qu’il n y a pas à ce jour de risque accru de cancer chez les femmes porteuses de prothèses de marque PIP en comparaison aux autres prothèses. Néanmoins les risques bien établis liés à ces prothèses sont les ruptures et le pouvoir irritant du gel pouvant conduire à des réactions inflammatoires, rendant difficile l’explantation. »

Selon les dictionnaires néanmoins est rangé au rayon des conjonctions ou des adverbes. Le terme vient, clairement, de néant et de moins. Il marque une opposition. Le rédacteur aurait tout aussi bien pu choisir cependantmais, pourtant ou toutefois. Sans doute a-t-on pensé, en haut lieu ministériel, dans les étages de l’avenue de Ségur, que néanmoins sonnait mieux, plus juste, plus chic. Question : en langue anglaise le choix se bornerait-il  à nevertheless , however et  yet ?