Vincent Lambert, mort annoncée : Ponce Pilate et l’appel solennel des quatre-vingt treize

Bonjour

Nous approchons de la « semaine du 20 mai ». Les mots vont-ils bientôt manquer ? Le Défenseur des droits a estimé, vendredi 17 mai, qu’il « ne lui appartient pas » de décider du sort de Vincent Lambert – désormais présenté par les médias généralistes comme un « tétraplégique en état végétatif depuis plus de dix ans ».

Rappel : après l’annonce à la famille, la semaine dernière par courrier de l’interruption programmée de l’alimentation/hydratation de Vincent Lambert, les avocats de ses parents, MJean Paillot et MJérôme Triomphe, avaient saisi le Défenseur des droits (Jacques Toubon). Objectif :  qu’il intervienne pour faire appliquer les mesures provisoires demandées par le Comité international des droits des personnes handicapées (CIDPH) de l’Organisation des nations unies (ONU), enjoignant à la France de suspendre cette mesure aux conséquences mortelles  avant une instruction sur le fond. 

« C’est au Défenseur des droits de monter au créneau et de faire pression sur le gouvernement français pour que les mesures provisoires soient effectives », avaient expliqué les avocats. La réponse du Défenseur des droits vient de faire l’objet d’un communiqué de presse. Où l’on découvre la réponse du gouvernement aux mesures provisoires demandées par le comité de l’ONU :

« Le Défenseur des droits constate qu’en l’espèce, le 7 mai 2019, l’État français a examiné avec attention et célérité la demande du Comité en lui adressant ses observations argumentées.

 L’État français indique ne pas être ‘’en mesure de mettre en œuvre la mesure conservatoire qu’il lui a adressée ». Il le justifie notamment par le fait que « la situation de M. Vincent Lambert a fait l’objet d’un examen particulièrement attentif des juridictions nationales, qui ont jugé, à plusieurs reprises, que la décision d’arrêt des traitements (…) était conforme à la loi (…) la [CEDH] a jugé que cet arrêt des traitements ne violait pas les obligations de la France au regard de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales’’ et que ‘’la remise en cause de la décision d’arrêt des traitements, par une nouvelle suspension qui priverait d’effectivité le droit du patient à ne pas subir d’obstination déraisonnable, n’est pas envisageable’’ ».

En conclusion le Défenseur des droits souligne que la demande de mesures provisoires du Comité des Nations Unies entre en contradiction avec les décisions de justice nationales et européennes précitées et « qu’il ne lui appartient pas de résoudre cet éventuel conflit de normes ». Où l’on songe, immanquablement, à Ponce Pilate.

La tribune des quatre-vint treize, dans Valeurs actuelles

Dans le même temps quatre-vingt treize 1 magistrats, avocats, universitaires spécialistes du droit, notaires viennent de signer une tribune pour dénoncer, solennelement,  la décision « la plus inhumaine que l’on puisse prendre », celle engagée par le médecin du CHU de Reims, et qui intervient à l’issue de nombreux recours, de suspendre l’alimentation et l’hydratation de Vincent Lambert. Ils ajoutent « rien ne peux justifier cette décision » :

« Si nous ne faisons rien d’ici au 20 mai 2019, Vincent Lambert va mourir. Abandonné par ses soignants qui ont décidé « collégialement » de mettre fin aux soins, à l’hydratation et à l’alimentation d’une personne qui n’est pas en fin de vie, Vincent va mourir de faim, de soif et d’absence de soins élémentaires, sous le regard froid d’un corps médical qui a sciemment décidé de violer son serment de ne pas nuire à son prochain. Vincent Lambert n’est pas en fin de vie, il n’est pas atteint d’une maladie incurable, il est dans cette situation terrible d’une dépendance absolue après un grave accident, celle d’un être humain qui peut continuer à vivre simplement en recevant les soins auxquels toute personne a droit (lesquels devraient inclure le fait d’être nourri et hydraté, qualifiés hélas par la loi de « traitement »).

Le médecin du Centre hospitalier universitaire de Reims a pris cette décision, ultime décision après de nombreux recours exercés par une partie de la famille de Vincent Lambert et finalement rejetés par les juridictions françaises et la Cour européenne des droits de l’homme. Cette décision est la plus inhumaine que l’on puisse prendre : décider, par son libre arbitre, de la vie et de la mort d’un homme, c’est-à-dire de son prochain, au « pays des droits de l’homme » dans lequel notre Constitution énonce que « nul ne peut être condamné à la peine de mort ».

Accepter cette décision, pour la société française, signifierait que l’on a perdu, chez nos concitoyens, le sens de la valeur infinie de la vie, quelle qu’elle soit, diminuée, inconsciente, limitée par la maladie et le handicap. Rien ne peut justifier cette décision. Notre société a-t-elle perdu le sens de ses propres valeurs au point de rester en silence devant une décision de mort donnée de sang-froid ? C’est aux Français que nous nous adressons pour qu’ils demandent fermement au ministre de la Santé et aux responsables du Centre hospitalier de Reims de ne pas commettre l’irréparable.

Pourtant, un signal est venu d’un comité international. Le Comité international des droits des personnes handicapées de l’ONU (CIDPH) a rendu le vendredi 3 mai 2019 une décision de « mesures provisoires »demandant à l’État français de ne pas mettre à exécution la décision d’arrêt d’alimentation et d’hydratation. Notre gouvernement doit suivre cette demande qui engage la France, membre de l’Onu.

Une solution est possible et l’on voudrait comprendre pourquoi elle n’a pas été mise en œuvre : déplacer Vincent Lambert dans une structure plus adaptée, comme il en existe plusieurs dans notre pays, afin de redonner à Vincent une perspective de vie que personne n’est en droit de lui refuser. Ce serait un soulagement pour tous : pour Vincent d’abord dont l’horizon est nettement rétréci par une véritable incarcération hospitalière, pour sa famille et ses parents ensuite qui pourraient ainsi retrouver une relation plus facile avec lui, mais aussi pour le Centre hospitalier de Reims sur lequel ne pèserait plus cette responsabilité bien lourde.

Chaque Français doit, en conscience, défendre la vie de Vincent Lambert car, en Vincent, c’est notre humanité qui est souffrante et qui nous ressemble. C’est parce que la vie est diminuée qu’il faut d’autant plus la respecter. Que chacun d’entre nous adresse cette demande aux autorités publiques et aux médecins : respectez la vie de Vincent Lambert et confiez-le à ceux qui veulent lui conserver sa dignité d’homme. »

A demain

@jynau

1 La liste des signataires :

1.    Guillaume Drago, professeur des Facultés de droit, président de l’Institut Famille & République.
2.    Geoffroy de Vries, secrétaire général de l’Institut Famille & République, avocat
3.    Yohann Rimokh, avocat
4.    Grégory de Moulins Beaufort, avocat
5.    Santiago Muzio de Place, avocat
6.    Sophie Herren, avocat
7.    Pauline Corlay, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation
8.    Guillaume Bernard, maître de conférences (HDR) en histoire du droit
9.    Marie-Thérèse Avon-Soletti, maître de conférences honoraire d’histoire du droit
10.  Guillaume de Tilly, notaire
11.   Jean-Tugdual Le Roux, notaire
12.   Vincent Puech, avocat
13.   Tanguy Barthouil, avocat
14.   Nathalie Gounel, directrice d’un établissement médico-éducatif, avocat de formation
15.   Adeline Le Gouvello, avocat
16.   Cécile Derains, avocat
17.    Bertrand Pauvert, maître de conférences (HDR) des Facultés de droit
18.    Jacques Bichot, professeur émérite à l’Université Lyon III
19.    Claire de La Hougue, docteur en droit, chercheur associé au Centre européen pour le droit et la justice (ECLJ, Strasbourg)
20.    Amaury de Saint Amand, docteur en droit, Avocat
21.    Bénédicte Palaux Simonnet,  ancien avocat, chercheur
22.    Bertrand Lionel-Marie, avocat
23.    Gaëlle Lionel-Marie, avocat
24.    Benoit Sevillia, avocat
25.    Françoise Besson, avocat
26.    Aymeric de Bézenac, avocat
27.    Grégor Puppinck, docteur en droit, directeur du Centre européen pour le droit et la justice (ECLJ, Strasbourg)
28.    Marc Dumont, notaire
29.    Anne Morineaux de Martel, avocat honoraire
30.    Christophe Bourdel, avocat
31.    Florian de Mascureau, avocat
32.    Philippe Couturier, avocat, ancien Bâtonnier
33.    Jean-Pierre Gridel, magistrat honoraire
34.    Armelle Josseran, avocat
35.    Ambroise Chartier, juriste et chargé d’enseignement à l’Université
36.    Cyrille Dounot, professeur d’histoire du droit, université Clermont Auvergne
37.    Sophie de Noray, Avocat
38.    Jacques Lafond, docteur en droit, avocat honoraire
39.    Nicolas Bauer, doctorant en droit
40.    Martine Ruffier-Monet, avocat
41.    Victoria Hogard, avocat
42.    Nathalie Deleuze, avocat
43.    Jean-Pierre Claudon, avocat
44.    Bernard Rineau, avocat
45.    Benoît de Lapasse, avocat
46.    Laurent Hay, Avocat
47.    Cyrille Dutheil de La Rochère, docteur en Droit, chargé de cours à l’Université, avocat
48.    Michel Bastit, Professeur à l’université de Bourgogne
49.    Matthieu Bottin, avocat
50.    Raymonde Vatinet, professeur des Facultés de droit
51.    Capucine Augustin, avocat
52.    Olivia du Jonchay, juriste
53.    Joël Hautebert, professeur des Facultés de droit
54.    François Vallançon, maître de conférences honoraire des Facultés de droit
55.    Anne-Sophie Delobre, notaire assistant, doctorant
56.    Cyrille Callies, juriste
57.    Claire Bouglé-Le Roux, maître de conférences des Facultés de droit
58.    Joël-Benoît d’Onorio, professeur des Facultés de droit
59.    Julien Couard, Maître de conférences HDR des Facultés de droit
60.    Ramu de Bellescize, maître de conférences HDR des Facultés de droit
61.    Jean-Michel Lemoyne de Forges, professeur émérite des Facultés de droit
62.    Philippe Pichot, Maître de conférences HDR des Facultés de droit
63.    Vincent Morati, notaire
64.    Alexandre Deroche, professeur des Facultés de droit
65.    Alice d’Anthoüard, avocat
66.    Jean-Luc Thiver-Joly, docteur en droit
67.    Bruno Le Griel, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation
68.    Laurent Hecketsweiler, maître de conférences HDR des Faculté de droit
69.    Pauline du Fayet de la Tour, avocat
70.    Benoit Gruau, avocat
71.    Jean-Baptiste Geay, avocat
72.    Loïc Rigal, docteur en droit
73.    Tangi Noel, docteur en droit, avocat
74.    Marta Peguera Poch, professeur des Facultés de droit
75.    Père Marc Guelfucci, docteur en droit
76.    Frédéric Pichon, avocat
77.    Claire Perret, avocat
78.    Laurent Ferracci, avocat
79.    Eric Dhorne, avocat, ancien bâtonnier
80.    Arthur de Dieuleveult, avocat
81.    Jean-Baptiste Pierchon, maître de conférences des Facultés de droit
82.    Élise Frêlon, Maître de conférences des Facultés de droit
83.    François-Xavier Lucas, professeur des Facultés de droit
84.    François Moulière, docteur en droit, avocat
85.    Laurent Frénéhard, avocat
86.    Claire de Roquemaurel, juriste, ancien avocat
87.    Stéphane Caporal, professeur des Facultés de droit
88.    Philippe Marion, avocat
89.    André Bonnet, avocat
90.    Raphaël Peuchot, avocat
91.    Carole Rostagni, docteur en droit, avocat
92.    Gaétan de La Bourdonnaye, avocat.
93.    Alain Toulza, juriste

Le dérangeant mea culpa de Marlène Schiappa : PMA, homophobie et terrorisme islamique 

Bonjour

« La Manif pour Tous » attendait des « excuses immédiates » ; elle n’aura reçu que la moitié d’un mea culpa de Marlène Schiappa. Rappelons que dans l’application soutenue qu’elle met dans la mise en scène médiatique d’elle-même la secrétaire d’Etat à l’égalité entre les femmes et les hommes a accordé un improbable entretien à Valeurs actuelles. Là elle « souligne l’existence d’une convergence idéologique » entre La Manif pour tous et « les terroristes islamistes » – sans toutefois les mettre « sur le même plan » (sic).

Extraits :  «  (…) Il y a une explosion des actes antisémites, mais aussi homophobes. Ce sont deux catégories de la population soupçonnées d’être riches. Le deuxième point commun entre homophobie et antisémitisme est que ce sont les théories islamistes radicales qui désignent comme boucs émissaires ces personnes-là. Il y a une alliance entre les gens d’extrême droite et les islamistes, qui s’unissent de fait dans ce combat. Il y a des slogans de La Manif pour tous qui sont lancés dans les banlieues. (…) Les slogans et l’agressivité de la « manif pour tous » ont nourri la recrudescence de violences homophobes: + 64 % l’année dernière. L’homophobie se nourrit des messages de haine proférés par La Manif pour tous. (…) »  

Ce fut, à droite, un tollé. Et, à gauche, un silence plus que gêné sinon gênant.  « En comparant l’incomparable, Marlène Schiappa se livre à une provocation qui augure très mal du débat à venir sur les enjeux majeurs de la révision de la loi de bioéthique, observa La Manif pour tous. Les caricatures et les violences verbales n’ont pas leur place dans le débat public. »Un débat qu’Emmanuel Macron  souhaitait, hier encore, « apaisé ». Et cette association de porter plainte pour diffamation publique auprès de la Cour de justice de la République, dénonçant des « propos scandaleux » et une « insulte gravissime aux millions de Français mobilisés depuis 2012 pour témoigner pacifiquement de leur attachement à la famille ».

Ne pas boycotter Valeurs actuelles

Serait-ce le vent du boulet ? Voici qu’aujourd’hui, l’encre de Valeurs actuelles à peine sèche, Marlène Schiappa, présentr ses « excuses à toutes les personnes qui auraient pu se sentir sincèrement blessées ». « J’en assume la responsabilité. Lorsqu’un message est mal reçu c’est qu’il a été mal émis. Les gens qui ont adhéré à La Manif pour tous ne sont évidemment pas des terroristes », écrit la secrétaire d’Etat dans un communiqué publié vendredi 22 février. Explications :

 « Au cours des échanges d’une durée de près de deux heures, j’ai souligné une convergence idéologique entre différents courants de pensée se rejoignant dans le refus de l’altérité, dans la remise en cause des droits des femmes ou des droits des personnes LGBT + . Je souhaite depuis le début de mes missions m’adresser à tout le monde, sans sectarisme, et sans boycotter [sic] aucune publication que ce soit, et dans le respect mutuel. Je continuerai en ce sens. »

Une chose en somme, suivie de son contraire. Où l’on retient cette justification : « lorsqu’un message a été mal perçu c’est qu’il a été mal émis ». Et ce nouveau message qui « souligne une convergence idéologique entre différents courants de pensée se rejoignant dans le refus de l’altérité (…) ». Un message émis, sans sectarisme, par l’actuelle secrétaire d’Etat à l’égalité entre les femmes et les hommes.

A demain

@jynau

PS Sur l’usage fait du mot « homophobie » dans les médias on peut consulter le précieux « La langue des médias. Destruction du langage et fabrication du consentement  » d’Ingrid Riocreux Editions de l’Artilleur/Toucan

 

 

 

Haine: Emmanuel Macron annonce une loi contre. Le dernier éclat de Marlène Schiappa

Bonjour

21 février 2019. La désinhibition épidémique ne cesse de gagner du terrain. Cortège d’insultes provocatrices, de crises colériques, d’appels au meurtre, de déchaînements de haines.  Et des médias généralistes historiques radicalement dépassés par ces torrents d’insanités. «Les commentaires ignobles et illégaux ont largement dépassé notre capacité à les modérer», raconte Aymeric Robert, l’un des journalistes de FR3 Alsace soudain confronté à cette réalité.

Quelle grille psychiatrique nous aidera à décrypter ? « Que s’est-il passé, s’interroge Le Figaro, (Elisa Braun) pour qu’Internet, qui devait être pour ses créateurs un lieu de partage du savoir et de l’information, devienne l’amplificateur d’une ignorance haineuse et, surtout, exprimée dans la plus totale impunité ? »

Hier, lors du dîner annuel du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) le président de la République a annoncé qu’une proposition de loi pour lutter contre les contenus haineux sur internet sera déposée «dès le mois de mai». «Il faut que les auteurs de ces contenus comprennent que nous irons les chercher partout où ils sont et que nous ferons cesser leurs violences», annonçaient Mounir Mahjoubi, secrétaire d’État au Numérique, et Marlène Schiappa, secrétaire d’État à l’Égalité entre les femmes et les hommes au Figaro .

L’objectif est d’imposer aux réseaux sociaux d’être transparents sur leurs règles de modération, de mieux détecter les propos haineux en amont grâce à des outils de prévention, de les retirer plus rapidement et de lutter contre l’impunité en conservant des preuves dans les archives des plateformes.  « Le président de la République a également fait part de son souhait d’interdire l’accès aux réseaux sociaux aux personnes condamnées pour racisme ou antisémitisme, ‘’comme l’on a interdit d’accès aux stades les hooligans’’ ajoute Le Figaro. Une mesure dont la légalité et la mise en application suscitent de nombreuses interrogations. Enfin, Emmanuel Macron est intervenu sur la question épineuse de l’interdiction de l’anonymat sur Internet. ‘’La question sera posée’’ a-t-il indiqué devant son auditoire. ‘’Faut-il l’interdire partout? […] nous pourrions aller vers le pire’’ a toutefois précisé le chef de l’État. »

La mise en scène de soi

Le pire ? Marlène Schiappa, parfois, s’y emploie dans l’application qu’elle met à la mise en scène d’elle-même. Aujourd’hui ce sont les déclarations de la secrétaire d’Etat à l’égalité entre les femmes et les hommes qui font « grincer des dents ». Dans un improbable entretien à Valeurs actuelles, Mme Schiappa « souligne l’existence d’une convergence idéologique » entre La Manif pour tous et « les terroristes islamistes » – sans toutefois les mettre « sur le même plan » (sic).

« Il y a une explosion des actes antisémites, mais aussi homophobes », observe la secrétaire d’Etat, pour qui « il y a une alliance entre les gens d’extrême droite et les islamistes qui s’unissent de fait dans ce combat »1.  Valérie Pécresse, chef de file du mouvement Libres ! au sein des Républicains, a aussitôt dénoncé sur Twitter la « faute » de Marlène Schiappa.

« Critiquer les positions des sympathisants de la Manif pour Tous est une chose. Les comparer aux terroristes islamistes qui ont frappé à mort notre pays et qui veulent détruire notre civilisation, c’est une faute. »

D’autres, comme le président de Debout la France, Nicolas Dupont-Aignan, a lui aussi fustigé sur Twitter ce qu’il considère comme une « insulte ». La Manif pour tous dénonce un « scandaleux amalgame » et réclame « des excuses immédiates ».« Trop, c’est trop » écrit l’organisation dans un communiqué. 

« En comparant l’incomparable, Marlène Schiappa se livre à une provocation qui augure très mal du débat à venir sur les enjeux majeurs de la révision de la loi de bioéthique. Les caricatures et les violences verbales n’ont pas leur place dans le débat public. » 

Une loi pour lutter contre cette épidémie de désinhibition qui ne cesse de gagner du terrain ?

A demain

@jynau

1 Extraits :  «  (…) Il y a une explosion des actes antisémites, mais aussi homophobes. Ce sont deux catégories de la population soupçonnées d’être riches. Le deuxième point commun entre homophobie et antisémitisme est que ce sont les théories islamistes radicales qui désignent comme boucs émissaires ces personnes-là. Il y a une alliance entre les gens d’extrême droite et les islamistes, qui s’unissent de fait dans ce combat. Il y a des slogans de La Manif pour tous qui sont lancés dans les banlieues. (…) Les slogans et l’agressivité de la « manif pour tous » ont nourri la recrudescence de violences homophobes: + 64 % l’année dernière. L’homophobie se nourrit des messages de haine proférés par La Manif pour tous. (…) »  

 

 

De l’eugénisme et du transhumanisme: les prophéties auto-réalisatrices de Jacques Testart

Bonjour

Qui aurait pensé lire, un jour, Jacques Testart dans Valeurs actuelles (propos recueillis par Charlotte d’Ornellas) ?

Jacques Testart, 80 ans ou presque, phosphorescence intacte et un site où il guerroie contrele libéralisme économique et l’eugénisme, son allié naturel. Jacques Testart héraut solitaire d’une « science citoyenne » et allergique sinon à la « médecine » du moins à presque tous les médecins. Jacques Testart qui voit dans le Diagnostic préimplantatoire (DPI) et les Centres d’études et de conservation du sperme et des œufs humains (CECOS) la source du mal présent et à venir. Jacques Testart qui, si tout va bien, fêtera dans trois ans et avec René Frydman les quarante ans d’Amandine-premier-bébé-éprouvette-français.

Pour l’heure l’ancien chercheur paradoxal ne commente pas l’actualité médiatique et la prochaine révision de la loi de bioéthique qui devrait (si rien ne change) bouleverser la donne français en dépénalisant la pratique de la « PMA pour toutes ». C’est que, pour Testart, « il y a des questions infiniment plus graves et dont personne ne parle. Pas même ceux qui sont censés voter la loi ! Or l’eugénisme s’affirme comme projet de société. C’est ça dont il faudrait parler aujourd’hui. »

« Eugénisme » ?

« La volonté de constituer une espèce humaine de meilleure qualité, plus performante, plus compétitive… C’est le transhumanisme, finalement ! Le but de la médecine serait d’avoir des individus en bonne santé mais elle augmente sans cesse le nombre de ses clients en identifiant des malades qui s’ignoraient et en élevant la barre du « normal ». Si l’on ne fixe pas de limites, cela peut conduire à l’eugénisme. En Europe, on n’ose pas en parler parce que ça rappelle le nazisme. Alors nous évitons le débat. Sauf que, dans la pratique du tri des embryons, il est bien question de mettre en compétition les individus qui vont survivre selon des critères de plus en plus exigeants.

 « Voilà trente ans que j’alerte et que je préviens. Hélas, je suis bien obligé de vous dire que cela n’a absolument rien changé. J’ai parlé devant des députés, des sénateurs, le Conseil d’État… Les décideurs m’interrogent chaque fois que l’on veut changer une loi. Je leur sers toujours la même rengaine : le gros problème, c’est l’eugénisme. J’explique, ils acquiescent. Me disent que j’ai raison. Et tout se poursuit sans embûches. »

Le dernier avis (n°129) du Comité national d’éthique 

« Le CCNE franchit cette fois-ci des pas énormes, sans que rien n’ait été discuté dans les états généraux de la bioéthique. Les députés vont se retrouver avec cet avis qui est le même que celui du comité d’éthique de l’Inserm ou de l’Académie de médecine. Ils sont tous d’accord et ils poussent sans que personne ne réagisse.

 « L’avis préconise de libéraliser encore un peu plus la recherche sur les embryons, en supprimant la nécessité d’une finalité médicale. Maintenant, ce pourrait être pour des enjeux économiques, par exemple ; l’humain devient matière première. On pourrait établir des gestations chez l’animal avec des chimères humain-animal…

 « Mais il y a aussi l’élargissement du recours au diagnostic préimplantatoire, au diagnostic pré-conceptionnel ainsi qu’au diagnostic génétique à généraliser dans la population totale. Il est clairement question de tri d’embryons pour ne garder que les plus performants. Cela mériterait au minimum de longues discussions, or il n’y en a aucune, pas même dans les médias. Nous sommes en train de laisser passer des choses gravissimes. »

 Mais encore ?

« À la page 64 de l’’’Avis 129’’ du CCNE, il est écrit : ‘’La médecine génomique et les examens génétiques permettent de réduire l’incidence de certaines maladies génétiques graves et ouvrent de nouvelles pistes pour des prises en charge adaptées pour les patients.’’ C’est absolument faux. Cela ne permet pas de réduire l’incidence sauf si l’on interdisait la procréation des couples découverts ‘’ à risque’’, et cela n’ouvre pas de nouvelles pistes puisque, en général, il n’y a pas de traitement. Les embryons sont triés, c’est tout. Ils affirment des choses fausses. Avec l’assurance que leur donne une expertise supposée être la meilleure. »

Désespéré ?

« C’est un peu désespérant, à vrai dire. J’avais essayé de prévenir en 1986, avant même l’invention du diagnostic préimplantatoire (DPI, en 1990). Je pressentais que ça déraperait très rapidement et qu’il n’y avait pas de limites possibles. Si l’on arrive à obtenir – par de nouvelles technologies – de nombreux embryons dans les années à venir, des centaines éventuellement, on pourra alors détecter des centaines ou des milliers de supposées pathologies et c’est un véritable système de tri eugénique qui nous guette, d’autant que les servitudes de la fécondation in vitro seraient alors épargnées aux patientes.

 « J’étais donc contre, mais quand le DPI a été légalisé en 1994, j’ai cherché des limites possibles. Et j’en ai trouvé une qui vaut ce qu’elle vaut : limiter le diagnostic à une pathologie ‘’particulièrement grave et incurable’’ par couple. Ça n’a jamais été repris, ni par mes collègues ni par les politiques, alors que c’était la seule façon d’éviter l’élargissement sans limites du DPI, même s’il demeure intrinsèquement eugénique. »

 Transhumanisme, nouvelle rupture du XXIème siècle ?

 « C’est une rupture définitive. Certains proposent, d’autres acceptent et les gens finissent par s’habituer, voire demander. Regardez le nombre de gens prêts à porter des bracelets pour savoir le nombre de pas, de battements cardiaques, le poids… Les techniques sont encore rudimentaires, mais l’habitude est là et la prise en compte du corps est incroyablement présente. Ils veulent absolument survivre, c’est tout. Comment imaginer un retour en arrière ? Les gadgets vont peu à peu s’introduire dans nos vies puis dans nos corps, sans que personne ne résiste. »

 Plus généralement Testart observe l’avancée à marche forcée vers la « libéralisation ». « Personne ne propose jamais d’interdire ce qui était autorisé, dit-il. Pour compenser, on parle d’encadrer les pratiques, on confie la gestion des limites à des autorités qui seraient par principe non critiquables. Le Comité consultatif national d’éthique ou l’Agence de la biomédecine, par exemple. Mais cette dernière est au service de la science elle aussi, et se laisse donc griser par les ‘’progrès’’ de la médecine ! ». Sans parler de  l’Académie de médecine : « la plupart des médecins qui en font partie ne sont pas compétents sur ces sujets précis, on peut leur raconter ce que l’on veut au nom des progrès de la science et du bien de l’humanité. Qui voudrait s’y opposer ? Personne. Il n’y a donc aucun contre-pouvoir dans ce domaine et quelques rares experts ont les coudées franches. »

Valeurs Actuelles lui demande alors s’il est ou non possible d’imaginer une autre raison de vivre que cette fascination pour tant et tant de dérives.

« Très honnêtement, je pense que c’est perdu tant que ce système attire et fascine. Parce que sa ‘’religion’’ est cohérente : elle est celle de la croissance économique, de l’amélioration des capacités humaines, de la toute-puissance d’Internet, de la compétition généralisée… Puisqu’on ne peut interdire, qu’il semble impossible de limiter en raison de comités cautions, de la pression internationale ou du tourisme médical, il faut donc espérer que les gens n’en veuillent plus. Il faut générer une autre attirance, comme ce que faisait la religion dans la société, avant. »

 Etait-ce « mieux avant », avec le Vatican  ? Sera-ce pire plus tard, sans ?

A demain

@jynau

 

 

 

 

Mais qui est ce médecin et député macronien soudain accusé de sexisme et de vulgarité ?

Bonjour

Le nouveau monde macronien n’est pas sans réserver quelques surprises et autres désinhibitions. Au lendemain de Noël les citoyens apprenaient que le chef de file des députés La République en marche (LRM), Gilles Le Gendre, dénonçait les « propos inadmissibles » d’un député LRM – député « des Français établis à l’étranger ». Avant le réveillon ce député avait tweeté ceci à l’adresse d’Esther Benbassa, sénatrice Europe Ecologie-Les Verts (EELV) du Val-de-Marne.

« Avec le pot de maquillage @EstherBenbassa que vous vous mettez sur la tête, vous incarnez plus que jamais ce que vous tentez maladroitement de caricaturer. Vous le sentez l’amalgame violent maintenant? https://twitter.com/EstherBenbassa/status/1076414210370883584 … »

Réaction, deux jours plus tard, de M. Le Gendre sur Twitter : « Le bureau du groupe parlementaire LRM se désolidarise de notre collègue Joachim Son-Forget à la suite de ses propos inadmissibles contre la sénatrice Esther Benbassa. Aucune controverse politique ne justifie de verser dans le sexisme et la vulgarité », a déclaré M. Le Gendre sur Twitter.

Pour sa part la sénatrice déclarait à l’Agence France Presse que « l’expression sans complexe d’un tel sexisme, venant d’un parlementaire, après #metoo, a de quoi laisser sans voix ». Et le député de répliquer : « La référence au maquillage ne peut en aucun cas être mélangée à une attaque sur le physique ». Et Le Monde de rappeler qu’en septembre dernier ce député des Français de l’étranger avait déjà reçu de vives critiques pour avoir défendu le forain Marcel Campion, qui avait tenu des propos homophobes à propos d’élus parisiens.

Rebondissement à la veille des vœux du président de la République : le député accusé de sexisme a annoncé au magazine Valeurs actuelles puis à l’Agence France-Presse, samedi 29 décembre, qu’il venait de quitter le parti présidentiel et son groupe parlementaire. Ce représentant à l’Assemblée nationale « des Français de Suisse et du Liechtenstein » a confié à l’hebdomadaire continuer de soutenir le président Emmanuel Macron, mais ne pas exclure de « constituer une liste aux élections européennes et de créer un parti, quitte à continuer à utiliser la satire et des méthodes de communication innovantes ».

Drame et constance

« Après échanges téléphoniques non fructueux, j’ai pris ma décision après l’avoir annoncée au président. Pas de drame mais de la constance », a, de son côté, écrit le député de 35 ans dans un de ses nombreux messages publiés samedi sur Twitter. « J’ai fait la guerre pour habiter rue de la paix », a-t-il encore publié, citant ainsi le rappeur Booba, accompagné du mot-clé « démissionLREM ».

Et la sénatrice EELV Esther Benbassa de se réjouir (toujours sur Twitter) de ce départ :

« Merci à ttes & ts pour votre soutien. D’abord suspendu de son groupe à l’#Assemblée, @sonjoachim quitte #LREM. Le #sexisme en politique, ça ne passe plus, ça casse. Un seul espoir: qu’il ne passe plus nulle part. C’est notre combat commun à ttes et à ts. Avis à @MarleneSchiappa. »

Les médias recensent les sorties du député abandonnant son groupe. Un peu avant minuit jeudi, il avait commencé par un selfie posté par le député avec une peluche de blaireau, où il s’en prenait à ceux, dont ses collègues LRM, qui avaient critiqué ses propos envers Mme Benbassa. « Dédicace spéciale à tous les trolls, collègues hypocrites déversant leur fiel, poltrons cachés dans leur anonymat, et toute ma compassion envers les binaires et les coincés au level 1, le boss de fin étant trop subtil et trop intelligent pour eux », avait-il légendé.

Plus tard, le député a posté une vidéo de lui tirant avec un fusil de sniper – un de ses hobbies – ou des photomontages le montrant en personnage de dessin animé ou en joueur de foot avec le maillot de la Suisse devant le drapeau du Kosovo.

Mécanismes visuo-vestibulaires de l’auto-conscience corporelle

Mais qui est donc ce député ? Il s’agit de Joachim Son-Forget, 35 ans, né Kim Jae Duk à Séoul – avant d’être adopté, à l’âge de trois ans, par une famille française et de grandir à Langres. Il fait ses études à Dijon, Paris et Lausanne. Une carrière peu banale exposée dans le détail sur Wikipédia :

« Titulaire d’un master recherche en sciences cognitives (co-accrédité par l’université Paris-Descartes, l’EHESS et l’ENS Paris) qu’il valide avec un mémoire encadré par Stanislas Dehaene. Poursuivant aussi des études de médecine, il obtient en 2008 son diplôme de fin de deuxième cycle des études médicales à l’université de Dijon puis passe l’examen classant national.

« À la suite de cet examen, il décide de poursuivre son cursus médical en Suisse et d’y effectuer l’intégralité de son internat, en tant qu’interne en radiologie au centre hospitalier universitaire vaudois à Lausanne. Il obtient en 2015 un doctorat en sciences médicales en neurosciences cohabilité par l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) et l’université de Lausanne ; rédigé sous la direction d’Olaf Blanke et Reto Meuli, il porte sur le thème des mécanismes visuo-vestibulaires de l’auto-conscience corporelle. »

Et, en parallèle, ce médecin soutient François Hollande lors de l’élection présidentielle de 2012. Cinq ans plus tard est nommé candidat nommé de LREM  aux élections législatives dans la sixième circonscription des Français établis hors de France. Obtient 63,21 % des voix dès le premier tour. Une trop forte abstention ne lui permet pas d’être directement élu13. Au second tour, il obtient 74,94 % des voix, l’abstention culminant à 81,22 %.

Président du cercle de réflexion Global Variations il obtient la nationalité kosovare en juin 2018 « à titre exceptionnel ». Il explique que dès son adolescence « il a été très tôt captivé par la richesse culturelle et humaine du pays » et est par ailleurs vice-président du groupe d’amitié France-Kosovo à l’Assemblée nationale.  Le Monde parle, à son endroit, d’un député qui signe « de nombreux tweets assez éloignés de la réserve attendue d’un député ». Euphémisme. Nouveau monde macronien, surprises et désinhibitions.

A demain

@jynau

 

PMA « pour toutes/sans père » : l’affaire se politise tandis que l’atmosphère s’électrise

Bonjour

Informations politiques exclusives, aujourd’hui, dans le Journal du Dimanche (Sarah Paillou). Où l’on en sait un peu plus sur les choix  de la majorité et du gouvernement macroniens quant aux modalités de l’ouverture de la PMA  aux couples de lesbiennes et aux femmes célibataires. Il est depuis peu acquis que la promesse du candidat Macron, figurera dans le projet de loi qui sera adopté au plus tard au début d’année prochaine. Qu’en sera-t-il des décisions concrètes et majeures qui en découlent – décisions en cours d’arbitrage. Le JDD précise qu’Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé « se prononce sur les recommandations de Jean-Louis Touraine, le médecin rapporteur LREM de la mission d’information parlementaire – qui a terminé cette semaine ses auditions et qui présentera ses conclusions à la fin du mois. »

« Elle se dit notamment favorable à la reconnaissance préalable de la filiation des mères homosexuelles ayant recours à la PMA, mais s’interroge sur les modalités de l’ouverture de l’accès aux origines et veut rendre possible l’utilisation encadrée de gamètes post mortem. Agnès Buzyn souhaite aussi que la PMA pour toutes soit remboursée par la Sécurité sociale. Le terrain est politiquement miné, comme le rappelle Touraine : « Il ne faut pas humilier ceux qui sont contre l’ouverture de la PMA. Ce n’est pas la peine, comme l’ont fait ceux qui voulaient le mariage pour tous, de traiter les opposants d’homophobes intolérants. Ce qui compte, c’est le résultat. » Le député du Rhône compte sur la future commission de députés et sénateurs de tout bord, voulue par le chef de l’État, pour « apaiser le débat ». »

Apaiser le débat ? Après la prise de position argumentée, dans Le Figaro,  des cinq ténors parlementaires LRM  contre cette ouverture  voici que vingt sénateurs publient à leur tour une tribune indignée dans Valeurs actuelles pour s’opposer à la légalisation de cette extension. « Il ne s’agit plus de lutter contre une quelconque infertilité due à une pathologie, mais de satisfaire à tout prix un ‘désir d’enfant’, écrivent-ils. On prend ainsi le risque de faire perdre à la médecine son aspect curatif, d’instituer une sorte de ‘droit à l’enfant’ pour les parents, et de créer délibérément des orphelins de père ». Et ce au nom d’un « progressisme béat » qui leur semble « dangereux pour l’humanité ».

Rétropédalant dans le temps et l’espace ils estiment que « l’assistance médicale à la procréation continue à poser de graves problèmes éthiques, notamment en ‘produisant’ des dizaines de milliers d’embryons ‘sans projet parental’ – dont beaucoup finiront en ‘matériau de recherche’ ». Et les vingt s’interrogent : « Est-ce digne de l’être humain ? Est-ce la nouvelle conception de l’humanisme ? ». Et de mettre en garde contre la « pente glissante » qui conduira immanquablement vers l’acceptation, tacite puis légalisée, de la GPA. En dénonçant la vaste campagne de publicité qui accompagne le livre du journaliste Marc-Olivier Fogiel, faisant la promotion d’un acte pourtant délictuel en droit français, sans que Mme Belloubet s’en émeuve ».

C’est dans ce contexte qu’Agnès Thill, député LREM insoumise, après avoir ouvertement déclaré qu’elle ne soutenait pas la « PMA pour toutes » à contre-courant de son groupe parlementaire, vient de prendre une nouvelle initiative. Elle s’est élevée contre un « café citoyen » organisé par une autre député pour « débattre de la PMA ». A cette occasion, elle a dénoncé l’existence d’« un puissant lobby LGBT à l’Assemblée nationale »Dans une lettre, Philippe Grangeon, délégué général de LREM par intérim, et Gilles Le Gendre, président du groupe LREM à l’Assemblée, ont recadré une nouvelle fois l’élue pour ses propos, lui signifiant que ce serait « la dernière ». Le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux a pour sa part qualifié les propos tweetés d’Agnès Thill d’ « absolument inacceptables ».

Et ensuite ?

A demain

@jynau

 

Du rififi philosophique au Comité d’éthique : Sylviane Agacinski vs Jean-François Delfraissy

Bonjour

Plus le temps passe et moins Sylviane Agacinski mâche ses mots 1. Dans l’entretien qu’elle vient d’accorder au Figaro elle prend pour cible le Pr Jean-François Delfraissy, président du Comité consultatif national d’éthique (CCNE). Jamais, depuis ses 35 ans d’existence, la présidence de cette institution n’avait, de la sorte été dénoncée. Quels sont les faits ?

Les accusations de la philosophe (farouchement opposée à la pratique des mères porteuses) se fondent notamment sur l’entretien accordé à Valeurs Actuelles par le président du CCNE : « Jean-François Delfraissy : “Je ne sais pas ce que sont le bien et le mal” ». Il y déclare que le rôle du Comité était d’« écouter le milieu associatif » et de savoir « ce que la science pense et ce qu’elle a envie de faire bouger ». Il y déclare aussi qu’il est  sensible au «droit à l’enfant» et qu’il ne sait pas ce qu’était «le bien et le mal».

Le Figaro demande à Sylviane Agacinski si, au regard de ces déclarations, les conditions d’un débat serein et approfondi sont réunies dans le cadre des actuels « Etats généraux de la bioéthique » pilotés par le CCNE. Réponse :

« Hélas non! Ces déclarations sont graves. Le président du CCNE imite en effet sa mission au fait d’écouter «les opinions» en s’interdisant tout jugement d’ordre éthique (puisque «chacun a sa vision de l’éthique»). Il tient au reste un discours incohérent sur la bioéthique, puisqu’il concède qu’il existe «certaines grandes valeurs intangibles» pour affirmer aussitôt la relativité de toute valeur.

 « Pire encore, il déclare: ‘’Je vais vous dire: ce qu’on appelle les valeurs universelles, les droits de l’homme, etc., les Chinois appellent ça des “ histoires d’Occidentaux”. En Chine, il y a une science qui avance, il y a des ruptures vis-à-vis des grands principes qui prévalent chez nous. Par exemple, il y a actuellement plusieurs milliers de transplantations qui sont réalisées à partir d’organes de condamnés à mort…’’ Ces propos ahurissants disqualifient purement et simplement le Pr Delfraissy pour accomplir sa mission et justifieraient sa démission. »

Antipodes éthiques

Aux antipodes du Pr Delfraissy et d’une « médecine toute-puissante » (qui se détacherait de la morale pour se rapprocher du marché) Sylviane Agacinski revient à l’essentiel. Pour elle la réflexion bioéthique actuelle doit éclairer le travail de ceux qui sont chargés de dire le droit et de faire les lois – et ce en s’attachant au bien commun et à l’intérêt général, de façon à régler de la manière la plus juste possible les relations humaines dans une société civilisée.

« Si aucun principe commun, comme le respect de la personne et de son corps, n’inspire les lois, tout est possible, car la science et la technique, en elles-mêmes, sont indépendantes des valeurs propres à l’éthique, ajoute-t-elle. Inversement, les principes éthiques et juridiques ne sont pas démontrables à l’aide d’une démonstration scientifique. Aujourd’hui, nous sommes loin des époques les plus sombres. Mais la médecine n’est pas à l’abri d’autres fourvoiements, par exemple lorsqu’elle collabore aux marchés de la personne. Car la logique économique du profit sans limites fait des hommes des producteurs, des consommateurs et des ressources pour la production, jusque dans leur chair. Elle se nourrit de nos désirs et nous incite à désirer tout ce qui peut se produire et s’acheter, quitte à changer les lois pour produire et vendre sans entraves. Face à cette menace, le droit ne peut pas perdre sa mission civilisatrice. »

Il est bien peu probable que le Pr Delfraissy démissionne. Il est en revanche indispensable qu’il réponde aux critiques philosophiques qui le visent.

A demain

1 Sylviane Agacinski vient de publier : « Le Tiers-Corps, Réflexions sur   le don d’organes » Éditions du Seuil

Nicolas Sarkozy : il sent la France «suffoquer» ainsi qu’un «lien particulier» avec les Français.

 

Bonjour

Déjà, les roulements des tambours. « La guerre nous a été déclarée », (ré)affirme Nicolas Sarkozy. Cette fois c’est dans l’hebdomadaire Valeurs actuelles  daté de ce jeudi 11 août. La France « doit faire changer la peur de côté », ajoute l’ancien président de la République, faisant référence aux attentats qui ont frappé le pays depuis janvier 2015.

Selon Le Monde cet entretien est « sans doute le dernier avant l’annonce de sa candidature à la primaire de son parti », annonce programmée fin août. On a compris : le président des Républicains prépare le terrain. Et le terrain sera  sanglant :

« Je sens la République suffoquer (…) En vingt mois, il y a eu 237 Français assassinés ; ils le sont parce que les barbares qui nous attaquent croient que nous sommes faibles. »

Moïse et le mont Sinaï

Tambours et cavalerie …Pour mener cette guerre contre un ennemi (dont il ne cite jamais le nom), Nicolas Sarkozy évoque d’abord une réconciliation avec la Russie et une alliance avec les pays arabes pour mener des combats au sol, parce qu’« une guerre ne se gagne pas seulement à 10 000 mètres d’altitude ».

Cavalerie et génie… Sur le plan intérieur Nicolas Sarkozy trace le sillon dans la terre de France, et ce sillon est profond :

 « La France ne doit pas se perdre dans des débats abscons (…) l’Etat de droit par exemple, n’a rien à voir avec les tables de la loi de Moïse, gravées sur le mont Sinaï (…) la République ne reculera plus sur rien (…) Je veux qu’on le garde [le droit du sol] mais pas de manière automatique [évoquant une] présomption de nationalité, permettant de ne pas attribuer la nationalité à quelqu’un qui aurait un casier judiciaire à sa majorité, ou dont on pourrait prouver que ses parents étaient en situation irrégulière au moment de la naissance ».

Suffocation

Conscient de son retard dans les sondages sur les primaires (par rapport à Alain Juppé) Nicolas Sarkozy  assure ne pas y accorder d’importance. :

« J’ai un lien particulier avec les Français. Il peut se distendre, il peut se retendre, mais il existe. De Gaulle n’était pas détesté ? Et Thatcher ? Reagan ? Obama ? Merkel ? Et Mitterrand ? L’idée d’exister dans la vie des Français sans susciter de répulsion est folle. »

Tambours… La répulsion, la folie et la suffocation sont des entités rarement évoquées par les hommes politiques. C’est dire si l’heure est grave.

Sentir la France « suffoquer » ? Faute d’anaphore, on songe à cet usage métaphorique : « Vous ne croyez pas que toute arme soit bonne et légitime pour délivrer un peuple qui râle, qui suffoque? ». Il est signé d’un écrivain qui eu son heure de gloire : Alphonse Daudet. On le trouve dans un ouvrage trop méconnu intitulé « Tartarin sur les Alpes ».

A demain

Social-démocratie : la première salle de shoot de la capitale ne sera pas une salle de shoot

Bonjour

Encore un rêve passé, une couleuvre avalée. Les frondeurs n’étaient pas ceux qu’ils disaient être. A gauche l’extrême, même relative, s’essouffle vite. Corollaire: la fameuse car symbolique première-salle-de-shoot-de-la capitale n’en sera finalement pas une. L’information a été donnée par Le Monde (François Béguin) avant d’être confirmé par l’AFP puis reprise par France Culture qui a oublié de citer son confrère. Tout se perd, même les sources.

Enfants et toxicomanes

Marisol Touraine avait commencé à en parler il y a trois ans. C’était comme fait. « Salles de shoot : rien ne va plus la balle est à gauche ». Puis le Conseil de Paris devait autoriser le dépôt d’une demande de permis de construire au 39, boulevard de la Chapelle sur un terrain appartenant à la SNCF et situé proche des voies derrière la gare du Nord.  C’est alors  l’association Parents contre la drogue qui annonçait alors  la couleur : elle allait  déposer des recours devant le Conseil d’État et le juge judiciaire. «Il existe une loi qui interdit l’usage de stupéfiants en France. Au nom de quoi le permet-on dans le Xe arrondissement? s’insurgeait dans Le Figaro Serge Lebigot  président de cette association de protection contre la toxicomanie très proche de l’hebdomadaire Valeurs actuelles. On va attirer les dealers, créer une zone de non-droit et au final légaliser la drogue! ».

En octobre 2013 Rémi Féraud, maire (PS) du 10ème arrondissement de Paris annonçait que « la première salle de consommation de drogue à moindre risque située 39 boulevard de la Chapelle ouvrirait en novembre prochain ». Un terrain mis à la disposition par la SNCF.

Puis il y eut de nouveaux délais, des recours devant la juridiction administrative, une décision du Conseil d’Etat et finalement le besoin de passer par la loi. Vote en première lecture à l’Assemblée nationale pimenté de vifs et passionnants débats. Quatre ans plus tard l’expérimentation allait enfin pouvoir commencer. Sans doute dans un an. Avant la fin du premier quinquennat.

Patatras, voici que tout vient de s’éloigner à nouveau. Le projet va être déplacé du boulevard de la Chapelle, pour l’hôpital, voisin de Lariboisière (ancien « Hôpital du Nord »). C’est à nouveau Rémi ferraud(toujours maire du 10ème arrondissement) qui vient de parler sur le sujet. Ce qui était prévu ne l’est plus. L’ancienne implantation prévue, hier parfaite, est aujourd’hui « abandonnée » pour « des problèmes d’enclavement et de difficultés d’accès ». Sans oublier un campement de migrants situé à proximité qui créait  un « environnement urbain trop dégradé ». Loin de sa mairie et de ses ministères Paris devient vite une jungle.

« Le projet sera adossé à l’hôpital » indiqué Bernard Jomier, adjoint à la mairie de Paris chargé des questions de santé. Avec cette précision sémiologique : « l’accès ne se fera pas par la porte principale, mais par le côté ». a La nouvelle implantation choisie « indique clairement que c’est une problématique de santé publique ». Il faut « banaliser le dispositif » afin d’en « élargir l’adhésion politique ».  Beau comme de l’antique.

En clair, et au-delà de la finesse dialectique cette salle de shoot n’en sera pas une. Lors de l’enquête que nous avons menée pour Slate.fr (« Les coulisses politiques des sales de shoot »)  les partisans de cette avancée thérapeutique de santé publique que nous avons rencontrés étaient unanimes pour dire que ces espaces n’avaient de sens que hors de l’hôpital. Leur justification, leur raison d’être est de proposer un premier accompagnement hors des murs de l’institution, une main tendue là où l’hôpital n’est par définition pas. De ce point de vue il n’y a pas deux cents mètres entre les rails du 39 bd de La Chapelle et le pignon classé de Lariboisière. Il y a très exactement la distance, considérable, entre l’espoir et le renoncement.

A demain

Drogués : l’abcès tricolore du 39 boulevard de la Chapelle (Paris, 10ème)

C’était promis elle allait ouvrir. Mais le Conseil d’Etat vient de dire qu’un décret ne suffirait pas. L’ouverture de la première « salle de consommation à moindre risque » française est reportée. Sine die.

Il faudra désormais une nouvelle loi. Au mieux avant la fin 2014. Le feuilleton va commencer à se faire long.  

Dans les beaux quartiers de droite on applaudira. Dans les autres l’émotion prévaudra. Sur le pavé du boulevard du crime on continuera à se droguer dans l’obscurité. Et sur la belle place du Palais Royal des magistrats chenus continueront à dire le droit. Ainsi va la vie quand l’arthrose grippe les articulations du juridique et de la santé publique.

La France qui perd et qui a peur

On ne manquera pas de voir ici  l’ombre portée des prochaines élections municipales. D’autres investigueront et diront où est la faute. Si faute il y a. Ou maladresse. Ou incompétence (1). Mais peut-être n’y a-t-il là que l’expression d’un inconscient collectif : la France ne veut pas de salles de shoot. Contre toutes les démonstrations, contre la raison, contre même l’esprit contagieux de compassion. Elle ne voudrait pas de drogués soignés comme elle ne voudrait plus  des Roms sur son sol.

Une « certaine France » dira-t-on. C’est fort possible. Mais c’est celle que l’on entend et voit sur les ondes radiophoniques et télévisuelles. La France qui perd et qui a peur. Celle qui sécrète des anticorps contre un mal qu’elle croit pressentir. Des anticorps non protecteurs. Des anticorps cousins de germains, auto-immuns.

10 octobre. L’affaire a commencé avant l’aube. Anne Hidalgo sur France-Info.  La candidate socialiste à la mairie de Paris, Anne Hidalgo commente sur l’avis négatif du Conseil d’Etat sur l’ouverture de « salles de shoot ». Elle a ce mot : « Je ne crois pas à une salle de shoot à Paris avant les municipales ». Croire ?

Le communiqué de presse ministériel

Quelques minutes plus tard, communiqué du service de presse de Marisol Touraine, ministre de la Santé.. Il ne s’agit plus de croire mais de « sécurisation juridique du dispositif ».  Voici ce communiqué :

« Dans le cadre du plan gouvernemental de lutte contre la drogue et les conduites addictives 2013-2017, porté par la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT) et adopté le 19 septembre dernier, le gouvernement a confirmé sa volonté d’accompagner l’expérimentation d’un nouveau dispositif de réduction des risques auxquels s’exposent les toxicomanes :  les « salles de consommation à moindre risque». Ce sont des espaces supervisés par des professionnels permettant d’assurer un cadre d’usage sécurisé aux usagers de drogues injectables dans des conditions d’hygiène évitant les risques infectieux.

De tels espaces ont été ouverts dans plusieurs pays étrangers ; ces expériences ont montré que ces accueils permettent aux usagers de recevoir conseils et aides spécifiques, induisant une diminution des comportements à risque et des overdoses mortelles. Ont également été mis en évidence une réduction de l’usage de drogues en public et des nuisances associées.

C’est pourquoi, le gouvernement a souhaité apporter son soutien au projet d’expérimentation d’une salle de consommation à moindre risque à Paris, impliquant associations de patients et professionnels de santé. Un décret devant permettre ce type d’expérimentation a été préparé à cette fin et soumis pour avis au Conseil d’Etat.

Le Conseil d’Etat a procédé à l’examen de ce projet le 8 octobre dernier et a recommandé au gouvernement d’inscrire dans la loi le principe de ce dispositif pour plus de garantie juridique. Le gouvernement va travailler avec les acteurs concernés par ce projet à la sécurisation juridique de ce dispositif. »

Le droit français

Jargonneux mais tout est dit. Dans ce large mouvement international de politique de réduction des risques la France est devenue une exception. Une exception triste. Et la France jacobine, centralisée à l’extrême, la France hyper-juridique qui interdit les expérimentations autogérée sait ici aller à la manœuvre.

Depuis des lustres les « acteurs de terrain » avaient dit la nécessité, exprimés leurs souhaits. Depuis des lustres ils disaient l’urgence. La puissance publique sanitaire avait fait travailler ses services. Les expériences étrangères montraient que l’on pouvait sauver des vies, réduire les souffrances voire la fréquence des contaminations  dans la population. Sous le quinquennat Sarkozy la droite n’était pas radicalement hostile. Les choses avançaient à Bordeaux, à Marseille. Et à Paris, 37 boulevard de la Chapelle (10ème). Paris, municipalité socialiste.

Mme Dati et Mr Lamour

Puis la gauche prit le pouvoir. Elle avait toutes les cartes en main (mémoire-blog du 31 août 2012). Du moins le croyait-on. A la fin du mois d’août 2012 la droite monta alors au créneau après une prise de parole du médecin et député (PS) Jean-Marie Le Guen dans Le Parisien. La droite pure et dure, notamment sous les traits de JeanFrançois Lamour et Rachida Dati deux responsables parisiens de poids de l’UMP.

Mr Lamour : « Il n’existe actuellement aucun lien automatique démontré entre la fin de la prohibition et la fin des trafics. Toute tentative de dépénalisation ou légalisation est en réalité susceptible de se heurter à des stratégies d’adaptation des organisations criminelles. Le signal envoyé aux jeunes, à leurs familles ainsi qu’à tous ceux qui, sur le terrain veulent aider les toxicomanes à lutter contre leurs addictions, serait absolument négatif. »

Mme Dati : « Superviser la consommation de drogues, c’est banaliser leur usage.  J’appelle instamment le gouvernement à rejeter cette proposition insensée. »

Supermarché des drogues

Fin août 2012, Marisol Touraine, sur LCI : « Je travaille sur cette question depuis plusieurs semaines (…). Nous allons voir dans quelles conditions il est envisageable d’expérimenter de telles salles mais il faut que le travail se poursuive avec des élus, avec des associations concernées en particulier.  Pas de décision dans les jours qui viennent mais je pense que nous serons prêts assez rapidement. Nous avons des personnes qui se droguent dans des conditions sanitaires exécrables. Elles ne sont pas à même de retrouver le chemin du sevrage, d’être accompagnées. Il ne s’agit absolument pas d’ouvrir une espèce de supermarché de la drogue comme j’ai pu l’entendre. Nous regarderons les exemples qui existent, la manière dont ils peuvent être améliorés (…). Il ne s’agit pas de s’engager tête baissée dans un dispositif qui serait a priori défini pour toujours, il faut expérimenter le cas échéant avec des associations et des élus qui sont disposés à le faire. »

 Avant la fin de l’année (2012)

Fin octobre 2012 Mme Touraine annonçait que l’expérimentation parisienne commencerait avant la fin de l’année (mémoire-blog du 1er novembre 2012). L’Académie de médecine dit qu’elle était d’accord sur le principe mais qu’il fallait attendre dans les faits. Deux semaines plus tard (mémoire-blog du 18 novembre 2012) la ministre de la Santé annonçait le report de l’expérimentation parisienne. En juillet dernier le Premier ministre est attaqué pour « incitation à la consommation de stupéfiants ». Cible : le (toujours futur) centre d’injection supervisé du 10ème  arrondissement (mémoire-blog du 5 juillet 2013).

Le Conseil de Paris devait alors autoriser le dépôt d’une demande de permis de construire au 39, boulevard de la Chapelle sur un terrain appartenant à la SNCF et situé proche des voies derrière la gare du Nord.  C’est  l’association Parents contre la drogue qui annonçait alors  la couleur : elle allait  déposer des recours devant le Conseil d’État et le juge judiciaire. «Il existe une loi qui interdit l’usage de stupéfiants en France. Au nom de quoi le permet-on dans le Xe arrondissement? s’insurgeait dans Le Figaro Serge Lebigot  président de cette association de protection contre la toxicomanie  très proche de l’hebdomadaire Valeurs actuelles. On va attirer les dealers, créer une zone de non-droit et au final légaliser la drogue! ».

L’annonce du maire du 10ème

Il y a quelques jours Rémi Féraud, maire (PS) du 10e arrondissement de Paris annonçait que « la première salle de consommation de drogue à moindre risque située 39 boulevard de la Chapelle ouvrirait en novembre prochain ». « L’absence de permis de construire, l’opposition des riverains et un recours au tribunal administratif pourraient pourtant retarder le projet » observait alors Metro News qui consacrait un reportage parlant à ce sujet.

Boulevard du crime

La fin du feuilleton ? Non. On sait désormais ce qu’a jugé le Conseil d’Etat. Interrogé le service de presse de Mme Touraine nous a dit ne pas pouvoir nous communiquer l’avis du Conseil. Mais l’essentiel est désormais connu : il a « recommandé au gouvernement d’inscrire dans la loi le principe de ce dispositif pour plus de garantie juridique ». Et le gouvernement « va travailler avec les acteurs concernés par ce projet à la sécurisation juridique de ce dispositif. » Il faudra donc une nouvelle loi.  A l’heure du déjeuner, sur France Inter, Jean-Marie Le Guen espère que le centre parisien ouvrira avant la fin 2014.

Santé publique ou pas le droit est le droit. Dans les beaux quartiers de droite on applaudira. Dans les autres l’émotion prévaudra. Sur le pavé du boulevard du crime on continuera à se droguer. Salement, dans l’obscurité.

 

(1) Libération (daté du 11 octobre) cite Yann Bisiou, maître de conférence en droit privé à Montpellier-III : «Juridiquement, cet avis est excessivement surprenant et pas logique.» Il estime que la loi de 2004 sur la santé publique «permet l’ouverture d’une salle d’injection, surtout que c’est uniquement à titre expérimental».

Libération « voit bien le problème » : d’un côté, la loi sur les stupéfiants datant de 1970 interdit leur usage; de l’autre, la politique de «réduction des risques», qui permet déjà l’échange de seringues et les produits de substitution, suggère d’ouvrir au moins une de ces salles à l’utilité prouvée. Mais y a-t-il obligatoirement contradiction ? «Pas plus que le chirurgien qui opère un patient ne commet l’infraction de violences volontaires, le soignant qui mettrait un local d’injection à disposition d’un usager de drogues ne commettrait l’infraction de facilitation de l’usage illicite de stupéfiants», argumente M. Bisiou. Selon lui une simple circulaire pouvait suffire.