«Buralistes en colère» et «cannabis légal»: les ventes progressent un peu partout en France

Bonjour

La chronique du phénomène est fidèlement tenue par le site des buralistes français. Et force est de constater que la progression est rapide – à Paris comme dans de nombreuses villes, petites ou grandes, du pays.

Prenons le cas  rapporté par L’Est Républicain (Jacques Balthazard). On apprend qu’à Montbéliard, « Le Royal » est le premier dépôt de tabac presse « équipé depuis peu d’un rayon de produits dérivés du chanvre ». Ces derniers répondent à la réglementation en vigueur concernant ce type de produit naturel. D’où l’appellation donnée par certains de « cannabis légal ». On y explique que l’article R.5132-86 du Code de santé publique autorise certains principes actifs extraits du plant de chanvre tel que le cannabidiol. Sous réserve que la teneur en tétrahydrocannabinol (THC) soit inférieure à 0,2 %.

« Il n’y a pas d’effet psychotrope à ce taux. Les experts en pharmacodépendance appellent toutefois à la prudence, jugeant qu’il n’y a pas assez de recul par rapport à ce type de produits. Toujours est-il que ce dispositif réglementaire, qui pourrait évoluer dans un avenir proche, permet de commercialiser ces dérivés du chanvre sous forme de tisane, cristaux, huiles et autres liquides pour cigarette électronique. »

A Montbéliard « Le Royal » sera le premier à distribuer ce type de produits sous la marque « BuralZen® » (sic). « Une marque distribuée à l’échelle nationale dans le seul réseau des dépôts de tabac presse », précise-t-on. Le sachet de plantes à infuser de trois grammes est vendu au prix de 29,90 euros. Chacun des produits proposés est accompagné d’un rapport d’analyse réalisé par un laboratoire indépendant garantissant en particulier la teneur en THC dans les limites prévues par la loi. Les plants de chanvre sont cultivés en Suisse puis les dérivés sont envoyés chez un importateur en Lozère.

Macron et la diversification

Le phénomène vient de troucher Dijon, comme le rapporte Le Bien Public. Au « Petit Cîteaux » on trouve du CBD en liquide pour vapoteuse ou en sachet de fleurs de chanvre En une journée, les sept poches en stock ont toutes été vendues. Et d’autres buralistes de la ville suivent.

« ‘’C’est simple, Macron nous a dit de nous diversifier… Eh bien voilà, je me diversifie’’, s’amuse une buraliste dijonnaise.  buraliste. ‘’Entre la hausse du prix du tabac, les cigarettes vendues illégalement, etc. … cela fait du mal au métier. Je me suis donc lancée, il y a un an, avec le liquide pour cigarette électronique. J’étais obligée et je ne le regrette pas. Concernant le CBD, j’ai des clients qui m’en achètent pour arrêter de fumer des pétards, pour retrouver le goût, sans avoir les effets négatifs. Cela détend, soulage et, surtout, c’est légal ! »

Pour 10 ml de liquide Amnesia (dosé à 100 mg de CBD) c’est 19,90 euros ; pour un dosage plus fort, à 300 mg de CBD, on est à 39,90 euros, indique cette buraliste. « Notre marge est bien plus grande sur ces produits que sur un paquet de cigarette où l’on gagne maximum entre 20 et 30 centimes. Avec le CBD, c’est nous qui fixons les prix » ajoute-t-elle.

A l’origine de cette vague montante : l’association nationale « Buralistes en colère ». La Confédération nationale des buralistes a mis en place un « groupe de réflexion » sur ces « produits dérivés du chanvre » mais cette association a pris les devants avec la marque BuralZen®. Responsable nationale de la structure, Eric Hermeline explique que « l’enjeu est économique. Il s’agit de produits en plein essor. Le marché est conséquent. Il doit nous permettre de compenser, en partie au moins, les pertes enregistrées suite aux augmentations de prix du tabac ».

Agnès Buzyn et Emmanuel Macron avaient-il imaginé une telle « compensation » ? Quelle sera leur réaction ?

A demain

 

 

Affaire mortelle de Rennes : on sait désormais dans quels délais Paris devra être averti

 

Bonjour

Aussi étrange que cela puisse être il reste encore des failles dans le corsetage jacobin qui caractérise la France. On l’a vu lors de l’affaire de l’essai clinique mortel BIOTRIAL de Rennes. Des heures, des jours, presque qu’une semaine avant d’avertir par le menu les directions des administrations centrales concernées, d’alerter Paris, le ministère. Plus haut peut-être.

On avait, à Rennes, perçu l’irritation de Marisol Touraine d’avoir été informée après la circulation de la rumeur dans les milieux journalistiques. La situation aurait pu se reproduire dans une autre affaire, récente et mortelle : celle de Nantes 1. Ces décalages temporels ne devraient plus, à l’avenir, se reproduire. Le Journal Officiel de ce dimanche 27 novembre vient en effet de publier un décret circonstancié signé, pour Manuel Valls, par Marisol Touraine. Il est ici clairement des « événements indésirables graves » (EIG):

Pronostic vital

« Un événement indésirable grave associé à des soins réalisés lors d’investigations, de traitements, d’actes médicaux à visée esthétique ou d’actions de prévention est un événement inattendu au regard de l’état de santé et de la pathologie de la personne et dont les conséquences sont le décès, la mise en jeu du pronostic vital, la survenue probable d’un déficit fonctionnel permanent y compris une anomalie ou une malformation congénitale. »

« Tout professionnel de santé quels que soient son lieu et son mode d’exercice ou tout représentant légal d’établissement de santé, d’établissement ou de service médico-social ou la personne qu’il a désignée à cet effet qui constate un événement indésirable grave associé à des soins le déclare au directeur général de l’agence régionale de santé au moyen du formulaire prévu (…) ».

« Décret n° 2016-1606 du 25 novembre 2016 relatif à la déclaration des événements indésirables graves associés à des soins et aux structures régionales d’appui à la qualité des soins et à la sécurité des patients »

Fin des scoops ?

Reprenons : Tout professionnel de santé (quels que soient son lieu et son mode d’exercice ou tout représentant légal d’établissement de santé … ) qui constate un événement indésirable grave associé à des soins le déclare au directeur général de l’agence régionale de santé.  Certes. Mais dans quel délai ? La réponse est simple : sans délai :

 « Cette déclaration s’effectue en deux parties : une première partie effectuée sans délai, qui comprend les premiers éléments relatifs à l’événement puis, après analyse, une seconde partie effectuée dans les trois mois suivants, qui comprend les éléments de retours d’expérience ainsi que les mesures correctives prises ou envisagées ».

En théorie, et si les mots ont un sens, les médias ne devraient plus être informés avant la ministre de la Santé

A demain

 1 On avait officiellement appris, dans la soirée du 17 novembre par un communiqué urgent, que quatre patients adultes traités pour lymphome au Centre hospitalier universitaire (CHU) de Nantes avaient présenté des complications graves entre le 10 et le 13 novembre 2016. Et que trois d’entre eux étaient décédés.

Comme dans l’affaire de l’essai clinique mortel de Rennes la ministre de la Santé avait saisi l’Inspection générale des affaires sociales. Et l’ANSM, en charge de la sécurité des médicaments, avait « lancé une enquête ». Des résultats devaient être connus avant le 27 novembre. Force est de constater que ce n’est pas le cas.

Baclofène: la vidéo du Pr Maraninchi et les chiffres de l’assurance maladie

C’est un précieux document vidéo. Il éclaire -enfin- la position de l’Agence nationale de sécurité du médicament vis-à-vis de ce médicament encore illicite de la maladie alcoolique. Et c’est une mine d’informations chiffrées sur les prescriptions de ce même médicament qui est rendue publique par l’assurance maladie (1).

Une nouvelle histoire de la thérapeutique est-elle en cours d’écriture ?  Sommes-nous, comme le dit le directeur général de l’Agence du médicament, « proches d’une découverte »?  La « vraie vie » est-elle réductible aux essais contrôlés randomisés ? Quelles leçons la puissance publique peut-elle tirer des « essais sauvages » ?

Baclofène, suite. Avec la reproduction fidèle de « choses vues » (2). Cela se passait le 3 juin à l’hôpital Cochin de Paris. Nous avons déjà ici rapporté le premier acte cette forme de grand-messe œcuménique à visée thérapeutique. Le programme comportait un moment de choix : l’intervention, prévue à 11 heures, du Pr Dominique Maraninchi, directeur général de l’Agence nationale de sécurité du médicament (Ansm). Intervention à haut risque dans une enceinte où étaient en majorité présents des militants du baclofène ; ou plus précisément des militants de la libération immédiate et officielle du possible usage cette molécule dans une indication, la dépendance aux boissons alcooliques, qu’elle n’a pas.

Cocktail médical de résignation, d’indifférence et de fatalisme

Présidence assurée par le Pr Jacques-Louis Binet, secrétaire perpétuel honoraire de l’Académie nationale de médecine. En ouverture le Pr Didier Sicard avait dit solennellement ce qui pouvait être raisonnablement dit de cet ahurissant rapport que la médecine contemporaine peut entretenir avec les malades de l’alcool, cocktail de résignation et d’indifférence, de fatalisme et de déni –  puisqu’il semble bien établi que le déni, ici, peut avoir des vertus contagieuses.  Comment comprendre autrement l’infinie lenteur prise pour que l’institution commence non plus à nier mais à bien prendre en compte le « phénomène baclofène » ?

Deux millions de malades de l’alcool en France. Plus de cent morts prématurées par jour. Pourquoi avoir rayé de plusieurs traits de plume ces « programmes hospitaliers de recherche clinique » proposés en temps et en heure par le Pr Michel Detilleux (pôle médecine interne, polyclinique Achard, groupe hospitalier Cochin Saint-Vincent de Paul) ? Pourquoi avoir laissé collectivement se développer un phénomène médiatique autour d’un ouvrage destiné au grand public – prenant ainsi le risque de couper les ponts avec le milieu hospitalo-universitaire et les milieux officiels de l’alcoologie ? Et laissé des généralistes (plus de dix mille, chiffre Cnam) confrontés à la désespérante réalité de l’alcoolisme prescrire en dehors des indications officielles et à de très fortes doses – avec tous les risques que l’on imagine ? Pris le risque de mettre en place tardivement les indispensables essais cliniques contre placebo ? Et ce alors même que plus de 50 000 personnes malades de l’alcool – chiffre Cnam – Dr Alain Weill (1) – sont aujourd’hui sous baclofène et que ce nombre augmentera avec l’annonce (fin septembre 2013) de l’ouverture officielle d’une recommandation temporaire d’utilisation ? Et ce d’autant que les généralistes pourront, officiellement désormais, prescrire.

Une histoire de santé publique à écrire

La puissance publique n’avait-elle décidément aucune prise sur cette réalité grandissante ? Et si la chose est vraie, pourquoi ? Est-elle spécifique à la maladie alcoolique? Il y a là une histoire de santé publique qui devra être écrite. Mais aujourd’hui l’heure est plus à l’action qu’aux accusations rétrospectives, cet exercice qui se révèle toujours d’une déconcertante facilité.

Après le Pr Didiet Sicard la parole fut donnée au Pr Philippe Jaury, au Pr Michel Reynaud et au Dr Renaud de Beaurepaire . Tous les trois pilotent différentes tentatives pour, autant que faire se peut, apporter les lumières de la méthodologie statistique et de la médecine dans ce domaine si particulier de l’assuétude. Bientôt l’un des organisateurs, ce sera pendant la conférence de presse, remerciera le Dr Olivier Ameisen « d’avoir eu le courage de ne pas intervenir ». Formule inhabituelle – plus qu’une formule, un hommage.

C’était l’heure de la montée en chaire du Pr Maraninchi. On trouvera ci-dessous l’enregistrement vidéo de son intervention. De l’apport pédagogique, historique peut-être, de la vidéo dans cette affaire de santé publique Elle vaut d’être écoutée, analysée, commentée. On appréciera peut-être la conclusion:   nous sommes « proches d’une découverte ». Est-ce dire qu’elle a été faite ? Qu’elle reste à faire ? Qu’est-ce que sortir « du dogme de l’étude en double aveugle randomisée » ?

La vidéo de l’intervention du Pr Dominique Maraninchi est visible ici.

Question annexe: qu’est-ce que la « vraie vie »  ? Et qu’est-ce qu’une vie qui ne l’est pas vraiment  ?

 

(1)   On trouvera ici la somme des données chiffrées sur la consommation de baclofène en France, données rendues publiques lors du colloque du 3 juin à l’hôpital Cochin par le Dr Alain Weill (Caisse nationale de l’assurance maladie – Direction de la stratégie, des études et des statistiques)

(2) Choses vues. Ce jour, conseil radiophonique de Caroline Broué (La Grande Table, France Culture) à l’occasion d’une émission fort bien troussée sur Victor Hugo.  Philippe Mangeot, Geneviève Brisac et Marin de Viry discourent savamment et en viennent à tracer de curieuses correspondances (oratoires et émotionnelles) entre le Hugo en politique et le politique Jean-Luc Mélenchon. Solides remarques sur l’affadissement  du discours politique contemporain. Mais que pèserait la voix d’Hugo aujourd’hui avec des passages hebdomadaires chez Jean-Michel Apathie, Michel Denisot, David Pujadas et/ou Michel Drucker ?

Le conseil de Mme Broué : une nouvelle édition de Choses vues (Le Livre de Poche, Classiques).

Page 345 : « Le 18 août 1850, ma femme qui était dans la journée pour voir Madame de Balzac, me dit que M. de Balzac se mourrait. J’y courus. M. de Balzac était atteint depuis dix-huit mois d’une hypertrophie du cœur. Après la révolution de Février il était allé en Russie et s’y était marié. (…) Les médecins l’ont abandonné depuis hier. Il a une plaie à la jambe gauche, la gangrène y est.

Les médecins ne savent ce qu’ils font. Ils disaient que l’hydroptisie de Monsieur était une hydroptisie couenneuse, une infiltration, c’est leur mot, que la peau et la chair étaient comme du lard et qu’il était impossible de lui faire la ponction. (…) Une odeur insupportable s’exhalait du lit. Je soulevai la couverture et je pris la main de Balzac. Elle était couverte de sueur. Je la pressai. Il ne répondit pas à ma pression ».

Balzac est mort. Il reste un quart de siècle à Hugo