Propagande alcoolique sur You Tube : le Conseil supérieur de l’audiovisuel se moque de qui ?

 

Bonjour

Huit mois. C’est le temps qu’il aura fallu au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) pour ne rien dire, ou presque. On se souvient de l’absolue  tristesse alcoolique de « Recettes pompettes ». Un pauvre concept : inviter une célébrité en opération de promotion, et boire de l’alcool tout en essayant de préparer une recette. Le CSA interdisant l’utilisation d’alcool à la télévision Canal + avait  décidé de diffuser la chose sur YouTube [via Studio Bagel]. C’était en avril dernier. Avec ce communiqué adressé par la Direction Générale de la Santé :

« Le ministère des Affaires sociales et de la Santé condamne fermement cette initiative : les conséquences de la consommation excessive d’alcool sur la santé sont trop graves pour être prises à la légère. Il est regrettable et dangereux de laisser croire, en particulier aux jeunes, que l’ivresse serait un comportement anodin, voire valorisant.

Par conséquent, le ministère des Affaires sociales et de la Santé a demandé au producteur de l’émission de retirer la bande annonce et de renoncer à l’émission. Le ministère étudie par ailleurs les différentes voies de recours. »

Courroux printanier

Le producteur se gaussa ouvertement du gouvernement. Marisol Touraine ne donna finalement aucune suite à son courroux printanier.  Les pouvoirs publics avaient aussi agité le CSA, cette institution dont personne ne sait ce qu’elle fait, à quoi elle sert,  ni où elle va. On pensait tout cela enterré et « Recettes Pompettes » continuait à faire une promotion dégradante des ses invités alcoolisés. Or, huit mois plus tard, le CSA se manifeste. Voici le résultat :

Service « Les Recettes Pompettes by Poulpe » sur YouTube : qualification et mise en garde de l’éditeur

Date de publication : mardi 13 décembre 2016 -Assemblée plénière du 9 novembre 2016

« Le 8 juin dernier, le CSA avait informé la société Studio Bagel Productions qu’il considérait que la chaîne YouTube Les Recettes pompettes by Poulpe relevait du régime des services de médias audiovisuels à la demande (SMAD) défini à l’article 2 de la loi du 30 septembre 1986.

« Après avoir examiné les observations de Studio Bagel Productions, le Conseil n’a pas relevé d’éléments permettant une remise en cause de cette analyse et a confirmé que ce service constituait un SMAD.

« À ce titre, Studio Bagel Productions, l’éditeur du service, est donc tenu de respecter les obligations applicables à cette catégorie de services, en veillant notamment à appliquer les dispositions du décret du 12 novembre 2010 relatif aux SMAD et à la délibération du 20 décembre 2011 relative à la protection du jeune public, à la déontologie et à l’accessibilité des programmes sur les SMAD.

 « Après avoir visionné le premier épisode du programme Les Recettes pompettes, mis en ligne le 13 avril 2016, le CSA a constaté qu’il contenait de très nombreuses références à l’alcool [sic et re-sic] Il a considéré que ce programme, en assurant une présentation de l’alcool susceptible d’encourager le public à sa consommation, était constitutif d’une propagande en faveur de l’alcool, ceci en méconnaissance des dispositions de l’article L. 3323-2 du code de la santé publique.

Le Conseil a donc mis en garde l’éditeur contre le renouvellement d’un tel manquement. »

Tremblements

On imagine les tremblements affolés de l’éditeur  devant une telle « mise en garde ». Le CSA considère que la chaîne YouTube qui diffuse l’émission est un « média audiovisuel à la demande », et qu’elle doit notamment respecter les règles de protection du jeune public. Mais encore ? Rien d’autre.

Dans le même temps le gouvernement publie au « Journal Officiel » de nouvelles dispositions « visant à protéger les jeunes contre l’usage nocif d’alcool ». Selon le nouveau texte, réclamé par la Direction Générale de la Santé et la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA), tout vendeur d’alcool doit désormais obligatoirement exiger la preuve de majorité du client lors de l’achat. Des « bannières » rappelant les interdictions de vente aux mineurs ont été créées spécifiquement pour les sites internet de vente d’alcool en ligne.

La dernière vidéo en ligne de « Recettes Pompettes » alcoolise à la vodka deux « légendes » : Marina Foïs et Laurent Lafitte. En une semaine elle a été vue plus de 800 000 fois. Les soignants prenant en charge des personnes malades de l’alcool remercieront le CSA.

A demain

Les personnes trisomiques ont-elles le droit de s’exprimer à la télé ? Le CSA ne le pense pas

 

Bonjour

C’est un bien étrange abcès éthique. Il trouve son origine dans un « clip de sensibilisation à la trisomie » –  que l’on peut voir ici. On y voit des personnes jeunes. Et ces personnes sont trisomiques. Peut-on montrer ces images à la télévision ?

Ce clip vidéo avait été réalisé pour la Journée mondiale de la trisomie du 21  mars 2014. Il dure  2 minutes 30. En différentes langues sept jeunes trisomiques européens (dont des Français) s’adressent à une femme enceinte d’un enfant trisomique. A leur manière ils expliquent leur capacité à mener une vie qui peut, aussi, être heureuse. Et qui peut rendre heureux autour d’eux. Entre mars et avril  2014, plusieurs chaînes françaises en avaient diffusé un extrait de 30 secondes (à titre gracieux) dans leur espace publicitaire, à la demande des associations parrainant cette initiative.

Gardien du temple télévisuel

La vidéo a été vue plus de sept millions de fois sur YouTube. On entend notamment ces six mots : « Chère future maman, n’aie pas peur. » Ces six mots, ces images et cet air de piano sont perçus par certains comme proprement inacceptables. C’est le cas des belles âmes torturées du CSA. La diffusion de cette vidéo « au sein des espaces publicitaires des chaînes de télévision » avait entraîné une « intervention » de ce gardien du temple. En juin 2014 il l’avait estimée « susceptible de porter à controverse » et ne relevant pas d’un « message d’intérêt général » seule condition autorisant une diffusion gratuite pendant le temps publicitaire.

Double cauchemar assuré en somme : Minority Reports pour commencer (vous pourriez déranger les téléspectateurs sur canapé) – et interdiction de faire la charité au sein des gondoles de la publicité payante pour les gondoles de la grande distribution.

Conseil d’Etat sans avocat

Les sept jeunes trisomiques ont quant à eux estimé que cette « intervention » du CSA était de la « censure », que l’on bafouait leur droit à s’exprimer. « Ils ont ainsi été amené à saisir le Conseil d’Etat, dont l’audience se tenait mercredi 7  septembre, pour défendre leur droit à s’exprimer, nous explique Le Monde daté du 9 septembre (Charlotte Heymelot). Une démarche inédite. » Mieux : les sept ont choisi de saisir le Conseil d’Etat sans avocat, un geste symbolique. « Pour une fois, ils veulent que leur parole soit entendue, sans qu’on parle à leur place ».

La question est assez simple : une personne trisomique peut-elle s’exprimer à la télévision comme n’importe quel autre citoyen. On peut le dire autrement, plus brutalement : une personne trisomique est-elle une personne ? Bien évidemment la question se double, immanquablement, de celle du dépistage anténatal et de la question de l’avortement. Et la présence, dans l’action devant le Conseil d’Etat, de la Fondation Jérôme Lejeune (finançant  la recherche sur la trisomie 21, organisations du mouvement pro-vie et militant contre l’avortement) complique la donne politique.

Choix de vie personnelle

Le CSA ? Pour justifier sa position il avait indiqué que la finalité du clip (parce qu’il s’adressait à une future mère) pouvait « paraître ambiguë  et ne pas susciter une adhésion spontanée et consensuelle » 1. On appréciera ce jargon, ces empoulements corsetés. Dans un communiqué expliquant cette position, l’instance bien-pensante avait indiqué avoir reçu des plaintes, l’amenant à considérer le message du clip comme « susceptible de troubler en conscience des femmes qui, dans le respect de la loi, avaient fait des choix de vie personnelle différents ».

Le Conseil d’Etat ? Mercredi, la rapporteure publique lui a demandé de ne pas suivre les demandes des requérants, estimant que l’adresse du clip à une future mère lui conférait un aspect trop engagé, et donc non susceptible d’être diffusé dans un espace publicitaire. Chacun sait, sur son canapé, que la publicité télévisée est tout, sauf engagée.

A demain.

1 Communiqué du CSA daté du jeudi 31 juillet 2014 :

« Dans le cadre de ses missions, le Conseil ne cesse de soutenir toute initiative de lutte contre la stigmatisation des personnes handicapées et en faveur de leur insertion dans la société. A ce titre, il encourage l’ensemble des médias audiovisuels à donner une image profondément respectueuse de leur vie personnelle et sociale.

Concernant le message « Chère future maman » qui met l’accent sur les possibilités offertes grâce à leur entourage aux enfants trisomiques, le Conseil n’a nullement entendu gêner sa diffusion à la télévision. En effet, il a constaté que ce message présente un point de vue positif sur la vie des jeunes trisomiques et encourage la société à œuvrer à leur insertion et à leur épanouissement. 

Cependant, le Conseil a observé au vu de plaintes que, pour autant, ce message était susceptible de troubler en conscience des femmes qui, dans le respect de la loi, avaient fait des choix de vie personnelle différents. Il s’est borné à en tirer la conséquence que son insertion au sein d’écrans publicitaires était inappropriée. »

 

 

Alcoolisme -Web : Mmes Touraine et Azoulay censureront-elles une émission animée par Stéphane Bern ?

 

Bonjour

Renaud s’en sort, Stéphane Bern s’enfonce. Si le gouvernement ne fait rien, ce sera le 13 avril : « ‘’Recettes Pompettes’’ : le programme est une adaptation de l’émission québécoise créée par Eric Salvail. Le concept : inviter une célébrité, et boire de l’alcool tout en essayant de préparer une recette. Vu la frilosité du CSA (qui interdit l’utilisation d’alcool à la télévision) Canal + a donc décidé de diffuser la chose sur YouTube [via Studio Bagel]. Sept autres seront mis en ligne, un toutes les deux semaines. On ne sait pas encore qui seront les différents invités ».

Inauguration par Stéphane Bern pince sans rire « que l’on découvre chantant sur Je te donne de Jean-Jacques Goldman, tout en préparant un œuf mollet princier, un écrasé de pommes de terre à la roturière et un tourteau royal ». ‘’J’ai oublié de vous dire, avant de venir je n’ai rien mangé’’ peut-on l’entendre dire. Alcool et ventre vide ne faisant pas bon ménage, on retrouve un Stéphane de plus en plus pompette au fur et à mesure. Recette réussie ! » « STÉPHANE BERN IVRE POUR LES RECETTES POMPETTES ». Que dire, sinon la tristesse ? On peut aussi se révolter.

S’arsouiller sur la Toile

« S’arsouiller dans une émission sur le web, voilà le nouveau concept qui nous vient du Québec et que Stéphane Bern, l’ami des aristocrates, va inaugurer. » C’est le début de l’alerte, assez croustillante, que vient de lancer l’ANPAA. La suite :

« Il s’agit d’une série d’émissions intitulée, avec une désinvolture choquante qui se veut amusante, « Les Recettes Pompettes« . Et le slogan de l’émission ne dissimule pas son objectif : « Faire à manger, Boire de l’alcool ». Le principe est le suivant : une personnalité du monde du spectacle ou de la culture (un people) prépare une recette de cuisine et boit à intervalle régulier une importante dose d’alcool (un shot). Il finit naturellement l’émission complètement ivre. La bande annonce de l’émission n’épargne pas les scènes d’ingestion répétées et l’état final déplorable de Stéphane Bern. 

 « Cette émission stupide et désolante, dans laquelle les stars des médias banalisent et encouragent l’ivresse, va sans doute faire des émules parmi les jeunes alors que le binge drinking se développe. Bel encouragement des people à les imiter dans ces conduites dangereuses et avilissantes.

Le spectacle de la défonce

 « Cette émission offrant le spectacle de la défonce à l’alcool sera diffusée en France par You Tube sur le web, media préféré des jeunes dont le lobby parlementaire de l’alcool a obtenu en 2009 l’ouverture à la publicité. Le choix d’Internet pour diffuser cette émission permet de contourner les restrictions posées pour la télévision par la loi Evin et par le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA), car cette autorité n’a aucune compétence pour réguler le web. Après les vidéos de « neknomination » incitant les jeunes à la consommation massive d’alcool relayées en 2014 par des réseaux sociaux comme Facebook, cette émission idiote et pernicieuse montre, par son excès-même, la nécessité d’une régulation sérieuse du média internet sur le problème de l’alcool et particulièrement de ces éditeurs qui, étant hors sol, ne peuvent être tenus responsables des contenus qu’ils diffusent.

Par sa diffusion large sur You Tube, « Recettes Pompettes » sape les efforts de prévention et brouille tous les messages envers les personnes ayant une consommation déjà problématique. Que leur dire quand ils verront une émission mettant en valeur Stéphane Bern complètement « bourré » ? »

L’ANPAA demande aux deux ministres de la Santé (Marisol Touraine) et de la Culture (Audrey Azoulay) de faire cesser immédiatement ces émissions dégradantes qui incitent les jeunes à l’ivresse et valorisent une consommation d’alcool qui cause chaque année la mort de 50 000 personnes, représente la moitié de la délinquance routière et est impliquée dans 200 000 faits de violences générales. On attend les réponses de Mme Touraine et Azoulay.

Commentaires du Dr Lowenstein

« Nous imaginions plutôt le gentil Stephane Bern frôler l’overdose de Darjeeling….  Sur le principe c’est inacceptable. Je comprends la réaction de l’ANPAA (dont c’est une des missions de surveillance, ainsi que de porter plainte, quand cela est juridiquement possible…) et la soutiens complètement, nous a déclaré le Dr William Lowenstein, président de SOS Addictions. Attention, toutefois, de ne pas faire de zèle et de publicité contre productive à des initiatives aussi irresponsables que ringardes. »

« Plus largement, et éthiquement parlant, cela me fait penser au cas Thomas Thévenoud dont le livre « Une phobie française » (Grasset) lui fait faire la tournée des plateaux (« On n’est pas couché » ; « Le Supplément » ; I télé matinale; etc.), poursuit-il. Son addiction au pouvoir, son ambition et son narcissisme, enlèvent tout recul. Sa phobie administrative, ellipse intéressante pour dire que c’est chiant de remplir des papiers et surtout s’abaisser à payer (le kiné, les contraventions ou les impôts), est un écran pour cacher sa mégalomanie et son sentiment d’impunité: ‘’comment Moâ, un homme de cette valeur, destiné aux plus hautes fonctions, devrait s’abaisser à perdre son temps, son argent et son énergie à accomplir d’aussi basses et vulgaires taches citoyennes ? Je vaux tellement plus que cela….’’. »

Pour le Dr Lowenstein nous sommes-là, avec deux cas cliniques différents, dans de l’addiction à la lumière médiatique au stade terminal, métastasé, qui enlèvent toute réflexion de responsabilité et d’éthique. « Outre les malades de cette addiction quelles sont les (ir)responsabilités du barnum médiatique et éditorial, véritables dealers de ces substances toxiques… audimat…  buzz… notoriété…  You Tube… les chaînes télé… les maisons d’éditions… ;  nous ? »

A demain

 

Excitations sexuelles des parents d’élèves de maternelle : le sale fait divers devient une affaire exemplaire

Bonjour

C’était un fait divers ligérien. C’est en passe de devenir une affaire nationale. C’était un bien sale fait divers. Cela pourrait devenir une belle affaire. Aux frontières des affaires fantasmées du genre, de la politique et de la justice.

Nous avons rapporté sur ce blog, en trois textes,  l’essentiel des faits qui agitent depuis le 29 mars la commune de Joué-lès-Tours (Indre-et-Loire).  (Voir ici). Des faits fidèlement rapportés par La Nouvelle République. Pour l’essentiel des accusations aussi invraisemblables que gravissimes véhiculés par une vidéo salissant la Toile. Une vidéo de dix minutes, mise en ligne sur le site du collectif des Journées de retrait de l’école (JRE).

Parties de parties

Mme Dalila Hassan, qui se présente comme « responsable de la JRE 37 300 », y livre un récit accusateur : un garçon «  a expliqué que la maîtresse avait baissé son pantalon, qu’il y avait aussi (…) une petite fille à qui on a baissé le pantalon et (…) que la maîtresse a demandé à la petite fille de toucher ses parties génitales et au petit garçon de toucher les parties génitales de la petite fille et ensuite de se faire des bisous ». Elle dit se faire l’écho des craintes d’une mère tchétchène. A la fin de la vidéo, un slogan : « Vaincre ou mourir. »

Ecole de la République

C’est le week-end, en Touraine comme sur la Toile. En deux jours 54 000 personnes visionnent la vidéo. YouTube la retire le 31 mars, elle réapparaît le 9 avril. Dix mille autres internautes la regardent. Le nom de l’enseignante n’y est pas livré en pâture, bien sûr. On ne donne que celui de son école. Une école de la République.

La trame fantasmatique est connue : dans le sillage de l’action de  Farida Belghoul il s’agit de s’opposer à l’ » « abomination » de la « théorie du genre ». L’abomination n’est pas où l’on croit. Elle est chez les accusateurs qui ne voient qu’initiation à la masturbation en maternelle, utilisation itérative de sex-toys en peluche/ Le tout via les formidables « réseaux sociaux », en contournant les médias menteurs.

La passion de la ZEP

L’affaire allait s’étouffer, s’enkyster. Or voici que deux semaines plus tard  Le Monde (daté 12-13 avril) la réveille – une colonne à la Une (1). Le Monde raconte la souffrance de l’enseignante, blessée. Soutenue par les collègues, la hiérarchie administrative et les syndicats. Mais blessée.  « Les accusations sont tellement graves mais elles sont aussi tellement abracadabrantes que j’ai du mal à me dire que c’est bien moi qui suis visée, alors que je connais ce quartier depuis vingt ans, que j’ai choisi d’enseigner ici parce qu’il y a un travail passionnant à faire en ZEP, en équipe, avec les familles, les enfants… » raconte-t-elle au Monde (Mattea Battaglia).

Après quelques moulinets de JRE  et l’appel à des traducteurs la mère tchétchène n’a pas porté plainte. Elle semble dépassée par les évènements. Le Réseau éducation sans frontières a parrainé les enfants les plus âgés de la famille, il y a trois ans, quand leur demande d’asile a été rejetée. « Le père avait participé à la lutte armée contre la Russie, ils avaient fui les représailles pour arriver un peu perdus ici. Des collègues se sont cotisés pour le timbre fiscal de leur carte de séjour. Après, les liens se sont distendus » disent les responsables.

Le coup du tract

Le Monde rappelle aussique la veille de la vidéo un tract non signé, sans mention d’imprimeur, mais portant le logo de la liste du candidat UMP Frédéric Augis, a été distribué dans des boîtes aux lettres de La Rabière un « quartier sensible » de la ville. Et ce à la veille du second tour des municipales. « Philippe Le Breton [maire PS affichant la laïcité au fronton de la mairie, qui briguait un quatrième mandat] et sa majorité socialiste ont déjà bouleversé les valeurs de la famille en permettant le mariage pour tous, peut-on y lire. Depuis la rentrée, ils imposent l’enseignement de la théorie du genre (…). Je dis stop ! »

Grâce démocratique

Le 30 mars, l’UMP s’est imposée de peu face au PS favori : 206 voix sur 14 468 suffrages exprimés. Des recours en annulation ont été introduits devant le tribunal administratif d’Orléans. Le nouveau maire Frédéric Augis a refusé de répondre aux questions du Monde. Voilà qui est bien dommage. Pourquoi se refuser à la presse nationale ? Il aurait pu redire ce qu’il a déclaré à La Nouvelle République (datée du 10 avril). M. Augis avait dit haut et fort qu’il porterait plainte conte les auteurs anonymes du tract qui visait son adversaire. Un moment de grâce démocratique dans le Jardin de la Touraine.

Aveu

La grâce était bien là. On allait connaître la vérité vraie. Le 10 avril le maire reconnaissait, devant la presse  avoir, le 14 mars, adressé une lettre à une Jocondienne. Une lettre dans laquelle il écrivait :« Vous le savez comme moi, malgré les dénégations de la gauche de Philippe Le Breton, la théorie du genre est présente dans les écoles jocondiennes. » Une contre-vérité dénoncée par l’Education nationale.

La bonne réputation

Explications de M. Augis  : « J’ai envoyé cette lettre à titre personnel, car j’avais entendu une cinquantaine de personnes me parler de cette rumeur, il fallait les rassurer. » Dénoncer une rumeur en la confirmant ? Comprenne qui pourra. Mieux encore le nouveau maire n’exclut plus l’existence d’un tract venant de son propre camp. Sans qu’il soit informé de son existence. Des amis trop zélés?  Et l’institutrice qui aurait fait se dévêtir deux de ses petits élèves ? M. le maire a « entièrement confiance en elle ».   « Elle est de bonne réputation. Je suis contre toute stigmatisation. »

Pères jésuites

Et la plainte  annoncée ? M. Augis a réfléchi. « Je n’ai pas porté plainte car je n’ai pas subi un préjudice personnel » a-t-il bientôt expliqué. Joué-lès-Tours découvre son nouveau maire. Nul ne sait encore s’il a suivi l’enseignement des pères jésuites.

A demain

(1) Le Monde associe heureusement au reportage de Mattea Battaglia un point de vue de  de Jacob Rogozinski intitulé  « Contre la théorie du complot / La dédiabolisation du FN ouvre un espace à une nouvelle extrême droite qui colporte des rumeurs sur les juifs, l’islam ou les études de genre. Comment la combattre ? »

L’auteur, 60 ans, est philosophe. Après avoir été directeur de programme au Collège international de philosophie, il a enseigné au département de philosophie de l’université Paris-VIII et est actuellement professeur à la faculté de philosophie de l’université de Strasbourg. Proche d’abord de Jacques Derrida, il a développé dans ses œuvres une réflexion sur le mal et la terreur révolutionnaire qui s’inspire également de la phénoménologie d’Edmund Husserl. Il est notamment l’auteur du  » Moi et la chair : introduction à l’ego-analyse  » (Cerf, 2006)

 

 

L’Alzheimer de « Science et Avenir », un an après

Publier ou périr. On sait que c’est la dure loi des chercheurs. Mais vit-on bien en publiant dans les marges ? Car publier à ses règles. Il faut d’abord faire connaître à ses pairs le fruit de ses travaux. Et ensuite en informer le « grand public » par les habituels canaux médiatiques. Certains font parfois le chemin inverse. Un exemple très grand public de ce chemin inversé.

Avec l’exposé d’un thème qui pourrait intéresser  les élèves de l’Ehesp et leurs enseignants  

 6 octobre 2011.

 Jean-Daniel Flaysakier, journaliste médical de France-Télévisions postait un billet musclé sur son blog docteurjd.com . Musclé ou acidulé, c’est selon. Il y expliquait en substance que faire valider par la presse une hypothèse de recherche sans passer par les canaux habituels d’une bonne pratique scientifique était une pratique sportive en développement. Et il prenait en exemple  un épisode alors récent concernant la maladie d’Alzheimer et la prise de médicaments psychotropes en est un nouvel exemple.

« On tient enfin les coupables ! Anxiolytiques et hypnotiques de la famille des benzodiazépines voilà donc les médicaments qui sont liés à la survenue de la maladie d’Alzheimer, écrivait-il. J’exagère, mais à peine plus que ce qui a suivi la publication par le mensuel ‘Sciences et Avenir’ d’une interview du Pr Bernard Bégaud, pharmacologue à l’université Bordeaux II. Gros titres ‘Ces médicaments qui favorisent Alzheimer’, affichage dans les kiosques, reprises multiples, prise de parole par la rédactrice en chef de la revue sur YouTube : difficile d’oublier, si j’ose dire, la mise au pilori de cette famille médicamenteuse dans la genèse de cette démence tant redoutée. »

Et notre double confrère d’observer que l’étude annoncée n’était publiée dans aucune revue scientifique, que seule comptait la parole des auteurs. « Or, la règle veut, quand on est une équipe de recherches, surtout avec une notoriété certaine et quand on joue un rôle influent auprès des pouvoirs publics, qu’on soumette ses travaux à une revue de bonne facture, ajoutait-il. Une revue avec comité de lecture et  qui a un système de relecteurs, des ‘arbitres’. L’article est soumis à deux ou trois de ces relecteurs qui font un certain nombre de remarques. » Ce qui, on le sait ou l’on s’en doute n’est pas le cas de Science et Avenir, magazine de vulgarisation.

Autre sujet traité, ce jour là, dans le billet automnal de docteurjd.com : le supposé lien de cause à effet entre la prise de ces produits et la survenue de la maladie. Evoquant sa (folle) jeunesse et ses études (brillantes) d’épidémiologie à l’Ecole de Santé Publique de l’université Harvard (Boston) l’auteur aux nœuds à papillons  confesse avoir quasiment tout oublié, sauf une chose : « il est quasiment impossible de trouver un lien de cause à effet indiscutable entre l’exposition à une situation, à un produit ou un médicament et la survenue d’une pathologie chronique ».Sauf l’exposition d’ouvriers au monochlorure de vinyle ayant entraîné la survenue de formes rares d’angiosarcomes.

La chronicité n’est pas l’infection aigüe et l’épidémiologie est l’un des filles peut-être les plus volages (les moins sages)  des statistiques. On la manipule aisément et sous le charme elle peut vous dire une chose et son contraire. Puis faire en sorte de vous dénoncer à la police des polices Tous les statisticiens le savent, certains en ont souffrent encore. D’autre suivront qui entrent à peine dans la carrière.

Jean-Daniel Flaysakier conseillait alors opportunément  le Dr Dominique Dupagne , son blog et son billet ainsi qu’un document de synthèse de l’ISPED, institut dépendant de l’université Bordeaux II.

En clair rien ne permettait, faute d’une publication scientifique, d’affirmer la causalité entre la prise de benzodiazépines et la survenue de la maladie d’Alzheimer. C’était là « un manque de rigueur et une assertion scientifiquement inacceptables ».  « Dans les suites de la sortie de la revue, le Pr Bégaud a expliqué que ce qui était dit dans ce journal n’était pas le reflet exact de sa pensée. L’argument classique : la presse déforme tout, ajoutait encore Jean-Daniel Flaysakier. Mais à ma connaissance, ce pharmacologue réputé n’a pas porté plainte pour ‘enlèvement et séquestration’. Il n’a pas parlé à cette revue sous la menace d’une arme, il l’a fait de son plein gré en sachant qu’il enfreignait les règles auxquelles il est censé, en tant qu’universitaire et chercheur, se soumettre (…)  Je crois que le temps où les médias sauront faire la différence entre ‘association ‘ et ‘lien de cause à effet’ n’est pas pour demain. »

10 octobre 2012

Un an plus tard ce temps est-il venu ? Sans doute si l’étude sous-jacente à la publication de Science et Avenir est bien celle qui vient d’être publiée par le British Medical Journal (BMJ) et vantée par le service de presse de l’Insermqui donne à cette occasion l’essentiels des données.

Au final, les résultats d’analyses croisées sur une population montrent que les personnes ayant consommé des benzodiazépines pendant le suivi de l’étude présentent environ 50% plus de risque de développer une démence  par rapport à celles qui n’en ont jamais consommé. Mais encore ? C’est ici que les choses se compliquent. En écho aux interrogations formulées par Jean-Daniel Flaysakier les auteurs expliquent  que leur étude « ne permet pas d’affirmer qu’il y ait un lien de cause à effet ». Et ils ajoutent que c’est le cas « pour toute étude épidémiologique ».  « D’après nos analyses, l’exposition aux benzodiazépines des personnes âgées de plus de 65 ans est associée à un risque accru de démence. Même si nous ne pouvons prouver qu’il existe un lien de cause à effet, nous constatons que les individus consommant des benzodiazépines présentent environ 50% plus de risque de développer une démence durant le suivi, comparés à ceux qui n’en ont jamais consommé » souligne  Bernard Bégaud, l’un des signataires de la publication. Soit une version assez adoucie du titre de l’hebdomadaire vulgarisateur. Et une impasse.

Ces chercheurs recommandent encore « d’être plus vigilants » sur l’utilisation de ces molécules qui, toutefois, « restent utiles pour traiter l’insomnie et l’anxiété chez les personnes âgées » même si « leur prise peut entraîner des effets indésirables, tels que des chutes ». Avec ces nouvelles données confortant celles de quatre études antérieures, ils recommandent de « limiter les prescriptions à quelques semaines et de contrôler la bonne utilisation de ces molécules »« Nous doutons qu’une durée d’utilisation de l’ordre de quelques semaines puisse avoir un effet délétère sur le risque de démence » conclut Bernard Bégaud. Et un doute.

A ce stade, un Candide pourrait faire plusieurs remarques interrogatives. Quel est l’objectif d’une étude épidémiologique de ce type s’il est d’emblée acquis qu’elle ne pourra pas conclure à une relation de cause à effet ? Les données dans ce domaine n’étaient-elles pas suffisamment convergentes pour qu’on ne puisse pas faire l’économie d’une telle étude qui conclut sur le fond à des conseils de bon sens et à la nécessité de respecter les indications en vigueur de prescription des benzodiazépines ? Si de nouvelles études doivent être menées dans ce domaine pourquoi ne pas user des multiples compétences disponibles dans le secteur de la santé et de la recherche médicale à des fins autrement plus originales ?

Pour conclure en avançant suggérons un thème à multiples facettes et déclinaisons qui pourraient intéresser les élèves et leurs enseignants de l’Ehesp : tenter de comprendre les raisons profondes qui font que les médecins occidentaux de première ligne prescrivent, massivement et contre les règles en vigueur, des benzodiazépines chez des personnes âgées. Et proposer des actions visant à formuler d’autres réponses médicales aux demandes qui les induisent. Incidemment, plancher sur cette question: existe-t-il  une relation de causalité entre l’âge avancé et le fait de ne plus trouver ni le sommeil ni des raisons d’espérer ?