Chers lecteurs

Bonjour

Jean-Yves Nau est mort dans la matinée du dimanche 8 novembre, laissant derrière lui sa famille, ses amis – et de nombreux lecteurs.

Il est difficile de mettre un terme à un blog comme celui-ci. Parce qu’il est impossible d’égaler son style ; parce qu’il est difficile d’exprimer en mots la passion du journalisme et de la médecine qui était la sienne.

Mais il serait plus cruel encore de ne pas marquer la fin de ce flux de textes, qui était plus qu’un flux ; qui était un lien entre lui et vous, un lien essentiel pour lui et, nous l’espérons, pour vous.

 Jean-Yves Nau n’a sans doute jamais eu la sensation d’avoir écrit assez. Le journalisme et la médecine ont ceci de commun qu’ils ne connaissent pas de fin. Le corps des malades, comme le corps social, est un éternel recommencement fait de troubles à soigner, de maux à décrire. Jean-Yves Nau n’a jamais eu la sensation d’avoir terminé son ouvrage. Ce flux, ce lien entre vous, a toujours été la pierre angulaire de sa vie d’adulte, sans cesse renoué, sans cesse recommencé, jour après jour, mot après mot. Ce flux, ce lien était bien plus qu’un flux, bien plus qu’un lien ; c’était un fleuve, aussi solide, aussi large, aussi beau que cette Loire qu’il aimait tant.

C’est donc la fin du fleuve. Sinon la fin du fleuve, du moins son embouchure. 
Si, pour filer la métaphore, la Loire de sa passion s’est jetée dans le grand océan de la culture francophone pendant toutes ces années, c’est parce qu’il avait l’ambition de vous toucher, de vous informer, de vous donner une nouvelle perspective sur le monde.
Si il y est bel et bien parvenu, alors vous garderez un peu de sa sagesse, de son intelligence, de sa passion, de son amour de la médecine et du journalisme, qui nous l’espérons, survivront à ses mots, à son blog.

Et si les qualités qui furent les siennes, si son style et sa passion continuent de vous accompagner jour après jour, alors nous pouvons encore écrire, une toute dernière fois, ces mots qui ponctuaient chacun de ses billets ; ces mots d’espoir, qui étaient aussi, à sa manière, des mots d’amour :


A demain

Jean-Clément, son fils

Petit message porté à l’attention des fidèles lecteurs de ce blog

Chers lecteurs 

20/09/2020. En dépit d’une actualité foisonnante, ce blog va interrompre ses publications quotidiennes – durant quelques jours.  

Le temps, pour les lecteurs et l’auteur,  de faire une  courte pause – avant de reprendre, ensemble et au plus vite nos lectures, analyses, décryptages et commentaires de cette foisonnante et formidable actualité. Merci de votre fidélité 

« A demain »

J.-Y. N.

Autisme : enquête sur des pratiques prohibées. Le Pr Montagnier pourrait-il être inquiété ?

Bonjour

18/09/2020. Huit ans plus tard, rebondissement dans une affaire que l’on pensait oubliée. Et ce sur une initiative de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). L’ANSM vient ainsi d’annoncer avoir saisi le procureur de Paris quant à des pratiques de prescriptions médicamenteuses dangereuses chez des personnes autistes. L’agence en avait elle-même été informée fin 2019, via sa procédure de lancement d’alerte, par la présidente de l’association SOS Autisme, Olivia Cattan, et a, depuis, notamment recueilli des témoignages de parents et des ordonnances faisant état de ces prescriptions.

Pour la première fois le pôle santé publique du parquet a, sur ce sujet, ouvert une enquête le 11 septembre pour « mise en danger de la personne d’autrui » et « infractions tenant à la réalisation de recherches impliquant la personne humaine », annonce le ministère public. Les investigations ont été confiées à l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (Oclaesp).

Ainsi donc « certains médecins » prescriraient de médicaments en dehors de leurs autorisations de mise sur le marché (AMM) pour traiter des enfants atteints d’autisme. « Il s’agit, en particulier, de prescriptions de médicaments anti-infectieux (antibiotiques, antifongiques, antiparasitaires et antiviraux) sur des périodes longues de plusieurs mois mais également de médicaments destinés au traitement des intoxications aux métaux lourds (chélateurs) » précise l’ANSM. Qui ajoute :

« En l’absence de données cliniques, ces médicaments, utilisés en dehors de leur AMM, ne sont pas recommandés dans la prise en charge des troubles du spectre de l’autisme par la HAS. De plus, les anti-infectieux présentent des risques de survenue d’effets indésirables en particulier lors d’une exposition au long cours. Ils peuvent se caractériser, outre les effets digestifs, par des troubles cardiovasculaires, cutanés, ainsi que par d’autres troubles spécifiques à chaque antibiotique utilisé. Par ailleurs, l’utilisation d’antibiotiques sur une durée longue va contribuer à l’émergence d’une antibiorésistance qui diminuera l’efficacité du traitement en cas d’infection avérée. »

Selon Olivia Cattan, présidente de l’Association SOS Autisme (qui s’apprête à publier un livre sur ces pratiques) une cinquantaine de médecins seraient concernés, dans la mouvance de l’association Chronimed, fondée par le controversé Pr Luc Montagnier ; des médecins qui auraient ainsi traité quelque 5 000 enfants depuis 2012. Ces recherches illégales se seraient tenues dans un institut médico-éducatif situé dans le département des Hauts-de-Seine. « On voudrait vraiment que ça aille en justice et que ces médecins soient radiés » déclare Olivia Cattan.

En 2012 le Luc Montagnier, prix Nobel 2008 de médecine pour avoir co-découvert le du virus du sida, défendait l’idée d’une « piste infectieuse » pour expliquer l’autisme. Il affirmait, vidéos à l’appui, que les antibiotiques pouvaient améliorer l’état de la majorité des enfants concernés. Dans un communiqué, SOS Autisme fait part de sa consternation, et juge « impensable qu’aujourd’hui, cet établissement n’ait été l’objet d’aucun contrôle de la part des autorités concernées ».

A demain @jynau

Covid. Pourquoi Emmanuel Macron serait-il tout particulièrement mécontent d’Olivier Véran ?

Bonjour

17/09/2020. Les vents tourneraient-ils au coeur de l’exécutif ? « Quand Emmanuel Macron n’est pas satisfait, il le fait savoir. Ce jour-là, c’est le ministre de la Santé, Olivier Véran, qui en a fait les frais. Vendredi 11 septembre, lors du Conseil de défense consacré à l’évolution de la situation sanitaire, le président de la République a clairement exprimé son mécontentement à l’égard de son ministre des Solidarités et de la santé » rapporte Le Figaro  (Mathilde Siraud) ; une information retrouvée dans toutes les salles de rédaction parisienne.

Symptôme d’une forme de gestion incontrôlée de la situation ce sont les files d’attente devant les laboratoires d’analyses médicales et les centres de dépistage Covid, notamment dans les grandes villes, qui auraient déclenché l’ire du chef des Armées. « Le personnel est dépassé, les patients doivent parfois attendre plus d’une semaine pour savoir s’ils sont contaminés, explique Le Figaro. Dans le même temps, le gouvernement se félicite d’avoir fait de la France le troisième meilleur élève d’Europe en matière de tests hebdomadaires. »

L’argument n’a pas vécu bien longtemps. «Un million de tests par semaine, c’est bien beau, mais si les résultats arrivent trop tard, ça ne sert à rien», s’est emporté Emmanuel Macron, selon des propos rapportés. «La commande était plutôt claire, raconte un participant. Le président a demandé de revoir la stratégie en matière de tests.» Le courroux ne s’est pas arrêté là. Le chef de l’État s’est plaint que l’application de traçage StopCovid soit (comme on pouvait le prévoir) un fiasco : depuis son déploiement en juin, 2 millions de Français l’ont téléchargée. À ce jour, seulement 200 notifications ont été envoyées, informant l’utilisateur qu’il a été en contact rapproché avec une personne malade. 

«Pour l’instant, ça ne fonctionne pas. Mais il n’y a aucune raison, d’autant que le virus circule chez les jeunes, qui sont équipés de smartphone. Il faut trouver des leviers d’amélioration, communiquer, perfectionner l’outil technique», a demandé Emmanuel Macron, féru de techniques nouvelles. En fallait-il plus pour que certains interprètent l’annulation du point presse d’Olivier Véran, la semaine dernière, comme une sanction ? Non. «Connaissant le président, ça ne m’étonnerait pas du tout…», sourit un conseiller de l’exécutif. 

«C’est une succession de circonstances qui a fait que le ministre ne s’est pas exprimé», laissant la prise de parole au Premier ministre Jean Castex, corrige-t-on dans l’entourage d’Olivier Véran. . «La priorisation des tests a été demandée dès la mi-août. Nous maintenons la stratégie même si les points d’amélioration sont toujours discutés » Le ministre doit s’expliquer aujourd’hui à l’occasion d’un point presse consacré au virus. «Avec l’épidémie, il y a beaucoup de choses qu’on faisait normalement en trois mois qu’on fait désormais en une semaine. Tout le monde est en état d’urgence, sauf le ministère de la Santé», grince un ministre (anonyme) en première ligne sur la gestion de la crise sanitaire.

Est-ce bien vrai ? Agnès Buzyn aurait-elle mieux fait ? Olivier Véran est-il vraiment d’ores et déjà discrédité ? Emmanuel Macron et son entourage ne cherchent-il qu’à le tester ? Et que penser, sur ce dossier, du Premier ministre qui nous avait « déconfiné » ? Autant de questions qui, dans l’attente de la conférence de presse, parcourent et agitent les salles de rédaction.

A demain @jynau

Didier Raoult : pourquoi une majorité de Français lui fait-elle plus confiance qu’au gouvernement ?

Bonjour

17/09/2020. Le spectacle médiatique n’en finit plus, sa conclusion reste incertaine. Après des mois de mises en scène télévisées, de sombres coulisses politiques, de caricatures, d’ego chauffés à blanc, d’accusations croisées et d’invraisemblables polémiques médicamenteuses les chiffres sont là : un Français sur deux a une « image positive » du Pr Didier Raoult, microbiologiste à la tête de l’Institut hospitalo-universitaire Méditerranée Infection à Marseille. C’est la conclusion d’ un sondage de l’institut Harris Interactive pour la chaîne LCI publié le 16 septembre. L’enquête a été réalisée en ligne les 14 et 15 septembre 2020 sur un échantillon de 1.399 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus. En voici l’essentiel :

« Plus d’un Français sur deux (52%) porte aujourd’hui un regard positif sur le Professeur Didier Raoult, quand un tiers des Français (33%) déclare en avoir une mauvaise opinion et 15% ne pas le connaitre assez ou ne pas se prononcer. Une progression de la confiance de 7 points par rapport à une précédente enquête réalisée au mois de mai, qui peut s’expliquer notamment par une légère hausse de notoriété du Professeur marseillais auprès des Français (20% ne portaient pas d’opinion sur lui dans la précédente enquête, 15% cette fois-ci)

« Cette bonne opinion est particulièrement ancrée auprès des Français âgés de 65 ans et plus (68% contre 52% pour l’ensemble des Français) et des habitants de la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur (64%), région où enseigne le professeur. Les sympathisants de la France Insoumise (62%) et du Rassemblement National (72%) se montrent par ailleurs plus positifs à son égard. »

Et puis ce corollaire, tout aussi édifiant : « De manière générale, quand il s’agit de prendre la parole sur l’épidémie de coronavirus, les Français ont légèrement plus tendance à faire confiance à Didier Raoult qu’au Conseil scientifique missionné par le gouvernement : 46% déclarent avoir confiance dans les prises de parole du conseil scientifique quand les allocutions de Didier Raoult suscitent la confiance de 49% des Français (et même 87% auprès de ceux qui déclarent par ailleurs avoir une bonne opinion de l’infectiologue)

Avec, pour finir, un symptôme que ce phénomène a pris des proportions que la raison ne peut plus combattre : Interrogés sur le traitement qu’ils envisageraient s’ils étaient eux-mêmes atteints par le coronavirus, 4 Français sur 10 (41%) déclarent qu’ils souhaiteraient prendre le traitement à base d’hydroxychloroquine préconisé par le Pr Didier Raoult. Les Français portant un regard positif sur Didier Raoult se montreraient majoritairement enclins à prendre ce traitement (70%), qui attire particulièrement d’ailleurs les populations qui le soutiennent le plus : les Français âgés de 65 ans et plus (53%) ou les habitants de la région PACA (53%). »

La prochaine étape du spectacle battrait des records d’audiences télévisées : le Pr Didier Raoult opposé au Pr Jean-François Delfraissy, président (aujourd’hui de plus en plus critiqué par l’exécutif) du Conseil scientifique du gouvernement. Il semble, malheureusement, que les deux champions scientifiques s’y refuseraient. Il leur reste à nous dire pourquoi.

A demain @jynau

Covid reconnue maladie professionnelle ? Le gouvernement accusé de trahir la parole donnée

Bonjour

6/09/2020. C’est une nouvelle étape dans une affaire qui apparaîtra à beaucoup comme un scandale – si le non-respect de la parole donnée par l’exécutif en est un. Nous parlons ici des conditions dans lesquelles la Covid-19 pourra/pourrait, en France, être ou non reconnu comme une maladie professionnelle.

Rappel. Nous étions le 23 mars – six mois déjà. Et  nous évoquions l’incompréhensible, l’inacceptable situation faisant que le Covid-19 n’était pas, en France, reconnue maladie professionnelle chez les soignants. C’est alors qu’Olivier Véran, ministre des Solidarités et de la Santé prit la parole :

«  Hier, deux nouveaux médecins, un médecin généraliste et un médecin gynécologue, ont trouvé la mort en faisant leur métier. Ils ont trouvé la mort parce qu’il était médecin. Pour ses deux confrères, j’ai une pensée particulière, qui éclaire d’une lumière dramatique la hauteur de l’engagement des soignants au service de leurs malades. Nous ne les oublierons. Nous ne les oublierons jamais.

D’autres médecins, soignants, personnes portant assistance aux plus fragiles contractent le virus chaque jour dans nos hôpitaux, dans leurs cabinets ou au domicile de leurs patients. Pour tous ces soignants qui tombent malades, je le dis : le coronavirus sera systématiquement et automatiquement reconnu comme une maladie professionnelle. C’est la moindre des choses. Il n’y a aucun débat là-dessus. » 

Trois semaines plus tard, rien, en pratique, ne semblait avoir avancé et Le Monde (Bertrand Bissuel) soulevait la question au-delà des seuls soignants : toutes les personnes qui ont été atteintes par la Covid-19 en exerçant leur métier pourront-elles bénéficier d’une prise en charge spécifique par la Sécurité sociale ? « Oui, mais pas toutes : le gouvernement semble, en effet, vouloir réserver un tel dispositif à certaines catégories, évoluant dans le monde de la santé » croyait savoir le quotidien. Or plusieurs associations et organisations syndicales plaidaient, elles, pour une approche beaucoup plus large, pour l’ensemble des salariés touchés.

 Christophe Castaner, avait ainsi exprimé le souhait qu’un traitement analogue aux soignants soit réservé aux policiers. L’Académie de médecine s’était également dite aussi favorable à ce qu’elle ne bénéficie pas qu’aux seuls personnels de santé mais aussi à ceux qui travaillent pour « le fonctionnement indispensable du pays ».

Nous sommes le 16 septembre : la Covid-19 pourra être reconnue comme une maladie professionnelle, selon un décret publié, mardi 15 septembre, au Journal officiel. Mais à des conditions beaucoup trop restrictives, selon les syndicats et plusieurs associations. Estimant ne pas avoir été entendues lorsqu’elles furent consultées, début juillet, sur le projet de texte, ces organisations accusent le gouvernement de manquer à sa parole. La CFDT est « très en colère », a menacé son numéro un, Laurent Berger, mercredi 16 septembre sur RTL. Il dénonce « une trahison par rapport à la parole publique » des ministres sur le sujet.

Résumons. En cas d’infection par le SARS-CoV-2, le système de la reconnaissance automatique s’appliquera au « personnel de soins et assimilé », ainsi qu’à d’autres catégories d’actifs (employés de laboratoire, d’entretien, etc.). Il faudra qu’ils aient travaillé « en milieu d’hospitalisation à domicile ou au sein des établissements et services » dont la liste limitative est énumérée dans le décret. Sont aussi concernés les personnes occupant des « activités de soins et de prévention » dans des « établissements d’enseignement » et ceux qui transportent des malades, « dans des véhicules affectés à cet usage ». Ils pourront bénéficier de la mesure – mais uniquement s’ils ont été touchés par une forme sévère de la maladie, « ayant nécessité une oxygénothérapie ou toute autre forme d’assistance ventilatoire ».

« Regard bienveillant pour les maladies pendant le confinement »

« Au ministère de la santé, on répond qu’il n’est pas toujours évident d’identifier la pathologie, surtout quand un test PCR n’a pas pu être réalisé au début de l’épidémie (sic), nous apprend Le Monde (Bertrand Bissuel et Raphaëlle Besse Desmoulières). En revanche, si la personne est arrivée ‘’au stade de l’oxygénothérapie, il n’y a plus vraiment de doute ‘’.»

Mais qu’en sera-t-il des autres travailleurs, salariés ou pas, qui ne relèvent pas de la reconnaissance automatique, leur requête sera examinée par un comité d’experts indépendants. Toujours au ministère de la santé, on précise « qu’un regard bienveillant sera porté pour les maladies contractées pendant la période du confinement ». Mais pour beaucoup d’associations et syndicats, la procédure s’apparentera à un véritable « parcours du combattant » conduisant à des recours en justice pour établir que les problèmes de santé résultent bien du Covid-19

Cité par Le Monde Pierre-Yves Montéléon (CFTC) évoque notamment le sort réservé aux non-soignants qui sont « au contact du public ou de produits – par exemple, ceux qui collectent des déchets ». Laurent Berger : « On est loin de ces paroles extrêmement belles qui ont été dites au moment du confinement pour glorifier ces travailleurs ».

Des travailleurs que l’on disait alors « en première ligne ». C’était quand la France était, selon le président de la République, « en guerre » contre le virus. Aujourd’hui le pouvoir exécutif déclare qu’il nous faut apprendre « à vivre avec ».

A demain @jynau

Covid, 250 euros: face à la grève du dépistage, le gouvernement va-t-il envoyer la police ?

Bonjour

16/09/2020. L’affaire restait médiatiquement régionale. Elle prend soudain une ampleur nationale et risque de diffuser – plaçant brutalementle pouvoir exécutif devant ses responsabilités. Reprenons ce que nous en dit l’AFP ? La grève dans les vingt laboratoires d’analyse biologiques Biofusion du Tarn-et-Garonne, Haute-Garonne et Lot a été reconduite ce mercredi 16 septembre. Les salariés grévistes protestent notamment contre une «prime Covid» jugée insuffisante, a-t-on appris auprès de FO.

Or les départements de Haute-Garonne et du Tarn-et-Garonne sont classés en «zone rouge» de circulation active duvirus de la Covid-19.

C’est là une grève-symptôme : l’un des premiers mouvements de blocage dans des laboratoires de biologie médicale depuis la multiplication des tests virologiques (PCR) en France -des tests dont le nombre dépasse désormais le million par semaine dans une cacophonie sans précédent face à laquelle les autorités sanitaires sont dépassées. Corollaire : cet objectif, fixé par le ministre de la Santé Olivier Véran, est synonyme de travail à la chaîne pour les laboratoires, dont les personnels commencent à fatiguer. Et retrouvent les réflexes habituels des salariés – avec toutes les conséquences que l’on peut imaginer.

Le 7 septembre, une cinquantaine de personnes s’étaient déjà rassemblées devant le siège sarthois des laboratoires Laborizon au Mans, dans le cadre d’un appel à la grève pour dénoncer les conditions de travail des salariés. Hier, soixante-dix salariés de Biofusion (entreprise membre du groupe Inovie) se sont rassemblés devant un site à Montauban, a constaté un correspondant de l’AFP. Une délégation a ensuite été reçue par la direction mais «rien de bon n’en est sorti et la grève est reconduite. Le mot d’ordre de grève a été lancé par FO, la CGT et la CFDT.

« L’entreprise avait indiqué sur son site internet être dans l’incapacité d’assurer la prise en charge des bilans de santé et des dépistages Covid-19, ‘’sur tous les sites et tous les drives’’, sauf un ‘’qui fonctionne sous réquisition de la préfecture’’ » précise l’AFP. La déléguée syndicale CFDT a quant à elle expliqué à la presse que tout était «parti de la petite prime reçue comme prime Covid», c’est «la goutte d’eau qui a fait déborder le vase». Cette prime d’un montant de 250 euros «est dérisoire comparée à l’investissement du personnel qu’ils soient coursiers, secrétaires, techniciens, infirmières», selon elle.

Explosion sociale

Les syndicats demandent le paiement d’une prime Covid de 1.000 euros «sans condition d’attribution» parce que «nous sommes, nous aussi, en première ligne». «On a demandé une augmentation de 10% de nos salaires ainsi qu’une amélioration de la qualité de vie au travail parce que nous avons des effectifs qui sont toujours limite. On travaille en surcharge pratiquement tout le temps, même hors période Covid», assure la CFDT.

Plus grave peut-être, symptôme de la cacophonie et des peurs ambiantes : il y a vraiment une peur de l’agression physique après les agressions verbales. Les coups de téléphone ont été multipliés par dix. Les gens s’inquiètent, demandent à recevoir leurs résultats. Certains paniquent. «Notre plateau technique est capable de faire 1.500 tests par jour et nous sommes à 5.000. D’où le retard et l’agressivité des patients qui s’inquiètent de ne pas avoir leurs résultats en temps et en heure. (…) Pour toutes les secrétaires ou techniciens, c’est lourd à porter et très stressant» expliquent les syndicats.

Début septembre, François Blanchecotte, président du Syndicat des biologistes (SDB), avait alerté sur un risque d’«explosion sociale, si les personnels de laboratoires privés décidaient de se mettre en grève», rappelant qu’ils n’avaient rien obtenu lors des accords du « Ségur de la santé ». Pourquoi ?

A demain @jynau

Politique. La «5G» au pays des Lumières, des Amish et des ascenseurs pornographiques

Bonjour

16/09/2020 Sont-ce les toujours les médias qui rabaissent les débats ? Au lendemain de la publication, dans Le Journal du dimanche, d’une tribune d’élus écologistes et de gauche réclamant un moratoire sur le déploiement de la 5G en France, Emmanuel Macron a pris la parole. Cette tribune était signée par 70 élus de gauche et écologistes, dont le chef de file de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon et le député européen (Europe Ecologie-Les Verts) Yannick Jadot.

Le Président de la République s’est insurgé, lundi 14 septembre, contre des responsables qui « estiment qu’il faudrait relever la complexité des problèmes contemporains en revenant à la lampe à huile ». « Je ne crois pas au modèle Amish », a-t-il plaisanté. Les Amish, ces anabaptistes d’origine suisse apprécieront-ils cette méchante pique 1 ?

« La France est le pays des Lumières, c’est le pays de l’innovation. On va tordre le cou à toutes les fausses idées. » Le choix de la 5G, « c’est le tournant de l’innovation », a insisté le chef de l’Etat devant une centaine d’entrepreneurs de la « French Tech » réunis dans la salle des fêtes de l’Elysée. On appréciera le rapprochement que fait le président entre le « pays des Lumières » et le retour à la « lampe à huile » (pourtant en usage au temps de Voltaire).

En charge de développer la pensée présidentielle, Cédric O, le secrétaire d’Etat chargé de la transition numérique, a donné un entretien au Monde (Vincent Fagot). Il y soutient que la 5G est « indispensable à la France ». Extraits :

« Soyons très clair : il y a des interrogations chez certains de nos concitoyens. Elles sont légitimes et nous devons y répondre méthodiquement, en nous fondant sur ce que nous dit la science. Or, l’ensemble des agences sanitaires des pays du monde entier, dont l’Anses [l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail], ont toujours indiqué qu’il n’y avait pas à ce jour de raison de penser que la 5G représentait un risque supplémentaire par rapport à la 4G ou aux autres radiofréquences, pour lesquelles la France possède des normes de protection parmi les plus élevées du monde 2 .»

Que répond-il, le secrétaire d’Etat au maire hyper-écologiste de Grenoble, Eric Piolle, pour qui la 5G ne sert « qu’à regarder du porno dans les ascenseurs » ? « Ces propos reflètent une méconnaissance étonnante pour un ingénieur et un mépris des Français qui ne sert en rien l’environnement » estime Cédric O.

La question, complexe, aurait pourtant mérité de plus longs dégagements. Pourquoi les ascenseurs ? Sont-ce les médias qui rabaissent les débats ?

A demain

1 La première règle Amish est : « Tu ne te conformeras point à ce monde qui t’entoure ».

2 C’est à dire vrai un tout petit peu plus compliqué : Nau J-Y, « On peut être raisonnablement inquiet face à la « 5G ». Voici pourquoi », Revue Médicale Suisse 2020; volume 16. 380-381

Covid politique : les propos au vitriol d’un rapporteur de la commission d’enquête du Sénat

Bonjour

15/09/2020. Le ton, la température, montent dans les médias. Le pouvoir exécutif, le passé et le présent, est la cible de mille et une nouvelles flèches. Dernier (et passionnant) exemple en date l’entretien accordé au Monde  (Chloé Hecketsweiler et Solenn de Royer) par le Dr Bernard Jomier, sénateur de Paris (apparenté Parti socialiste) – corapporteur de la commission d’enquête parlementaire du Sénat chargée de faire la lumière sur la gestion de la crise sanitaire.

En voici des extraits édifiants :

«Ce qui me frappe, d’abord, c’est le désarroi des acteurs de terrain que nous auditionnons depuis juillet. Ils ont eu le sentiment d’être livrés à eux-mêmes lors de cette première vague épidémique et de ne pas comprendre comment était pilotée, gérée, cette crise. Ils nous l’ont dit crûment, évoquant une pénurie, de masques, de tests, de tout. Et il leur a été insupportable d’entendre ministre ou haut fonctionnaire affirmer le contraire, tenter de jouer sur les mots. On ne joue pas sur les mots dans un contexte pareil. Le premier devoir des responsables, c’est la loyauté vis-à-vis du peuple, vis-à-vis des acteurs ayant été en première ligne. Ils nous doivent la vérité. »

« Agnès Buzyn [ministre de la santé jusqu’à la mi-février] a dit la vérité : elle a bien donné l’alerte dès le mois de janvier. Les premières réunions de crise ont eu lieu à ce moment-là, y compris dans des territoires. Dans les Hauts-de-France, par exemple, l’agence régionale de santé [ARS] a fait sa première réunion de crise le 23 janvier ! Or, cette alerte précoce – et c’est l’un des grands enseignements de nos auditions – n’a pas été suivie de décisions. Le mois de février reste un mystère, un trou noir. L’appareil d’Etat est resté l’arme au pied, sans prendre les décisions qui s’imposaient pour faire face à l’épidémie. (…)

« Sur les tests, c’est très net. Le 10 janvier, les Chinois transmettent la carte d’identité du virus à la communauté scientifique dans le monde entier. L’Institut Pasteur la reçoit, prépare le test, et le transmet au Centre national de référence. Puis, plus rien. Au même moment, les Allemands lancent la fabrication des tests à grande échelle. Que s’est-il passé au mois de février pour que les retards s’accumulent ainsi au point que la France s’est retrouvée complètement dépourvue en plein pic de l’épidémie ? »

Le Monde précise que les sénateurs organiseront, le 16 septembre, une confrontation inédite, délicate, entre le directeur général de la santé, Jérôme Salomon, et l’ex-responsable de Santé publique France, François Bourdillon. « Le second assure avoir alerté le premier de l’état déplorable des stocks de masques… Devant l’Assemblée nationale, M. Salomon a justifié sa décision de ne commander que 100 millions de masques en 2018 alors que 1 milliard auraient été nécessaire pour reconstituer le stock… » rappelle le quotidien. Réponse :

«On constate qu’un certain nombre de personnes auditionnées veulent redessiner a posteriori la cohérence de leurs décisions. Il y a clairement chez certains la volonté de ne pas dire, de ne pas être franc, de tenter d’échapper à ce devoir de loyauté dû au peuple. On ne peut pas avoir vécu une telle crise sanitaire, avec des modes de gestion n’ayant pas été satisfaisants, et avoir des responsables publics, aux niveaux les plus élevés qui n’assument pas leurs responsabilités et se renvoient la balle. C’est intolérable. Notre commission d’enquête n’est pas un tribunal mais chacun doit dire la vérité des faits. »

Or Agnès Buzyn assure de son côté qu’elle n’a pas eu connaissance des courriers de François Bourdillon alertant la direction générale de la santé sur l’état catastrophique des stocks…

« Si c’était le cas, il s’agit d’un défaut de gouvernance majeur dans l’administration du ministère et elle doit l’assumer. Si elle était au courant, ça se passe de commentaire. De toute façon ce n’est pas entendable. Quand on est ministre, on assume tout. (…)

« Les mêmes causes produisent les mêmes effets. Le pilotage n’est toujours pas adapté : la lutte contre l’épidémie a été confiée à un conseil de défense, qui se réunissait à huis clos à l’Elysée, assisté du SGDSN [Secrétariat général à la défense et de la sécurité nationale, rattaché au premier ministre]. Or, ce n’est pas une instance où peut s’élaborer une politique de santé publique. A côté, le conseil scientifique donne son avis de temps à autre, des sociétés savantes émettent des recommandations et les médecins se disputent sur les plateaux de télévision. Mais où se discute la stratégie de dépistage ? Nous avons besoin d’une véritable instance de santé publique. A ce stade, notre dispositif reste donc insuffisamment solide pour répondre aux prochains épisodes épidémiques. »

C’est dire si l’on attend, avec un vif intérêt, les conclusions de la commission d’enquête parlementaire du Sénat

A demain @jynau

Overdose mortelle : l’ « Uber Eats » de l’héroïne sera-t-il reconnu comme coupable ?

Bonjour

15/09/2020. On connaît le cas où le responsable d’un débit de boissons alcooliques  est accusé d’avoir laissé trop boire un client en sachant qu’il se mettra bientôt à son volant. Doit-il être reconnu responsable, coupable, en cas d’accident de la circulation ?

C’est une question proche mais comme inversée qui est aujourd’hui soulevée à Besançon. Un jeune homme âgé de 23 ans a été mis en examen et écroué après avoir vendu de l’héroïne particulièrement pure à une femme de 48 ans décédée d’une overdose – annonce faite par le procureur de la République de Besançon.

Le suspect a été mis en examen pour «trafic de stupéfiants» et «homicide involontaire». Il «livrait à domicile entre 20 à 30 clients pas jours (…) une héroïne pure à 24 %, soit trois à quatre fois plus pure que ce qu’on trouve à Besançon», a expliqué le procureur, Etienne Manteaux, lors d’une conférence de presse. «C’était l’Uber Eats des stupéfiants, un phénomène qui monte», a-t-il ajouté. Unber Eats appréciera-t-il ? Engagera-t-il une action en justice ?

Déjà condamné pour trafic de stupéfiants, le jeune homme avait été interpellé par les enquêteurs de la sûreté départementale de Besançon qui ont saisi quelque 650 grammes d’héroïne, 182 grammes de cocaïne, quelques grammes d’ecstasy et 6.000 euros en numéraire. Un complice a également été interpellé et mis en examen pour «trafic de stupéfiants». Il a été placé sous contrôle judiciaire.

« Début novembre, une femme qui sortait d’une cure de désintoxication était décédée d’une overdose. L’amie qui se trouvait avec elle et qui avait prévenu les secours avait également été victime d’une overdose, mais avait survécu, rapporte l’AFP. Elles s’étaient faites livrer de l’héroïne à domicile pendant la soirée.

Les policiers de Besançon ont remonté leurs contacts téléphoniques. Ils ont «emmagasiné beaucoup de temps d’écoute» pour finalement identifier et interpeller «cet individu, qui n’aura plus la possibilité de fournir de la drogue à un très très grand nombre de clients», a relevé la commissaire Juliette Dupoux, cheffe de la sûreté départementale de Besançon. Jusqu’à quand ? Après l’action médicale et le travail policier, la justice devra se prononcer.

A demain @jynau